Les mains bien vissées dans les poches de son pantalon, le blond avançait sans réel but, cherchant simplement un coin où pourraient encore se trouver des denrées ou ressources utiles pour le groupe. S'il avait pris la décision de sortir seul aujourd'hui c'était précisément parce qu'il avait besoin de prendre l'air et réfléchir à tout ce qui était arrivé ces derniers temps. Bien sûr, il aurait tout aussi bien pu faire cette sortie plus tôt, mais le malaise dont il avait été victime un peu plus de deux semaines auparavant l'avait poussé à se ménager un minimum et à ne pas quitter la maison sans être accompagné ; de toute façon, Ansel avait été sur son dos la plupart du temps, autant pour ces sorties que pour s'assurer qu'il se nourrissait suffisamment. Son visage avait peu à peu repris des couleurs et son corps avait arrêté de trembler au moindre effort, les baisses de tension survenaient encore parfois mais elles étaient nettement plus courtes et espacées qu'auparavant. Sans doute que le fait qu'il parvenait enfin à dormir un peu plus convenablement y était également pour quelque chose. Bien sûr, il y avait toujours de ces nuits où il ne parvenait pas à s'endormir, craignant que ses démons ne refassent surface amenant avec eux les cauchemars ingérables qui venaient encore troubler ses nuits parfois mais il était évident que maintenant que le journaliste passait la quasi totalité de ses nuits avec lui, son sommeil était bien plus serein. Évidemment, cette situation entre eux était de plus en plus ambiguë mais le trentenaire tâchait de ne pas se poser trop de questions sur le sujet ; ils avaient tous deux besoin de la présence de l'autre pour se sentir plus en sécurité ou moins seul, rien de plus, rien de moins.

C'était cependant pour réfléchir précisément à cela que le blond avait pris la décision de sortir pour la journée. Il en avait rapidement informé son cadet ainsi que Morgan, promettant qu'il reviendrait avant la nuit tombée, et avait quitté la maison son sac à moitié vide sur le dos et ses armes, notamment son fidèle poing américain qui ne quittait que rarement la poche gauche de son pantalon. Évidemment, une fois seul, il n'avait eu de cesse de penser à ce rapprochement conséquent avec Kyle. Il y avait une nette différence entre ce que lui dictaient ses envies et ce que lui dictait sa raison lourde de culpabilité. Il ne pouvait évidemment pas refaire sa vie aussi rapidement et tirer un trait sur son passé comme le lui avait bien soulevé Morgan, mais il ne pouvait pas nier pour autant que son cadet avait pris une certaine place dans sa vie et qui s'était bien trop habitué à sa présence pour l'en sortir désormais. Peut-être cependant aurait-ce été la meilleure solution, notamment lorsque Kyle lui avait appris que Morgan était venue le voir afin de le ''menacer'' dans le cas où il ferait souffrir l'aîné d'une manière ou d'une autre. Zack aurait pu aller la voir en retour, lui demander des comptes et lui intimer d'arrêter immédiatement de faire peser une telle pression sur les épaules du journaliste mais il s'était abstenu, notamment parce-qu'il comprenait sa réaction et savait qu'elle avait fait cela pour le protéger, parce-qu'elle avait peur pour lui. Il savait aussi qu'elle ne mettrait aucune menace à exécution si Kyle s'en tenait à ce qu'elle avait dit, à savoir : ne pas lui faire de mal. Le blond avait cependant besoin de faire le vide et se prendre le temps de réfléchir sur un terrain plus neutre que leur domicile. Comme toujours pourtant, Zack avait bien l'intention de profiter de cette sortie pour trouver quelques ressources ; au moins, s'il ne revenait pas les mains vides, il n'aurait de compte à rendre à personne quant à son absence.

Après deux bonnes heures de marche, le blond était arrivé aux abords de la ville, percevant devant lui une petite autoroute où se trouvaient de nombreuses carcasses de véhicules abandonnés. Peut-être pourrait-il trouver quelques ressources dans ce coin, à moins que de nombreux survivants y soient passés avant lui et qu'il ne se retrouve confronté qu'à des putrides. Mais, maintenant qu'il était arrivé jusqu'ici, il ne perdait rien à aller voir de plus près. S'engageant donc sur la voie, il se faufila entre les véhicules, remarquant un peu plus loin une silhouette qui avait tout l'air de fouiller le coffre d'une voiture. Resserrant machinalement ses doigts autour de son poing américain toujours bien logé dans sa poche gauche, il s'approcha de l'inconnu, s'arrêtant toutefois quelques mètres pour l'observer. Rester prudent avant d'aller voir si la personne avait quelque chose d'utile sur elle, un bon plan de base, mais le trentenaire n'est pas certain de parvenir à paraître aussi sympathique qu'auparavant et de jouer au type prêt à aider son prochain ; rien que l'idée d'afficher un sourire sonnait faux dans son esprit. Il attendrait de voir avant de décider ; manière forte ou manipulation, il ne laisserait pas filer cet inconnu aussi facilement. Mais le temps était compté, surtout pour elle : les silhouettes décharnées qui erraient plus en avant n'en n'auraient rien à faire qu'elle soit entrain de chercher de quoi manger, ils arriveraient bien assez tôt.

Observant toujours l'inconnue, de dos, le trentenaire enregistre au plus vite les informations qu'il perçoit ; elle est loin d'être propre sur elle et pas mal amaigrie, sans doute une vagabonde. Quoi que le blond ne devait pas forcément avoir meilleure mine, entre les kilos en moins et les cernes qui cerclaient son regard, mais il s'en fichait pas mal, qu'importait qu'il ait une tronche à faire peur, elle n'était que le reflet de tout ce qu'il avait perdu. Vide. À l'instar de son regard qui témoignait que les scrupules n'étaient absolument pas des ressentiments qu'il connaissait. De là où elle était cependant, la jeune femme ne pourrait le voir et, lorsqu'elle se tourna vers lui, dégainant rapidement un couteau de chasse en le brandissant vers l'avant, Zack s'était contenté de hausser un sourcil tout aussi condescendant qu'à l’accoutumée. Elle croyait vraiment pouvoir se défendre avec ça ? Oh bien sûr, il n'était pas un surhomme : si elle s'en prenait à lui et touchait un organe vital il n'en mènerait assurément pas large, mais il aurait dégainé son Desert Eagle et lui aurait logé une balle dans le crâne avant même qu'elle ne parvienne à le toucher.

Laissant planer un certain silence tout en jaugeant toujours l'inconnue, l'ancien homme d'affaires ne peut s'empêcher de froncer les sourcils lorsqu'elle détourne son attention pour la recentrer sur le coffre de ce véhicule. À quoi joue-t-elle au juste ? N'a-t-elle pas appris qu'il vaut mieux ne jamais tourner le dos à un inconnu ? Apparemment pas. Inspirant profondément, le blond ne peut s'empêcher de s'agacer de la lenteur des choses et en vient rapidement à la conclusion que non, il n'a aucunement l'envie de faire l'effort d'avoir l'air sympa. Prendre ce qu'il peut prendre et poursuivre son chemin, quitte à laisser derrière lui le cadavre de la demoiselle en plus de ceux des putréfiés. Sûr qu'il aurait pu tout aussi bien passer son chemin maintenant, mais ça non plus, il n'en n'est pas capable, parce-que toute la peine et la rage accumulées lui donnent ce besoin de s'en prendre à quelque chose, de trouver un bouc émissaire où décharger un peu tous ces sentiments destructeurs.

Lentement, il s'est approché d'elle, ses doigts toujours plus serrés autour du poing américain bien caché dans sa poche gauche. Comme à chaque fois qu'il a ce besoin de contrôler ses nerfs, s'y raccrocher comme à un ancre sur un sol bien trop instable. Une légère bourrasque de vent soulève ses cheveux mais il ne réagit pas le moins du monde, ne ressentant qu'à moitié le froid. Un rapide coup d’œil un peu plus en avant lui permet de voir qu'il est pour l'instant plus proche de l'inconnue que les putrides. Ils ne représentent pas une menace immédiate pour l'instant, contrairement à elle, mais ne sont pas à omettre pour autant. S'étant tout de même arrêté à une distance raisonnable de la jeune femme, le trentenaire glisse doucement ses doigts sur la crosse de son arme à feu et, lorsqu'elle se retourne, lui demandant le plus naturellement du monde s'il veut partager sa nourriture, le canon du Desert Eagle est braqué droit sur elle.

« Je vais prendre le tout, si tu n'y vois pas d'inconvénient » avait-il répondu sur un ton sans émotion à l'instar de son regard franchement froid. Pas de colère ni de rage, simplement ce manque d'envie de prendre des pincettes et jouer de la manipulation. À croire qu'avec la perte de Stew, Morgan a déteint sur lui : aujourd'hui, il n'y a pas de bon et de mauvais flic, il y a juste lui et son autorité habituelle. Libre à elle de tenter de retourner la situation à son avantage, mais ce sera à ses risques et périls. « Si tu coopères, je n'aurai aucune raison de m'en servir » avait ajouté l'ancien homme d'affaires en faisant un petit signe du menton vers son arme.

Toisant l'inconnue en face d'un air toujours aussi froid, Zack était prêt à réagir au moindre signe qui laisserait entendre qu'elle avait dans l'intention de le prendre à revers. Et mieux valait pour elle qu'elle évite de tenter quoi que ce soit, notamment parce-que le trentenaire n'avait plus rien à perdre, il ne craignait pas la mort et n'avait pas peur pour sa vie, encore moins de prendre celle des autres. Alors qu'elle essaye, il l'attendait au tournant. Évidemment, il n'aspirait plus à se laisser aller comme lors des semaines qui avaient suivi la mort de Stew mais il était encore dans cette sorte d'entre deux où sa propre vie n'avait pas la moindre importance à ses yeux, le tout agrémenté de cette certitude selon laquelle les siens continueraient à avancer, même sans lui.

Lorsque la femme prit la parole, l'ancien homme d'affaires avait haussé un sourcil à la fois condescendant et blasé. C'était quoi cette remarque bidon digne d'une gonzesse ? Non, il n'avait pas peur d'elle et n'avait pas non plus besoin de braquer chaque personne qu'il croisait pour compenser quoi que ce soit, quand bien même la demoiselle semblait penser le contraire. S'il la braquait ainsi de son Desert Eagle c'était parce-qu'il n'avait absolument pas la patience de jouer au type sympa pour la faire tomber dans ses filets. La manipulation avait pourtant toujours été son truc, déjà avant que le monde ne tombe, mais depuis que son compagnon avait rendu son dernier souffle, il n'avait clairement plus cette patience. Au moins, la blonde savait immédiatement à qui elle avait affaire, ça leur éviterait une perte de temps à l'un comme à l'autre.

À sa dernière phrase, il avait hoché la tête, lançant un rapide coup d’œil aux putréfiés qui s'approchaient toujours plus derrière elle avant de recaler ses orbes clairs sur l'inconnue. « C'est un marché acceptable, mais on va avoir une petite discussion avant » avait-il lancé sur un ton presque conciliant, cette pointe de supériorité cependant toujours perceptible dans son ton. Observateur, il avait repéré la main qui avait doucement disparu dans le dos de la jeune femme et avait à nouveau haussé un sourcil. « Sers toi de l'arme planquée dans ton dos pour t'ôter la menace des morts. Et après tu me diras où tu crèche, et avec qui » avait-il ajouté sans la quitter des yeux. Était-il prêt à discuter tranquillement ? Sans arme dans l'équation ? Sans doute, du moins sans braquer le canon sur elle, mais ça ne ferait que retarder le moment où les choses se gâteraient. Soit elle refusait de lui donner des réponses et il réglerait le problème, soit elle lui donnait et ils iraient voir de quoi il en retourne ensemble. Mais il lui laisserait le bénéfice du doute jusque là, et peut-être pourraient-ils trouver un terrain d'entente.

Attendant toujours à une quelconque réaction de l'inconnue face à lui, le blond ne la quitte que des yeux brièvement pour s'assurer que les putrides qui s'approchent dangereusement derrière elle puissent rester gérables si elle se fait prendre. Sils grandissaient en masse, qu'une petite horde se formait, mieux vaudrait ne pas traîner ici plus longtemps. Envieux d'avoir des informations sur un potentiel groupe et de trouver des vivres, certes, mais pas fou ; il n'allait certainement pas risquer sa vie pour des conneries. Quoi que. Dans le fond, la jeune femme trois options : soit elle usait néanmoins de son énergie pour se débarrasser de la menace des morts, soit elle tentait de fuir, soit de s'en prendre à lui. Les deux dernières amèneraient au même résultat : sa mort, à elle, évidemment. Zack n'allait pas se laisser avoir aussi simplement, et il n'était pas d'humeur à laisser filer qui que ce soit. Tenter une pseudo-coopération en éliminant en premier lieu les putréfiés était donc le meilleur choix qu'elle avait pour l'instant, mais restait à savoir si elle était à même de s'en rendre compte.

Apparemment pas. Ses mots en témoignaient aisément. Et ses arguments étaient tout aussi bancals les uns que les autres. Méfiante parce-qu'elle était seule ? Foutaises. La méfiance était même de mise quand, quelque part, des proches attendaient. Seule parce-que sinon elle ne chercherait pas un réchaud ? Argument bidon également, il n'y avait pas besoin d'être seul pour vouloir trouver trouver de quoi chauffer des rations. Mais l'aîné n'avait pas de temps à perdre pour s'amuser à contrer ses propos un à un, aussi, il s'était contenté de hausser un sourcil, la toisant de cet air supérieur qui était le sien. L'écoutant toujours parler sans mot dire, l'ancien homme d'affaires voit sans difficulté le mort qui s'approche de plus en plus de la jeune femme jusqu'à ce que sa mâchoire ne vienne claquer près de son oreilles. Quelques centimètres de plus et une réaction plus lente et le sort de la concernée aurait été scellé pour de bon. Mais non. Elle s'est enfin décidée à gérer la première menace qui pesait sur ses épaules, dégageant ainsi l'endroit des morts les plus proches. Et il faut dire qu'elle ne se débrouille pas si mal, mais il en faudrait bien plus pour inquiéter le trentenaire ou lui faire prendre peur.

Durant ce petit affront, un autre putride déboule d'entre les véhicules, arrivant juste à côté de lui avant de se retrouver mis hors d'état de nuire par la lame de son couteau de chasse récupéré de la main gauche. Net et précis, sans la moindre once d'hésitation puis, tout aussi naturellement, l'ancien homme d'affaires réoriente son bras droit toujours armée du magnum vers l'inconnue, rangeant calmement le couteau dans son étui. Et l'air de la blonde se fait franchement blasé, à l'instar de celui du plus grand qui commence sérieusement à s'impatienter. Certes, la tuer maintenant ne lui apporterait pas grand chose, ce serait totalement gratuit, mais la laisser partir avec ses petites trouvailles sous-entendrait qu'il aurait fait ces efforts pour rien. Penchant alors légèrement la tête sur le côté, le trentenaire garde ce même air fermé qu'auparavant, ne s'encombrant pas d'un quelconque sourire. « Laisse ici tout ce que tu as trouvé et vas te chercher ce coin où ''pieuter tranquille'' » avait-il simplement lancé en désignant du menton ce réchaud qu'elle tenait. « Et je vais être sympa : je te laisse tes armes. Je te demanderai simplement ton chargeur, mesure de précaution. » Mieux valait éviter qu'elle se décide à tirer à vue une fois éloignée. Et si elle ne coopérait pas ? Ce serait à ses risques et périls. Oh bien sûr, il aurait pu poursuivre dans son idée de discussion, tenter de lui sous-tirer des informations, mais il n'en n'avait pas la moindre envie et ils étaient suffisamment loin de la maison pour qu'il n'ait pas à s'inquiéter de ce qu'elle pourrait dire à ses potentiels petits copains.