Un soupçon de chaleur s’était répandu dans son ventre alors que sa sœur confirmait qu’elle allait l’aider à tirer les vers du nez aux militaires. Pour le coup, elle ressemblait à leur mère, mais il tairait cette comparaison qui ne risquait pas forcément d’être bien prise. Swann ne s’attendait toutefois pas à si vite devoir quitter le canapé. Il était bien, là, à proximité des lieux du crimes, comme s’il communiait encore avec l’esprit d’Apple. Pourtant il ne croyait pas en ces conneries. La mine blafarde et les cheveux en pagaille, il tenta vainement de résister tandis que Joy le traînait dans l’entrée.

- Hein-mais-attends, je…

En fait, il n’avait pas de contre-argument. La force soudaine de son aînée était contagieuse et son engagement était sincère : il voulait savoir. Quitte à être devenu un animal domestiqué, autant au moins être éclairé, pas vrai ? La gorge nouée, il enfila son manteau, enroula une écharpe autour de son cou fin et suivait à l’extérieur. Ils travaillaient encore dehors : des corps dans des sacs mortuaires attendaient qu’on vienne les ramasser, surveillés par des militaires armés qui avaient l’air de manquer de sommeil. A combien se chiffrait les pertes ? Non. L’étudiant ne voulait pas savoir. De toute façon, le décès de la rouquine, c’était déjà trop.

- Bonjour, hum… excusez-moi, il s’adressait à un homme en tenu kaki, posté en faction avec un fusil dans les bras, nous sommes Swann et Joy Blackmore. On aimerait en savoir plus sur ce qui s’est… passé hier.

Visiblement, leur nom n’avait plus aucun effet. Fut un temps, il avait tellement vu leurs parents se contenter de ça pouvoir se voir ouvrir des portes, ça le tuait de devoir insister comme s’ils étaient n’importe quel lourdaud de la plèbe. Soudainement peut confiant devant l’homme qui ne manifestait pas l’envie d’argumenter, les yeux gris du brun croisèrent ceux de sa sœur avant de retenter sa chance.

- On a perdu quelqu’un, on nous a simplement dit que la femme qui a fait ça était… déjà morte. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que c’est en rapport avec ce qui se passe dehors ? C’est une maladie ? Est-ce qu’on peut l’attraper ? Est-ce que-
- Ecoutez, coupa sèchement le soldat, pour l’instant, nous avons du travail. Terminer de compter les victimes et s’assurer qu’il n’y a pas de risque de perdre quelqu’un d’autre, il insista sur ces derniers mots comme pour les forcer au silence, les annonces officiels seront faites par le sénateur. En attendant, rentrez chez vous, vous serez en sécurité.

Swann rouvrit la bouche et la ferma aussi tôt. L’espace d’un instant, il avait pu mettre de côté sa peine pour faire valoir sa détermination, son envie d’en savoir plus. Son interlocuteur venait un peu de le stopper dans son élan et sa seule réaction fut finalement de se tourner vers Joy. C’était certainement le genre de domaine dans lesquels elle était la plus douée des deux…