3 Avril 2019

Un jour de plus en enfer, quatre foutus mois à être enfermée ici. A sortir accompagnée de baby-sitters. Point de vue liberté on en était loin. Pour Morgan les choses ne s'arrangeaient pas, le confort de ce camp n'était qu'une illusion. Elle n'y croyait pas à tout ça, à cette mentalité de créer une élite pour l'humanité. Tout ce conformisme enivrant lui prenait la tête et pour ne pas attirer l'attention elle prenait sur elle, ne pas faire d'écart, éviter toute saute d'humeur. Sauf peut-être avec son engueulade avec Will, puis dix jours plus tard sa cuite avec Nate où elle avait commis cette putain d'erreur à la con. Elle s'en bouffait les doigts et tout ça c'était à cause de cet endroit de malheur. Et plus le temps passait plus le trompe l'oeil qu'elle avait fabriqué au fil du temps se fissurait. Et elle supportait de moins en moins cet endroit.

Là, regardant le plafond de sa chambre, elle se disait que peut-être il serait temps de parler d'avenir. A force de rester là, comme des lapins dans un clapier, il fallait peut-être prendre le grand large. S'en aller, reprendre leur liberté et laisser ces abrutis dans leur palais en carton doré. La rousse soupira de nouveau, elle rediscutait de temps à autre avec Zack, plus vraiment comme avant, lui parlant essentiellement de ce qui pouvait se passer dans le camp, le mettant au courant de l'état de Roza, le jeu de manipulation instauré, et d'ailleurs son entrevue avec la russe avait soulevé des choses chez la barmaid, un nouveau point de vue. Elle ne savait pas réellement y mettre des mots pour le moment, mais ça elle n'en avait parlé à personne. Un soupir fila entre ses lèvres et elle se leva de son lit, la nuit commençait à tomber, extinction des feux pour la plupart des gens vivant ici. Couchés à l'heure des poules.

Morgan quittait la pièce vêtue d'un bas de jogging et d'un vieux t-shirt, elle avait enfilé une paire de chaussette et dévalait les escaliers avec une idée bien ancrée en tête. ¨Parler d'avenir, établir un plan pour se barrer de là. La rousse avait des idées, certes pas réellement discrètes pour le coup mais elle avait des idées. Par ailleurs elle savait aussi trouver l'aîné, elle reconnaissait son pas lorsqu'il montait les marches et là elle ne l'avait pas entendu, ni même la porte s'ouvrir ou se refermer. Il était encore dans la maison et une fois sur le seuil du rez-de-chaussée elle se mit à le chercher avant de le trouver dans le salon. Là elle l'observa un temps, certains mots de Roza venant lui marteler le crâne : "t'es trop obnubilée par lui". Oui ça elle en avait parfaitement conscience. Les mots de Will aussi vinrent sonner dans sa tête : "y'a que lui qui peut t'approcher... Tu traîneras toujours à ses pieds". Oui ça aussi elle le savait, peut-être trop bien mais c'était aussi ça leur relation, être dépendant de l'un et de l'autre. Tout ça, tous ces "reproches" elle les connaissait, et elle ne luttait pas contre. C'était comme ça.

Clignant des yeux en s'apercevant qu'elle devait être étrange à le fixer comme ça d'un air perdu dans ses pensées, elle avança et vint s'asseoir dans un des fauteuils, ne parlant toujours pas, profitant du silence les entourant. Des bruits dans la cuisine trahissaient une autre présence mais là elle s'en fichait pas mal. S'installant en tailleur sur l'assise du fauteuil elle l'observa de nouveau. Il était toujours là.

"Dis moi, si je pars tu me suis ?"

Morgan en connaissait déjà la réponse, mais elle ne voyait pas trop comment entamer la discussion, alors elle la lançait ainsi. Si elle partait, il la suivrait, elle le savait, si elle partait elle l'emmènerait même de force avec elle, elle emmènerait Nathan même s'il l'agaçait, elle embarquerait Will même s'il la détestait. Elle les traînerait tous les trois parce qu'au final elle les appréciaient tous énormément. Mais seul le blond le savait, pour les deux autres elle ne disait rien.Son regard noisette le regardait toujours avec une touche d'intensité.

"On est pas bien ici pour la plupart. Ce camp trop vaste bouffant la liberté qu'on connaît en ayant vécu dehors. Je suis pas bien ici, je fais des efforts au quotidien mais je craque..."

Elle n'en pouvait plus de se sentir rongée par la vie ici, et elle se tambourinait le crane le jour et la nuit avec son désir de tailler sa route de là. Mais comment . Comment bien faire les choses... Elle avait aussi des idées, mais est-ce que cela mettrait en péril le statut de Zack ? Elle n'en savait rien. Alors il valait mieux en parler avant de faire n'importe quoi.

Si toutes les journées semblaient similaires sur l'île, depuis la veille la routine de l'ancien homme d'affaires avait un peu changé, suffisamment pour que son esprit soit plus occupé et qu'il n'ait pas l'impression de simplement errer dans le coin. Il était allé rendre une petite visite la veille à la Russe gardée en otage depuis près de deux mois. Deux mois qu'elle le croyait mort, qu'elle devait en jubiler et considérer cela comme sa plus grande victoire. Mais non, il était loin de l'être, à croire qu'il était destiné à voir s'éteindre tous les siens petit à petit. La crainte et l'incompréhension dans les prunelles de la tatouée n'avaient pas de prix, à l'instar de cette déception mêlée à la rage de s'être faite berner aussi facilement. Il saluait l'initiative de Morgan qui avait été l'inquisitrice de cette idée. Et désormais, la slave était entre ses mains. Il la ferait parler, ne se souciant pas le moins du monde des étapes par lesquelles il devrait passer pour parvenir à ses fins. Tous savaient de toute façon combien il pouvait être totalement dénué de compassion, de morale, d'humanité. Tous sauf la concernée qui se bornait à garder le silence. Mais ce n'était plus qu'une question de temps désormais.

Aujourd'hui il y était également allé. La voir aussi diminuée ne faisait absolument pas naître en lui cette pointe d'empathie dont il pouvait pourtant faire preuve envers les siens. Certains en viendraient à dire qu'il est un monstre immoral mais qu'importait, il n'avait rien à prouver à qui que ce soit, du moins pas à ceux qu'il n'estimait pas. Prenait-il cette torture comme une vengeance personnelle ? Nul doute que oui. Elle avait une part bien trop importante dans tout ce qu'ils avaient perdu pour qu'il reste à sa place. Le Petite Cheffe voulait les infos, lui voulait à la fois une partie de ces informations et donner la preuve à la tatouée qu'elle s'était attaquée au mauvais groupe, le piquant lui directement. Ils seraient tous gagnants dans cette affaire, tous sauf peut-être la Russe mais elle n'avait plus son mot à dire ici.

La journée touchant à sa fin, Zack était installé dans le canapé du salon, un bouquin en main. Autant s'occuper au mieux tant que l'électricité était toujours activée. Oh bien sûr il y avait de ces gens qui mettaient de temps en temps la télé pour regarder un dvd, mais lui avait préféré ne pas se laisser aller à une telle habitude. Parce-que quand il partirait, les seuls films qu'ils auraient seraient la marche des morts et le chant inquiétant du vent. Alors non, hors de question de reprendre ce type d'habitudes, les douches chaudes étaient déjà de trop.

Lorsque les lumière s'éteignirent, il laissa tomber sa tête sur le dossier du canapé, ne retenant pas un soupir en jetant le livre à côté de lui. Au final, peut-être s'était-il déjà habitué à ce confort qui était si anodin avant mais qui, à peine revenu dans leurs vies, était plus qu'appréciable. Il tendit le bras pour allumer la petite lampe à huile sur le guéridon à côté, préférant ne pas rester juste dans le noir à attendre Dieu savait quoi mais aussi pour prévenir qu'il était là, pas que quelqu'un le trouve dans le noir et qu'un coup de feu de panique soit lancé. Il entendit Ansel pester dans la cuisine, agacé de se retrouver dans l'obscurité, et ne retint pas un soufflement amusé. Certes, ce n'était pas drôle, mais ce n'était qu'une preuve que la vie au dehors serait bien plus compliquée sur ce point.

Du bruit sur sa gauche le poussa à tourner la tête, apercevant Morgan dans l’entrebâillement de la porte. Elle le fixait, sans rien faire ni parler. Fronçant les sourcils, il se redressa en lui adressant un « ça va ? » un peu inquiet, s'attendant déjà à la pire des nouvelles. Elle vint alors s'asseoir dans le fauteuil non loin, suivie par les prunelles claires du quarantenaire. Sa question ne fit qu'accentuer le froncement de ses sourcils. « Tu sais bien que oui » répondit-il simplement sans même réfléchir d'avantage. Il la suivrait oui, parce-qu'imaginer qu'elle ne puisse plus faire partie de sa vie -qu'elle soit sans lui là-dehors- était bien trop angoissant et douloureux.

Il écouta alors attentivement ce qu'elle lui expliquait, ses propos n'étant qu'un écho de ses propres pensées, encore. La plupart des siens n'étaient pas bien ici, il le sentait évidemment. Mais elle craquait ? Ne retenant pas un soupir un peu las, il se passa une main sur la nuque et se relaissa tomber contre le dossier du canapé. « Je sais tout ça. Ici ce n'est pas chez-nous » commença-t-il pour confirmer les paroles de l'ex-barmaid, exprimant simplement son propre ressenti avec les mots qu'il jugeait les plus explicites. Après un bref silence, il reprit. « Au départ on devait attendre d'être sur pied, puis Roza est arrivée dans l'équation et maintenant... avec la grossesse de May je ne suis pas certain que la meilleure idée qui soit soit de partir. » Il ne faisait qu'expliquer les choses, établir les faits, sans donner son propre avis. Mais au fond, une crainte logeait : s'ils restaient d'avantage, pourraient-ils encore partir, plus tard ? Peut-être pas. Laisser la blonde derrière eux simplement parce-qu'elle attendait un enfant n'était cependant pas une option qu'il envisageait.

La discussion était lancée, entamée doucement. Elle s'interrogeait et avait jugé le moment opportun afin de pouvoir en parler calmement. Le bruit dans la cuisine s'arrêtant doucement. La lumière faible dans la pièce donnait un caractère quasiment solennel à cet échange. Et pourtant la rousse se sentait tendue. tendue parce qu'en plus de son envie de tout faire péter elle culpabilisait pour d'autres faits. Mais elle chassait tant bien que mal cette phénoménale erreur de sa tête, pour le moment. Elle aurait tout le loisir plus tard d'y penser et de s'en vouloir encore plu.
Zack lui avait confirmé qu'il la suivrait, il devait bien se douter de quelque chose au travers de ses paroles simples. Il confirma aussi sa pensée, appuyant sur le fait qu'ici n'était pas chez eux. Il avait raison, jamais ils ne s'étaient senti à leur place ici. Ils avaient beau faire des efforts, tous, ça ne collait pas. A croire que leur mentalité était bien trop différente de elle de ce camp. Leurs idéaux n'étant pas en équation avec les leurs. Morgan inspira, hocha simplement la tête et resta encore à le regarder tandis que Zack continuait, enchaînant plu loin sur le ressenti ou ses espérances concernant leur temps passer ou à rester dans ce foutu endroit. Ils devaient au départ attendre d'être sur pied. Mh elle était plutôt d'accord avec ça. Puis Roza vint dans la phrase. M'ouais là c'était un peu de sa faute mais pas tant. Morgan avait voulu la tuer là, dehors, dans Seattle. Mais il avait fallut que la baby-sitter Remnant insiste lourdement pour faire de Roza une kidnappée, une sorte d'otage. C'était donc un peu de sa faute, mais la rousse faisait toujours cet effort de convenir à ce camp. Et elle supportait de moins en moins. Mais en effet, Roza était là maintenant. Et Roza avait atteint la Morgan derrière son armure froide.

La barmaid revoyait la boxeuse pleurer de dégoût et de peine, elle se revoyait récupérer une larme sur sa joue, se jouer plus ou moins d'elle, mais à quel prix ? Cette discussion l'avait perturbé, troublé. Et pour le moment elle ne voulait pas non plus y penser, ne pas se pencher sur certains faits. Nouvelle inspiration, chassait de nouveau ses pensées, et se concentrer sur l'essentiel. Elle ne le quittait des yeux. Et Zack enchaîna sur May. Ah oui May. C'était comme le gâteau sur la cerise, ou la cerise sur le gâteau. May, enceinte.
Morgan n'avait jamais apprécié les enfants, elle n'avait jamais eu cette fibre maternelle. Et alors supporter une nana comme May, de bas ça n'était pas simple, mais là elle était enceinte et niveau hormones en folies ils étaient servis. Mais Morgan avait fait le choix de l'ignorer. Ignorer la blonde, mais d'un côté elle comprenait aussi où voulait en venir l'aîné. Elle soupira et passa ses mains sur son visage.

"Roza est là oui. On ne peut partir sans ses informations.... Et pour May, ici ils ont de quoi la faire accoucher normalement, même si de ce que j'ai entendu dire une nana est morte en couche."

Elle marqua une pause, suffisamment courte pour ne pas laisser le temps à Zack de parler. Elle n'avait pas terminé d'exposer son ressentiment au sujet de May et du truc poussant dans son ventre.

"Si l'on attend l'accouchement, est-ce qu'on devra atteindre que le môme sache marcher et arrête de pleurer n'importe quand ? Parce que sinon ça risque de prendre du temps."

Morgan savait qu'elle n'avait pas tort. Partir avec une femme enceinte était risqué, avoir un nourrisson l'était aussi tout autant. Alors ils n'avaient sûrement que peu de choix. Et égoïstement elle savait qu'elle ne pourrait tenir autant de temps, trop de temps à son goût.
Nouveau soupire elle fronça les sourcils et regarda la pièce autour d'eux, elle ne se projetait pas ici, nul part ailleurs dans ce vaste endroit.

"Tu sais si la pète-sec serait prête à nous laisser partir ? A ce que sache on a été suffisamment sage pour mériter notre libération. Sinon j'ai des idées, mais elles risquent de ne pas te plaire. C'est assez... Radical."

La trentenaire réfléchissait, se demandant si Zack pouvait avoir leur passe-droit. Il y a un mois environ Casey lui avait même "gentiment" montré la porte du camp en vantant le fait que June pourrait lui donner un pass. Cela avait surpris Morgan, elle n'avait même pas agressé la jeune femme, pour une fois et depuis longtemps elle n'avait agressé personne, mis à part Will dernièrement. Mais c'était différent, elle ne s'était pas publiquement donné en spectacle. Ils s'étaient engueulés dans la maison, se jetant à la figure des reproches blessants mais vrais.
Morgan regarda Zack un instant puis posa l'arrière de sa tête contre le dossier du fauteuil. Ils allaient devoir y réfléchir sérieusement à tout ça.

Le quarantenaire l'avait senti à peine la rouquine s'était-elle installée dans ce fauteuil, que la discussion serait sérieuse, décisive. Et peut-être pour une fois pourraient-ils ne pas monter dans les tours, ne pas se laisser avoir par tout ce qui les entouraient, et simplement discuter de leur situation, de demain. A dire vrai, ce concept était devenu bien flou pour l'ancien homme d'affaires. Il envisageait des possibilités avant, mais depuis leur arrivée ici, les événements s'étaient enchaînés à un point qu'il n'était même plus certain de pouvoir croire en quelque chose, en un après, se focaliser sur le maintenant étant déjà relativement compliqué. Pour autant, il n'avait pas oublié les choix qu'ils avaient, rester ou partir, se faire une raison et vivre ici ou regagner une liberté qui serait pourtant bien plus risquée. Seul, il n'aurait pas hésité une seule seconde, mais il ne l'était pas, seul. Les siens comptaient dans sa décision, et il ne pourrait en prendre une sans avoir leurs avis à eux, parce-que c'était ainsi qu'il fonctionnait, qu'il les estimait suffisamment pour qu'ils avancent comme une seule et même entité, malgré leurs différends et les tensions.

Sans prendre la peine d'enjoliver ses propos ou de détourner leur situation, Zack avait simplement expliqué les faits, ce qui le tourmentait et rendait cette décision encore plus difficile. Il s'était ensuite tut, laissant la jeune femme réfléchir à ses mots. Un échange calme mais qui n'en n'était pas moins lourd, notamment parce-que tous deux savaient quels poids pesaient sur leurs épaules respectives et que, d'une manière ou d'une autre, chaque décision serait irréversible. Quand enfin elle répondit, non sans avoir retenu un soupir, le blond s'était contenté de l'écouter, hochant la tête par moment. Au moins étaient-ils d'accords sur le fait qu'ils ne partiraient pas tant que Roza n'avait pas craché ce qu'elle savait. Concernant May, ils avaient en effet le matériel et les professionnels adéquats pour que son accouchement soit moins risqué. Mais cela n'avait en effet pas empêché la mort de Jenna. L'ancien homme d'affaires s'assombrit aux mots de la rouquine concernant celle qui avait été la seule personne de l'île qu'il avait fini par estimer. Baissant un instant les yeux, il soupira à son tour. Au fond, ce n'était qu'une preuve supplémentaire qu'il valait mieux ne pas laisser la chance à une tierce personne de prendre de l'importance. Autant s'éviter des deuils supplémentaires tant que c'était possible.

La suite des paroles de Morgan le poussèrent à relever le nez vers elle, un sourcil arqué. « Je le sais » rétorqua-t-il simplement. Qu'y avait-il à dire de plus ? Oui, partir directement après la naissance du nouveau-né serait une pure folie. Trop de risques inutiles. Attendre qu'il grandisse un peu serait en effet bien trop long et le blond sentait clairement qu'elle ne tiendrait pas ici aussi longtemps, peut-être pas même le reste des siens. La seule solution était de partir avant qu'il ne soit trop tard, tant que May pourrait encore évoluer plus ou moins librement. Ils auraient ainsi le temps de trouver un endroit suffisamment sécurisé où un nourrisson ne serait pas aussi problématique que sur les routes. Mais pour cela fallait-il encore que la concernée accepte de prendre ces risques.

Pris dans ses réflexions intérieures, la nouvelle remarque de l'ex-barmaid lui fit à nouveau froncer les sourcils. Elle avait des idées mais elles risquaient de ne pas lui plaire parce-qu'elles étaient assez radicales ? Pas étonnant venant de sa part à dire vrai. Le blond ne s'étonnait même plus de grand chose venant de Morgan, il la savait borderline, trop extrême, et il ne pouvait s'empêcher d'essayer de la canaliser, de lui faire comprendre qu'elle avait merdé lorsque c'était le cas en espérant que cela suffirait à la contenir. Mais non. Et viendrait un jour où il n'aurait d'autre choix que de stopper la machine lui-même, où il devrait laisser de côté tout ce qu'elle représentait à ses yeux pour protéger les autres, pour se protéger lui. Cette finalité lui tordait littéralement le bide et y penser était bien trop difficile, inacceptable, alors il tâchait au mieux de ne pas se projeter dans ce futur peu glorieux.

Pour le coup cependant, elle n'aurait pas besoin d'en arriver à ses idées radicales. « Elle nous laissera partir. Du moins aux dernières nouvelles elle acceptera, nous et nos armes, rien de plus. » Leurs armes et rien d'autre, c'était bien ça le deal. Pas de nourriture, aucune réserve. Rien. Leur liberté valait-elle cette peine ? Assurément. « Si vraiment on se décide à quitter cet endroit on ne pourra pas le faire sur un coup de tête, ce serait de la folie. Il nous faudra repérer un point de chute, s'assurer que nous n'aurons pas à rester des semaines sur les routes. » Mais avant ça ils devraient en discuter tous ensemble, savoir qui suivait, qui restait. Si Zack appuierait sa demande, il ne pourrait en finalité forcer personne à reprendre une vie au dehors, mais peut-être que le pari valait le coup, pour qu'ils puissent se reconstruire, se sentir chez-eux et recommencer à zéro, encore une fois.

Morgan exposait son ressenti. Elle l'observait tout en même temps. La discussion serait calme, pesante mais ils devaient passer par là pour espérer s'en sortir. Morgan connaissait les difficultés pour fuir un tel lieux. C'était rudement bien gardé, mais Roza ne lâchait toujours pas un mot, May était enceinte, prendre le risque de la faire accoucher en extérieur n'était pas la meilleure idée du siècle. D'ailleurs ces derniers temps elle avait des idées pourris foutant la merde partout sur son passage. Mais aujourd'hui elle n'avait pas envie d"y penser. Elle canalisait son attention sur l'espoir d'une sortie totale de ce lieux maudit. Inspirant profondément elle l'observait attendant une réponse. Bien sûr elle essaierait de ne rien faire d'inconsidéré. Mais elle ne pouvait rien promettre. Le soupir fila entre ses lèvres et son regard noisette, brillant à la lueur de la lampe à huile ne cessait son observation. Ses traits soucieux, inquisiteurs même. Mais son froncement de sourcils la fit pourtant arquer un des siens. Oui, elle comprenait elle connaissait cet air presque réprobateur. Celui pris lorsqu'il voyait la connerie arriver, hors non, ça ne serait pas tellement un coup de tête, elle en aurait discuté avec lui. Préparé les choses à faire, une sortie digne d'eux. Pourtant Morgan ne pensait pas à tout faire flamber, ni à tout faire péter, même si l'envie y était tout de même un peu. Elle n'allait pas foutre la vie d'autrui en danger pour buter l'asperge rousse dans son petit château. Elle pouvait être un vrai bourrin, mais Morgan savait être subtile.

La réponse de Zack la fit cependant froncer à son tour les sourcils. Oh tiens donc. June Phelbs leur laisserait un droit de passage, de quitter le navire. Trop aimable de sa part. Mais quel en était le prix ? L'ironie planait dans sa tête. Elle ne se laisserait pas avoir par de belles paroles sortant du gosier hypocrite de Phelbs. Morgan en roula pratiquement des yeux. Elle leur laissait même leurs armes, oh elle avait vraiment la main sur le coeur cette femme en réalité. Et puis quoi encore !? Pour Morgan ça n'état pas assez, mas elle n'irait pas se confronter à Zack en lui crachant à la figure que c'état du foutage de gueule au final. Libre avec leurs armes, formidable. Morgan était ravie de pouvoir voir les portes du fort s'ouvrir tout en sachant que jamais elle ne reviendrais foutre les pieds ici. Mais ils avaient ramené des leurs ici, en vie, ils avaient participé à la dynamique du camp. Et pour simple "remerciement" ils pouvait se barrer de là avec leurs armes. C'était déjà pas mal, mais pour l'ancienne barmaid ça n'était pas suffisante.

Morgan restait à écouter les dires de Zack concernant le fait qu'il ne faille pas partir sur un coup de tête. Oui ça elle s'en doutait. Mais elle ne ferait rien exploser, trop risqué.
Alors tout en s'étirant sur le fauteuil elle revint poser son regard dans celui de  son plus fidèle ami et s'autorisa même à vraiment sourire en coin.

"Pas sur un coup de tête, ça se comprend, ce serait risqué pour tous. Mais si je dis radicale, c'est parce que je pense à une chose établie mais qui marque les esprits par exemple."

Elle haussa les épaules, elle n'avait pas d'idée bien précise là pour le coup, mais ça ne tarderait pas à venir. Une chose qu'on ne découvre pas dans l'immédiat mais plus tard. Du genre : coucou, surprise ! Puis elle revint au sujet plus sérieux et reposa ses mains sur ses cuisses avant de jouer avec ses propres doigts et le tissu du bas de jogging la couvrant.

"Je peux m'organiser pour une sortie si tu veux. J'emmène un d'ici avec moi, un baby-sitter et on cherche sans rien dire. C'est faisable. Préparer les choses en soutanes."

Elle hausse une nouvelle fois les épaules. Morgan ne savait pas qui emmener avec elle. Elle était en froid avec Nate, c'était pire avec Will et elle n'osait même plus le regarder trop honteuse de son comportement. Alors elle devrait y songer, à moins que leur aîné n'ait une idée. Zack pourrait y aller lui-même après tout. On prendrait ça peut-être bien. Morgan n'en savait rien en réalité, elle pensait simplement, se faisant pourrir ses pensées par cette soirée pourrie.
La rousse ferma les yeux réfléchissant encore.

"Juste avec nos armes tu dis ? Des affaires peut-être ou bien doit-on juste partir vêtu simplement avec nos armes. Du genre à l'aventure avec sa bite et son couteau ?"

En temps normal elle n'utilisait pas ce type d'expression, mais son visage trahissait la réflexion qui se faisait sous a chevelure rousse, elle avait besoin de plus d'éléments.

"Tu en penses quoi de tout ça, toi ?"

Autant l'interroger sur son ressenti, sur comment il voyait les choses, juste pour ne pas être seule à songer à tout ça avec ironie, suspicion et "joie".