Roza et Aodhan s'éloignent à l'arrière du bâtiment. La russe me laisse un talkie à la main, m'arrache un petit soupir. "Z'êtes paranos." Si ce sont des vivants à l'intérieur, j'ai encore assez foi en l'humanité pour espérer qu'ils ne nous tranchent pas bêtement la gorge. Faut croire que c'est pas l'cas de tout l'monde.

On recule un peu dans la neige, avec Calypso. De quoi rester discrets. J'reste à ses côtés, en brave protecteur. "J'espère aussi." Qu'on ne tuera personne. Elle sent des regards peser. Je hausse un sourcil, lève la tête vers l'étage en posant une main rassurante dans son dos. "J'sais pas trop... Sans doute." S'il y a du monde là dedans, c'est certain qu'on attiserait leur curiosité.

Il suffit de quelques minutes plantés dans le froid et en silence avant que la radio ne grésille et crache l'accent prononcé de Roza. J'rapproche l'appareil de mon oreille pour entendre plus distinctement l'message brouillé. Enfin, un minimum d'action. "Rrrrreçu." C'est répondu rapidement, dans un mince sourire, à voix basse également. J'tourne la tête vers Calypso et lui fais signe de s'approcher avec moi. "On vire la barrière et on s'prépare à entrer. On va essayer d'pas faire trop d'bruit."

J'attends pas pour revenir vers le bâtiment, marcher à grandes foulées jusque devant la porte d'entrée. J'prends la barrière à deux mains pour la soulever avec l'aide de la jeune femme, déloger l'un des pieds d'son socle en béton et doucement reculer pour la pivoter. Assez largement, pour s'faire un bon passage et pouvoir s'casser en courant en cas d'besoin urgent. J'marmonne dans l'col de mon manteau, l'souffle un peu étranglé par l'effort, "On aurait quand même pu s'contenter d'frapper." Un regard vers la brune, en recherche d'un peu d'soutien. J'veux pas croire qu'j'suis l'seul à encore imaginer un peu d'bonté dans c'pauvre monde. On repose la barrière, j'souffle et viens m'coller au mur avec elle, chacun d'son côté d'la porte. "Quoi qu'il arrive, j'entre en premier, ok ?" Si on tombe sur une bande de rôdeurs, l'est pas question qu'elle s'fasse croquer.

Je doute vraiment qu'on soit les seuls ici, ce serait bien trop simple. J'en fait part à Eli et il me rassure, porte une main dans mon dos. Je lui souris comme pour le convaincre qu'on va y arriver, ensemble ça devrait passer tout seul. Je tape des pieds dans la neige pour tenter de les réchauffer quand on entend la radio, le grésillement puis la voix de Roza. Mon coeur accélère son rythme, et s'ils avaient été repérés ? Il y a l'air d'y avoir du mouvement, faut qu'on en profite pour dégager l'entrée. Je secoue la tête en souriant alors qu'Eli vient d'imiter l'accent de Roza. Il se relève et me fait signe de le suivre tout en me donnant les instructions. Ok chef.

On s'avance rapidement vers le portail tout en prenant soin de ne pas faire trop de bruit. Quoiqu'il se passe je suis prête à dégainer, l'adrénaline fera le reste. Je pose mes mains sur le portail gelé et commence à le porter avec Eli pour pouvoir dégager la voie. C'est assez lourd mais ça ne nous prend pas beaucoup de temps. J'suis de ton avis. Mais on est peut être un peu trop naïfs tous les deux. Du coup je préfère écouter les deux guerriers là. Je viens de murmurer ces quelques mots après m'être essuyer le front, l'effort m'a donné chaud. Je regarde les environs alors qu'on se colle tous les deux au mur de chaque côté de la porte. Je le fusille du regard, j'suis pas une enfant je pourrai très bien entrer la première. Mais j'crois pas que ce soit le moment de se prendre la gueule maintenant. Comme tu voudras. Je m'adoucie rapidement, faut se détendre, avoir l'esprit clair histoire de pouvoir se défendre quoiqu'il arrive.

Le talkie grésille à nouveau. Mais ça n'est pas la voix de la russe. J'me le colle à la tempe, fronce les sourcils, ai tout juste le temps de deviner la voix d'un homme. J'coupe la transmission. Il sera pas nécessaire de répondre. "Merde." J'murmure, le coeur battant brusquement une bonne dose d'adrénaline. J'tourne les yeux vers Caly. "Ils ont d'la compagnie. C'est l'moment." Faut profiter du fait qu'ils soient repérés pour se glisser discrètement. Avec un peu d'chance, nos hôtes seront tenus occupés un p'tit moment.

J'fourre la radio dans l'fond de ma poche. Une main toujours accrochée à mon couteau, l'autre tente d'ouvrir la porte. Verrouillée. Bordel. Faut faire vite. Faut faire silence, aussi. J'tire sur le mécanisme vers le haut du mieux que j'peux, frappe le battant de l'épaule dans un cognement sourd. Un douloureux rappel de la soirée passée avec Ian, durant laquelle l'articulation a foutu l'camp l'espace d'un instant. "Hmf..." La porte résiste. J'réitère, plus fort.

CRAAAC

J'ouvre les yeux comme deux grosses billes. Le battant se dérobe sous l'impact mais cède dans un boucan particulièrement sonore. "Hem..." Sans doute que le bois était un peu pourri... Quel con.

La lumière du soleil perce à l'intérieur depuis l'ouverture forcée. Mais les vitres bouchées empêchent d'y voir clair. L'obscurité reste dense. Rapidement, j'cale mon couteau entre mes dents, ouvre mon sac, en sors la lampe torche et le referme. J'allume le faisceau droit d'vant nous. C'est bien une pharmacie, mais il y a pas l'air de rester grand chose à piquer. En reprenant l'arme en main, j'avise un signe du menton à Calypso. "On fouille vite fait, mais on perd pas d'temps." Profitons qu'il n'y ait personne pour le moment.

Edit:

Je le sens pas, genre vraiment pas. Encore moins quand j'entends le talkie qui grésille et qu'une voix d'homme se fait entendre. Je ne comprends rien mais ne reconnais pas celle d'Ao. J'ai une boule au ventre, le coeur qui bat fort contre ma poitrine. Eli m'annonce que c'est le moment, qu'il faut passer à l'attaque maintenant. Je suis à deux doigts de renoncer pour aller voir ce qu'il se passe et puis je me rappelle que c'est le plan. Fais chier ! Je me décolle du mur et regarde Eli qui se défonce l'épaule. Je m'apprête à lui offrir mon aide au même moment où la porte craque, cède avec beaucoup trop de bruit.

Je déglutis, c'est pas le moment de se ramollir. Tu n'as rien ? Je m'approche de lui, mais reste derrière lui comme il me l'avait demandé, pas le moment de le mettre en rogne. J'observe la pièce dans laquelle nous venons de pénétrer, visiblement une ancienne pharmacie qui ne contient plus rien. La luminosité est si faible que j'ai du mal à voir à plus de deux mètres devant moi. Eli sort sa lampe torche rapidement et j'en fais de même, c'est pas le moment de trainer. J'entends les dires de mon ami et acquiesce d'un mouvement de tête.

Je commence la fouille de la boutique déserte, les étagères sont complètement vides. Il ne reste même pas une boite de suppositoires, c'est triste. Je braque ma lampe torche sur les étagères qui contiennent des tiroirs en ayant l'espoir qu'il reste ne serait ce qu'une boite de paracétamol ou autre. Je les ouvre un par un sans trouver la moindre trace de quelque chose d'intéressant. T'as trouvé quelque chose ? Je termine le dernier tiroir et lève la tête vers Eli que je rejoins assez rapidement dans le centre de la pièce. Il n'y a rien ici.