Caroline n’était pas revenue entière de cette expédition. Jefferson était mort, et une partie d’elle également. Elle n’avait même pas eu besoin de demander, Lisandro prenait le relais jusqu’à ce qu’elle se sente prête à reprendre l’infirmerie en main avec lui. Il se souvenait de leurs débuts, et du soulagement au fond de ses prunelles quand elle lui avait dit que de la bataille de Renton, Jefferson lui était revenu. Il était désolé pour elle, tout comme il comprenait son sentiment pour avoir perdu Alma il y plus d’un an de ça.

Mais la responsabilité de l’infirmerie n’était pas la seule tâche qui lui incombait. Si le chilien n’était jamais sans Juliet, la vétérinaire n’était jamais sans Erika. Et celle-ci se retrouvait sans elle en son absence. Non pas que la jeune femme se sentait perdue, c’était plutôt le cas de Lisandro, en fait. Il aimait bien Erika, il ne la connaissait pas vraiment, excepté quand ils étaient tous les quatre à l’infirmerie. Mais il l’aimait bien, et cela même si son premier jugement sur lui avait été – comme tant d’autres avant elle – plutôt lourds de préjugés. Il fallait dire que le chilien n’était pas ce qu’on appelle un homme de bonnes manières. Mais s’il avait su dérider sa jolie Juliet – et plus dur encore, l’intransigeante Andrea – c’est qu’il n’était pas un cas si perdu que ça. Non, simplement, Erika le laissait un peu perplexe parce qu’il ne savait trop que faire avec elle. Ils n’avaient jamais vraiment bossé ensemble. Devait-il lui trouver de quoi s’occuper ? L’impliquer dans ses activités auprès de Juliet ? Alterner ?

La vérité, c’est qu’il cherchait encore un peu la réponse. Il avait pourtant remarqué quelque chose qui lui rappelait une certaine période de sa vie. Erika semblait s’enfermer en ces lieux, pour fuir quelqu’un, une situation… voire les deux. « Hola Chica » L’accent espagnol qui donne un peu de chaleur à sa voix. Il n’eut pas le temps de traverser la pièce qu’elle commençait déjà son débrief’ de la matinée et les tracas du quotidien. Il s’assit sur un tabouret haut et la regarda avec un petit sourire amusé. Elle s’interrompit sur un gargouillis de ventre retentissant, et s’excusa. Lisandro sortit de sa poche un abricot qu’il avait pris pour lui plus tard – il en avait un autre dans sa poche –, attendit qu’elle le regarde pour la lui lancer entre les mains. « Tiens, prends ça. En attendant de gouter à ce qu’Olivia a mijoté pour nous en cuisine » Dit-il parfaitement à l’aise. Il fallait dire qu’en tout temps, l’infirmerie avait été son plus précieux refuge. Certes, ce n’était plus celle de la prison. Mais l’idée restait la même.

« De toute façon, j’hésiterai pas à les rembarrer s’ils viennent pour des conneries. » Pour des gens ayant survécu au-dehors, il était parfois comique de voir à quel point une petite coupure pouvait inquiéter certains. « Oh trois fois rien… La grossesse d’Andrea se passe bien, pourvu que ça dure. » Une petite étincelle s’alluma dans ses prunelles à l’évocation de l’enfant à naître. Assise ainsi, Erika n’avait pourtant l’air pressée de partir pour quelqu’un qui avait faim. Il eut un temps de réflexion avant de lui proposer : « Tu veux rester un peu ? J’ai dit à Juliet qu’elle pouvait aller batifoler ailleurs cette après-midi, tu pourrais aller te chercher à manger et revenir. Il n’y rien à faire, je pense que tu as fait tout l’inventaire ce matin. Mais… » Il s’interrompit en la regardant plus attentivement, avant d’hausser les épaules. « Un peu de compagnie ne fait pas trop d’mal » Puis il se doutait bien de quelle situation elle cherchait à éviter. Parce que, techniquement, l’irlandais alcoolique, il ne sortait pas avec Erika avant de s’envoyer Ashley ?  Ouais, il lui semblait bien aussi.