Le message d'Aodhan est relativement clair. Il a trouvé ce dont on a besoin. Il ne reste plus qu'à savoir comment charger la voiture et se tailler dans tout ce chaos. L'idée de laisser les nazis et les rôdeurs en tête à tête a tout son charme.

Un hurlement. Puissant, déchirant. Il ne faut qu'une fraction de seconde pour reconnaître la voix de Caly à travers tout ce boucan. Je tourne la tête vers elle, gueule en un bête réflexe, "CALY !!" J'la vois trébucher, se replier. Le sang diffuser une large tâche ferreuse sur son vêtement. Bordel. Pas elle. Pris de panique et porté par une dose terrifiante d'adrénaline, je me relève, restant penché pour accourir au plus vite vers la brune. Derrière, je devine les pas de la russe qui vient prendre ma place pendant que je rejoins la blessée. Se replier, ça me plaît bien.

"Caly, viens, on rentre !" Elle s'est déjà bandé le bras d'une écharpe, mais elle ne pourra pas se soigner correctement dans l'urgence. La porte d'entrée du bar n'est qu'à quelques mètres derrière nous. On peut s'y risquer. Il va falloir s'y risquer.

Je passe un bras dans son dos avant de franchement m'y glisser pour faire bouclier. La relever avec moi pour avancer en catastrophe vers notre seul refuge possible. C'est sans compter sur le destin qui tient à s'acharner. Un rôdeur, à ma droite, me cueille dans un grognement épuisé. J'ai juste le temps de lâcher Calypso avant de me faire entraîner par la bête qui tombe au sol avec moi. "'Tain..." Le dos cogne dans la neige, alors que j'esquive in extremis un premier coup de mâchoire. Le bras en travers de la gorge du mort, sous les éclats de salive toxique et l'haleine putride, j'essaie de glisser ma main libre jusqu'à mon couteau.

Adossée à cette carcasse de voiture j'attends avec mon arme, prête à tirer. Le sang coule sur mon vêtement, une grosse tâche s'est formée. Finalement Eli arrive vers moi d'un air précipité. Je n'arrive plus trop à suivre ce qu'il se passe, c'est un véritable foutoir. J'entends le cocktail molotov de Roza, les flammes qui crépitent. Avec grand plaisir ! Ouais, je suis pour le repli. Ce n'est pas mon genre d'abandonner mais là ça sent le roussi.

Je me redresse sur mes jambes, Eli passe son bras dans mon dos alors que ma main droite tient mon silencieux avec fermeté juste au cas où. C'est un gros risque que nous prenons, complètement à découvert mais nous n'avons vraiment plus le choix. On va le plus vite possible, les pas résonnent dans mon bras blessé. Je pleure de douleur sans vraiment sentir les larmes qui roulent sur mes joues. Mon regard est fixé sur la porte du bar complètement défoncée, nous y sommes presque seulement... Je sens Eli qui me lâche comme si on l'avait agrippé. Ce n'est pas une supposition. Un rôdeur l'a chopé, il se retrouve parterre le dos dans la neige. Je ne cherche pas vraiment à comprendre, braquant mon flingue sur le crâne du rôdeur je lui tire une balle alors qu'Eli maintient sa tête.

L'homme pourri avec son coeur à découvert s'écoule sur mon ami qui s'en débarrasse rapidement. Il se relève alors que moi, je m'écroule à mon tour. Un tire, un putain d'autre tire dans ma direction que je me prends en plein cuisse. Deux endroits, la même douleur c'est trop pour moi. J'attrape mon écharpe avec ma bouche pour pouvoir hurler en silence, c'est juste insupportable. Je ne maitrise plus rien, j'ai juste envie qu'on me laisse crever là.

Il étire son cou vers moi, craquelle les lambeaux de chair qui recouvrent à peine les tendons rongés par le mal. Les yeux blancs, fou, d'un être qui aura été humain mais n'est plus rien. Je force, résiste d'un bras, serrant le flingue qui pointe misérablement vers le sol. Avant que je ne dégaine mon couteau, je ressens le choc brutal de la balle qui lui transperce le crâne. Le son de la viande éclatée me fait passer le bourdonnement sourd. Me donne la nausée.

J'écarte vivement le cadavre pour me redresser. Je me remets sur mes pieds, mais l'on est déjà sous une pluie de balles. Sur le seuil de la porte, je sens une douleur vive me traverser le bras gauche, au dessus du coude, projeter mon poids vers l'avant tandis que Calypso s'écroule d'un même tonnerre, fauchée à la cuisse.

Je râle furieusement, trébuche pour rejoindre la brune à quatre pattes sur le sol. L'adrénaline fait son effet, me pousse à forcer sur mes appuis pour saisir la jeune femme par la taille, la soulever et franchir le dernier mètre avant de nous glisser à couvert.

"Bordel... Merde..." J'la sens, la chaleur qui s'échappe de mes veines pour se répandre à l'intérieur de mon manteau, dont la doublure perforée fume encore. Derrière, comme devant. La balle a traversé. Ça fera ça de moins à aller chercher. J'relâche Calypso pour l'asseoir dos au bar, me retourne en ignorant au mieux le mal qui me fusille les nerfs. Brièvement, je balaie la pièce du regard. Vois Aodhan, qui m'a semblé disparu depuis bien trop longtemps. "Ao, bouge ton cul, on déplace tout c'qu'on peut pour bloquer l'entrée !" Dès que Roza aura franchi les portes, cela va de soi.