J'ai touché ce connard deux fois. On ne l'entend plus, plus rien ne se passe. Est ce le calme avant la tempête ? Je me demande s'il nous attend bien caché dans un coin près à nous canarder au moindre de nos gestes. Mon arme est vide, celle d'Eli aussi. Il sort les munitions qu'il a emporté pour nous ravitailler. Je remplis mon chargeur ce n'est pas le moment de manquer de balles. Surtout avec ce qui nous attend. Combien ils vont être, quand vont ils arriver ? Trop de questions auxquelles nous n'avons aucune réponse.

Et puis un coup de feu retenti devant la boutique, entre les voitures. Je sursaute, regarde Eli et me demande si c'est Roza ou Ao. Et je pense aux renforts qui doivent arriver d'une minute à l'autre. On est foutu. Le soulagement, le corps qui se détend juste un peu. L'accent de ma meilleure amie, ma russe qui vient nous sauver la mise. Eli m'aide à me relever en me tenant la main. Cette main je ne la lâche pas tout de suite je la garde dans la mienne et la sert fort avant de sortir de la boutique complètement déglinguée. Mouais. J'aurai préféré ne pas avoir à la tuer.. Un regard vers le corps inerte de la jeune femme, j'aurais pu éviter ça.

J'enjambe les décombres et m'élance vers Roza, je la sers furtivement dans mes bras. J'sais que c'est pas le moment pour toute l'émotion et le reste mais rien à foutre, j'avais juste peur ne pas la revoir. Elle vient de régler son compte au molosse, un beau travail d'équipe. Eli lui annonce la venue de renforts pendant que moi je guette autour de moi, à la recherche d'Ao. Il est où putain ? Ouais, il est où Roza ? Ma voix se brise sur la fin, je ravale mes larmes.

Aodhan s'occupe donc de trouver ces foutus médicaments. J'comprends pas où est-ce qu'il est en train de fouiner si c'est pas dans la pharmacie elle-même. Est-ce que ces types auraient planqué leurs réserves ailleurs ? Pour le moment, il faut déjà le rejoindre.

On a tout juste le temps de faire quelques foulées en direction de l'entrée du bar. Plus loin dans la rue, on entend le grincement lourd de la caisse lancée à toute vitesse. J'tourne la tête, considère avec effarement la belle équipe qui vient à nous. Déjà, l'air est fendu par le claquement des balles. Plus inquiétant encore, on devine les grognements morbides de rôdeurs en approche, par l'autre côté de la rue. Une seconde menace bientôt confirmée par la russe. "P'tain !" J'cours sur quelques mètres pour m'réfugier derrière une caisse, pas loin de celle que Roza a choisi comme abri. Un g'noux au sol, j'me penche plus franchement quand les vitres pètent sous les tirs ennemis. Un sifflement puissant, assourdissant ; une balle m'a frôlé la tempe, traîné une brûlure au dessus de l'oreille avant de s'éclater dans la façade de l'immeuble. J'presse la paume une seconde sur la blessure avant de choper la radio, parler à voix haute pour couvrir le bourdonnement qui m'pollue l'cerveau.

"Ao, des rôdeurs sur l'flanc gauche ! On est d'vant, et on a d'la compagnie..." Qu'il comprenne bien qu'il est pour le moment encore seul. Avec un peu d'chance, les morts seraient attirés de notre côté et lui laisseraient une fenêtre de sortie. Avec beaucoup d'chance, ils préféreraient s'en prendre à ces enculés de nazis. Je rabaisse le talkie, le clipse à ma ceinture pour reprendre mon flingue à deux mains. L'adrénaline atténue la douleur, mais n'aide pas franchement à réfléchir.

Je cherche Ao, Roza me répond qu'il cherche des médicaments. Le soulagement m'envahit mais c'est de courte durée. Un bruit de voiture, des coups de feu qui retentissent juste derrière nous. Je me retourne et voit les fameux renforts qui foncent droit sur nous. Mes yeux s'ouvrent en grand, la panique qui surgit. Eli et Roza sont déjà en train de se ruer derrière des voitures pour se mettre à l'abris. Je suis près du bar, je m'apprête à aller me réfugier près d'Eli quand une balle vient heurter mon épaule gauche. Je hurle, je trébuche. La douleur est telle que j'en perds mes esprits l'histoire de quelques secondes.

Je suis parterre ma main droite comprime ma blessure et mon corps se relève enfin. Il faut que je me planque sinon ils vont me descendre comme une vulgaire merde. Je remercie l'adrénaline de couler dans mes veines à cet instant précis. La douleur est intense mais je cours sans m'arrêter derrière une carcasse de voiture à quelques mètres d'Eli. Je m'assois puis m'adosse sur la portière avant. Je défais mon écharpe et tente de la nouer autour de mon épaule, j'sais vraiment pas comment on procède dans ces cas là j'ai vu ça que dans les films.

Les larmes me coulent à cause de la douleur mais il faut que je dépasse ça. Ce n'est pas terminé, j'entends les rôdeurs et ces connards. On est pris au piège on ne doit pas se laisser abattre. J'sais plus trop quoi faire alors je respire un grand coup et prends mon arme dans ma main droite pour pouvoir tirer sur celui qui viendra pour me faire la peau. J'entends Eli qui appelle Ao en renfort, je prie pour que tout se termine vite. Mais je ne dois pas être au bout de mes surprises. Je n'appelle ni Roza, ni Eli pour venir m'aider il y a plus urgent que mon épaule.