Ils avaient laissé Ashley à Messiah, avec la promesse de revenir la chercher rapidement. Une fois les retrouvailles avec Roza effectuées, en tout cas. Ça n’était pas totalement pour déplaire à la petite blonde, qui avait pas mal de temps à rattraper avec ses proches. Le séjour d’Elena et Connor fut cependant bien plus court à la prison : pas par manque d’envie, mais pas nécessité. Eli avait d’ailleurs un peu fait la tête que lui soit au courant pour les vadrouilles de leur amie commune, et que la russe ne s’éternise pas davantage à son campement. Mais la russe avait résolument changé, trop pour désormais se fixer. Le sportif s’était fait une raison à ce sujet, elle ne rejoindrait pas le camp, du moins, pas autrement que sporadiquement. S’établir quelque part n’était pas une éventualité à ses yeux, et trouver quelqu’un avec qui le faire non plus.

Tout ce que Roza avait à offrir au monde, c’était sa loyauté et sa compagnie. De là à savoir ce que ça englobait, il y avait un monde que Connor ne connaissait pas davantage que les autres. La russe était la seule à pouvoir s’expliquer, et lui ne voulait pas parler en son nom. Un soupir lui échappa lorsqu’il pressa sur la pédale du frein. Ralentissant progressivement après avoir écraser de ses pneus les herbes hautes du terrain de golf, il fit un signe à son amie de l’autre côté du pare-brise. A ses côtés, Elena. En face de lui, Roza et une personne qu’il ne connaissait absolument pas. La méfiance était de mise, mais Connor faisait suffisamment confiance à la tatoueuse pour ne pas trop s’en formaliser. Rester à voir si la grecque à ses côtés en ferait autant :

« Tout va bien se passer. » Jura-t-il à la brune à ses côtés, l’avisant d’un regard profond.

Il se pencha pour déposer sur ses lèvres un rapide baiser. Conscient que cette escapade n’était pas forcément de son goût, conscient aussi que ce qu’ils avaient à dire à la russe allait très probablement la faire éclater de colère. Ou de tristesse. Lui-même n’était pas sûr de ce qu’il y avait à dire ou à faire. Il ne savait pas si Roza allait pouvoir encaisser, ou si elle se parrerait de sa mine la plus imperturbable pour faire comme si plus rien ne l’atteignait. Dans les deux cas, Connor doutait et il craignait de la blesser. C’était pour autant inévitable.

« Si tu m’dis que je suis en retard, j’te jure que ça va pas le faire, Roza. » Blagua-t-il en sortant du camping car, s’approchant d’elle pour l’attraper par les épaules et lui offrir un hug de circonstances. Il la pressa bien fort, juste pour la faire chier, avant de la relâcher avec un sourire satisfait : « Content de te revoir. » Lui fit-il. Ses yeux se posèrent sur sa voisine, à qui il tendit la main : « Connor, tu dois être une amie à elle. » Souffla-t-il à la brune à ses côtés. « Merci de pas la laisser toute seule, et fais gaffe : elle fait pas mal de conneries quand ça lui prend. » Se moqua-t-il, taquin.

Bêtement, la grecque avait senti un poids de plus lui libérer l'esprit après avoir pu arpenter le sol glacé de la prison. Selene n'avait pas menti. Ce campement existait, et il était fidèle aux récits des deux représentes du groupe. Quant à leurs camarades... Les présentations avaient été plus rapides qu'au ranch, et chaque personne ici portait sur son visage les stigmates d'une expérience qui manquait cruellement aux habitants d'Issaquah. Loin de s'offusquer de la méfiance exacerbée du dénommé Duncan, la grecque avait plutôt trouver en lui la même franchise qui la définissait. Curieusement, ici, la brune avait oublié la culpabilité qui lui rongeait l'âme, comme si tout ici lui indiquait qu'elle ne serait jamais jugée. Parce que eux aussi avaient du sang sur les mains. Eux aussi comprenaient la nouvelle politique de survie : tuer, ou l'être. Pas de solution alternative. Pas de compassion ni d'hésitation.

Leur séjour avait toutefois été de courte durée. Tout juste le temps pour le couple de se familiariser avec leurs nouveaux alliés, d'échanger au sujet de leurs histoires respectives, et déjà ils laissaient Ashley derrière eux pour aller retrouver Roza, comme prévu. Il y avait longtemps que la jeune femme ne nourrissait plus la moindre rancoeur à l'égard de sa camarade russe. Après ce que Walter avait fait, Elena s'était tournée vers les véritables priorités, les vrais dangers qui les épiaient. Roza avait raison. L'homme était trop redoutable pour qu'on ne le prenne pas au sérieux, et toute menace pour leur groupe devait être identifiée et éradiquée. Comme l'avait été le vieil homme. Comme le serait n'importe quel homme qui tenterait de les briser.

Le paysage défilait vite sous ses yeux absents. Sa rencontre avec Messiah planait toujours dans un coin de sa tête. Ces gens... Ils lui ressemblaient bien plus que la plupart de ceux qui partageaient sa vie depuis plusieurs longs mois. La silhouette identifiable parmi mille se dessina alors quelques mètres plus loin, extirpant la grecque de ses médiations. Son attention s'accrocha sans tarder sur l'inconnue qui se tenait près d'elle. Connor avait probablement pressenti la crispation de sa compagne, puisqu'il la rassurait déjà. Jusqu'ici, la russe ne leur avait jamais donné de raison de douter d'elle, alors si la jeune femme avait sa confiance, Elena saurait museler sa défiance.

Elle imita le sportif, claquant la portière derrière elle, avant de s'avancer vers les deux survivantes. La tatouée la connaissait assez pour savoir que les élans de tendresse n'étaient pas sa marque de fabrique. Elle laissa au blond tout le loisir de manifester sa tendresse à son amie, saluant brièvement d'un signe du menton l'acolyte de leur camarade. « Tu dois pas manquer de trempe pour accompagner celle-là. » Elle désigna des yeux la boxeuse. « Elena. » Sobre et efficace. La bienséance pouvait bien attendre sa poignée de main. La grecque pivota alors vers Roza, l'étudiant un moment, le visage volontairement fermé, indéchiffrable, avant d'esquisser un sourire en coin. « Je vais pas te mentir, je me suis même pas fait une seule seconde du soucis pour toi. C'est pour les pauvres gens qui croisent ta route que je prie chaque matin. » fit-elle, le regard taquin.

C'était stressant de stationner ainsi, à subir l'attente. Et si il lui était arrivé quelque chose ? Et si le ranch était mal au point et avait du le retenir ? Et si ça s'était barré en couille avec Selene et compagnie ? La russe ne cessait de passer d'un problème imaginaire à l'autre, et faisait les cent pas, aussi nerveuse qu'un rat nouvellement en cage. Il fallait qu'il arrive, et vite. Connor n'était pas qu'un simple compagnon de route, c'était un homme de confiance, capable de se lever pour traquer à ses côtés les exterminateurs de l'espèce humaine (ou de ce qu'il en restait). Capable de dire non à cette macabre destinée qui les attendait, et surtout, capable d'éclairer les ténèbres qui rongeaient la slave d'une simple présence.

Le camping car ! Il était enfin là ! L'anxieuse fut soudainement remplie d'excitation, passant du rat en cage au rat gourmand devant une grosse miette. "Oh yeah le v'la ! T'vas voir, ce type, c'est une perle. Son seul problème, c'est ses élans d'blagues de merde. Si il commence à t'parler d'une saucisse dans un micro onde... m'surtout... le laisses pas finir !"  Loin de se douter qu'Elena faisait également partie de la partie, c'était sans se défaire de son humour qu'elle enchaîna aussitôt dans un sourire plein de nostalgie : "Dommage, t'vas pas rencontrer sa meuf, elle te plairait, c'est une sacrée gonzesse qui envoie du lourd. Et quand elle boxe, elle est comme un cafard sous amphétamine, pour la chopper, faut y aller." Et elle savait de quoi elle parlait ! La pauvre avait aussi bénéficié d'une entrevue musclée avec l'encrée en guise de premier contact, sale manie.

Une fois le précieux véhicule à leur hauteur, elle s'efforça de faire sa fausse tête de grognonne, cette mine qui annonce qu'elle va râler rien que pour le plaisir de râler, mais son sourire peinait à rester dissimulé et la titillait grandement pour refaire surface. L'étonnement face à cette silhouette féminine qui se glissa à son tour hors du camping-car suffit à casser sa mimique pour la laisser bouche bée. "M'bah ! Ça alorrrs !" Pas le temps d'en ajouter davantage, Connor s'avançait dangereusement vers elle avec la même démarche que ce salaud de Lisandro quand il comptait la gratifier d'un câlin forcé. "M'non, m'non, non !" Trop tard, il la serra dans ses bras et broya par la même occasion cette épaule pas encore entièrement remise. L'échange musclé avec Riley avait déjà trois jours au compteur et pourtant, en une étreinte, c'était comme si c'était hier ! Mâchoires plus que serrées et les mirettes soudainement bien rougies et humides, elle ne trouva pas la force de l'engueuler et préféra reculer d'un pas pour vite s'appuyer contre la Triumph T120R juste derrière elle, un bijoux dégotée la semaine précédentes.

Le vertige passé, elle s'efforça de reprendre un peu de contenance à l'approche de cette bouille fermée qu'arborait Elena. Elle n'avait rien à voir avec la poker face de Connor, celle-ci avait ce don de faire montrer la pression en un rien de temps. Dans ses derniers moments au ranch, la russe avait volontairement fuit la boxeuse depuis que le brun avait décidé de la suivre. C'était plus facile de se faire discrète pour éviter une éventuelle tempête. Autant là, elle était coincée et un frisson coupable secoua son échine. Trop de pression.... Finalement, le sourire qui anima enfin le faciès inexpressif de la grecque sut dissiper ses craintes aussi vite qu'elles étaient arrivées.

"M'pfffff !" pouffa t-elle avec amusement dans une exaspération bien simulée. Décidément, le couple était d'humeur taquine pour ces retrouvailles ! Malheureusement, la grecque disait vrai si l'on tendait l'oreille pour l'entendre dans une toute autre tonalité. Ce que la russe ne put s'empêcher de faire à la suite. Très vite, les visages des morts tombés par sa faute au lycée comme ceux à ses côtés sur les routes s'agitaient devant ses iris clairs. Au nom de quoi étaient-ils décédés ? Pourquoi eux ? Pourquoi elle faisait partie des survivants ? Et surtout, qu'est-ce qui lui en donnait le droit ? Un tas d'interrogations dont elle ne trouveraient certainement jamais les réponses d'elle même. Et ça aussi, ça l'obsédait, c'était comme si sa position de coupable - et d'élément déclencheur - la maudissait à ainsi poursuivre sa quête au prix de celle des autres. Tas de conneries, il fallait qu'elle passe au dessus. La slave se requinqua (ou tout du moins, essaya) en dévisageant tour à tour les présents. Maintenant qu'elle était soutenue, écoutée et accompagnée par les meilleurs, la donne se devait d'être différente, elle le serait, forcément, elle voulait y croire, personne n'allait mourir.

"Contente de vous voirrr tous les deux ! J'vous prrrésente Rrriley, une ... Une ex ? Non, trop réducteur comme appellation, la brune ne représentait pas que ça... Une amie qui possède toute ma confiance, et accessoirrrement parrlant une militairrre de métier qui n'a rien à voirrr avec les autrrres enculés" En dehors de la relation qu'elle partageait avec elle par le passé, Riley était une force de la nature et un sacré atout dotée d'un savoir et d'une expérience tout aussi précieux, sacré bagage d'une vie passée. Elle ne craignait pas vraiment les présentations mais fut tout de même relativement soulagée de voir que le duo l'acceptait sans broncher, ça lui changeait de la prison. À voir si cette attitude allait persister :  "Alorrrs ? Le rrranch ? L'accorrrd avec la prrrison ? Tout ça, c'est good ? Selene a trrraumatisé personne ? Pan, première valse de questions. J'ai foutu le borrdel à la prrison moi ! ils sont pirre qu'Axel là bas en matièrre de parrranoïa !" S'y pointer avec le mexicain sans l'accord de la cheffe avait su agacer grandement les résidents de la prison, dommage de foirer ainsi un début de collaboration. Leur méfiance perpétuelle alors qu'elle restait une proche d'Eli et de Lissandro n'annonçait rien de bon pour l'avenir à ses yeux. Il n'y avait plus qu'à espérer que ces deux là ne lui apportent que des bonnes nouvelles pour remonter tout ça.

Riley observait la Russe tourner et retourner en rond devant elle sur ce qu’elle avait désigné comme le point de rendez-vous avec un certains “Connor”. Elle ne pu s’empêcher de lui lancer une pique amusée, t’essayes de délimiter un nouveau green ? non sans se faire rassurante ensuite. Ils vont bientôt arriver, ne t’en fais pas. On a tous perdu la notion du temps depuis des mois. Difficile de dire si elle y croyait ou pas, en tout cas les quelques jours passés avec Roza avait été une bouffée d’air frais dans son errance jusque là solitaire, elle comptait bien lui rendre ça. Un peu d’optimisme ne coûtait pas grand chose. Flanquée de son gilet d’assaut, les sacs étant accrochés à la Triumph, elle avait repris quelques couleurs et surtout avait pu se reposer plus ou moins correctement malgré une douleur qui ne disparaissait pas. Elle patientait, moins agitée que sa comparse, appuyée sur la moto qui leur avait servi de moyen de transport.

Elle remarqua le camping-car, portant une main à son arme dans un geste ou le naturel le disputait à l’habitude, mais se relâcha bien vite lorsque Roza changea de “mode” et commença ses explications, rebondissant simplement sur cette histoire de saucisse, quand une des deux saucisse demande “Il fait chaud non ?”, coupée aussi sec par un ta gueule ! bien senti de la part de sa nouvelle compagne de voyage, la jeune femme était toute sourire, fière de sa bêtise. Elle se sera redressée donc, ponctuant son geste d’un commentaire ; C’est pas bête le camping-car… Puis vint attendre légèrement en retrait, ne pas perturber les retrouvailles. Elle aura approché finalement devant la main tendue par Connor, répondant sur un ton amusé, Affirm’... On s’est… Retrouvée ? Il y a peu du côté de l’Industrial District. J’vais essayer de lui éviter de se faire mal ouais, et pour les conneries, j’ai déjà eu un échantillon. Laissant son sourire s’étirer en coin, jetant un bref coup d’oeil à la principale concernée sans rien ajouter de plus. Elle pris ensuite le temps de répondre au salut d’Elena de la même façon, Riley, comme elle l’a dit, pour être honnête je lui rends pas spécialement la vie facile non plus.

La parole reprise par la tatouée, l’ex-militaire retrouva sa position légèrement en retrait pour écouter les dernières nouvelles, elle mémorisait chaque nom, événements, la quantité d’information était assez impressionnante pour quelqu’un qui n’avait jamais fait partie d’un quelconque groupe, elle se promit de questionner la Russe sur les quelques zones d’ombre qu’il lui restait, même si celle-ci lui avait déjà apporté pas mal d'éclaircissement. Difficile de dire si elle voyait cela d’un mauvais oeil ou pas… Elle avait détaillé rapidement l’une et l’autre des personnes face à elle, grimacé pour Roza lors de l’étreinte, Connor semblait assez fidèle à la description, elle s’attarda un peu plus longtemps sur Elena, mais n’y réfléchit pas bien longtemps de peur de perdre le fil de la discussion. Elle restait attentive, commençant peut-être à envisager la suite des événements sous un autre angle.

Une militaire. Elena eut un sourire, le regard rivé sur la dénommée Riley, bien heureuse que la tatouée ait su bien s'entourer. Rassurée aussi. Il fallait quelqu'un pour la brider de temps à autre. Et qui de mieux désignée qu'une professionnelle de la discipline pour l'encadrer et assurer ses arrières ? Et puis, si cette femme avait la confiance de Roza, la brune était encline à mettre de côté sa suspicion naturelle. La mention de l'accueil un peu réservé de la prison ne manqua pas de faire sourire Elena un peu plus. Parce que, comme le soulignait son compagnon, ils l'avaient tout juste expérimenté. Toutefois, la grecque ne voyait pas les choses du même point de vue que la russe à ce sujet. La méfiance était une arme. Indispensable en ces temps. Et même si Roza avait du mal à le comprendre, qu'elle était du genre à tout miser sur une intuition, un bon sentiment, Selene, tout comme Axel, Ashley et elle avaient des responsabilités. Ils avaient juré de veiller sur leurs camarades, et cette promesse impliquait des mesures pas toujours évidentes à comprendre d'un point de vue extérieur.

« C'était un peu mal engagé, mais on a fini par s'entendre oui. » fit-elle pour appuyer les propos de Connor au sujet de la rencontre avec la pianiste et Andrea.

Roza pouvait facilement imaginer la réaction de la grecque en découvrant le camping-car dans le jardin du ranch. Mais l'essentiel était qu'elles avaient réussi à trouver un terrain d'entente. Elles avaient mis de côté leur orgueil et leur méfiance pour s'engager au nom de leurs groupes respectifs dans une alliance tournée vers l'avenir. Un avenir privé de London... Elena essaya de soutenir son petit-ami à travers un long regard échangé. Il abordait le sujet sensible sans tarder, et la jeune femme le comprenait. Elle avait ressentit toute l'appréhension qui enveloppait le sportif depuis qu'ils avaient pris la route. Il n'y avait pas de bonne ou mauvaise manière d'annoncer le décès d'une amie. Les formes ne changeaient rien au fond. Mais Elena comprenait ce qui poussait Connor à vouloir ménager son amie. Elle avait tant perdu déjà... Elle resta silencieuse, laissant le temps au blond de présenter le tableau à la russe.

Il y a eu des morts. Cette déclaration réveilla quelques douleurs endormies dans la poitrine de la grecque. Comme des points fragiles qui sautaient pour rouvrir une plaie à peine cicatrisée. En sa qualité de leader du groupe, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable. Elle offrit un air désolé à la boxeuse, confirmant alors silencieusement les propos sous-entendus du sportif. Et alors que Connor proposait d'aller s'installer pour apporter des précisions, Elena se rapprocha de l'homme, sans rien lui dire, sans même lui adresser un geste, juste pour lui rappeler qu'elle était là. Elle était à ses côtés. Toujours.

La première réaction de Connor envers l'ex-ranger était encourageante, Roza crut même y voir un pétillement dans les pupilles du sportif, mais ce n'était probablement que le reflet du guidon de métal de la Triumph. La représente du ranch ne montra pas non plus la moindre gêne, quoiqu'il était plus difficile de lire en elle, la grecque restait un mystère permanent. La discussion lancée, la russe apprit qu'eux aussi avait pu bénéficier d'un agréable accueil à la prison, première nouvelle quoique bien peu surprenante en vue des circonstances. "Mouais, on va dire que l'important, c'est l'entente qui en découle..." "Tu t’es pointée sans être attendue j’imagine ?" Et comment !  Il la connaissait, cette question était forcément rhétorique, autant en jouer un peu. Roza en leva les mains et montra ses paumes faussement innocentes, comme si elle n'avait jamais envisagé cette hypothèse dans une mimique bien digne de sa fourberie.

Elle savait que des malheurs pouvaient se produire, elle le vit sur le visage de Connor qui venait de perdre instantanément son sourire. La réponse fut immédiate, il n'avait pas besoin de souffler le moindre mot que l'inquiétude la gagnait déjà et se lisait sur son front plissé. "London". Pendant un instant, une étincelle de lucidité calme la gagna, un éclat de raison et d'austère évaluation. Mais elle ne dura pas et fut éteinte en un claquement de mâchoires, le regard de la slave devenu agressif vrilla immédiatement vers la grecque. Il fallait un coupable et la pauvre était déjà toute désignée. Dans le même temps, ses articulations soudainement lasses avaient décidé de l'abandonner sous le poids à retardement de cette annonce. Une autre pensée se rappela immédiatement à ses souvenirs et ses jambes se dérobèrent sous elle. Le lycée, l'épidémie, cette expédition contre les fans d'Hitler, ce bain de sang, ses genoux plièrent et elle se rattrapa aussitôt contre moto sans prêter attention à cette faiblesse passagère. "Et organiser une putain d'expédition d'urgence pour des putains de médocs, c'était pas possible ? VOUS L'AVEZ LAISSÉ CREVER OU QUOI ?" London était jeune, elle avait la vie devant elle, comment diable pouvait-elle succomber au premier virus qui se présentait ? Pourquoi elle et non une petite vieille ou un nourrisson?  Le ranch était-il aussi incapable en matière d'approvisionnement et déploiement des troupes ? La zone d'Issaquah était-elle déjà vidée de toute denrée de cet ordre ? Combien de victimes y avait-il exactement ? Il lui manquait finalement bien trop d'éléments pour accuser ainsi le ranch. Honteuse d'avoir ainsi si vite montée le ton, elle se reprit aussitôt en passant sa main tatouée le long de son visage. "Tain... s'cuse.. Ne dis rien.. On en parlera plus tard." Son esprit faisait déjà le calcul, si les bons éléments dit en "bonne forme" tels que la jeune Cassidy était tombé, à combien s'estimait les pertes du ranch ? Ce devait-être un chiffre désastreux... aussi désastreux qu'un avenir sans London, à chacun sa croix.

Quant à l'invitation de Connor pour s'installer dans le camping-car, la russe ne broncha pas, elle était littéralement collée contre la selle de son engin. "Non. Terrain dégagé, restons là. Parlez moi de la rencontre et des accords passés.. Elle s'en pinça l'arrête du nez tout en essayant de repousser la perte de son amie de ses pensées y surenchérit aussi : ... putain, parlez moi positif, s'il vous plait." Il fallait qu'elle emmagasine du bon, tout de suite, maintenant, au moment où elle ne désirait rien autant qu'assez d'espace pour hurler. "J'ai rien moi, si ce n'est la parole de Romy, elle va essayer de tendre l'oreille côté No Mans Land pour nous..." Et elle se tut enfin, luttant à dents serrées contre ce désir - pourtant profond - d'isolement en attrapant le poignet de la militaire qu'elle serra doucement entre ses doigts encrés. Ses yeux rougis ne se détournaient pas pour autant de ses interlocuteurs, ils avaient toute son attention et nul doute que son deuil viendra plus tard, possiblement quand une certaine intimité répondra présente, tout du moins, si elle tient jusque là.