Comme tous les matins, Peter se levait de bonne heure. Le soleil pointait vers l’horizon, plongeant le ciel dans tableau de couleurs pastelles magnifiques. Fort Ward somnolaient encore. Doucement la vie s’éveillait d’un long sommeil tranquille. Du moins, c’est ce qu’illustrait le paysage. C’était étrange. La nature paraissait tellement calme, douce et paisible. Alors que derrière des fourrés pouvait se cacher un rôdeur prêt à vous arracher les membres et vous manger le cerveau. Depuis trois ans maintenant, la vie n’avait plus rien d’un long fleuve tranquille. Bien au contraire. Le quotidien de chacun avait été chamboulé d’une façon violente et imprévisible. Tout avait basculé en quelques jours seulement. Peter avait toujours cette difficulté à admettre la nouvelle réalité dans laquelle il vivait.

C’est pour cela qu’il se levait si tôt. Car trouver le sommeil devenait difficile. Même si les portes de Fort Ward étaient bien closes, même si les barricades empêchaient l’intrusion de rôdeurs ou d’individus mal intentionnés, Peter ne dormait que d’une oreille. Les cauchemars incessants qui agrémentaient ses nuits agitées, n’aidaient en rien. Alors il dormait peu et pour évacuer le stress et ses pensées négatives, il s’adonnait à un rituel. Chaque matin, il se levait aux aurores pour courir dans les rues du camp. Courir lui permettait d’oublier. De se vider l’esprit et de n’être plus qu’un muscle tendu. Il avait toujours adoré courir, mais depuis l’effondrement de la société américaine, courir était devenu une nécessité. Un besoin vital.

Après une bonne heure de jogging, il s’arrêta en sueur devant le perron de sa maison où l’attendait Graham et Ross. Ils étaient tous deux vêtus de leurs tenues de sorties, soit des rangers aux pieds, un blouson en cuir, une ceinture à laquelle était accroché tout un arsenal de guerrier. Graham envoya une serviette au visage de Peter et ricana.

« Allez Hopkins, tu viens avec nous. On va partir là dehors chercher quelques provisions. Le groupe nous attend. Va prendre une douche en vitesse et rejoins nous devant les portes. »

Ross s’approcha de Peter et lui tendit son 9 mm.

« J’ai retrouvé ton gun sous le meuble de levier. J’sais pas ce qu’il foutait là mon gars, mais sans arme, c’est sûr que t’aurais pas pu nous être utile. Fais gaffe à tes affaire bro’ »

Après lui avoir tapoté l’épaule, Ross emboita le pas de Graham. Peter quant à lui regagna la salle de bain, les épaules lourdes et l’envie de hurler. Fais chier, chier, chier … Visiblement, il n’arriverait pas à se débarrasser de son arme. Ross finissait toujours par la retrouver. Le banquier n’avait pas envie d’aller dehors, surtout pas aujourd’hui. Il en avait sa claque de tuer ces monstres assoiffés de sang. Non, il voulait simplement retrouver une vie normale. C’était trop demandé ?

En sortant de la douche, il tomba nez à nez sur Leo, son petit frère, qui lui tendait avec fierté son 9 mm.

« Tu vas tuer des monstres aujourd’hui Peter ? » lança Leo avec une pointe d’excitation dans la voix.
« Ne touche plus jamais à cette arme compris ? » rétorqua sèchement Peter en lui arrachant le 9 mm des mains. « Ce n’est pas un jouet. »

Leo resta coït. Dans son regard on pouvait clairement distinguer une déception grandissante. Mais Peter n’aimait pas voir son petit frère se réjouir des escapades à l’extérieur du camp. Ni même qu’il puisse prendre une telle arme sans la moindre once de remord ou de peur. Pour ne pas être affecté par la sensibilité de son frère, Peter quitta rapidement son logement pour rejoindre le groupe qui l’attendait devant les portes. Que des hommes … sauf une femme. Elle venait tout juste de se présenter. Jenna. Ok elle n’avait pas l’air très commode. Quelqu’un l’avait regardé de travers ?

« Ah enfin te voilà Peter ! » s’exclama Ray.

Ray était un grand homme noir, militaire, qui savait apprécier l’efficacité de Peter. Mais surtout sa ponctualité …

« Bien, comme l’a demandé notre chère Jenna, nous partons en expédition en quête de munitions et de nourriture. Je superviserais la mission. Je ne veux aucun comportement héroique, ou une bravoure stupide. Si vous suivez mes directives, tout se passera au mieux. L’objectif est de partir tous ensemble avec nos sacs vides et rentrer tous ensemble avec nos sacs plein. Est-ce compliqué ? Non, je vous l’accorde. On part en caisse d’ici, on passe le poste de garde n°7 et on se dirige vers le port de Bainbridge. Y’a quelques restaurants qui n’ont pas été fouillé et j’ai entendu dire qu’il restait des réserves que le groupe précédent n’a pas pu rapporter. Un petit incident sur la route. C’est truffé de rôdeurs là bas, alors j’espère que vous n’êtes pas mous du genou. »

Ray avait une prestance qui fascinait Peter. C’était un homme qui savait s’imposer, qui avait du charisme et bizarrement, le jeune banquier l’aurait suivi n’importe où. Ouais, il se sentait en sécurité avec lui. Ils étaient 7 gaillards au total et une femme à cran. Ca ne pouvait que bien se passer non ? Peter entra dans la Jeep, accompagné de Jenna, Ray, Ross et un type du nom de Greyson. Il faisait flipper avec sa tête de rat, mais apparemment c’était un bon tireur. Les trois autres suivaient derrière. Graham, Connor une sorte d’armoire à glace et Joey un mec trapu qui avait un drôle d’humour.

Le trajet fut cahoteux. La route était couverte de nids de poules. La végétation reprenait vite le dessus sans la présence de l’homme. Dès qu’ils dépassèrent le poste de garde n°7, Peter tourna son attention vers Jenna et lui adressa un léger sourire. Ils étaient à l’arrière de la Jeep.

« Heum alors tu t’appelles Jenna … enchanté, moi c’est Peter. »

Voyant qu’elle ne réagissait pas ou plutôt qu’elle le prenait pour un demeuré mental, comme la plupart des filles quand elles voyaient un binoclard qui bafouillait les approcher, Peter se racla le fond de la gorge maladroitement.

« Je t’ai jamais vu partir en expédition. C’est la première fois ? »

Ouais, c’était nul comme approche. Mais Peter détestait les ambiances tendues et les longs silences glacials lors des expéditions. Il avait besoin de parler ou de détendre l’atmosphère avant d’aller buter du rôdeur. Après tout, ils allaient quand même dans un secteur qui craignait drôlement. Non pas qu’il avait la trouille, il en avait vu bien d’autres, mais il n’était ni un super héros, ni immortel. Alors le risque de mourir était toujours présent et cette idée avait tendance à lui tordre les entrailles. Surtout qu’il savait dans quelle condition un humain pouvait mourir entre les mains de ces dévoreurs de chairs.