La route lui paraissait plus longue qu'à l'allée. Clairement tous étaient épuisés et n'aspiraient plus qu'à une chose, prendre soin de leurs blessures et se poser des heures durant. Joann elle, s'était occupée de la paume de Manaroa, avant de vérifier l'état des plaies qui enflaient sur le visage du nippon. N'étant ni infirmière, ni dotée de quelconques facultés en médecine, la jeune femme avait fait de son mieux pour désinfecter, forcée de rendre la pareille à Lucas – même si le cœur n'y était pas vraiment – pour ensuite virer sa veste, et en une grimace douloureuse. Le cuir s'était collé à l'entaille, ça faisait mal, et le sang coagulé n'arrangea guère les choses quand ce fut le moment de tirer sur les fibres d'un coup sec.

Une fois encore l'hémoglobine rougissait son bras néanmoins, prête à entourer grossièrement son biceps à l'aide de ce qu'elle avait sous le coude, la grosse paluche du polynésien lui agrippa l'épaule en un sourire de sa part. En un rien de temps et dans un silence de mort malgré la pause précédente, Cain avait le bras bandé au mieux et quelques strips sur la balafre près de son épaule. Elle renfila sa veste, pas sans mal, et termina par déchirer deux gros morceaux de sparadrap pour rafistoler son blouson. Inutile que par la suite, si la blessure restait fraîche un temps, du fluide de goule ne rejoigne le sien. Ce fut à ce moment précis, alors qu'elle zippait la fermeture jusqu'à son cou, que le conducteur du véhicule poussa un juron qui l'invita à fixer les alentours par delà les vitrages. Des morts des cadavres, des coups de feu.... Ils étaient proches, trop proches du camp. Son cœur s'emballa alors en imaginant le pire. Stanley et Casey en convalescence, d'à peu près valide il n'y avait que Lawrence et Czarek puis d'autres dont elle se fichait éperdument. Quant à l'autre groupe, dont elle ne distinguait pas encore les véhicules... Où était-il ? Son palpitant s'emballa subitement, ce n'était pas fini, pas encore, « il » était peut être déjà là à tenter de repousser l'armée de morts qui envahissait leur domaine.

- Fait chier ! Lâcha-t-elle, la voix sifflante, prête à descendre dès lors que le conducteur aurait stoppé le camion. C'est la merde putain !!! Gavé de crevards !

Un instant elle observa les autres, Lucas était mal en point, Elias passait encore il était resistant pour encaisser quant à Shigeru, clairement Sushiboy était à la limite de se trouver une corde et un tabouret. Et elle, à bout de nerfs sentait l'adrénaline courir ses veines aussi vite que l'angoisse « le » concernant.

Spoiler:

Résumé:

Jason était de bonne humeur alors que le groupe était sur le chemin du retour. Pendant une bonne partie du trajet, il s'amusa à relater à son frère son dernier exploit en date : celui d'avoir « baptisé » le corps du meneur de la secte fanatique. Une fois que Merl avait mis fin aux jours de cette ordure, son cadet avait pris le temps pour se soulager d'un besoin pressant en urinant sur le cadavre. Cela lui avait semblé être à la fois un bon moyen de se venger du mal commis à plusieurs reprises contre son aîné, de le reléguer au rang de déchet qu'il était, et de faire un trait d'humour pour se moquer de son fanatisme. Il ne se gêna pas pour donner force détails, finissant à chaque fois hilare et carrément fier de lui.
Son euphorie fut de courte durée, car dès leur retour au camp ils trouvèrent les lieux en proie à un nombre colossal de rôdeurs. De toute évidence, ils étaient loin de pouvoir prendre du repos bien mérité. Il allait leur falloir se battre, encore. Une constatation qui fit immédiatement monter l'adrénaline dans les veines du blond. Machinalement, il vérifia en deux temps trois mouvements que ses armes étaient prêtes au combat, qu'il s'agisse de corps à corps ou de distance. Dès que le véhicule s'arrêta, il sauta à terre et se retourna pour apostropher son frère.

« Bon, faut faire la peau de ces bouffeurs, on peut pas les laisser faire leur vie chez nous comme ça. Faut qu'on donne un coup de main pour leur botter le cul, tu viens avec moi ? »

La question était probablement de pure façade. Le jeune homme n'avait pas l'intention de quitter Merl d'une semelle, et repousser les morts-vivants était sans doute la seule bonne chose à faire dans l'instant présent. Toutefois, si son aîné avait subitement une idée lumineuse ou un impératif à exprimer, il pourrait tout aussi bien le prendre en compte. Le plus important pour lui, c'était de pouvoir rester avec lui pour veiller à ce que rien ne lui arrive, et de débarrasser leur foyer de toutes ces ordures sur pattes.

Spoiler:

Jason n’avait pas quitté son sourire satisfait et sur le coup, j’avoue que je ne m’étais pas du tout attendu à ça. J’aurais sans doute dû m’offusquer parce que profaner un cadavre ce n’était clairement pas quelque chose que j’acceptais, mais je ne pouvais définitivement rien dire étant donné que je l’avais maudit et laisser agoniser de longues minutes avant de mourir. Alors, j’avais souri et cette histoire avait fini par me mettre de bonne humeur une fois le choc de tout ça passé. Sur le chemin du retour entre deux fous rires, Jason avait recousu ma blessure à l’épaule et au bras. Il faut croire que le côté gauche de mon corps avait définitivement morflé, mais pas de chichi à avoir. Les points de suture n’étaient définitivement pas beaux, mais au moins c’était une bonne chose de fait et puis l’esthétique ce n’était pas vraiment un truc qui importait…

L’ambiance était détendue dans le véhicule jusqu’à ce qu’on approche du camp et qu’on se rende compte qu’il y avait un truc qui n’allait pas. Il y avait des connards qui jonchaient le sol par dizaine comme sur un champ de bataille, c’était clairement le bordel ici. Je regardais mon frère alors que mes yeux commençaient à briller d’un éclat doré habituel. La fête allait reprendre d’une certaine façon. Pour le moment, pas de but, juste en tuer le plus possible. C’était gérable, on allait arriver foncer dans le tas et taper, c’était la meilleure idée du monde après tout. J’avais mon magnum dans une main, mon couteau à ma ceinture, j’étais là pour faire du dégât et je savais que ça allait être marrant.

- Je te propose un truc très simple qui serait sans doute efficace. On fonce dans le tas et on avise ? Pas de but précis pour l’instant sauf si on trouve une idée…

De toute façon, on ne pourrait pas traverser le camp de façon évident alors autant y aller mollo. Ce serait vraiment dommage de se retrouver dans la merde en voulant aller trop vite. Il pouvait nous hurler d’aller sauver le sénateur ou Lawrence, je n’en aurais strictement rien à foutre, tant que j’avais mon frère, rien ne pouvait m’arriver. Je descendais du véhicule à sa suite lui collant une tape dans le dos en lui faisant un sourire. On était parti, la guerre était lancée. J’avançais d’un pas décidé en direction du danger.

Spoiler:

Un carnage sans nom se présentait au delà de la barricade, pour bien faire Joann sentit ses fesses rejoindre lourdement son siège lorsque le conducteur bifurqua pour forcer le passage. Son bras gauche heurta de plein fouet l'habitacle et elle mordit sa langue pour ne pas hurler. Ce n'était rien, il fallait simplement agir, maintenant et vite, pour autant ses équipiers semblaient somnoler. N'y avait il qu'elle qui sentait le sang filer à vive allure au creux des veines ? Ne voyaient-ils pas le bordel immonde qui présageait la fin de leur communauté si personne ne se bougeait le train ? Ou était-ce elle qui, trop emportée dans ses pensées, n'allant que vers lui, vers Stanley et Casey, la rendait subitement plus lucide et acerbe ? Se maintenant une dernière fois, ses ongles se plantèrent dans la cuisse d'Elias à peine les pneus crissèrent. Cain n'attendit pas plus, les cris faisaient rage au dehors, les pluies de balles tout autant, déjà des monstres dévoraient les leurs et son regard chercha un moment autour d'elle à peine eut elle rejoint le champ de bataille.

- Bougez vos putains d'cul plein de testostérone bordel ! Siffla-t-elle à cran, alors qu'elle s'emparait de son flingue et le pointait déjà sur la gueule d'une goule attirée par le moteur qui tournait encore.

Le projectile fit mouche, envoyant gicler matière crise et bris d'os droit sur le bitume. Son cœur battait à tout rompre. Comment pareille chose avait pu se produire ? Pourquoi ne l'avaient-ils pas vu venir tout ces connards bien pensants qui régissaient la ville ? A l'instant, alors qu'elle voyait Elias sortir, elle se tourna vers lui et zigouilla une autre charogne avide de plonger les crocs dans la chair du Polynésien. Elle le savait, elle l'avait pensé très fort la veille, ça avait fait marrer Merl à défaut de Jason qui semblait sur la même longueur d'onde. Bien entendu que la barricade allait flancher, ce n'était pas une petite brise qui l'avait gentiment caressée mais bien cette merde de tremblement de terre. Swann avait raison, il était temps de voir autrement, de penser autrement et alors qu'elle sentait son cœur se serrer davantage à l'idée que c'était peut-être déjà la fin, Joann raffermit la prise sur la crosse de son 9mm puis avança sans plus cesser de tirer.

- Faut qu'tu bouges Elias... Lui intima-t-elle d'un timbre étranglée.C'est pas l'moment d'glander. J'compte sur toi !

Il était épuisé et soufflait comme un bœuf pour autant la Canadienne, elle, paraissait montée sur ressorts tant l'écho de son palpitant la poussait à agir afin d'en finir au plus vite. Manaora était en somme le seul en qui elle avait pleinement confiance, et bien qu'il ait contribué au carnage de la caserne, Joann savait qu'il pouvait encore donner de sa personne pour préserver ce à quoi elle tenait en attendant de retrouver celui qui lui importait plus encore. Où était l'autre équipe ? Ses pensées s'embrouillaient pourtant elle devait tenir encore, malgré la douleur lancinante dans son bras, dans sa poitrine...

Spoiler:

Ils étaient partis. Ils rentraient à la maison. C’était ce qu’elle se répétait sans cesse à l’arrière du véhicule, le regard perdu dans le vide. L’israélienne était poisseuse, si sale et elle avait froid, ce genre de froid qui s’insinue jusque dans vos os et qui ne vous quitte pas. Elle se sentait mal. Et elle devait tenir, tenir encore un peu. Bientôt, ils seraient rentrés, elle pourrait s’effondrer dans ses appartements, fermés à clés et laisser exploser ce flot d’émotions qui menaçait au fur et à mesure qu’ils avalaient les kilomètres. Se retrouver seule dans cette pièce, aux prises avec des monstres qu’elle ne pouvait voir, elle n’était pas prête pour ça. Mais elle avait survécu, elle y était parvenue, elle pouvait survivre. Plus tard, elle y repenserait. Plus tard, elle saurait que ça la rendait plus forte. Mais là, elle ne désirait qu’une chose ; rentrer à la maison. Rentrer au Fort et disparaitre quelques heures.

Mais en arrivant, le paysage qu’elle s’attendait à voir fut tout autre. Comme les autres, elle sortit de la voiture. Comme les autres, elle constata les dégâts et la merde dans laquelle se trouvait leur maison. Ce n’était pas fini. Ils ne pouvaient pas rentrer, pas encore. Il y avait encore du travail à faire. Devant l’ampleur de la tâche à accomplir, elle sentit tous ses membres trembler de façon involontaire. Son menton trembla. Mais elle ne pleura pas, non. Pas du tout. Les mains tremblantes, elle prit son arme et s’employa à la recharger avec des gestes brusques et coléreux. « Nom de Dieu, allez tous vous faire foutre. » C’était les premiers signes de colère, de frustration, d’injustice, qu’elle montrait en public. Elle en avait marre. Et ces putains de mains qui tremblent ! L’arme rechargée, elle rejoint les autres, jette un regard noir à la masse grouillante plus loin. Ce n’était pas de sa faute, c’était la sienne, elle s’était portée volontaire pour cette mission, mais vraiment, elle était à bout, complètement épuisée. C’était probablement la première fois qu’on l’entendait jurer. Elle était prête, du moins, elle l’espérait. Et elle voulait rentrer à la maison, ses mains tremblaient encore, mais elle était prête. Alors sans attendre la suite, elle sortit son couteau de sa ceinture et rattrapa Merl, venant marcher à ses côtés, Jason était là aussi. « J’ai besoin d’une douche. » Ce fut tout ce qu’elle dit pour justifier son état, sa motivation. Elle avait envie de pleurer, de hurler, de disparaitre … Mais il fallait nettoyer d’abord. Et elle n’avait plus l’intention de rester seule sur ce coup-là.

Spoiler: