Victoria n’avait pas besoin d’une boule de cristal pour savoir quel trou du cul aurait l’audace de s’introduire dans sa chambre pour lui piquer ses affaires. Ça commençait pas Na- comme « Nattardé » et ça finissait par than comme « than prendras plein la gueule enfoiré ». Le visage fermé, elle avait dévalé les marches de leur pavillon et était sortie dans la rue. A grande enjambée, elle remonta vers les barricades est – elle connaissait ce con comme si elle l’avait fait – et oh surprise : son ex était en train de faire mumuse avec SA batte. Coup de chance, il évita de justesse le premier poing téléguidé vers son gros pif mais eut la – très – mauvaise idée d’en rajouter une couche.

- Ta p’tite matraque va s’retrouver amputée des deux p’tites boules qui l’accompagnent si tu m’rends pas ça tout d’suite, dickhead.

Ça le faisait marrer sauf qu’elle ne déconnait pas du tout. S’il y avait un truc à ne pas faire, c’était empiéter sur son territoire sans son consentement et voler ses jouets. Le journaliste venait de faire les deux sans l’ombre d’un remord. S’il croyait que l’avoir sautée une fois lui donnait tous les droits, il allait se prendre une sacrée mise à jour dans les gencives. Il pouvait bien s’éloigner parce que Ludovic l’avait appelé, la pigiste lui collait aux basques et d’ailleurs, son instant d’inattention lui fut fatal. Au moment où Nate se tournait vers elle avec son sourire en coin de connard qui se croyait malin, elle lui empoignait le paquet à pleine main et serrait à s’en faire craquer les jointures. Son regard olivâtre se plongea dans celui du propriétaire du service trois-pièces, furieux, tandis que sa voix était étrangement calme.

- D’une, tu m’l’as rends avant qu’j’fasse du jus d’raisin avec tes couilles et deux… vas t’faire profondément mettre, ducon.

Une dernière pression bien sentie, elle lâcha les bijoux précieux du trentenaire et lui arracha sa batte des mains. Qu’il essaye de résister et ce serait le coup de boule tiens ! Victoria fit siffler l’aluminium dans un moulinet machinal. Ce n’était pas l’envie qui manquait d’attendrir la sale gueule de son ex. Avec lui, il y avait des jours avec et des jours sans. Bah là, c’était clairement un jour où elle rêvait de lui faire sauter la dentition sans anesthésie !

La fatigue n'était malheureusement pas la seule chose dont il devait s’accommoder. Il avait cru pouvoir fonctionner en mode automatique, un peu comme à l'époque de son travail : Qu'il pourrait faire face aux moments pénibles sans faillir, avec détermination, parce qu'il avait des choses vers lesquelles se retourner. Mais qu'est-ce qu'il lui restait désormais ? Si ce n'est la culpabilité, le poids de ses fardeaux et la compagnie des ténèbres qui ne lui apportaient aucun réconfort ?

Il était persuadé d'avoir fait le bon choix, réunir ceux qui avaient été séparés par une injustice, au détriment de ce à quoi il ne voulait pas renoncer lui-même. Caroline lui manquait éperdument, et s'il n'en parlait pas, c'est bien parce que c'était difficile pour lui de même prononcer son prénom, redessiner ses traits mentalement et l'imaginer complètement désemparée de se le voir se jeter à corps perdu dans la gueule du loup.

Ce matin-là, il s'était levé sans rechigner, s'accordant les quelques moments de solitude dont il pouvait disposer avant que les tâches de la journée ne soient attribuées, bien que de manière assez hasardeuse. Jeff se contenta de suivre le peloton, mené par les soldats jusqu'à l'endroit où ils devraient travailler pour ce jour. Ses compagnons d'infortune n'avaient pas meilleure mine que lui, poussés par la contrainte à s'activer, dans un but commun, qui était loin d'être le leur. Le rouquin s'était placé près des autres, silencieux, les yeux rivés sur le sol, les mains fourrées dans les poches. Il attendait qu'une info tombe, comme un couperet, pour palier à son oisiveté, remarquant qu'à part eux et les soldats, personne encore ne se trouvait sur les lieux.

C'est après quelques minutes que trois silhouettes apparurent dans leur champ de vision, alors qu'ils revenaient des barricades. Pas de soldats cette fois-ci mais bel et bien trois de leurs geôliers, dont un de qui il se serait bien passé de sa présence... Le geek marmonna quelques propos incohérents en les observant approcher en se chamaillant. Ludwig essaya de le prémunir contre toute réaction qui pourrait lui nuire, ce à quoi il ne savait pas s'il pourrait obtempérer, vu sa nature. Tant de questions restaient sans réponses -et ce n'est pas Will qui avait pu lui fournir- en quoi leur dynamique de groupe était si pertinente vu la désinvolture de ces individus ? James n'avait pas l'air très convaincu non plus, et c'est suite à une œillade qu'il déclara, sans chercher à être davantage discret. " C'est bon, la récré est finie on peut se mettre au boulot ? "