Je crois que je viens de le toucher, j'en reviens pas. Je ne suis pas une tireuse hors pair mais je me débrouille et aujourd'hui mieux que jamais. Des flash du corps de la jeune femme inerte me remontent, putain faut vraiment pas que je pense à ça. Je m'essuie les yeux à l'aide de ma main moite et me dis que s'il est touché c'est le moment pour lui en remettre une dans les dents. Alors je prends mon courage à deux mains. Je me redresse brusquement près d'Eli et tire un coup dans la direction du molosse.

Je me baisse aussitôt et entends son deuxième grognement. Je l'ai encore touché. Je tourne ma tête vers Eli, le regard plein d'espoir. Si seulement on pouvait entendre un gros BOUM qui signifierai qu'il s'est écroulé, HS. Je pense à Ao dont on a aucune nouvelle, les larmes me montent. Et puis ma meilleure amie qui est plutôt du genre à ne pas se laisser faire, je prie pour qu'elle n'ai pas pris trop de risques. Je prends la décision de me relever juste un peu, mes yeux dépassent du comptoir. J'aperçois le molosse mais mon regard est surtout attiré par une silhouette près de la porte défoncée qui se cache, prête à attaquer.

J'me demande ce qu'ils sont en train d'foutre. Aodhan, Roza, s'ils sont eux aussi aux prises avec quelques uns de ces types là. J'ai pas vu d'autre passage dans l'arrière salle. C'est peut-être qu'une inattention d'ma part, mais c'est possible qu'ils se soient retrouvés ailleurs dans l'bâtiment sans pouvoir nous rejoindre. J'espère juste qu'ils ne sont pas coincés...

Le géant doit être déstabilisé ; c'est l'moment d'lui mettre sa pâtée. J'me glisse sur le côté du comptoir pour tirer une nouvelle fois, décharger une balle qui fond encore dans le décor. Putain. J'pensais être plus doué qu'ça. La visibilité n'joue pas en notre faveur. Il y a le stress, aussi, qui joue sûrement à m'faire rater. Pourtant, quand j'reviens à couvert et que Calypso s'redresse à son tour, j'entends clairement le signe qu'elle vient de lui en mettre une seconde. J'lui retourne de gros yeux surpris, d'autant plus frustré de ma faible chance.

Reste à savoir combien de balles le tas de muscles pourra encaisser avant d'tomber. J'secoue la tête, priant pour qu'un miracle nous tombe dessus et nous sorte de cet enfer.

Spoiler:

J'presse encore la gâchette pour canarder l'autre con. Mais il ne sort plus qu'un mince filet d'vent du canon. "P'tain." Un murmure angoissé, quand il faut se hâter de lever l'épaule pour ramener le sac sur mon flanc, m'acharner sur la fermeture éclair pour enfin parvenir à l'éventrer. J'y plonge la main à la recherche de mes munitions, captant le cliquetis de l'arme de Calypso qui elle aussi vient à bout de son chargeur.

Ce sont quelques secondes durant lesquelles nous sommes beaucoup trop vulnérables. Il n'en faudrait pas plus à l'autre type pour nous fondre dessus et nous achever. Même blessé. On ne l'entend plus. Il a cessé de tirer. Peut-être nous attend-t-il sagement, peut-être est-il enfin claqué. J'ouvre la boîte entre nous deux, me presse d'enfiler les balles dans le cul de l'arme, laisse la brune faire de même.

Et puis, un coup de feu fend l'accalmie. Ça pourrait être n'importe quoi, n'importe qui ; alors, on finit de recharger, jusqu'à enfin pouvoir se raccrocher à l'accent salvateur de la russe. J'en ai le souffle coupé, une seconde, puis lâche un long soupir soulagé. J'remballe le reste des munitions dans mon sac, tends une main à Calypso pour nous remettre sur pieds ensemble.

"Tu t'en es mieux sortie qu'moi, Caly." C'est soufflé brièvement, les traits tirés, alors qu'on s'avance sans perdre plus de temps vers la porte d'entrée.

Il y a Roza, devant nous, de l'autre côté d'une voiture garée. Le flingue du géant entre les mains, pointant vers le sol ; elle vient certainement de lui donner le coup de grâce. Je hausse brusquement la voix,"Roza ! Leurs renforts s'sont annoncés par radio, ils vont nous tomber d'ssus dans moins d'deux minutes !" Difficile de jauger l'temps qu'on aura passé à se défaire du molosse, mais il n'fait aucun doute qu'ils auront précipité leur venue. J'peste, avance déjà en courant pour contourner le bâtiment. Articulant, entre deux foulées, "Aodhan, qu'est-ce qu'il fout ?"