Je savais, je sentais. Il ne restait plus longtemps à Abel. Sa souffrance se terminerait enfin, mais est-ce que j’en avais envie ? C’était égoïste de répondre que non, je ne voulais pas qu’il ferme ses yeux et qu’il me quitte pour de bon. Avant que son départ soit vraiment effectif, une dernière personne fit son apparition dans la chambre. Je ne m’étais pas vraiment attendu à la voir, je savais qu’elle ferait mieux que son mari et je savais au fond qu’elle s’en voulait pour ce qui s’était passé. Moi de mon côté, je ne lui en voulais pas, c’était tombé sur Abel, mais ça aurait pu tomber sur n’importe qui d’autre. C’était la faute au destin plus qu’autre chose.

Je laissais Blake parler à Abel sans rien dire de plus en même temps tout le monde avait quelques choses à lui dire et je n’allais évidemment rien de dire, je n’en avais plus la force, d’autant plus quand je remarquais que la respiration d’Abel c’était finalement arrêter. Il venait de s’éteindre devant nos yeux. La blonde vint alors soutenir mon regard qui lui transmettait tout ce que j’avais besoin de lui communiquer. Éloigner les filles, mes filles, le temps que je m’occupe de ça. J’étais bien décidé à faire ce qui devrait être fait. Elle allait sans doute le dire aux autres ou peut être que les filles dehors suffiraient à faire comprendre qu’Abel était parti. Mon regard se posait sur elle une dernière fois alors qu’elle partait me laissant seule avec la dépouille de l’homme que j’avais aimé.

- Je viendrais te retrouver après…

Ma voix s’était brisée dans un souffle, j’entendais la porte qui se fermait derrière elle, j’étais désormais seul avec la dépouille d’Abel. Je ne savais pas combien de temps j’avais devant moi avant qu’il ne se transforme et je ne voulais de toute façon pas jouer avec le feu. Je sortais ma dague qui était restée dans son fourreau. J’en avais tué des mobs avec cet objet et ce serait donc lui le prochain. Mon cœur se serrait, ma respiration devenait de plus en plus saccadée. Je me glissais alors dans ce lit avec son corps désormais sans vis. J’attrapais son corps pour le plaquer contre le mien, je passais mes doigts dans ses cheveux une dernière fois avant de presser doucement cette lame contre sa tempe.

J’avais oublié que le crâne humain était aussi dur, les larmes coulaient de mes yeux alors que son sang commençait à couler de cette blessure qui venait de l’empêchait de se transformer en rodeur. Je n’avais pas voulu attendre de voir ses yeux devenir blanc ni même un râle rogue sortir de sa gorge, je ne voulais pas qu’il puisse ressemblait à tous les autres que j’avais croisés. Je voulais qu’il garde sa dignité dans sa mort. Les larmes redoublèrent d’intensité et je pleurais maintenant, je savais que les autres m’entendraient sans doute pleurer, mais cela n’avait plus d’importance, j’avais besoin d’évacuer et maintenant qu’il était mort cela me paraissait être le bon moment.

Au fond de moi et pour la première fois depuis longtemps, j’avais envie de m’écroulais et ne plus vivre. Pour la première fois depuis le début de cette merde, je me rendais compte que la vie n’était pas un jeu…

A sa sortie de la chambre, un silence religieux s'était installé dans la pièce commune. C'était sans aucun doute la présence de Victoria qui avait fait cesser les chuchotements. Mais aussi la tristesse que tous ressentaient envers Tamara. Ils savaient ce qu'il était en train de se passer à l'intérieur. Blake le savait et maintenant qu'elle avait pris en charge les deux filles, son rôle était de les éloigner le plus possible. Que Victoria ne puisse pas assister aux larmes de certains, aux effondrements d'autres.

Installées bien plus loin, la tête de Victoria contre sa clavicule, Elie endormie au creux de son bras, Blake avait posé les lèvres au sommet du crâne de la plus vieille. Malheureusement, la petite brune se redressa, inquiète et torturée par le sort qui attendait son père. D'un geste rapide, la militaire posa la main sur sa joue, obligeant Victoria à la regarder. Cherchant à obtenir toute son attention pour qu'elle puisse correctement lire sur ses lèvres, Blake plongea le regard dans celui rempli de larme de la petite. « Il faut... » S’humectant les lèvres Blake eut du mal à trouver les mots. « Il faut être courageuse. ». La petite avait perdu sa mère déjà. Et maintenant, elle perdait son père. « On prendra soin de vous. Toujours. Tu comprends ? Toujours. » D'un geste tendre, elle ramena les longues mèches brunes de Victoria derrière son oreille. « Vous êtes ce que nous avons de plus précieux. » Ramenant la petite contre elle, elle enroula son bras autour de ses épaules.

Baissant les yeux sur le bébé endormi contre elle, Blake eut la gorge serrée. Elle avait oublié ce que ça faisait de tenir un si petit être. L'innocence complète, l'insouciance totale. Même si son avenir ne s'annonçait pas réjouissant avec l'absence de son père, Blake se rattachait à l'idée qu'elle n'avait pas à le vivre. Qu'elle ne garderait aucun souvenir de cette triste soirée.  Un des deux enfant était épargné et ne traînerait pas une insupportable tristesse dans un coin de sa tête. Timidement, n'osant presque pas faire, Blake leva le bras pour poser son nez contre le front du nouveau né. Les yeux fermés elle renifla l'odeur du bébé. A cet instant, elle eut envie de fondre en larme. De se mettre à pleurer et ne plus s'arrêter. Pleurer jusqu'à l'épuisement total. Malgré tout ce qu'elle pouvait bien croire, tout ce qu'elle voulait se convaincre, Blake ne maîtrisait rien dans cette vie. Elle en avait encore la preuve ce soir.