Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Never lose hope
Dim 18 Fév 2018 - 23:17
27 ANS ≡ AMERICAINE ≡ ASSISTANTE MEDICALE ≡ TRAVELERS
Il est toujours difficile de décrire parfaitement la personnalité de quelqu'un en quelques mots choisis avec précision. Ce qui fait l’entièreté d’une personne, c’est la somme de toutes ses expériences, de tous ses souvenirs, de tout un tas de choses qui ne peuvent pas se borner à quelques adjectifs. C’est d’ailleurs pour cela qu’Elenaor a toujours eu du mal à réaliser des entretiens d’embauche, mais elle se prêtait néanmoins volontiers à l’exercice.
Si elle devait donner six qualités et six défauts, elle aurait donné les suivants : fidèle et honnête, à tous points de vue, la rousse estime que ce sont des valeurs importantes, des façons de vivre. Elle est fidèle à ses principes, sa famille, son mari – ex-mari/défunt mari ? – et surtout fidèle à elle-même. Honnête parce qu’elle trouve les mensonges trop compliqués et risqués, Eleanor ne conçoit pas une vie basée sur le mensonge, ce qui rend ceux des autres d’autant plus difficiles à encaisser. C’est également une personne très sensible qui se prend facilement d’affection et avait tendance à ne pas se montrer suffisamment forte mentalement. Sa force, elle la puise plutôt dans sa positivité, même ce monde n’a pas entièrement fait perdre espoir à la rouquine qui continue de croire en des lendemains meilleurs. Evidemment il est des gens ou des semaines où garder l'espoir s'avère plus compliqué que d'autres ... Vous savez ce qui aide à surmonter chaque jour ? L'humour. Vous allez me dire que l’humour est une question de perception et que certains traits d’humour sont empreints d’une note de négativité, mais malgré tout, à ses yeux, l’humour est quelque chose de positif dans la vie, une nécessité. Et même seule, même maintenant, Ely essaie de rester elle-même, drôle. Sa dernière qualité principale, elle la tient de son métier et de nombreuses heures à aider sa mère dans sa gestion du foyer. L’organisation dont elle fait preuve pouvait parfois faire peur, Eleanor aime l’ordre, l’organisation, les prévisions. Même maintenant, elle tâche de réfléchir, de penser chaque geste, chaque action pour le rentabiliser, pour ne pas s’épuiser inutilement. Si à ce jour elle n'a toujours pas réussi à rejoindre sa mère, ce n'est sans doute pas par manque de réflexion ou d'organisation dans ses déplacements.
Présenter ses défauts, voilà qui est plus compliqué car après tout, ce sont ces petites choses plutôt négatives à notre sujet, difficile de les accepter. Difficile pour elle d’accepter son émotivité, sensible et sans doute trop, Eleanor a tendance à facilement verser sa petite larme, de joie ou de tristesse. De cette émotivité naît souvent la colère, et des crises de colère mémorable, Eleanor en a déjà piqué un bon paquet, contre son ex/défunt mari, contre son patron, contre cette amie irritante, contre sa voiture qui ne démarrait pas, contre elle-même. Eleanor a également tendance à facilement prendre peur, elle fait son possible désormais pour vaincre sa peur mais les cadavres la terrifient encore un minimum, c’est simplement parce qu’elle a compris que les survivants étaient pires qu’elle tente d’accorder le bénéfice du doute aux morts. Ce que la fin du monde lui a également appris c’est qu’il faut être méfiante, elle ne l’était pas assez, elle l’est devenue et tente de ne pas se laisser manipuler par sa propre sensiblerie. Aimant que tout fonctionne selon son idée et son organisation, Eleanor peut devenir rapidement autoritaire, ça passe ou ça casse, mais elle aime que les choses avancent dans son sens. C'est plus facile quand on est seule, me direz-vous. Et surtout, elle a tendance à se montrer très bavarde, la fin du monde est plutôt compliquée à ce niveau-là pour elle qui ne trouve que rarement des personnes avec qui parler de la pluie et du beau-temps. Elle aurait presque pris l’habitude de parler toute seule ou bien aux morts quand elle n’est pas occupée à en avoir peur.
Eleanor s’est longtemps considérée comme une grande perche, celle qui faisait toujours une tête de plus que tout le monde à l’école – même les garçons – celle qu’on mettait derrière pour la photo de classe, celle qui ne trouvait pas de pantalon suffisamment bien taillé pour ne pas avoir l’air idiote. Vous l’aurez compris, Eleanor est grande, 1m78 la dernière fois qu’elle a été mesurée, et c’est sans doute la première chose que vous remarquerez en la voyant. Quoique sa chevelure de feu puisse également vous interpelez. Mais nous y reviendrons. Niveau corpulence, Eleanor est plutôt mince. Si avant l’épidémie elle n’avait jamais dépassé les soixante-deux kilos, elle doit désormais être descendue sous la barre des soixante.
Revenons donc à ce qui est la deuxième chose la plus notable lorsqu’on l’aperçoit, ou la première au final, tout dépend de vous ; sa chevelure rousse. Elle a fait la fierté de la jeune femme et de sa mère depuis de nombreuses années cette tignasse d’un roux chaleureux. Eleanor en a toujours pris soin, c’est évidemment plus compliqué maintenant et elle a sans doute l’air d’une sauvageonne avec ses mèches rousses moyennement propres, mais elle aime quand même ses cheveux. Ils vont parfaitement avec ses yeux d’un marron clair auquel la luminosité peut donner des teintes tantôt rubis, tantôt topaze. Vous ne manquerez pas de remarquer en l’approchant quelques taches de rousseur sur ses joues, un nez rond et des lèvres souvent fendues d’un sourire mutin.
Son look, Eleanor le travaillait un minimum avant l’épidémie, parce qu’une secrétaire doit donner une bonne première impression – et même si elle devait souvent porter une fichue blouse blanche – mais désormais elle a opté pour ce qui est pratique. Des bottes sans talon aux pieds, une paire de baskets dans son sac à dos au cas où, un jean délavé et un pantalon coupe-vent trouvé au cours de ses errances, un lourd manteau noir pour l’hiver et une veste beige pour l’été. Voilà tout ce qui constitue son look de survivante. Dans son sac de randonnée, en dehors de ces quelques vêtements de rechange, Eleanor a toujours une bouteille d’eau pleine, quelques miettes de nourriture, des pansements dont le stock diminue et du parfum. Un sac de couchage est accroché à son sac à dos, de même que son pied de biche, seule arme qu’elle transporte encore aujourd’hui. De temps en temps, lorsqu’elle trouve un livre, elle le glisse dans son sac pour passer le temps, se débarrassant du précédent qu’elle a déjà lu pour ne pas s’encombrer.
Il était une fois une jeune serveuse qui vivait à Langley, Washington. Langley était un petit village côtier perdu sur une île au nord de Seattle. Le genre de village où il ne se passe pas grand-chose, alors quand un jour un petit bateau de plaisance s’amarra au ponton du port sur lequel donnait le restaurant, la petite serveuse prénommée Caroline s’intéressa à l’individu qui accostait. Des nouveaux visages, l’on n’en voyait pas passer beaucoup, et des visages aussi séduisants encore moins. La jeune serveuse ne manqua pas de se faire remarquer, de séduire le beau marin et ce qui devait arriver, arriva. Mais le beau marin canadien à en croire son accent devait reprendre la route, enfin la mer. Alors il mit les voiles, littéralement, et laissa la serveuse là, seule. Enfin, pas vraiment seule, parce que cette jeune Caroline n’était pas du genre prudente, et que quelques semaines après le départ du beau marin, elle découvrit qu’elle était enceinte. Bingo ! Caroline c’est ma mère et ce beau marin mystérieux c’est mon père, j’ignore tout de lui à part qu’il était sans doute canadien et qu’il avait un bateau qui s’appelait la Ménade. Et moi, c’est Eleanor Charlotte Hopper, née le 18 août 1990 de père inconnu dans cette petite bourgade de Langley au nord de Seattle où il ne se passe pas grand-chose.
J’ai grandi avec ma mère et mes grands-parents qui étaient toujours là pour nous, je ne sais pas vraiment quoi vous raconter sur mon enfance, à part qu’on se moquait souvent de moi pour ma taille. Ça arrive il paraît quand on est plus grande que la majorité des autres enfants, et quand on est rousse, et qu’on a des tâches de rousseurs. Enfin, je ne vais pas vous faire un dessin, mon enfance était plutôt basique avec une mère qui passait beaucoup de temps au boulot, cumulant par moment deux emplois pour joindre les deux bouts, des grands-parents aimants, et des camarades d’école moyennement drôles. Dit comme ça, on pourrait croire que je n’ai pas aimé mon enfance, mais j’en garde d’excellents souvenirs comme les journées en bateau avec mon grand-père, aller à la pêche, tricoter, faire des gâteaux avec ma grand-mère, aider ma mère dans ce que je pouvais. C’était une enfance simple, pas toujours facile, mais simple, sans chichi, sans bling-bling.
Mais vous savez ce que c’est que l’adolescence, on a tendance à vouloir tout changer, à ne plus aimer notre environnement. Et je n’ai pas fait exception à la règle, j’avais besoin de plus, de voir plus grand, de voir de nouvelles têtes, sans doute que les histoires que ma mère m’avait racontées à propos de mon père aidaient. C’était un individu mystérieux mais intriguant et tout ce que je voyais c’était que les garçons du village étaient des abrutis congénitaux qui me considéraient comme la grande perche rousse trop sérieuse, parce que contrairement aux autres filles je préférais me concentrer sur les cours plutôt que sur ma manucure, parce que j’avais des responsabilités à la maison où l’on était que deux. La décision de quitter ce village, je l’ai prise rapidement, ce n’était pas vraiment contre ma mère que j’aime plus que tout, c’était purement un rejet de cet environnement, je voulais faire autre chose de ma vie que finir serveuse dans le bar de la marina. Alors j’ai travaillé dur, j’ai mis de l’argent de côté avec la ferme intention de décrocher mon diplôme et de rejoindre la grande ville.
Est-ce que j’y suis arrivée ? Evidemment. Sans aller jusqu’à dire que j’étais une tête ou que j’étais faite pour découvrir toutes les grandeurs et les beautés de ce monde, je n’étais pas faite pour finir mes jours à Langley. En 2008, mon diplôme en poche, j’ai donc rejoint l’université à Seattle, la cité émeraude n’attendait que moi. C’était impressionnant comparé à ma petite ville côtière, mais c’était grisant. Les premiers jours je me suis perdue dans toutes ces rues, dans les transports en commun puis finalement j’ai pris mes marques. Les gens étaient plus intéressants aussi, plus d’ouverture, plus d’échanges, c’était stimulant comme environnement. Je n'avais pas vraiment de vocation particulière si ce n’était quitter mon patelin, alors j’avais opté pour des études de secrétariat/assistanat, dans le domaine médical parce que je pensais qu’à mon niveau je pourrais déjà aider un peu les gens qui en avaient besoin.
J’ai décroché mon diplôme sans trop de difficulté, et sans me couper du monde. Mes deux années d'étude s'étaient déroulées plutôt facilement. J’avais une vie sociale, des petits copains, des amis et des amies, je vivais cette vie que mon petit bled m’avait toujours refusée. Vous le croirez ou non mais certains types craquaient même complètement pour mes taches de rousseur. Bref, quoiqu’il en soit, j’ai obtenu mon diplôme et trouvé un emploi au Kindred Hospital au nord de Seattle. Ce boulot a changé ma vie, enfin pas le boulot en soit, mais plutôt l’endroit. J’y ai rencontré Daniel, l’homme de ma vie – enfin à l’époque. Daniel était ambulancier, je le croisais pour les admissions des patients, pour leurs sorties, il était mexicain, plus âgé que moi mais il avait un charme qui m’a fait fondre. Je ne saurais pas dire si c’était son accent ou l’attention qu’il me portait ou encore sa simple origine qui me donnait l’impression d’un ailleurs à portée de main, mais j’ai craqué. Et j’ai bien fait, puisqu’après quelques mois de relation, il m’a demandé en fiançailles. Je ne vais pas vous mentir, le fait que Daniel ait dix ans de plus que moi et qu’il soit d’origine mexicaine eut du mal à passer dans ma famille, il faut dire que certains se vantaient d’être des vrais américains depuis des décennies, bla-bla-bla - oui ils oubliaient sans doute d'où ils venaient et qui étaient les vrais américains, mais ça ... Mais c’était mon choix, c’était ma vie.
On a décidé d’habiter ensemble, on rendait visite à ma mère, on est même partis plusieurs fois au Mexique voir sa famille à lui, c’était ça, mon aventure à moi. J’aimais cette différence qu’il apportait à ma vie et je me fichais de tout le reste, je n’avais besoin de rien d’autre que lui et mon boulot de secrétaire médicale. Après quatre ans de relation, et le temps de mettre tout l’argent nécessaire de côté, nous nous sommes mariés, un beau mariage avec beaucoup d’invités, beaucoup trop sans doute. C'était en 2014. Notre lune de miel on a décidé de la faire sous la forme d’un voyage de trois semaines en Amérique latine, je dois dire que je me débrouille bien en espagnol du coup, il faut bien que j'en garde un point positif désormais. Je vivais mon rêve et je ne voyais pas pourquoi ça s’arrêterait.
En fait, je n’ai pas vu la fin arriver. Daniel et moi étions rentrés de notre lune de miel depuis six mois lorsque je l’ai découvert. Ce sale con – pardon – cet individu malhonnête me trompait, visiblement ça durait depuis quelques semaines avant notre mariage, j’étais trop aveugle pour le voir, trop amoureuse, trop bête. La trahison était encore plus difficile à accepter. C’est donc pour ça que six mois seulement après notre mariage, en juillet 2015, j’ai demandé le divorce. Bafouée, en colère, souvent en pleurs, je n’ai pas vraiment prêté attention aux informations qui ont commencé à circuler. Vous comprenez, j’étais dans une situation délicate, obligée de chercher un nouvel appartement parce que monsieur n’avait pas l’intention de bouger son gros cul d’infidèle – pardon – de déménager sans ciller de notre appartement. Il y avait des papiers à faire – des photos de mariage à brûler – et j’étais emportée dans ce tourbillon de déception et de colère. En septembre, il est revenu vers moi, implorant mon pardon et m’avouant surtout qu’il avait lâché notre appartement qui lui rappelait tout ce qu’il avait détruit. Sérieusement ? Je suppose que j’aurais dû refuser, mais j’ai accepté de l’héberger, en me disant sans doute que peut-être on arriverait à sauver notre mariage parce qu’après tout, Daniel était mon idéal.
Grossière erreur. Mais de toute manière, le monde commençait déjà à partir en cacahuètes, alors je n’aurais pas vraiment eu le loisir de lui offrir la seconde chance qu’il me demandait avec son fichu accent sexy … Est-ce que les news me faisaient peur ? Elles pouvaient être angoissantes, mais croyez-moi, en travaillant dans un hôpital, le pire ce n’était pas les informations, c’était ce que je voyais chaque jour un peu plus, des individus blessés, comme sortis de combats violents, primaires … La suite ? Vous la connaissez tous un peu.
Cela faisait deux ou trois semaines que Daniel dormait sur mon canapé quand la situation a commencé à devenir vraiment inquiétante. Aux admissions des urgences, le nombre de blessés par morsure ou griffure était en augmentation, cela avait quelque chose d’inquiétant, d’effrayant. Les réseaux sociaux, les médias, tout le monde y allait de sa théorie, de son information plus ou moins plausible. A côté de tout ça, les tentatives de Daniel de regagner ma confiance étaient dérisoires, pourtant après de longues journées au boulot elles avaient quelque chose de rassurant et d’agaçant à la fois. On parlait d’une possible intoxication alimentaire ou des effets secondaires de nouvelles drogues, tout paraissait possible et en même temps, tout paraissait impossible. Daniel essayait de me rassurer ce jour-là alors que je voulais rentrer chez ma mère pour vérifier qu’elle allait bien.
La situation prit une tournure encore plus effrayante quand l’information courut partout sur le net que les morts se relevaient, tout un hôpital avait été mis en quarantaine. Dans mon service du Kindred, on se posait un bon paquet de questions, est-ce qu’on allait subir le même sort ? Est-ce qu’on craignait quelque chose à rester là ? Je limitais mes déplacements à l’aller-retour au travail, aux quelques courses que je devais faire. J’étais en congés le jour où les militaires ont commencé à entrer dans Seattle. Tout allait trop vite, tout était allé trop vite et lorsque j’ai compris à quel point la situation était grave, la loi martiale était déclarée.
Et petit à petit, tout ce que je connaissais se transforma. Dans cette tempête de changements, j’étais finalement heureuse d’avoir mon futur ex-mari avec moi, en dépit de son mensonge, de sa trahison, je l’avais lui. A la télé, à la radio, le même message commença à tourner en boucle, l’électricité dans le quartier de mon appartement au nord de Seattle rencontrait quelques coupures. Le 28 octobre 2015, mon téléphone a cessé d’émettre ou de recevoir le moindre appel. Je voulais, je devais rentrer à Langley m’assurer que tout le monde allait bien mais Daniel me martelait que l’on devait rester à l’abri chez nous. Chez nous ? Il avait un sacré culot, mais j’encaissais, je ravalais ma colère parce qu’il se passait des choses plus graves. Et ce n’est finalement qu’après quatre jours à le harceler avec mon idée de traverser la baie qu’il accepta de m’amener à Mukilteo.
En chemin, mon regard n’osa pas trop s’attarder sur le chaos qui se généralisait. Des groupes d’individus erraient dans les rues, hagards, ils faisaient peur. Dans la ville portuaire, nous avons appris que plus aucun ferry ne partait pour Whidbey Island et qu’aucun ferry n’était revenu depuis une dizaine de jours. Mon cœur se serra, je devais traverser, je devais la retrouver et m’assurer qu’elle allait bien. Ce n’était quand même pas ce bras de mer qui allait m’empêcher de retrouver ma mère, moi, fille d’un mystérieux marin canadien. J’insistais auprès de Daniel pour que l’on trouve un autre moyen de transport, un autre ferry, même une barque, à deux cela me semblait possible. Mais il ne voulait pas risquer sa vie, il tenta de me convaincre de le suivre vers le sud pour retrouver sa famille au Mexique. N’avait-il pas vu les autoroutes bouchées ? Les véhicules à l’arrêt depuis des heures voire des jours ? En quoi sa famille, en quoi sa vie, seraient-elle plus importante que ma famille, que leurs vies ? Nous nous sommes disputés, sans doute que la trahison avait toujours ce goût amer qui m’empêchait de voir clairement, sans doute que la peur de perdre ma seule famille rendait mes réflexions confuses et risquées.
Toujours est-il que ce jour-là de novembre 2015, Daniel traça sa route vers le sud, et moi je continuais de monter vers Everett. Si je réussissais à rallier Camano Island, alors je pourrais sans doute trouver un moyen de traverser là où les détroits étaient les plus petits … Si je réussissais à monter encore plus au nord, alors je pourrai traverser par la terre. Du moins c’était ce que je pensais. La situation n’allait pas en s’arrangeant et lorsque l’hiver frappa d’un grand coup de froid, mes errances solitaires à pieds devinrent plus que compliquées. Je pense sincèrement que j’ai échappé à la mort ce soir-là, roulée en boule dans mon sac de couchage sous le porche d’une maison que je croyais abandonnée. Abandonnée, elle ne l’était pas, et dans un sens heureusement pour moi puisque les Russell m’ont accueillie et sauvée. C’était un couple d’une quarantaine d’années avec deux adolescents, des jumeaux. J’étais épuisée, je ne savais pas exactement depuis combien de temps Daniel et moi avions quitté mon appartement, je ne savais même pas si je pourrais un jour retrouver mon appartement. Les Russell me racontèrent les pillages dont ils avaient été témoins, m’expliquant pourquoi ils avaient barricadés fenêtres et portes, pourquoi ils avaient hésité à me sauver. Quelques jours passèrent, je me sentais en forme, mais le froid me dissuada de tenter quoique ce soit, à part l’idée de rentrer chez moi à Seattle, retrouver ma cité émeraude. Victor, le père, m’en empêcha, j’allais selon lui mourir avant d’avoir atteint la sortie d’Everett. A contrecœur, je décidai de l’écouter, j’attendrais que le froid laisse la place aux beaux jours, d’ici là peut-être que la situation se serait améliorée. Et de leur maison j’avais une bonne vue sur la baie, je pouvais voir les ferries s’ils repartaient.
Les jours se transformèrent ainsi en semaine et les semaines en mois. Au printemps, aucun ferry n’avait encore fait la traversée, aucun bateau ne s’était risqué dans les eaux glacées et parfois traîtresses du Possession Sound. J’étais restée avec les Russell, ils prenaient soin de moi, ils me traitaient comme l’une des leurs et c’était rassurant d’avoir une famille de substitution comme ça. Ça n’effaçait pas mon inquiétude, mais ça permettait de tenir chaque jour. La vie avec eux était assez facile, ils avaient un petit potager sous serre, un système pour récupérer l’eau de pluie, un générateur électrique qui lâcha cependant après quelques semaines et ils avaient cinq poules. A la fin de l’hiver malheureusement, il n’y avait plus que trois poules, mais nous avions pu faire plusieurs bons repas.
Le printemps passa, je continuais de réfléchir au meilleur moyen de traverser, comment ne pas risquer ma peau dans cette histoire, mais j’avais sans doute trop peur, je sortais peu, j’aidais plutôt Karen et les enfants à la maison ce qui fit que je ne vis pas de mort avant un moment, une bonne chose sans doute ? J’étais cette grande sœur de cœur, cette fille adoptive arrivée sur le tard. Les pluies se firent plus rares, le potager souffrit un peu de la chaleur qui arrivait lentement mais sûrement, la dernière poule y passa à l’automne. La vie commençait à devenir plus difficile, même pour nous dans cette maison bien pensée, bien pourvue. Alors les Russell décidèrent de quitter Everett, ils voulaient partir vers le sud où la vie serait selon eux plus clémente. Cela m’éloignait de ma famille, mais quelque part au fond de moi, l’impression que je ne reverrais jamais ma famille de sang se faisait de plus en plus violente. Alors j’ai décidé de les suivre, avec une part de culpabilité d’abandonner ainsi les miens, j’étais comme endormie, droguée par tout ce qui avait pu se passer. C’est quelques mètres plus loin, dans la rue de leur maison, que j’ai vu le premier infecté.
Septembre 2016. Le 14 sans doute, on tentait de compter les jours mais ça n’était pas évident, il fallait éviter d’oublier de tourner l’éphéméride. Mais revenons-en à ce corps déambulant. J’étais figée sur place, Karen et les jumeaux à côté de moi. Victor sortit son arme à feu, il demanda à l’étrange individu de s’arrêter, mais l’homme n’en avait visiblement rien à faire puisqu’il continua d’avancer, grognant. Finalement Victor fit feu, une première fois et une deuxième, il visait pourtant bien mais ce qui m’apparaissait comme un monstre continua d’avancer. Une dernière balle se logea dans son crâne, l’arrêtant net. Victor nous poussa à nous mettre à l’abri dans la maison, nous étions tous en état de choc. De mon côté, à travers le choc je réalisais soudain que ces personnes que nous avions croisées avec Daniel un an plus tôt n’étaient sans doute plus tout à fait humaines. Ni vivantes, ni mortes. Ou plutôt mortes mais animées d’une vie étrange. J’aimais l’aventure, mais cette aventure-là, elle n’avait rien de romanesque. Elle me terrifiait. Je repensais à ces ferries qui n’avaient plus traversé la baie depuis longtemps. Est-ce que ma mère était devenue comme ça, seule dans son petit village côtier ? J’étais comme anesthésiée à nouveau, incapable de réfléchir, je suivis sans trop broncher la famille qui prit finalement la route quelques jours plus tard.
Nous avions tous récupéré de quoi nous défendre, de mon côté j’avais opté pour un pied de biche, parce que c’était la seule chose qui ne me faisait pas peur. Les armes, ça n’avait jamais été mon truc. Les Russels avaient une voiture, de l’essence, du moins assez pour nous amener à quelques kilomètres de Seattle. Enfin, c’était ce que l’on pensait avant de finir coincés sur une de ces autoroutes bondées, figées dans le temps. C’était impossible de passer, nous avons fait demi-tour, à la recherche d’un itinéraire moins encombré, moins risqué car les morts étaient partout. Mais ces détours usèrent à la fois notre moral et l’essence en stock. Bloqués, nous nous sommes résolus à continuer à pieds … Je suppose que partir vers le sud n’était pas une bonne idée, c’était sans doute un signe pour moi, je devais continuer de chercher ma mère. Nous sommes tombés sur une horde de ces monstres et si j’avais réussi à vivre quasiment toute une année sans être confrontée à ces créatures, sans les comprendre, cette fois je fus témoin de leur violence, de leur instinct primaire. De la mort. Jake, le garçon du couple se fit mordre sous nos yeux alors que nous nous échappions. Je ne vais pas mentir, j’aurais peut-être pu le sauver, mais j’étais tétanisée par la peur.
S’il aurait peut-être pu survivre à la morsure en temps normal, il fallait se faire à l’idée que ces êtres morbides étaient porteurs d’un virus quelconque. Jake fut emporté par la fièvre quelques heures plus tard. Pire encore, il se releva à son tour, forçant Victor à lui loger une balle entre les deux yeux. Nous étions tous en état de choc, mais moi, j’ai commencé à prendre conscience à ce moment-là que je devais continuer. Ma mère était peut-être encore en vie, si elle ne l’était plus, je devais le savoir, la libérer de cette fausse vie. Après avoir remercié les Russell, après avoir partagé leur deuil quelques jours, j’ai rassemblé mes affaires, mon sac de couchage, mon arme de fortune, une bouteille d’eau et un livre chipé dans leur bibliothèque avant de partir, et j’ai quitté la famille. Je devais repartir vers le nord, trouver un moyen de rejoindre Whidbey Island.
Je devais être méthodique, intelligente. Je savais l’être, le tout était de vaincre cette peur. La plupart du temps j’agissais et je me déplaçais silencieusement, uniquement de jour. La nuit je trouvais un endroit où me cacher pour dormir, ou du moins essayer. Les morts étaient vraiment partout, ça n’était pas évident, mais j’ai eu la chance de croiser des vivants prêts à m’aider. On se rencontrait, on s’aidait, on se quittait. Chacun devait penser à sa propre survie, c’était ainsi désormais. J’avais atteint Edmonds le jour où j’ai croisé la route de ce groupe de personnes qui clamaient avoir un bateau en état de naviguer. C’était sans doute en janvier 2017, j’avais perdu le compte des jours pour de bon après ces semaines seules. Je leur ai fait confiance parce que dans ce monde, si on ne pouvait plus faire confiance à ses semblables, alors que nous restait-il ? Trop naïve me direz-vous, et vous aurez raison, mais je les ai cru. Le bateau existait vraiment, mais il n’avait pas tant l’air en état, amarré à ce petit dock loin de l’endroit d’où partaient les ferries pour Kingston. Après quelques jours en leur compagnie j’ai compris, qu’il n’y avait pas de transport possible, et qu’ils attendaient de moi certaines choses que je n’étais pas prête à leur offrir. L'aide qu'ils m'avaient apportée se transformait en dette et la dette en prison. Les hommes étaient des porcs, les femmes des vipères. Un coup de pied bien placé me permit de me libérer de l’emprise de l’un de mes geôliers, parce que c’était bien ce qu’ils étaient tous.
Triste à dire mais je pense que sans l’intervention d’un groupe de macchabées, je serais sans doute encore avec eux. Ils ont été surpris, dépassés, moi j’ai pris mes affaires et je suis partie sans demander mon reste en me frayant tant bien que mal un chemin parmi les morts malgré la peur qui me tordait le ventre. J’étais épuisée, recouverte de cette mélasse pourrie et odorante, les morts me laissaient tranquille mais je ne m’en étais pas vraiment rendu compte. Je les évitais quand même, et petit à petit, sans trop m’en rendre compte, mes errances m’avaient à nouveau menée aux portes de l’agglomération de Seattle. Whidbey s’éloignait, mon espoir de retrouver ma mère se faisait plus fin, ma confiance en l’humanité aussi. Les survivants ne valaient pas mieux que les morts et moi, en profitant de la détresse de ce groupe, je n’étais pas meilleure qu’eux. Par hasard ou par instinct, mes pas me menèrent tant bien que mal vers mon ancien appartement dans le nord de Seattle, le printemps pointait le bout de son nez à ce moment-là. Mon appartement ? Il était occupé par une famille avec un bébé, face à l’attitude menaçante du père de famille je n’avais pas cherché à négocier et j’étais partie.
J’étais seule, résolument seule, sans nulle part où aller ou du moins sans la moindre idée de comment rejoindre le seul endroit où je devais aller. Je me demandais où était mon futur-ex-mari qui ne serait toujours que mon mari finalement. Est-ce que j’étais triste pour lui ou inquiète ? Non, je ne l’étais pas. J’avais fini par trouver un appartement vide dans un immeuble plutôt sécurisé. Je m’y suis installée pour ne pas mourir comme une idiote dans les rues, lorsqu’à l’été une épaisse colonne de fumée s’éleva dans le ciel, je réalisais à nouveau qu’il restait encore pas mal de mes semblables dehors. Pour le meilleur et pour le pire ? Les morts ne faisaient pas d’incendie d’autant que je sache. Ou alors il s’agissait d’un vestige de notre monde agonisant encore de longs mois après cette rapide chute.
L’être humain est drôlement fait, du moins je me suis fait cette réflexion quand un jour j’ai décidé de dessiner sur un mur de l’appartement avec un vieux stylo usé un personnage. Non, je ne m’étais pas vraiment découvert d’âme d’artiste, j’avais simplement besoin de compagnie. Je sortais peu de l’appartement, alors je pouvais parler à cette silhouette, même si cela revenait à me parler à moi-même. C’était mieux que rien. Le temps passa, je n’en avais plus vraiment la notion, tombée dans une routine qui n’avait rien du métro-boulot-dodo qui était ma vie avant tout cela. Désormais c’était sortir, trouver à boire, à manger, de vieux journaux, des livres, rentrer, patienter quelques jours, recommencer. La solitude me pesait et je prenais conscience que je devais continuer d’essayer. Elle était peut-être là-haut à m’attendre. Ou peut-être pas. L’automne passa, puis la température baissa encore d’un cran.
Mais l’hiver, en soit, je m’y étais habituée. Ce qui m’a surprise, c’est le tremblement de terre. Par réflexe, je m’étais jetée sous la table de l’appartement pour éviter de me faire assommer par un quelconque objet que les précédents occupants n’avaient pas emporté avec eux. Cela ne dura quelques secondes ou minutes ? Mais le monde dehors avait à nouveau changé, en pire. Mon immeuble avait bougé, beaucoup, trop. Trop pour que je m’y sente encore en sécurité. Où aller cependant ? Sans plan, sans carte, sans projet. J’avais l’air maline avec mon sac de randonnée trouvé un jour, mon bouquin du mois, ma bouteille d’eau et mon pied de biche, à parler toute seule, à avancer sans savoir vers où.
Il me semble encore parfois entendre le bruit de notre monde qui souffre, de mon espèce qui rend son dernier souffle mais qui refuse d’abandonner. Des cris, des râles d’agonie, des coups de feu. Si la traversée par l’est n’était pas possible, alors je tenterai par l’ouest. Cela m’était apparu comme une évidence, il ne me restait plus qu’à mettre ce maigre plan en place. Et pour cela, je devais rester en vie. Vous devez vous dire que pour une fille résolue à retrouver sa mère, je n'y ai pas vraiment mis les formes, mais qui sait, peut-être que l'idée de faire tout cela pour rien est suffisamment importante dans mon esprit pour bloquer mon avancée ... Peut-être que je préfère me raccrocher à cet espoir pour m'accrocher à ce semblant de vie.
passeport :≡ recensement de l'avatar. - Code:
Karen Gillan • <bott>Eleanor C. Hopper</bott>
≡ recensement du prénom. (prénom utilisé uniquement)- Code:
• Eleanor
≡ recensement du nom. (nom utilisé uniquement)- Code:
• Hopper
≡ recensement du métier. - Code:
• Assistante médicale
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Re: Never lose hope
Dim 18 Fév 2018 - 23:22
Te voilà fraîchement inscrit sur The Walking Dead RPG ! Après avoir lu consciencieusement le règlement du forum, voilà quelques petites choses à retenir pour tes débuts parmi nous :
1 – Le délai pour finir ta fiche est de 10 jours . Un délai supplémentaire peut être accordé par un Administrateur.
2 – Si tu as oublié de le faire avant de t'inscrire, jette un petit coup d’œil aux bottins des noms, des prénoms, des métiers et des avatars.
3 – Lors du choix de ton avatar, il est important de bien respecter ces deux points du règlement : Les images choisies doivent être cohérentes avec le contexte, et l'âge de ton personnage avec l'aspect physique de ta célébrité.
4 – Afin d'éviter les RP répétitifs d'intégration dans un camp, nous te conseillons d'intégrer ton personnage à un groupe dès son histoire ! Si tu choisis d'intégrer le groupe des solitaires, il te faudra conserver ce statut durant 1 mois minimum avant de pouvoir t'installer dans l'un des groupes sédentaires.
5 – Si ton histoire comporte des personnages que tu souhaiterais proposer en Scénario, sache qu'il faudra également patienter 1 mois et être actif en zone RP.
6 – Une fois ta fiche terminée, signale le dans ce sujet AVERTIR ▬ FICHE TERMINÉE.
Bonne rédaction !
Bonne rédaction !
Enième rebienvenuuuue !!!
J'ai hâte de connaître ta petiote o/
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Re: Never lose hope
Dim 18 Fév 2018 - 23:30
... nan mais tu deviens énervante à prendre mes crushs aussi là ! Bon faut que je lise ça maintenant >.>
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Maxine E. Reynolds
- Administratrice
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Re: Never lose hope
Lun 19 Fév 2018 - 7:29
J'ai pas le temps de lire que t'es validée D:
Je sais même mas si jte dis rebienvenue du coup :3
Je sais même mas si jte dis rebienvenue du coup :3
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Re: Never lose hope
Lun 19 Fév 2018 - 7:32
Merci
Techniquement non, donc tu as le temps de lire et d'adorer :3
Techniquement non, donc tu as le temps de lire et d'adorer :3
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Page 1 sur 3
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum