Merl et Joann s’étaient chargés d’ouvrir le chemin vers la voiture. Le tout s’était fait sans encombre, quelques rôdeurs par-ci par-là, et Stan les avait suivis avec Swann sur son dos. Il entendait le jeune homme lâcher quelques gémissements qui, faute d’être réellement encourageants, avaient au moins le mérite de le savoir encore vivant. Près du véhicule, il fit un mouvement de tête au cowboy qui se proposait de conduire, tout en reposant aussi délicatement que possible son protégé, contre la carrosserie.

- Sous le pneu avant, ajouta-t-il au moustachu, alors que la femme lui ouvrait la portière et qu’il installa le plus jeune sur la banquette arrière. Pour les clés de la bagnole. En effet, ils ne prenaient pas le risque de laisser ces dernières dans la poche de quelqu’un. La probabilité pour que l’un d’entre eux ne revienne pas – même s’ils s’efforçaient au maximum de ramener les corps – était trop importante. Et si cela bloquait tous les autres, c’était trop peu judicieux. Aussi laissaient-ils toujours les portes déverrouillées et planquaient les clés à proximité.

Stanley contourna ensuite le véhicule pour se glisser de l’autre côté, derrière le conducteur, alors que Joann prenait place à l’avant. Il jeta un dernier regard vers le grand bâtiment et le cauchemar qui s’y était déroulé. Et qui continuerait sûrement. Il ne pouvait plus voir la silhouette, mais il se doutait que cette dernière venait de les damner. Ils auraient tout intérêt à ramener des troupes s’occuper de cette bande de tarés. Pour finir le travail. Le garçon était convaincu qu’il ne fallait laisser personne en liberté. Pas ce type de gens en tout cas…

Merl avait donc passé la première, à toute vitesse, et ils s’engagèrent sur les maigres kilomètres qui les séparaient du bras de mer et de leur embarcation. Une dernière ligne droite. Facile. Mais quelques heures s’étaient écoulées depuis leur premier passage et une embuche les attendait. Un petit attroupement de rôdeurs s’était amassé sur l’asphalte, dans un espace étroit entre quelques voitures abandonnées. Ils ne pouvaient pas sciemment foncer dans le tas.

- Stop, dicta-t-il au chauffeur, à une dizaine de mètres. Il se doutait que leur rustre de partenaire serait tenté de renverser ces quilles. On prend pas le risque de finir dans le décor. Vous en voyez combien ?

Les créatures s’étaient retournées vers eux et commencèrent à avancer d’un pas clopinant. Pour le militaire, le mieux était de sortir du véhicule. Avec Joann, ils pouvaient éliminer cette menace, déblayer le chemin et faire passer la voiture. Ce n’était pas le moins dangereux, mais c’était le plus rapide. Faire demi-tour, c’était s’éloigner de leur but et prendre le risque de rencontrer bien pire.

- Ça passe par là ? Demanda-t-il aussi en montrant le trottoir et une zone relativement plate sur le côté de la route. Mais il y avait aussi quelques arbres, si bien qu'il n'était pas certain. Pourtant ils devaient trouver une solution rapide.

Le zodiac était tout près. Tout près.

J’étais déjà prêt à appuyer un peu plus fort sur la pédale d’accélérateur pour foncer dans le tas et tuer tous les connards qui se mettaient sur mon chemin, mais voilà que l’autre con de Stan n’était pas d’accord. Putain faite chier… Je ne demandais pas grand-chose, juste m’amuser un peu… Enfin, c’était à contrecœur que j’avais joué avec le frein à la place de l’accélérateur. J’aurais pu lui faire un fuck pour la forme, mais par mesure de précaution. Je préférais garder mes deux mains sur le volant. La question qui suivait concernant le barrage de mort devant nous me laissa un brin acide.

- Pas tant que ça…

J’avais répondu d’une voix rauque alors que je regardais partout pour trouver une solution sans véritablement la voir, en même temps, le fait que j’avais uniquement envie de foncer dans le tas ne devait pas aider. C’était la seule option véritablement marrante. J'en comptais sans doute une petite dizaine. Ce qui en vérité commençait à faire beaucoup pour les défoncer comme des quilles. La voiture supporterait sans doute plutôt bien, mais rien n'était moins sur pour Swann... Stan indiqua alors un autre chemin, il n’était pas sûr que ce soit suffisant pour la voiture, mais bon ce n’était pas si important que ça, si on grattait un peu la carrosserie. On n’allait pas repartir avec cette voiture de toute façon.

- Oui, large, je pense ! Au pire, il y aura peut-être un rétro qui va sauter, mais ce n’est pas si grave que ça…

Cette voiture, elle n’était pas à eux, ils avaient juste mis assez d’essence pour rejoindre le zodiac et pour le coup, ce n’était pas grave si des morceaux manquaient à l’arrivée. Du moins, pour moi ce n’était pas important et dans le fond, je ne vois pas pourquoi, les autres m’en auraient tenu rigueur. Le but c’était simplement de rentrer et comme je n’avais pas le droit de foncer dans les connards juste parce qu’il était con, j’espérais que j’allais au moins pouvoir m’amuser comme ça. Pas de vitesse à changer pour se mettre plus à l’aise étant donné que c’était une boite automatique, mais simplement la pédale d’accélérateur à relâcher le temps de se mettre bien. J’inspirais doucement alors que j’étais en train de calculer ma trajectoire, enfin, c’était plus une façon de parler parce que j’étais incapable de calculer ce genre de chose en réalité. Je réussis tout de même à arriver à passer. On avait eu de la chance en trouvant un meilleur chemin du premier coup.

Joann avait les yeux rivés sur la route jusqu'à soupirer quand, droit devant, une meute de rôdeurs se présenta. Manquait plus qu'eux, n'en avaient-ils pas assez fait aujourd'hui ? Un juron fila ses lèvres et, immédiatement, alors que Stan ordonnait à Merl de ralentir, de ne pas foncer dans le tas comme le redneck en avait très certainement l'intention, elle vérifia le chargeur de son 9 mm en dénombrant les cadavres.

- Neuf ou dix à première vue. Répondit-elle.

Cain était déjà prête à quitter l'habitacle, s'il fallait dégager le passage, préserver la bagnole - même s'il ne s'agissait pas de la leur - et éviter à Swann d'être ballotté dans tout les sens, elle le ferait sans se poser de question. Mais Maverick vit un passage plus sûr. Ce n'était qu'une parcelle de trottoir, aucun détour donc, simplement de quoi faire la nique à ces créatures ignobles pour rejoindre au plus vite le zodiac. Merl opina donc, il était sûr de pouvoir passer par cet endroit sans foutre en l'air la bagnole. Joe se fichait qu'il puisse griffer la carrosserie, après tout ce tas de boue n'était pas leur propriété, alors le temps que les pneus, la direction et tout ce bordel était capable de les ramener à bon port, elle n'allait pas demander son reste.

Sa main rejoignit la poignée au dessus de sa place, elle s'y accrocha et laissa faire le conducteur pour le reste, les yeux rivés sur les monstres qui, avec lenteur, prenaient la tangente. Ils les suivraient, chose certaine, néanmoins la caisse pourrait suffisamment les distancer pour leur permettre de sortir, une fois près de la berge, installer Swann dans le pneumatique et grimper à bord ensuite. Bientôt, d'ailleurs, elle soupira de soulagement en voyant le rafiot. Personne ne l'avait subtilisé, point positif donc, et tandis que Merl appuyait sur le frein, elle était déjà prête à quitter l'habitacle pour aider Stan à soulever le môme dont le teint n'avait pas reprit de couleur. Ce n'était désormais plus qu'une question de minutes...

Le buste de Stan était penché entre les fauteuils avant. Son visage était au même niveau que ceux de Merl et Joann. Il plissait les yeux, en regardant face à lui. L’attroupement de morts-vivants, ainsi que le léger contournement par le bas-côté.

- Ouais, on s’en fout, vas-y tente… affirma-t-il après la réponse du moustachu. Il jeta un regard vers Joann, qui voulait dire « tiens-toi prête ». Ils n’étaient pas à l’abri de devoir quand même faire du ménage sur cette voie.

Aussi serra-t-il les fesses au cours de la manœuvre. Il zieutait les morts, ainsi que la nuque de Merl, ultra concentré. Mais le tout se fit sans problème. La voiture racla bien contre une des autres, abandonnée, mais à part un bruit de taule froissée, ils n’eurent rien à déplorer. Et rapidement, le chauffeur put accélérer.

- Bien joué ! Ses yeux acier coulèrent ensuite vers Swann. Il fallait qu’il essaie de le réveiller. Il tenta alors de lui parler et lui asséna même quelques tapes sur ses joues brûlantes. Il lui sembla le sentir frémir, et recouvrer ses esprits. On est au bateau, souffla-t-il pour l’encourager. Ça voulait dire qu’ils seraient bientôt tirés d’affaire. Des médecins allaient s’occuper de son cas. Il allait s’en tirer. Comme Donovan au début de l’été.

Joann vint l’aider à sortir le garçon du véhicule. Il la laissa finir de l’installer dans le zodiac, alors qu’il repoussait le pneumatique avec Merl, jusqu’à l’eau. Trente secondes plus tard, il actionnait le moteur. Il ne se retourna même pas vers la berge. Son objectif était devant lui, uniquement. Il put alors prendre le temps de passer une main sur son front transpirant et palpa son torse un peu meurtri. Il avait encaissé deux coups de feu dans son gilet quand même, il aurait certainement de sacrés bleus.

- Il s’est passé quoi dans cette église ? Demanda-t-il finalement, après quelques remarques d’usage. Du style « c’était chaud », « y a quoi dans le sac à dos », « Swann tu m'entends » et alors qu’ils remontaient le bras de mer. Son regard se posa sur son amie, toujours au chevet du blessé, ainsi que sur le vieux.

Il ne fallut pas tant de tant que ça pour pouvoir réussir à se rendre au zodiac et c’était une bonne chose. Oui ce fut un peu compliqué de passer par ce chemin, mais dans le fond j’avais déjà fait pire que ça. Je me rappelais des rouges qu’on avait poursuivis avec Jason, on était passé avec un plus gros véhicule dans un coin encore plus petit. Enfin, résultat, on avait tout de même parcouru tout le chemin qu’on devait et il était temps pour nous de descendre et de prendre le large. On serait rentré dans moins de temps qu’il faudrait pour le penser. J’avais hâte de pouvoir mettre les pieds chez moi. Je soupirais l’espace d’un instant alors que finalement j’enfonçais la pédale de frein. Pas question de faire un dérapage même si ce n’était pas l’envie qui m’en manquait. Je marquais une pause le temps que tout le monde s’organise, mais je fus rapidement dehors.

Alors que j’entendais Stan donnait différent ordre, je restais silencieux, de toute façon, je n’avais rien de plus à dire donc c’était tout aussi bien. Il ne fallut pas longtemps pour qu’on soit tous sur le bateau et qu’on s’éloigne de la berge. J’aurais presque pus souffler sauf que l’était de Swann était toujours autant préoccupant. Il n’allait pas mieux de toute façon, sont n’était n’irait pas en s’arrangeant, bien au contraire. La seule chose à faire était de le rapatrier en urgence et c’était exactement ce que nous étions en train de faire de toute façon. Finalement, le silence fut brisé, mais la question ne me plaisait pas des masses je devais bien l’avouer. Je restais silencieux, mon regard se tourna vers la brune avant de regardait à nouveau Stan.

- Quand on est rentré, quelqu’un a fermé la porte derrière nous. Il y avait une trentaine de connards enchainés à des bancs. Certains ont réussi à se détacher alors qu’on était à l’intérieur, on a été obligé de faire le ménage.

Pour moi, il n’y avait pas besoin de plus de détail, je portais une main à mon nez qui avait arrêté de pisser le sang depuis un moment maintenant. Lui dire que j’avais pété une pille que Joann avait presque était obligé de m’assommais ne me semblait pas utile à préciser. Si elle voulait le faire, elle le pouvait, mais dans le fond, je me doutais qu’elle ne le ferait pas, elle aurait trop peur que je dise l’avoir aidé. La balle était dans son camp si elle voulait ajouter un truc.

Sans demander son reste, Joe quitta l'habitacle à peine Merl eut-il collé le pied sur le frein. Son flingue rejoignit le holster puis elle jeta un rapide coup d’œil au fond de la rue. La horde était assez loin pour espérer prendre le large avant même que les morts ne foutent une godasse dans l'eau. Stan descendit à son tour puis elle l'aida concernant Swann. Elle fut la première à s'installer à bord du zodiac avec le mioche dont elle cala la tête contre ses genoux. Il était brûlant, en sueur, la fièvre s'installait sans doute et alors qu'elle ne tenait pas spécialement à lui, la brunette redressa le nez vers les flots en espérant que la berge se rapproche au plus vite. Blackmore était ce qu'il était, elle ne le portait pas dans son cœur néanmoins il avait pour lui la ténacité que d'autres n'avaient guère. S'il y passait, elle s'en voudrait d'avoir cru bon suivre Rogers dans cette putain de chapelle.

Mais alors qu'elle dégageait les mèches prises sur le front bouillant du mioche, le remoud de l'eau, puis la mise en route du moteur, lui arrachèrent un soupir. Ce n'était plus qu'une question de minutes désormais, dans peu de temps ils retrouveraient le confort du Fort, souffleraient, quant à Swann, sur lequel elle déposait les yeux pour lui offrir un faible sourire tandis qu'il papillonnait vaguement, il serait pris en charge pas les docs. Tout ce passerait pour le mieux, le cauchemar était loin tout comme les enfoirés qu'ils avaient laissé derrière eux. Ce fut donc en contemplant l'étendu bleu qu'elle entendit les questions de son ami. Elle ne rajouta pourtant pas aux réponses de Merl. Il avait fermé sa gueule et c'était bienvenu de sa part... Des trucs pareils arriveraient encore cela dit, ce n'était sans doute pas la première et la dernière fois qu'elle manquait d'y passer, quant à son moment de folie, elle n'en parla guère. Il avait eu la présence d'esprit de ne pas s'étaler sur son cas, elle en ferait de même pour lui. Donnant donnant, un simple échange de bon procédé, un peu comme si, malgré le peu de considération qu'ils se portaient mutuellement, ils étaient tout de même capable de se supporter.

- Tiens bon... Murmura-t-elle au gosse contre ses genoux. les mauvaises herbes prolifèrent, t'as juste besoin d'un peu d'engrais. Plaisanta-t-elle, dédramatisant le tout, tandis qu'elle le voyait péniblement ouvrir les yeux.