Tout s'était déroulé vite, bien trop vite pour que je puisse me rendre compte de quoi que ce soit et pourtant je le savais. Il n'y aurait pas nouveau lendemain pour moi. Ma rage de faire mon maximum pour protéger au mieux les miens était cependant arrivé tout aussi vite que la manière dont mon destin venait d'être scellé et ainsi mes angoisses mises de côté. L'intervention de Caroline reporta mon attention sur elle alors que je secouais la tête.

« Ca va aller. »

    Ma voix s'était faite relativement forte pour passer au dessus des cris et du brouhaha environnant ; ajouter à cela les râles de plus en plus assourdissants des Coyotes. Non, ce n'était vraiment pas le moment de flancher. Recommençant à abattre les morts qui étaient trop proches, je perçus sans mal le cri déchirant de Quinn, me tournant vers elle tout en sachant que son regard serait difficile à soutenir. Et il le fut. Ses mots suppliants, sa voix lourde d'émotion, son regard qui déjà s'emplissait de larmes. Inspirant profondément, je posais ma main gauche sur l'épaule de la jeune femme, calant mon regard dans le sien.

« Il n'y a pas de solution, c'est trop tard. Sentant ma gorge se nouer, je serrais légèrement son épaule. Pars d'ici, Quinn, quittez tous cet endroit au plus vite. »

    M'approchant pour déposer un rapide baiser sur son front, une sorte de baiser d'adieu, je lui adressais un sourire sans réelle joie, à l'instar de mon regard lourd de peine et de résignation, mais aussi de volonté de me battre pour eux. Caroline revint tout près afin d'emmener la jeune femme un peu plus loin, la protéger des morts de la grille.

    Ce fut à ce moment là que Ludwig arriva, me tirant vivement par le bras pour m'éloigner un peu des grilles. La situation dégénéra encore un peu plus et le pire arriva : une explosion dans la maison des McLeod. Le souffle chaud s'était fait ressentir jusqu'ici. Les yeux écarquillés, j'écoutais les mots de mon ami qui tenait toujours fermement mon bras, m'intimant de partir d'ici. Une nouvelle fois, je secouait la tête, posant ma main libre sur la sienne.

« Ludwig... Christina aura besoin de toi. Je compte sur toi. »

    La gorge nouée, je serrais doucement sa main. Si l'évidence que j'étais condamné m'avait éclaté en pleine figure, accepter ce laisser ceux qui comptaient derrière moi était nettement plus compliqué. Tournant la tête, j'aperçus Quinn, blessée sans doute à cause de l'explosion. Faisant quelques pas pour prendre son bras sans pour autant avoir lâché Ludwig, je les poussais tous deux vers l'autre bout du camp.

« Prenez les voitures, partez, sauvez vos peau. Maintenant. »

    Sur ces mots, j'avais adressé un regard entendu à Caroline, lui intimant silencieusement de les emmener en sécurité. Où était Christina ? Allait-elle bien ? L'éventualité qu'il lui soit arrivé quelque chose était bien présente mais j'avais pleinement confiance en ceux de ce groupe pour être de réels soutiens pour elle, pour la trouver à temps.

Lâche moi.

Caroline n'y était pour rien, et sa voix était si faible alors que sa gorge se serrait sous l'inéluctable. Pourquoi il faut toujours que tu joues les héros putain ! Il avait toujours été ainsi, elle le savait. Mais pourquoi aujourd'hui ?

Un sanglot avait déchiré sa gorge. Le reste n'existait plus. Sa meilleure amie, Miguel, Rose... Et maintenant Alan ? Pourquoi le monde s'acharnait à lui arracher le peu qu'elle parvenait à obtenir ? Pourquoi tous ces souvenirs de leur discussions, de leur rire et de cette confiance qu'elle avait réussi à lui accorder devaient-ils être assassinés de la sorte ?Elle ne voulait pas partir, elle ne pouvait pas. C'était impossible. Si ils partaient tous, elle se doutait bien de ce que comptait faire Alan. Et le râle des rôdeurs dans son dos ne lui donnait aucune envie de juste... accepter. Mais je peux pas...

Pourquoi avait-elle cette désagréable sensation qu'une partie de son âme mourrait à cet instant précis, la ramenant à ce premier hiver d'épidémie ou elle avait cru ne jamais se relever ? Pars pas... Sa vue se brouillait, alors que l'homme venait déposer un bref baiser contre son front et qu'elle lâchait un nouveau sanglot, serrant ses mains dans les siennes du plus fort qu'elle put. Alan...

Elle n'avait pas terminé sa phrase, alors qu'un bruit assourdissant avait fait le noir sur le vacarme environnant. D'un coup, tout s'était arrêté, alors qu'elle ne parvenait plus à distinguer le sol du ciel, et que les sons semblaient venir de si loin. A aucun moment elle ne pensa à cette foutue armurerie ou devaient brûler depuis longtemps désormais les corps des McLeod. Une douleur lancinant courrait le long de sa cuisse, sans parvenir pourtant à la tirer de cet épais brouillard. Peut-être qu'elle aussi était en train de mourir finalement, cela aurait réglé bien des problèmes. Alan avait disparu de son champ de vision, pourtant il lui semblait que quelqu'un la forçait à se relever, malgré sa faible tentative de se débattre. Si seulement tout pouvait s'arrêter ici, maintenant. La vie, la mort, la douleur, la perte.
Si seulement.

C'était sans doute trop beau pour continuer. Jamais ils ne connaîtraient véritablement le repos, les flammes qui se propageaient de maison en maison en était la preuve la plus probante. L'ordre avait été donné et, sincèrement, Blake n'avait pas pris le temps de réfléchir. C'était la seule et unique idée qui lui avait traversé l'esprit. Et tous se mirent en mouvement assez rapidement, ouvrant les grilles et laissant la masse de rôdeur s’infiltrer dans ce qui avait été leur camp pendant un temps.

Blake s'était évidement mise au travail également, menant les rôdeurs jusqu'à sa propre maison en hurlant, Khan coincé entre ses cuisses et maintenu par son harnais. Intelligente, la bête avait compris qu'il devait aboyer sur ces choses. Le boucan qu'elle faisait avait suffit à ce qu'un petit groupe la suive jusqu'à l'arrière de la maison.  Une fois dans le jardin, Blake avait traversé sa maison en courant afin d'aller refermer le petit portail en bois, bloquant ainsi la troupe à l'arrière de la maison.

Elle eut simplement le temps de tourner la tête que le souffle de l'explosion la propulsa contre le mur, faisant exploser les vitres de son ancienne demeure. Sonnée, ce fut les aboiements de Khan qui réussirent à la remettre sur pieds. Ses oreilles sifflaient terriblement et sa vue était brouillée. « JOHN ? » Gueula-elle au milieu de la poussière et de la fumée. Elle fut de nouveau prise d'une vilaine quinte de toux. A l'aveugle, elle avança dans l'allée principale, repoussant quelques rôdeurs arrivant sur elle par surprise, à la seule force de ses bras. Elle croisa quelques membres du camp qui couraient vers les grilles tandis qu'elle, allait dans l'autre sens. Après plusieurs mètres, des silhouettes se dessinèrent devant elle.  Ludwig et Caroline. « Ludwig ? » Fut le premier prénom qu'elle prononça, plus inquiète pour lui que pour les autres. Une fois véritablement arrivée à leur niveau, Blake écarquilla les yeux. Alan. Mais elle n'eut pas le temps d'aller vers lui, Quinn était blessée. « QUINN. » Hurla elle. Ce qui se passait sous ses yeux n'était pas réel. Ca ne pouvait pas l'être. Toutes ces personnes à qui elle tenait tant. Impossible. « Oh non, non non. » Dit elle en se précipitant sur l'homme. Rapidement, elle vu l'étendu de sa blessure. Irrémédiable. Le regard tremblant, elle resta silencieuse une seconde, le temps d'encaisser. « Je suis désolée Alan. » Elle n'avait malheureusement pas le temps de rester auprès de lui. « Ludwig ! Caroline ! Aux voitures, TOUT DE SUITE ! » En une demi seconde, Blake fut à coté de Quinn. « QUINN. QUINN. QUINN. » Dit elle en l'attrapant dans les bras. Sans aucune douceur, elle lui fit ployer la tête en arrière pour la ramener un minimum à elle mais rien n'y faisait.

« Je m'occupe d'elle ! AVANCEZ. » Elle fut obligée de rappeler son chien également qui, les pattes avant baissées, grognait et aboyait sur les rôdeurs qui s'approchaient d'eux. Tout en se redressant complètement, Blake attrapa Quinn et la souleva. Un bras dans le dos et un derrière ses genoux, elle l'agrippa fortement contre elle. Hors de question de la laisser ici.

La rouquine dans les bras, Ludwig et Caroline devant, Khan derrière, Blake se mit à courir vers l'allée principale mais surtout vers les grilles où les véhicules devaient commencer à se rassembler pour partir. De toutes ses forces la blonde se mit à courir jusqu'à arriver au niveau du véhicule d'Elena. Sans rien demander, elle balança Quinn sur le siège passager et se mit à hurler sur sa responsable du ravitaillement. « Vous montez tous dans les voitures et vous PARTEZ. » En voyant le visage de la grecque, Blake réitéra son ordre. «  Vous montez dans les voitures et vous partez. » John arriva au moment où elle soulevait Khan du sol pour lui aussi le faire rentrer dans le véhicule. « Je te le confie. Il vous protégera. » Mettre sa bête en sécurité était le principal pour Blake. De plus, elle savait que le malinois protégerait les deux femmes. Sentant son cœur se déchirer, elle adressa deux vives caresses à son chien, pas persuadée de pouvoir le revoir un jour. Pas certaine de sortir vivante de ce brasier. D'un coup sec,
elle retira l'arme qu'elle avait à la ceinture. De part son rôle dans le camp, Blake était l'une des rares à pouvoir posséder une arme en tout temps. « Prends ça. Et occupe toi d'eux. On va s'occuper de fermer les grilles après votre passage. On les enfermera à l'intérieur » Dit elle en parlant des rôdeurs. Et elle ne laissa pas le temps à la jeune femme de répondre. Blake lui confiait la survie des personnes restantes. Elle, son devoir était de partir la dernière, une fois que tous seraient en sécurité hors du camp. Blake refermerait les grilles. C'était ainsi, elle n'avait pas à discuter. Reculant immédiatement de l'habitacle de la voiture, Blake fit claquer la portière et, plantée au milieu de l'allée, la militaire se mit à hurler à l'ensemble. « TOUS DANS LES VOITURES. MAINTENANT. »

Elle dégaina son arme rangée dans son holster tout en allant à l'arrière du convoi. Ils devaient partir maintenant.

Avec un grognement de colère, John leva la jambe et stoppa net l’avancée d’un rôdeur à l’aide d’un puissant coup de pied. À quelques mètres de lui seulement, Blake sonnait le départ. La fin de cette nuit catastrophique approchait sans avoir la moindre idée de comment tout ça avait pu commencer. La seule chose qu’il savait, c’était comment les choses avaient commencé pour lui.

C’était le cri de son épouse qui l’avait tiré du sommeil profond dans lequel l’ancien militaire était plongé. Il n’avait fallu que quelques secondes à son cerveau pour intégrer plusieurs informations. Il ne rêvait pas. Blake avait hurlé son prénom. Elle n’était plus étendue à ses côtés mais debout sur la terrasse. Quelque chose n’allait pas. Depuis longtemps habitué aux réveils en fanfare de l’armée, le brun s’était précipité à ses côtés. Ce fut avec une lueur d’horreur dans le regard qu’il observa, pendant une seconde, le brasier qu’était devenue la maison des McLeod. La seconde envolée, à l’unisson, le couple était parti s’habiller en quatrième vitesse. Le sergent de première classe avait passé son couteau à sa ceinture, l’étui de son M1911 également, avant de talonner sa femme qui descendait précipitamment au rez-de-chaussée. Leur route s’était séparée à ce moment-là, après que Blake lui ait demandé de rejoindre les autres.

Et puis il y avait eu l’étrange sensation en sentant l’air sec et étouffant en lieu et place de la fraîcheur nocturne habituelle. La consternation, l’impuissance, l’incompréhension dans le regards des quelques uns déjà attroupés devant la bâtisse en flammes qu’il avait rejoint. L’aller rapide jusqu’au bout de l’allée résidentielle pour s’assurer qu’aucun autre foyer n’avait démarré et qu’il ne s’agissait pas d’une attaque par le feu. Le retour précipité, arme en main, prêt à en découdre avec les morts attirés par la lueur des flammes s’élevant dans le ciel. L’ouverture des grilles, l’entrée des infectés dans l’enceinte et avec eux les premiers coups de couteau. L’organisation pour le départ. La morsure d’Alan. Le bruit assourdissant de l’explosion de leurs réserves de munitions. Le couinement plaintif de Khan lorsque Blake et lui l’avaient fait grimper de force dans la voiture d’Elena.

Gardant aussi souvent que possible la blonde dans son champ de vision, Callaghan faucha un autre mort. "Tu peux tenir encore un peu ?" hurla John à l’intention d’Alan. La demande était froide, dure. Le suédois le connaissait suffisamment bien pour ne pas s’en formaliser. L’heure n’était pas au sentimentalisme. John le savait et Alan devait le savoir également. Ce dont ils avaient besoin, c’était de temps. Ils devaient tenir quoiqu’il en coûte, tenir aussi longtemps que possible pour permettre à tous les véhicules et leurs occupants de quitter le quartier résidentiel.