Les nuits dans le dortoir étaient... courtes, bruyantes, mal-odorantes et j'en passe. Ils étaient nombreux à dormir dans l'ancien musée, les uns sur les autres. Romy ne s'en plaignait pas. Si elle avait su apprécier le confort qu'on lui avait offert dans l'American District, elle avait souvent dormi au No Man's Land ou dans des endroits simplement moins protégés. Cette alternative n'était ainsi pas si terrible, même si elle peinait toujours à sombrer dans un sommeil réparateur.

- Combien de chambres tu crois qu'il y a dans cette maison ? Demanda-t-elle à sa cousine en regardant par la fenêtre la demeure où résidait Deaglan et sa fille. A travers les carreaux embués et la brume matinale qui ne s'était pas encore levée, cette dernière ressortait comme fantomatique. Leila leva les yeux vers sa cousine, alors qu'elle tirait sur la couverture de son lit pour le mettre en état.
- Aucune idée, mais quelques unes, c'est sûr...

Cela faisait quelques jours seulement qu'ils étaient arrivés dans le camp de Fort Nisqually. Le choix de leur hôte de se réserver cette demeure était tout naturel. Il avait vu débouler une masse d'étrangers dans son petit havre de paix et s'était vu contraint et forcé de leur ouvrir ses portes. Qu'ils veuillent préserver un peu de sa quiétude et de son confort était alors des plus légitimes.

- Ne rêve pas Romy, quand bien même il se décide à partager un peu tout ça avec du monde un jour, ce n'sera pas pour nous... ajouta la trentenaire d'un timbre sec et certainement blasé.

L'ainée des cousines s'était toujours montrée réaliste. Parfaitement terre-à-terre. Elle savait que sa cadette rêvait d'un peu d'intimité, ne serait-ce que pour se mettre à l'abri de ces regards - ou ces absences de regards – de la part de leurs nouveaux « compagnons ». Mais trop de gens influents de ce groupe croupissaient avec elles dans ce bâtiment. Il était bien évident que par leur position d'outsiders, elles n'étaient pas prêtes de figurer en haut d'une potentiellement liste de surclassement ! Romy lâcha un soupir et pinça les lèvres. Elle avait raison bien sûr. Elle se détourna de la fenêtre, pour aider son ainée à finir de faire son lit.

Ce fut en début d'après-midi, que la route de la bouclée croisa toutefois le chemin du maitre des lieux. C'était du moins toujours comme ça que le voyait la jeune femme, alors que le « commandement » du camp se rodait à peine. Romy restait en tout cas pour sa part loin de ces considérations. Elle voulait toutefois faire un geste envers cet homme. Ils lui devaient beaucoup – un toit déjà surtout – il était important de se montrer redevable. Aussi l'égyptienne l'interpela.

- Deaglan, c'est ça ? Excuse-moi de te déranger, je voulais simplement... te remercier. Pour l'accueil. Pas nécessairement sa chaleur, le père et la fille avaient gardé quelques distances avec les réfugiés, mais sa simple existence. Elle lui offrit un sourire sincère. C'est tellement paisible ici... Elle se tut un instant. Je m'appelle Romy, ajouta-t-elle ensuite, pour sortir de cette masse de visages anonymes.

Bon sang ! Mais pourquoi Deaglan a dit oui à Selene pour héberger la moitié du pays ? Il y a trop de monde et surtout trop de garçons qui pourraient tourner autour de sa fille. Freya n'est qu'une jeune fille, certes de 20 ans, mais trop jeune pour le quadragénaire.
Toutes les heures ou deux, il a un besoin constant d'avoir si elle va bien et surtout si elle n'est pas mal entourée. Si ça continue, à la nouvelle année il va plus avoir un seul cheveu a se faire du soucis pour sa fille. Ah ! C'est vrai, il a déjà plus de cheveux.

Alors qu'il va en direction de la forge, Deaglan se fait interpellé par une jeune femme qui le remercie d'avoir ouvert ses portes. Il lui fait signe de la tête, en guise de bonjour.
- De rien, c'est normal.
Tu parles ! Il n'a pas vraiment eux le choix. La princesse est arrivée et lui impose tous ses gens avec leur tête de déprimé. Comment dire non ? Pour lui, impossible. En principe les PDG sont radins, mais lui non. Il est tout l'inverse, c'est pour ça qu'il se retrouve dans cette situation.

La jeune femme lui donne son nom. Romy ? Comme l'actrice qui joue Sissi ? Deaglan lui tend la main.
- Ravis de faire ta connaissance Romy. Tu as besoin de quelque chose en particulier ? Ça te dérange qu'on parle tout en marchant ? Je voudrais voir si ma fille va bien. Depuis que vous êtes arrivé, Freya passe beaucoup de temps à la forge pour réparer les armes.
C'est sûr, ça se fait pas de faire une telle demande alors qu'une personne prend le temps de remercier une autre, mais Deaglan n'arrivera pas a se concentrer sur la conversation s'il ne va pas voir Freya avant.
Tout en marchant, il lui pose des questions.
- Alors. Tu viens d'où ? Du groupe à Selene ou celui d'Ashley?

Les mots de Deaglan ne semblaient pas en parfaite adéquation avec ce qu'il pensait. Ce fut tout du moins ce qu'il parut à la bouclée quand le chauve lui affirmait que son geste était des plus normaux. Pour tout dire, en ces temps sombres, l'accueil, dans son sens le plus noble et le plus large, n'était plus depuis longtemps la normalité. La jeune femme en savait quelque chose. Il y avait toujours des contreparties. Et si un fait n'était pas à discuter, c'était qu'il était encore beaucoup trop tôt pour affirmer si l'installation des survivants du ranch ici apporterait vraiment plus qu'il n'en coûterait au père et à sa fille... Romy n'insista pas sur ses remerciements. Elle détestait se montrer pompeuse.

- Non pas vraiment, répondit-elle, se refusant de donner l'impression de faire l'aumône. Pourtant son regard partit un instant en direction de la maison de maître où résidait le quadragénaire. Leila avait raison, elle devait faire une croix sur ce confort. Il était depuis longtemps réservé aux autres. Je n'avais pas encore eu l'occasion de me présenter et de te remercier. Ça me paraissait quand même important. Pour que Deaglan ne les perçoive pas comme de simples parasites! Du tout, ajouta-t-elle en répondant à sa requête. Elle hocha la tête et invita l'homme à avancer.

Après tout, c'était l'occasion de rencontrer également Freya. La jeune fille ne s'était pas encore davantage mêlée aux étrangers, certainement sur demande de son père, car elle les regardait souvent avec curiosité. Aussi Romy n'avait encore jamais eu l'occasion non plus de lui parler.

- C'est étonnant une jeune fille comme elle qui sache se débrouiller avec une forge, déclara-t-elle, sincèrement étonnée des aptitudes de cette dernière. Une compétence de valeur de nos jours, c'est certain. Et qui l'aurait cru jadis ? Ne put-elle s'empêcher de se dire à elle-même. Son esprit partit une seconde en direction de Kara, l'une de ses anciennes connaissances du No Man's Land. Une forgeronne également... à croire que ce n'était finalement pas si rare ! La magie de la selection naturelle aussi !

Naturellement, vu l'historique de ce groupe reconstitué, Deaglan lui demanda rapidement quelle était son histoire à elle. Etait-elle dans la bande de Selene ou bien celle d'Ashley et Elena ? Romy pinça une seconde les lèvres. L'homme n'avait visiblement pas eu vent de tous les détails de cette sombre affaire... ou bien ne situait-il simplement pas son interlocutrice comme la fameuse indic ennemie ?

- Ni l'un ni l'autre à vrai dire... j'étais... avec Roza, une amie du ranch, qui a choisi de ne pas nous suivre jusqu'ici. Devait-elle entrer dans les détails ? Ou bien l'ancien homme d'affaire finirait par combler ce qu'elle ne lui dirait pas ? Hum oui elle ferait ça. Je me suis donc greffée au passage. Je suis une réfugiée, ajouta-t-elle. C'était le sentiment qu'elle avait. Qu'est-ce que tu sais exactement du conflit qui nous a mené ici ? Osa-t-elle lui demander dan la foulée, afin de recevoir son point de vue.

A quelques mètres d'eux, la forge se dressait.

Deaglan avance vers la forge tout en écoutant son interlocutrice, qui d'un air étonné s'exprime sur le fait que Freya sache utiliser la forge. Romy marque un super point en valorisant la fille du vieux.
- Oui, Freya est exceptionnelle. Répond t-il les yeux pleins de fierté. Sa compétence, comme tu le dis, vient de son ancienne association historique. Les membres et elle reconstituaient des camps de la guerre de sécession. C'est un vieux forgeron qui lui a appris à utiliser la forge et réparer les armes blanches. Et comme tu peux le voir, nous sommes dans un fort de la guerre de sécession, elle se sent donc comme chez elle.
Des enfants courent partout et le quadragénaire est obligé d’esquiver les garnements.
- Ma fille est très déterminée. Elle cherche encore, comment forger un fer un cheval. Elle dit, qu'elle est près du but et qu'il faut patienter encore une semaine.

Le vieux écoute attentivement la réponse de la jeune femme. Du côté de la princesse ou les autres ? Mais il est étonné, quand cette dernière lui dit qu'elle est dans aucun.
- Et bah bienvenue dans le club des exclus. Mais entre nous, je préfère être ainsi. J'ai de compte à rendre à personne. Je suis le proprio et point à la ligne. Les histoires de chefs ne m’intéressent pas, j'ai été PDG dans mon ancienne vie et crois moi, je me porte mieux le fait de ne plus avoir des milliers d’employer à gérer.
C'est le seule point positif du quadragénaire, depuis que les rodeurs ont fait leur entrée dans leur monde.

Alors que la jeune femme et le quadragénaire étaient qu'à deux ou trois mètres de la forge, Romy lui pose une question qui le cloua sur place.
- Pour être honnête, pas grand chose. Princesse... enfin Selene, ne me dit presque rien. Soit disant pour ne pas m'impliquer. Sa phrase aurait pu être à moitié convaincante si elle ne n'avait pas ramené la moitié du pays dans mon fort. Deaglan regarde Romy dans les yeux. Je ne regrette en aucun cas de tous vous héberger. C'est pas parce que j'étais plein aux as, que je suis radin et sans cœur.
Le vieux regarde d'un coup d’œil sa fille.
- Écoutes, au conseil j'ai appris qu'un groupe vous a fait la misère et qu'il y a eu des morts. Pour le reste, je ne sais rien du tout. Alors si tu veux bien éclairer ma lanterne, je suis tout ouïs. Mais pas devant Freya. Je... je préfère lui dire les choses moi même. Aller viens, je vais te la présenter.

Freya étonnée de voir son père en compagnie, autre que Selene, l'interroge.
- Je vais toujours bien papa. Mais dis moi, qui est cette personne.
Deaglan grince des dents, puis expire.
- Oui, je vois. Le vieux se tourne vers la jeune femme. Ma puce, je te présente Romy. Et Romy, voici ma fille, Freya.

Romy comprit rapidement en discutant avec Deaglan qu'évoquer et complimenter sa fille le gonflait de fierté. Elle n'était pas manipulatrice, mais avait toujours su analyser les comportements pour adapter les siens conséquences. Pour survivre. Il y avait celui qui les aimait maternelles, celui qui les aimait passives et l'autre entreprenantes. Le contexte était ici différent, il n'était pas question clairement de séduction, mais la jeune femme ne put s'empêcher de déceler rapidement un point sensible chez lui. Elle trouva cela attachant.

Il lui expliqua ainsi en détails ce qui avait permis à la jeune fille de maîtriser l'art de le forge, et l'égyptienne se montra intéressée.

- C'est super d'avoir des passions comme ça et de pouvoir continuer à les exercer. Moi c'était la danse... ça n'apporte pas une vraie valeur ajoutée dans un monde comme celui-ci, ajouta-t-elle en pinçant les lèvres et haussant les épaules, avant d'afficher un joli sourire. A vrai dire, cette danse, celle du ventre, qu'elle maîtrisait sur le bout des doigts, lui avait permis de manger de nombreuses fois à sa faim. Même si les hommes en restaient rarement là.

Deaglan réussit ensuite à mentionner innocemment son ancien poste haut placé et Romy y réagit par une moue sensément admirative. C'était généralement la réaction qu'attendait les gens de ce milieu qui se vantaient tout de même un peu. Puis vint le sujet du conflit. De toute évidence, le quadragénaire n'en savait que très peu et ignorait donc certainement le rôle de son interlocutrice là dedans.

- Oui bien entendu, avec plaisir. On pourra en discuter plus tard, quand tu auras le temps. Je ne prétends pas tout savoir mais je pense que c'est important pour comprendre une partie des gens d'ici. Et c'était ce qui allait faire que son intégration ici ne serait pas si facile. Elle acquiesça ainsi pour ne pas évoqué ça devant Freya. Bonjour, répondit Romy suite aux présentations. Elle fit ensuite l'effort de s'intéresser au projet de la jeune fille et la fit ainsi parler quelques minutes sur son travail. Oh et c'est toi qui a fait tout ce qui est là du coup ? Demanda-t-elle ainsi en montrant les différents outils qui étaient exposés autour d'eux. C'est impressionnant ! Beau travail, termina-t-elle avant de rebondir sur le terme qu'avait utilisé le paternel pour parler de Selene. J'ai entendu que tu appelais Selene "Princesse", vous avez l'air de partager un lien fort...

La remarque n'était pas une question pourtant elle soulevait un point important. Car la musicienne n'avait pas masqué sa méfiance envers la bouclée et si pour entrer dans les petits papiers de Deaglan il fallait aussi être dans les siens, ce n'était clairement pas gagné !

Romy est bien tombée. Non seulement ça donnait une excuse à Deaglan, mais en plus Freya allait enfin rencontrer et sympathiser avec quelqu'un qui lui demande pas quelque chose de la forge. À part Selene, elle n'avait pas vraiment d'amie... enfin une amitié qui ne va que dans un sens.
Deaglan soupire d'exaspération, il ne sait pas quand il arrivera à faire comprendre à la Princesse qu'elle est bien plus ce qu'elle veut montrer, mais un jour il y arrivera.

C'est à ce moment là que Romy quitte sa conversation avec Freya, pour demander au quadragénaire si le mot « Princesse » est dû à lien fort. Aie !
- Entre Selene et moi c'est... compliqué. Deaglan regarde sa fille et la montagne de travail. Ma puce, je vais expliquer à Romy, ne travaille pas trop tard aujourd'hui, dit-il en l'embrassant sur la tête. Il se retourne vers la réfugier et lui indique d'avancer avec lui en tendant sa main vers la maison principale. Que dirais tu d'un bon thé ? Je te raconte mon lien avec Princesse et toi ce qu'elle me cache, qu'en penses tu ?
Sans vraiment attendre une réponse de sa part, il la conduit vers la maison. Puis, s’arrête d'un coup. Mal à l'aise, il trouve difficilement ses mots.
- Je... ne crois pas que je t'emmène chez moi pour... je suis pas un barbare qui profite des femmes. Je veux juste qu'on discute tranquille de ce qui c'est passé avant que tout le monde débarque. On dit que la connaissance c'est le pouvoir. Moi, je veux avoir le pouvoir de protéger ma fille. Elle a toujours été la seule chose qui a le plus de valeur pour moi. Deaglan reprend sa marche. Je pourrais donner mon fort sans aucune hésitation, contre la vie de ma fille. Freya est mon point faible, je l'avoue. Mais aussi mon point fort.

Dans la maison, il la guide jusqu'à la cuisine. Le quadragénaire désigne une chaise pour que la jeune femme s'assoit, le temps qu'il chauffe l'eau.
- Alors ! Revenons sur Selene. Comme je te le disais c'est compliqué entre nous. Commence Deaglan en posant sur la table une assiette de petits gâteaux secs. Si tu veux prend, ils sont fait maison. Notre rencontre était... explosive. On s'engueulait beaucoup, encore aujourd'hui. Elle est plus calme avec Freya. Bref, son caractère glacial m'a fait penser au Disney « la reine des neiges ». La princesse distante qui se méfie de tout et pas vraiment sûr d'elle. Voilà ! C'est tout.
L'eau dans la casserole boue, Deaglan verse le contenu dans des tasses avec des feuilles de verveine, avant d'indiquer à Romy de le suivre dans le petit salon.
- Avec Selene, on se dispute presque tout le temps, mais je ne peux m'en empêcher de la materner. Pas comme Freya, mais disons que son jeune âge me donne envie de la couver. Des fois, je me dis que si je l'avais rencontré plus tôt, peut être qu'elle serait moins froide et autoritaire. Le vieux pose les tasses sur la table et s'assoie. Ne dis pas à Selene, que même si je trouve ça impressionnant qu'elle dirige un groupe, elle reste néanmoins une gamine de 20 ans qui a des sautes d'humeurs d'une ado.

Deaglan boit une gorgée de thé, avant de se relever pour mettre deux bûches dans la cheminée où il reste des braises et une moitié de bûche.
- Sinon, c'est quoi l'histoire du conflit ? Et si toi tu ne fais partie d'aucun des deux groupes, comment es tu retrouvée dedans ?
Afin que la jeune femme soit pas mal à l'aise, Deaglan continu a remuer les braises. Même s'il préfère avoir une discussion face à face.

Romy l'ignorait encore mais elle sympathiserait effectivement davantage avec Freya au cours des mois suivants. Elles allaient travailler un peu ensemble dans le potager, sous les ordres de Summer, et se retrouveraient à discuter. La jeune fille allait ainsi se trouver une oreille attentive et pleine de bons conseils. Notamment au sujet de Ruben...

Visiblement peu débordé, Deaglan profita de sa dernière question pour l'inviter à prendre un thé. Romy écarquilla ses grands yeux noirs, avant d'acquiescer, ravie. Pour tout dire, elle n'avait pas imaginé en saluant le grand gaillard, qu'elle se retrouverait déjà à visiter sa demeure. Peut-être que Leila se trompait finalement : elles avaient leurs chances ! L'homme était en tout cas accueillant. Et aussi drôlement bavard !

- Oh non, je n'avais pas imaginé... répondit-elle quand il fit une remarque pour la rassurer sur ses intentions. Elle se crispa toutefois un instant. C'est merveilleux que vous ayez pu rester ensemble. Ça nous rend surtout plus fort, c'est certain. Je suis ici avec ma cousine. On peut dire tout ce qu'on voudra, c'est un lien que personne n'égalera. Elle esquissa un sourire retenu.

Elle n'avait en tout cas pas croisé quelqu'un depuis le début de cette épidémie, avec laquelle elle ait développé ne serait-ce que le tiers de la relation qu'elle avait avec sa cousine. Cette dernière, au dejà de toutes les galères qu'elles avaient vécues ensemble, c'était le souvenir de sa famille. L'égyptienne eut envie de demander quand il avait perdu sa femme, mais Deaglan changea de sujet. Elle s'assit donc docilement, tout en regardant le chauve lui préparer un bon thé. Elle ne résista pas à prendre un gâteau sec.

- C'est incroyable ici, ne put-elle s'empêcher de déclarer dans un murmure. Il régnait une telle quiétude entre ces murs. Bien davantage que dans le reste du Fort, où se mêlaient trop de traumatismes certainement. Elle le suivit alors au salon et son regard balaya l'intérieur de la pièce, alors que l'homme évoquait sa relation avec Selene. Je ne dirai rien, assura-t-elle alors. Deaglan était bien loin d'imaginer que les deux filles ne s'entendaient guère. Elle apprécia d'ailleurs entendre les critiques de son interlocuteur sur celle-ci. Elle ne prétendait pas réellement connaître la musicienne, mais il lui donna l'impression de l'avoir plutôt bien cernée. C'est vrai qu'elle est dure.

Elle ne développa pas davantage son opinion sur la brunette. Déjà parce qu'il n'avait certainement rien d'objectif, puis parce que cela ne serait probablement pas très intelligent devant un homme qui l'appelait « princesse ». Celui-ci enchaina donc sur l'origine de leurs présences ici et Romy se pinça les lèvres. La transparence immédiate et l'accueil de l'ancien chef d'entreprise l'incitait à se montrer honnête à son tour. Alors puisqu'il insistait, elle ne lui cacha rien.

- Je crois que tout a réellement commencé lorsqu'un troisième groupe est venu au ranch pour leur demander de travailler pour eux. Ils avaient déjà eu vent de massacres perpétrés par ces gens, alors ça ne s'est pas vraiment bien passé. Certains d'entre eux ont été pris en otage et ils ont du commencer à leur fournir des vivres. C'était dans ce contexte qu'elle-même était arrivé à Renton... Elle expliqua aussi l'attaque de la prison des Messiah et l'alliance entre les deux. Avant d'évoquer son rôle à elle dans tout ça. A l'époque, j'avais vaguement eu vent de tout ça, par une amie, Roza. Elle ne vivait que pour se venger de ce groupe qui avait tué beaucoup de ses amis. Je... je devais rester en dehors de ça, mais j'ai trouvé refuge par hasard chez ces ennemis. Elle se mordit la lèvre inférieure, attendant la réaction de Deaglan. Ils me traitaient bien. Ce n'était pas du tout des animaux. Elle cherchait toujours un peu à les défendre. Car en dépit de leurs sales manières avec les étrangers, les Remnants avaient plein de belles qualités. Elle voyait un avenir dans leur communauté. Mais je me suis retrouvée complice malgré moi, et... Elle chercha ses mots. Quand il m'a été donné de revoir Roza, je lui ai donné l'emplacement de notre campement. De là, il y a eu l'attaque et... Et ils étaient là. Elle baissa les yeux, avant de les relever pour croiser le regard accusateur de son interlocuteur.