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L'enfer c'est les autres

Dim 25 Fév 2018 - 23:38

Fin février. Le mois maussade, le ciel gris, les gouttes qui se décident parfois. Dans le lycée, il y a toujours des élèves pour se plaindre. Parce qu'ils ne peuvent pas sortir où ils veulent après les cours, parce que le terrain de foot est trempé quand ils veulent aller s'entraîner. Rory, il se sent pas concerné. Ça l'arrange plutôt bien de pouvoir se cacher sous de grosses épaisseurs de vêtement et de pouvoir avancer presque comme un fantôme dans l'établissement. Quand les beaux jours reviendront, ce sera un peu plus difficile. En tout cas ce matin là, ça n'a aucune importance. Son sac à dos sur l'épaule, la capuche de son sweat gris rabattue sur la tête, il presse le pas à travers les rues, allonge toujours plus ses pas pour essayer d'arriver le plus vite possible. Pas qu'il soit pressé d'aller en cours, bien au contraire. Mais plus tard il arrive, plus il y aura d'élèves occupés à chercher leurs camarades des yeux. Le gamin a pas vraiment ce souci, il n'a personne à saluer, à part peut-être deux trois personnes de sa classe. Plus par politesse que par réelle affection, ceci dit. C'est triste, mais il s'y fait. Finalement, le bâtiment finit par apparaître devant ses yeux, ses portes grandes ouvertes où les élèves vont et viennent.

Rory traverse la pelouse rapidement, comme si c'était un lieu dangereux. Il franchit les deux marches de l'entrée, fonce tête baissée vers son casier. Dans l'allée principale, c'est jamais le bon endroit où être. Avec toute l'indifférence du monde, il froisse les quelques lettres à son attention sans même les lire, se doutant trop bien de ce que c'est. Il a osé traité l'un des gorilles de connard, deux jours plus tôt. Il l'a fait en repartant, l'a marmonné plutôt que de l'assumer avec fierté. Il avait filé trop vite pour qu'on lui fasse ravaler ses paroles, mais ce n'était qu'une question de temps alors tant que c'était possible, Rory voulait vraiment se faire oublier. Ses deux livres de cours dans les bras, il claqua la porte du casier et se remit en route vers la salle de science, dans un couloir adjacent. Ici, c'était presque désert, et ça le serait jusqu'à la sonnerie. Sauf que le soupir de soulagement s'étouffa dans sa gorge. « Regardez qui voilà ! » Il n'avait pas besoin de se retourner. Seulement d'avaler sa salive et de prier pour s'en sortir. Comme un animal acculé, il finit par faire volte-face, lentement, un regard craintif collé au visage. Il y avait Lee, oui. Mais il y avait aussi ses copains demeurés. « Salut, Lee. » Il marmonne, poing serré autour de la lanière de son sac. Il fallait choisir un camp, là.
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Re: L'enfer c'est les autres

Lun 26 Fév 2018 - 19:51

Mark a eu ses seize ans, et accessoirement son permis de conduire. Pour moi, il faudra attendre l’année prochaine. Alors pour le moment, et parce que ça ne le fait plus de se faire emmener par papy depuis quelques temps déjà, il passe par chez moi pour me prendre au passage. Après tout, c’est quasiment sur son chemin. Je grimpe sur la place passager du range rover : sièges en vrai cuir, bois brut et acier – ça pue le neuf et le clinquant. Tous frais payés par ses parents. Paraît que ça songe au divorce et que ça se bataille pour obtenir les faveurs du fils. J’aurais pu avoir droit au même traitement, si mon père ne s’en foutait pas royalement. Ma mère sait bien que je lui suis acquis. C’est clair qu’à choisir… « Et écoute comment elle gronde ! » Il presse l’accélérateur, fait rugir l’engin sur place avant de défaire le frein pour partir en trombes. Je suis collé au fond de mon siège pendant une seconde, avant de lui répondre un sourire amusé, « C’est cool, ouais. » Vraiment, ça l’est.

« Tu devrais mettre ton blouson, Lee. » J’hausse un sourcil et tourne la tête vers lui. « Ton blouson de l'équipe, Ducon ! » « Hm. C’est un peu dépassé, tu n’trouves pas ? » Oups, je crois que je l’ai vexé. C’est qu’il arbore fièrement le sien. Et qu’il s’est acharné à le faire tout l’hiver. Dans la neige et le gel. « C’est pas dépassé. C’est pour que quand tu te balades dans le lycée, on te raccroche tout de suite à un groupe. Comme ces emos à la con se mettent en noir, les fumeurs de joins en fripes éthiques à deux balles, tu vois ? Si tu fais pas partie d’un groupe, tu d’viens invisible. » Je le fixe du coin de l’œil, dubitatif. Mark n’est pas sage, il n’a d’ailleurs jamais dépassé la moyenne en philosophie – ça n’était pas faute de le faire réviser.  Mais pour le coup, peut-être qu’il marque un point. « Okay, si ça peut te faire taire. Je le mettrai demain. » J'essaie de la jouer décontracté, parce que c'est ce qu'il veut entendre. Mais j'ai besoin de son approbation, quitte à corriger mon style vestimentaire...

On arrive sur le lycée. La routine nous attrape dès que l’on franchit les portes d’entrée. On rejoint Mike et Thomas. Mark leur sert le même discours sur les blousons ; il est bien décidé à ramener cette mode. Ils s’empressent d’acquiescer sans chercher à discuter. Dans mon casier, tout près du groupe, je récupère mes livres pour la matinée. « Lee, t’as fait le devoir de maths ? » C’est Thomas qui me demande, comme chaque semaine. Et selon les matières, ils piocheront chacun leur tour dans mon travail. Ça ne me dérange pas ; je devais le faire pour moi, de toutes façons. Je soupire, sors la feuille volante d’un cahier et la lui tends. « Tiens, tu me le rends à la pause. » Le temps qu’il recopie mes réponses. « Mais tu pourrais au moins essa- » « Sweet ! » Il me coupe – il s’en fiche. Soit, même si c’est un miracle que la supercherie tienne encore auprès du professeur.

Et la matinée aurait pu être tout à fait vivable, si Rory n’était pas passé dans le champ de vision du groupe. Je peste en silence, en voyant les autres s'en lécher les babines. « Regardez qui voilà ! » lance Mark, soutenu par les sourires des deux autres.

Que ce soit clair : martyriser les nouveaux, punir les mauvais comportements selon les règles qu’on aura nous-même établi, c’est rentré dans le quotidien et c’est même devenu superbement confortable de se sentir au dessus de tout le monde. On a nos ententes avec certains – les plus âgés surtout - et les autres sont des victimes. Mais quand ils s’en prennent à Rory... Je prie juste qu’il ait enfin l’illumination de changer de lycée. A faire sa victime dans mes pattes, il me met dans une sale situation et ne rend service à aucun de nous.

« Hey. » Je réponds assez froidement. Après tout, le blond a insulté Mike, hier. J’aurais du mal à le défendre. « Tu as eu du courrier ? » lance Mark en s’approchant. « Tout le monde t’a laissé un petit mot de remerciement. Même Lee ! » Je me pince les lèvres, sans détourner le regard de Rory. Au pire, ça ne serait pas si compliqué de te faire oublier. « C’était hyper offensant. » Rajoute Mike en entrant dans la danse. Les deux terreurs acculent le blond devant une rangée de casiers. « On va être en retard. » dis-je sèchement à l’intention de mes camarades. « Ça va, on est pas à cinq minutes ! Qu’est-c’que t’as dans ton sac, Rory ? » « Mark, sérieux. » Il m’ignore encore et saisit la hanse qu’agrippe sa proie pour le lui arracher. L’attache déjà abimée par ce genre d’altercation cède dans un claquement, et le sac tombe lourdement par terre. « Dans les séries, ils enferment les mecs comme toi dans les casiers. » s’amuse Mike, vite repris par Thomas, « Y a moyen qu’il rentre en tassant un peu, keus comme il est. » Je lève les yeux au ciel, et réfléchis une seconde à ce qui pourrait sauver la situation pendant que Mark s'accroupit devant le sac pour l'ouvrir. « … Liv Andersen a un top blanc et pas de soutif aujourd’hui. Si personne ne veut s’asseoir à côté d’elle, je prends. » Et il suffit de ça pour retrouver leur attention. Ils se jaugent tous les trois, avant de courir comme des dératés vers la salle de classe. En me laissant planté là, devant mon ancien ami. Le calme revient d’un coup, et je baisse les yeux vers les affaires de Rory. « Fais un effort… » Puis remonte vers lui. « J’ai l’impression que tu cherches toujours la merde, Rory. »
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Re: L'enfer c'est les autres

Mer 7 Mar 2018 - 17:20

Il sait pertinemment que cette petite entrevue dans un bout de couloir va mal se passer, que Lee soit présent ou non. Il avait été assez con pour se laisser entraîner avec ces brutes, mais il était loin d'avoir une force de décision. Alors il se résigne Rory, serre des dents, tente désespérément de ne croiser aucun regard. Il est coincé et il le sait pertinemment. Soit il repasse devant la bande d'abrutis, soit il se réfugie dans le local technique -et si on ne le déloge pas, on le coincera ou on attendra gentiment qu'il sorte-, soit il peut courir lâchement dans la salle de sciences. Probablement vide. Alors autant rester dans le couloir et espérer des témoins, non ? Avec un peu de chance, la prof passerait ici et dissiperait les élans rancuniers de la bande. Mais en attendant, il devait s'attendre à encore jouer le bon rôle du souffre-douleur, alors il prend son courage à deux mains. « Ouais, je les ai eu, j'en ferai ma lecture de chevet. » Il marmonne comme à son habitude, comme de peur de se faire entendre. Que ce soit le cas le mettrait encore davantage dans la merde alors... Il tente de ravaler le peu de fierté qu'on veut bien lui laisser. Y avait rien d'offensant, se faire traiter de connard, ça arrive à tous les moments, en toutes circonstances. Lui, il était juste le weirdo isolé. Alors forcément, ça attirait les meutes. Il fait même pas l'effort de se battre, admire avec dépit le contenu de son sac mal fermé se répandre au sol. Des livres, une barre chocolatée, une vieille GameBoy pour occuper les heures de pause. Qui se passerait dans le casier, donc ? Ouais, remarque, on lui avait jamais fait le coup encore. Jusqu'à ce que finalement, la voix de son ancien ami s'élève, se fasse même entendre cette fois. Évidemment, ça parle d'une jolie fille, des seins, et il n'y a plus personne. Littéralement. Un moyen assez lamentable d'être sauvé.

Un soupir blasé aux lèvres il se pense, ramasse ses affaires, le regard de Lee qui le juge. Pour s'entendre dire que c'est de sa faute en plus ? « JE cherche la merde ? Putain désolé, j'avais pas saisi que c'était normal de s'en prendre à n'importe qui sous prétexte qu'on est en groupe. » Il rabat tout en vrac dans le sac, ferme la fermeture et se relève, affronte le regard du jeune. Ça le blesse au fond, de ne plus ressentir cette joie à le voir. Parce que maintenant, leurs rencontres n'ont plus rien de positif. « Mais bon, le lycée, ça change tout le monde. Tu décides de devenir comme eux, j'y peux rien. N'essaye juste pas de te donner bonne conscience quand en réalité tu vaux pas mieux qu'eux. » Une vérité qui lui fait mal, bien plus que ce qu'il voudra bien admettre. « Je vais pas m'excuser d'exister. Je suis là et faudra faire avec, que ça vous plaise ou non. » Il était le bienvenu nulle part de toute manière, ni au lycée, ni chez lui. Alors à part se suicider, les options étaient réduites.
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Re: L'enfer c'est les autres

Ven 9 Mar 2018 - 17:43

Si je ne vaux pas mieux qu’eux ? Il faudra plus qu’un petit sermon pour me remettre en question. Ces types sont bruts, crus et souvent bêtes comme leurs pieds, mais à leur manière, ils ont compris comment régner sur le lycée. Et puis, s’ils étaient juste des coéquipiers à notre rencontre, ils sont devenus des amis. Que ça plaise ou non à Rory… Fini, les soirées à geeker, les dîners gênants avec ma famille ou pire : la sienne. Ces choses là, c’était pour les enfants. En arrivant au lycée, je voulais très vite en finir pour faire partie des grands.

Je le suis du regard quand il se redresse, fronce légèrement les sourcils puis soupire, réqigné. Ça n’est pas de sa faute, c’est vrai, s’il ne voit rien au delà de sa bulle. “Je ne dis pas ça.” Et ça me frustre de le voir continuellement seul dans les couloirs. Pourtant, tendre la main à Rory en revenant à passer du temps avec lui, ça n’est plus envisageable. Le fossée s’est creusé et il continue de s’approfondir. Ça devient difficile de discerner les élans de sincérité et la pure hypocrisie. Je délie les bras, réajuste la hanse du sac qui me pèse sur l’épaule. “Je viens de te sortir d’affaires, non ?” De toutes façons, oui : c’est une question de fierté. Et puis ça ne fait pas de mal de se laver la conscience.

Dans la poche de mon jeans, mon téléphone vibre. Je mets une seconde pour décrocher les yeux du blond et l’en extirper. Un SMS de Mark s’affiche sur l’écran dernier smartphone à la mode. “Tas mitho sur liv, jretient !” Puis un deuxième. “On ta garder un place a cote de grosse rhonda du coup !” “Merde.” Cette nana n’arrête pas de me faire du coude. Je suis incapable de dire si elle le cherche ou si les contacts sont involontaires, mais la nouvelle me saoule d’avance. “Elle fais une pijamaparti ce soir, on va sincruster en fufu.” Meh… Je relève à moitié les yeux vers mon ancien ami, un peu distrait. Le temps de connecter les idées entre elles. “Okay, bon, on peut se voir après les cours ?” Et puis je le regarde plus franchement, en rangeant mon portable. “C’est cinq heures, c’est ça ?” Je le coupe avant même qu’il ne réponde. “Je t’attendrai devant. T'inquiète pas, c’est pas… un coup fourré.” Je compte sur ses maigres espoirs de réconciliation pour que ça fonctionne, vraiment. Et pour le coup… Sans mauvaises intentions, je veux juste éclater sa bulle et lui faire rencontrer des gens.
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Re: L'enfer c'est les autres

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