Modern Tragedy

Après s'être entraîné à la boxe ce matin là, le bouclé avait pris une douche rapide, bien plus détendu que lorsqu'il s'était réveillé quelques heures plus tôt. Il y avait de ces jours où il n'était simplement pas d'humeur, où le poids des souvenirs et des pertes étaient trop forts et, comme toujours dans ces cas là, il n'y avait rien de plus efficace pour lui que de décharger tous ses démons en cognant contre ce punching-ball improvisé sur la plage non loin du camp. Nul doute que sans cela, il lui serait bien plus difficile de porter le masque face à ses pairs. Mais il tenait bon jusqu'à présent, ayant également fini par prendre ses marques au fort même s'il n'oubliait rien tout ce qui était arrivé au ranch. Ces vies qu'il avait prises, les pertes tant de leur côté que de celui des autres, tous ces espoirs gâchés pour un simple besoin de contrôle. L'humanité l'avait bien trop déçu, mais il ne pouvait nier qu'ici, dans ce camp, il était entouré de personnes qui valaient la peine qu'il se batte pour eux, qu'il garde la tête haute tout comme ce sourire habituellement plaqué sur ses lèvres lorsqu'il était en leur compagnie. Les porter eux plutôt que montrer à quel point il pouvait se laisser sombrer lui sous le poids du passé.

Il était encore relativement tôt et, pour la suite de la journée, le réceptionniste avait décidé qu'il irait faire un tour dans les environs afin de s'assurer qu'il n'y avait aucune menace imminente. Après avoir récupéré ses affaires au dortoir, il en était ressorti, percevant au loin Erika qui se rendait à l'infirmerie. Erika. Si Finan et Ashley faisaient partis des amis les plus chers qu'il avait, il ne pouvait s'empêcher de compatir à la situation de l'étudiante. Ce n'était pas de la pitié, loin de là, mais il ne parvenait pas à cautionner totalement les actes de ses deux amis. Bien sûr ils étaient adultes et pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient, les sentiments ne se contrôlant de toute façon pas, mais la manière dont les choses avaient été faites l'avaient poussé à faire la remarque à l'Irlandais. Quelque chose au goût de t'as merdé, Fin, une simple constatation pour lui laisser entendre le fond de sa pensée sans pour autant le juger. Pour autant, le boxeur appréciait Erika et la voir s'isoler de la sorte au chantier ou à l'infirmerie le contrariait pas mal.

Sans trop réfléchir, il avait pressé le pas pour aller jusqu'à elle, s'armant de cet habituel sourire engageant. « Eh Erika » lança-t-il en arrivant à sa hauteur, posant une main sur son épaule pour l'arrêter dans son avancée. Rehissant son sac sur ses épaules, il adressait à la jeune femme un regard avenant. « J'allais sortir pour faire un tour dans les environs, motivée pour m'accompagner ? » demanda-t-il en arquant un sourcil. Sûr que son expression voulait surtout dire qu'elle n'avait pas réellement le choix mais si elle refusait tout de même, il insisterait, bien décidé à la sortir un peu de cet isolement dans lequel elle se planquait. Oh bien sûr, il avait eu vent de ce qu'avait dit Cameron concernant ce qui était arrivé entre eux et, si les potins n'étaient pas vraiment son truc, ça ne l'empêchait pas de vouloir s'assurer que la brune allait bien, au mieux possible dans cette situation du moins.

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La matinée s'était plutôt bien passée pour Erika, cela lui promettait une bonne journée en perspectives. La jeune femme pouvait respirer maintenant, elle avait l'impression d'être beaucoup plus détendue et plus stable. Par cette journée ensoleillée, elle en avait profité pour aller faire sa lessive et de ce fait, laver son pauvre gilet qu'elle avait martyrisé en tirant sur les manches et cacher les hématomes causés par Finan, lors de leur affreuse dispute. Ce n'était pas n'importe quelle dispute, elle signait une rupture étonnamment violente. N'ayant plus rien à faire, Rika avait eu le temps de faire une introspective de ce qu'elle avait bien pu vivre jusqu'à aujourd'hui et ce n'était pas du joli.

D'abord, elle avait commencé ses entraînements de self-défense avec Duncan. Elle le lui avait expressément demandé de lui donner des cours. Elle avait activement participé, du mieux qu'elle le pouvait, à la construction de la nouvelle bâtisse et s'était lamentablement abandonné dans les bras de Cameron. Évidemment, cette épisode n'était pas passée inaperçue puisque ce dernier s'en était vantée auprès de son ex-petit ami. Elle avait cru qu'elle était enceinte. Cette histoire lui avait fait tellement peur qu'elle s'était posée des tas de questions, sur elle, ses envies, ses peurs, ses doutes. Enfin toujours est-il qu'elle n'avait rien du mère ou rien du tout. Comme l'avait si bien dit Finan : Elle n'était qu'une musicienne qui ne savait que recoudre des plaies. A ce moment-là, il n'était pas possible pour elle de rétorquer qu'elle n'était pas seulement une musicienne mais aussi une la seconde de Caroline et qu'elle en était fière. Erika était beaucoup trop estomaquée pour répondre aux méchancetés gratuites lancées par son ex. L'irlandais n'avait vraiment aucune idée des conséquences des mots qu'il avait eu sur elle. A quel point les bleus avaient fini par disparaître mais ses mots saignaient encore en elle.

Perdue dans ses pensées, la jeune femme suivait une routine comme un chien d'aveugle, par habitude, jusqu'à l'infirmerie quand tout à coup : « Eh Erika. » La voix lui était familière mais trop loin dans sa tête, elle avait eu besoin de quelques secondes pour réagir : « Oh, Jess' ! » lâcha t-elle, redorant son visage de son sourire-vitrine : « Comment ça va ? » demanda t-elle, en réduisant l'espace qui les séparait en le rejoignant : « J'allais sortir pour faire un tour dans les environs, motivée pour m'accompagner. » Toujours en forme pour aller à l'extérieur mais Erika hésitait. Il était tot et le chantier n'avait pas encore commencé : « J'en sais rien, je suis censée ouvrir l'infirmerie ce matin. » Son aisance durant le mois de Mai lui avait fait gagné la confiance de bon nombre de personne ici. Elle ne voulait pas les décevoir en manquant un futur bobo, enfantin ou non : « Laisse-moi deux minutes le temps de voir si Lisandro ne m'a pas laissé un mot hier et je suis à toi. Tu peux m'accompagner si tu veux ? » proposa t-elle en pointant la porte du bâtiment qu'elle devait rejoindre.

Elle prenait son rôle très à cœur, à tel point qu'elle marchait déjà dans la direction indiquée. La Madsen n'avait pas besoin de regarder derrière elle pour savoir qu'il la suivait, les crépitements derrière elle lui donnait l'indice qu'elle espérait : « Alors, quoi de neuf ? Ohh, dis-moi. Tant que j'y pense... » Elle avait fait un gros geste avec les bras ce qui frôla la torse de Jesse : « D'ici la fin du mois, je voudrais faire un tour à l'extérieur. Oh pas trop loin, j'aimerai trouver un livre sur les plantes médicinales... » Arrivée à l'infirmerie par leur grandes enjambées, Erika s'interrompit. Elle passa la porte et se dirigea vers le bureau. Le « RAS » lui suffisait pour revenir à l'entrée de la pièce pour ressortir aussi sec. « C'est bon, on peut y aller. J'suis sérieuse, je me dis que Mère Nature a la possibilité de nous donner quelques petites choses intéressantes. Surtout que.. » Elle marchait un peu moins vite mais se dirigeait vers la sortie du clan : « ...Surtout que les médicaments vont finir par devenir rare voir inutilisable. » Elle pensait surtout aux dates de péremption mais surtout, surtout, à meubler la conversation pour éviter celle qui planait au dessus de sa tête.

(c) princessecapricieuse

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