Assis sur son lit, dans sa petite chambre, Noam Artémis avait plusieurs livres ouverts devant lui. Des livres dédiées à la médecine, à l’anatomie mais aussi à l’utilité des plantes. Depuis qu’il avait commencé à voir régulièrement Emerson, il s’impliquait avec conviction dans sa petite formation. Le jeune homme jugeait cela important d’être rigoureux dans son travail. Il commençait à se faire à l’idée qu’il allait devoir accepter une forme de pression mais que c’était pour le bien du groupe. S’il apprenait avec soin, s’il se montrait appliqué, il pourrait aider Emerson dans ses tâches quotidiennes et peut-être être utile à tous les autres. Il étudiait donc avec beaucoup de sérieux et passer du temps dans sa chambre. Le reste du temps, il était soit à l’infirmerie avec Emerson soit au potager même si les températures étaient sévèrement en train de chuter. Il devait donc faire en sorte de bien protéger la terre qu’ils avaient travaillée avec attention. Ce rythme de vie lui convenait bien. Au final, Noam Artémis s’était très bien fait à la vie à la maison de retraite. Le fait de se sentir en sécurité et de pouvoir dormir sur ses deux oreilles était essentiel pour lui. Cela lui permettait de reprendre beaucoup d’énergie et de pouvoir partager son enthousiasme et son positivisme à l’ensemble de la petite bande. Cela ne l’empêchait pour autant pas de passer du temps, seul dans sa bulle comme en cet instant.

Noam Artémis était tellement plongé dans sa lecture qu’il n’entendit pas Kerwan frapper à la porte de sa chambre, ni même l’ouvrir. Clairement, il n’était pas le meilleur guerrier de cette maison de retraite et devrait certainement être un peu plus sur ses gardes mais soit… Il sursauta presque en entendant la voix de son camarade et se décida enfin à lever les yeux vers Kerwan. Son camarade lui expliqua alors la raison de sa présence. Noam ne put retenir un sourire accompagné d’un léger rire.

« Mais comment refuser une telle proposition… Tu sais comment me parler toi ! »

Noam rit alors de plus belle, taquinant Kerwan. Rien de méchant dans sa remarque, bien au contraire. Il s’entendait bien depuis le début avec son camarade. Ils aimaient rire ensemble mais aussi s’entraîner, Kerwan semblait tenir au fait que Noam se débrouille bien face aux rôdeurs, qu’il améliore ses capacités. Pour le protéger sans doute. En tout cas, Noam Artémis appréciait sa compagnie et après sa petite boutade, il descendit de son lit. Il attrapa un pull chaud en laine qu’il trimbalait avec lui depuis le début et l’enfila ainsi qu’une paire de gants. Il attrapa aussi son sac, qui contenait toujours un couteau et une faucille en rab et plaça le couteau qu’il utilisait toujours à sa ceinture.


« Je te suis. »

Noam adressa alors un sourire plus tranquille à Kerwan et entreprit de le suivre. Ils descendirent rapidement les escaliers avant de sortir du refuge. Noam adressa un signe vers la fenêtre de la chambre d’Heather, supposant qu’elle devait mener la garde de là-haut. Il se doutait que Kerwan avait dû signaler aux autres son envie de faire un tour et ne se posa donc pas de questions à ce sujet.

« Comment tu vas ? »

Si Kerwan avait envie de prendre l’air et de faire leur fête à quelques morts c’était peut-être qu’il avait quelque chose à évacuer. Noam Artémis ne pouvait de toute façon pas faire autrement que lui poser la question, au pire il ne répondait pas. De toute façon, il se doutait qu’au fil de leur promenade Kerwan serait sans doute plus à même de discuter. Noam Artémis sentait bien que l’arrivée à la maison de retraite n’était pas simple pour tout le monde.

Les deux camarades commencèrent alors à s’engager sur la route. Alors que son regard se promenait autour de lui, Noam Artémis ne pouvait s’empêcher de se dire que l’atmosphère était étrange. Il régnait un calme relatif autour du refuge et dans certaines parties de l’île. Dans ces moments-là, on pouvait croire que tout était calme, qu’il n’y avait rien à craindre et qu’ils vivaient simplement dans un monde qui avait perdu un peu trop d’habitants. Noam appréciait ces instants. Il aimait pouvoir sortir et ne pas être assailli par l’horreur du monde à chaque pas. Cela l’aidait à projeter son esprit, à laisser son imagination vagabonder… Il avait besoin de ça. Presque comme un enfant, il fallait encore parfois qu’il s’enferme dans des idylles, comme pour mieux réussir à affronter la réalité derrière. Bien sûr, ça il le gardait pour lui, n’étant pas certain qu’on comprenne vraiment sa vision du monde ni qu’on le prenne au sérieux. Et cela ne le dérangeait pas, il aimait avoir un jardin secret, des petites choses qui ne le concernaient que lui. Ce n’était pas pour autant qu’il était fermé à la conversation, bien au contraire ! Et Kerwan était un bon exemple. Avec lui, il se sentait à l’aise et n’hésitait jamais à échanger, à discuter et à partager. Et cela valait dans les deux sens, c’était donc pour ça que Noam Artémis avait demandé à son camarade comment il se portait, mêlant accroche simpliste et question sincère.

Le regard tourné vers l’horizon, observant leur direction, Noam Artémis écouta attentivement la réponse de Kerwan. Il afficha un sourire quand son camarade retourna la question et montra l’opposition qui se dessinait entre eux.

« Je crois que la vadrouille permanente et la solitude, ce n’était pas vraiment fait pour moi. »

C’était même évident. Noam Artémis avait besoin d’avoir du monde autour de lui-même si au final il passait beaucoup de temps dans son coin. Il avait besoin d’un semblant de sécurité et surtout, d’humanité. Mais il concevait sans difficulté que pour certains et surtout après de longues journées de solitude sur les routes, cela devait être difficile de retourner à la vie en communauté. Et il se sentait concerné par cela, il aurait aimé que pour Kerwan les choses soient aussi simples que pour lui.

« Tu sais ce qui te dérange dans la vie en communauté ? »

Il pouvait avoir mille raisons différentes expliquant que Kerwan ne se sente pas forcément à l’aise. Après tout, même bien avant l’arrivée des morts, la vie en communauté ne correspondait pas à tout le monde. Noam Artémis avait pu observer cela à de nombreuses reprises. La seule différence, c’est qu’à ses yeux, dans le monde actuel, la communauté restait la meilleure manière de survivre sans devenir complètement fou.

« Ils sont plutôt sympas nos p’tits camarades pourtant, non ? »

Noam Artémis lâcha alors un petit rire amusé. Lui, s’entendait plutôt bien avec tout le monde ce qui n’était d’ailleurs pas très étonnant. Il avait déjà vu des tensions entre certains mais avait toujours fait au mieux pour calmer le jeu, jugeant que cela ne servait à rien de créer des tensions. Mais peut-être que Kerwan avait des difficultés particulières avec une des personnes du groupe ?