Elle n'avait pas vraiment fermé l'oeil de la nuit, le bruit constant autour d'elle, des ronflements, des respirations, des rêves a demi-conscients, l'avaient empêché de dormir. Lorsque les premiers se levèrent, elle crut obtenir un moment de soulagement, peut-être pouvoir somnoler plus d'une heure, mais ce fut à ce moment que Lisandro se mit à lui ronfler droit dans l'oreille. Ses pupilles sombres fixant le plafond, elle s'imagina lui épiler la moustache pour passer ses nerfs, et dès lors, elle le trouva bien plus attendrissant. Ce fut presque de "bonne humeur" qu'elle sortit de leur petit lit commun vers les huit heures pour se préparer à une journée effroyablement longue.

Et la fraîcheur ambiante n'aida pas forcément à se remettre d'aplomb. Avec la fatigue qui pesait sur ses épaules, tout lui semblait pire. Le froid par exemple, s’immisçait en elle dans un frisson foutrement désagréable. Si elle eut droit à un petit déjeuner plutôt bon, elle manqua de le rendre plus tard dans la matinée après un effort trop conséquent pour elle sur le coup. Tout ça pour ça, donc ! Elle se jura de faire une sieste durant l'après midi - et peut-être de ne jamais s'en relever, si c'était jouable, pour rajouter cette vie de retard qu'elle avait sur son sommeil.

Pour couronner le tout, sa prothèse manqua de lui échapper alors qu'elle bossait avec Duncan. Sur la fin de la matinée, Andrea abandonna presque l'idée d'être utile aujourd'hui. Essayant de la fixer par-dessous son pull trop grand pour elle, elle dut se tourner vers le viking pour avoir une assistance :

Tu peux m'aider ? Lui demanda-t-elle, lassée.

L'homme lui fixa, fermement, autour de son bras, avant de rabattre correctement son pull par-dessus. Il l'aida ensuite à remettre son manteau pour ne pas qu'elle se gèle, et se fut presque s'il ne resserra pas son écharpe autour de son cou :

Ok, stop, tu vas trop loin là, l'arrêta-t-elle en s'éloignant d'un pas.

Lui se marra, et elle le laissa sur ces faits pour revenir en arrière. Trouver autre chose, de moins fatiguant peut-être, ou alors un endroit où s'endormir. L'enclos des chevaux fut presque une bonne idée dans son esprit, avant qu'elle y renonce d'un soupir. Ses pas la menèrent jusqu'à Selene, qui sortait tout juste de la maison des enfants sans Effy dans les bras pour une fois. A ses côtés, Serena qui semblait l'attendre. Puis, quand Eli s'éclipsa la seconde avec sa fille, elle comprit pourquoi :

J'ai l'autorisation de construire des murs dans les dortoirs ? Blindés et insonorisés de préférence, avec des portes à code pour empêcher les gens de fouiller dans mes affaires sous peine de se faire électrocuté, demanda-t-elle à la brune, avec un air suppliant.

Pourvu qu'elle dise oui.

La défense du camp ne serait pas une mince affaire. Déjà, il se trouvait à nouveau en pleine forêt, c’est-à-dire exactement ce que détestait la jeune femme. Elle gardait en tête les souvenirs du chalet de Sequim et si les arbres voulaient dire ne pas être vus, ils voulaient aussi dire ne pas voir. Les tours de guet leur donnaient bien évidemment un panorama intéressant mais ce n’était pas parfait. Ce ne serait jamais parfait. Parmi toutes les personnes qu’elle avait rencontré chez les anciens habitants du ranch, qui mieux que Serena pourrait l’aider sur la question ? La militaire devait même être plus expérimenté que la musicienne en termes de sécurisation des lieux, qui avait tout appris sur le tas. Après avoir confié sa fille au graffeur, Selene était prête à se secouer les méninges.

- Bon… alors il va nous falloir…

Elle s’interrompit en voyant Andrea venir à leur rencontre. Ses supplications lui tirèrent un mince sourire malgré l’anxiété qui ne la quittait jamais vraiment. Derrière cette requête à moitié plaisantée se cachait une véritable problématique de logement. La pianiste était en quelque sorte privilégiée et même si elle avait de bonnes raisons de repousser à plus tard l’amélioration des conditions de séjour dans le dortoir, elle n’était pas très à l’aise de les défendre face à ceux qui en subissaient les déboires. Surtout face à son amie.

- Je suis sûr que Markus aurait pu t’aider à construire tout ça, dit-elle avec nostalgie sans réellement donner son avis, si jamais… si jamais tu as des problèmes pour dormir dans le dortoir, on peut se serrer dans mon lit, tu sais ?

Sa proposition était sincère. L’inconvénient de sa maison, c’était les pleurs de bébés qui pouvaient survenir à peu près n’importe quand. Même Elizabeth, qui avait approchait ses 1 an, savait faire de jolies crises de temps à temps. Elle était aussi lunatique et extrême que sa mère, ce n’était pas toujours facile à suivre – ni très reposant. Selene replaça une mèche chassée par le vent et poursuivit :

- Est-ce que tu veux nous prêter ton cerveau machiavélique un moment ? Faut qu’on essaye de voir comment améliorer la sécurité ici, expliqua-t-elle à Andrea avec un sourire.