Dans ce monde, il n'y avait pas mille façon de survivre. Tout ce qu'il fallait c'était de la débrouillardise, de la chance, du caractère et faire un choix. Être honnête ou se mettre à piller. Personnellement, la dernière fois que quelqu'un avait décidé de piller d'autres gens, j'y avais laissé des gens importants, d'où ma décision de rester seul jusqu'à la fin des temps. Pour moi, pas énormément de façon de m'en sortir. Soit je faisais expédition sur expédition, soit j'entrais en contact avec d'autres survivants, même si les chances de croiser de bonnes personnes étaient faibles, pour faire du troc avec eux. Dans les deux cas, il y avait quand même énormément de risques de tomber sur de mauvaises surprises. Quitte a choisir, je préférais me démerder seul et crever seul, à la limite. C'était d'ailleurs probablement pour ça que je me retrouvais toujours ou presque dans un merdier pas possible.

Ce jour là, j'étais en train de me cacher dans une petite boutique déjà bien vide. J'étais parvenu à passer de justesse entre les doigts charnus de deux monstruosités et je m'attendais à ce qu'elles rameutes des copines pour me faire la peau. Dans mon petit magasin, j'avais dû affronter un macchabée de plus et l'avais réduit au silence définitif et éternel. J'essayais de respirer au mieux sans pour autant y parvenir, contracté au possible. Viendra, viendra pas ? Je ne savais que penser. Des pieds sur les bris de glace me tendirent un peu plus. L'individu approchait un peu plus et moi je resserrai les doigts autour de ma lame, attendant le bon moment pour sauter sur le non-mort et le rendre au néant. Lorsque le corps fut à ma hauteur, je n'attendis pas et je me lançais sur lui pour le bloquer contre un mur et actionna mon bras pour planter mon arme dans son crâne, m'arrêtant bien avant d'y parvenir. La personne que je venais d'agresser était en fait bien vivante et je me reculais. La femme que je fixais n'avait rien à voir avec les sempiternels ennemis que je combattais depuis mon arrivée à Tacoma. Pour autant je ne baissais pas ma garde, je restais à bonne distance mais veillais à ce qu'elle ne fasse pas de gestes brusques. "Pour info, je suis pas désolé." fis-je froidement pour savoir à quel sauce je serai mangé et si je devais immédiatement m'attendre à devoir me battre ou sauver ma peau.

Malgré la pénombre je pouvais la détailler. Grande, brune, bonnes pommettes et yeux clairs. Dans une autre vie, elle aurait pu me plaire mais dans l'immédiat, la confiance n'était clairement pas ce que je lui offrirais. Lentement je me redressais et passais ma tête vers l'ouverture de la boutique pour m'assurer qu'elle ne venait pas accompagnée d'une clique. J'en avais déjà assez de tomber sur des connards prêts à piller les autres. J'en avais marre des autres connards. Déjà que je me supportais difficilement alors les autres... D'un pas prudent, je m'approchais d'elle, couteau levé et je fronçais les sourcils. "J'espère que t'es seule parce que sinon j'hésiterai pas à faire de toi un marcheur et sans regret." que je menaçais sans vraiment le penser. Non clairement, je lui aurais pas fais de mal à moins d'y être forcé mais valait mieux prévenir, non ? "Casse toi, tant qu'il est temps." poursuivais-je, toujours pour la dissuader de s'éloigner, en espérant que j'aurais moi-même le temps de filer au cas où elle appellerait les renforts.

Ça, je devais avouer que je ne m'y étais pas attendu. La femme n'avait pas eu peur et ma menace n'avait pas l'effet escompté. Longuement, je l'observais et je serrais les dents de frustration. C'était tellement abusé de voir que même en cas de fin du monde, il y avait encore des gens chiants. Enfin chiants... Pour le coup, j'avouais que je n'avais pas cherché à comprendre et j'avais foncé dans le tas mais son calme m'agaçait. J'y pouvais rien. Alors pour garder la face, je reniflais avec dédain, m'essuyais la joue du poignet et rangeais mon arme avant de croiser les bras alors qu'elle me demandait mon prénom. Là encore ça m'énervait. Clairement, elle se fichait bien de mourir dans les dix prochaines secondes mais elle marquait un point. J'étais pas du genre à tuer pour rien. Juste quand j'étais très en colère et que je perdais le contrôle et sur le moment, je rêvais que d'une chose : me poser et juste souffler un instant. Me battre, aujourd'hui, c'était pas vraiment mon objectif. "Maes." répondis-je froidement en levant les yeux au ciel. J'entrais dans le jeu malgré moi et je pestais intérieurement de l'avoir fait. Mais bon,après tout, on était pas là pour se battre. Du moins pas pour l'instant.

Je m'éloignais d'elle et la laissais jouer avec son briquet pour venir fouiller les cadavres tout en gardant un œil sur les mouvements de la brune. La confiance, dans ce monde, ce n'était pas ce qu'on pouvait offrir aussi simplement et on ne pouvait pas se fier à un minois agréable, c'était trop facile. Ma victime, elle, n'avait rien dans les poches, pas même un semblant de ressources alors je lui mis un coup de pied dans les côtes en guise de gavage. Putain, ça aussi c'était craignos, qu'ils servent à rien à part nous bouffer. Finalement je me recoiffais et me laissais tomber sur le sol. Disons que mon besoin de me reposer surpassait tout. J'observais à nouveau l'arrivante et la sifflait pour attirer son attention. "Et toi, t'es qui ?" fis-je sans plus de formalité, on était pas là pour devenir potes de toute façon et on se recroiserait probablement plus jamais après ça. Lentement, je venais sortir de mon sac à dos un paquet de clopes et en prenais une pour la coincer entre mes lèvres sèches et cherchais de quoi l'allumer sans rien trouver. Bah merde ! Foutu con que j'étais ! Forcément, connard ! Tu pouvais pas penser à prendre de quoi allumer un feu ! Soupirant une nouvelle fois d'agacement, je collais ma tête contre une étagère et mes iris glissèrent vers la femme pour lui demander de me rendre un service à contre-coeur. "Tu m'allumes et on fait moit-moit ?" disais-je d'une voix grave, comme si j'admettais que ça m'arrachait la gueule que ça me plaisait pas trop de dépendre d'elle et en plus de partager mon maigre plaisir mais parfois, on ne pouvait pas toujours être un con fini et il fallait se résigner à coopérer.

Et puis finalement je me détendais. Finalement, c'était bien plus calme malgré sa présence, les morts ne se manifestaient pas plus que ça et j'avais la sensation d'être en pause, comme dans l'ancien temps où on pouvait savourer l'heure du dej' entre midi et deux. Les souvenirs revinrent petit à petit à mon esprit et pour les chasser, je préférais m'attarder sur la nouvelle venue. "C'est pas possible que tu sois seule, toi. Avec tous les pillards qui rôdent, soit t'as une chatte de malade, soit t'es une pillarde toi-même et je sais pas quelle option te va le mieux." lançais-je comme pour faire un semblant de conversation, comme si je cherchais à me sentir moins seul et finalement, ce n'était pas si faux. Parfois, parler à quelqu'un de vivant ne faisait pas de mal et là, j'avais la sensation d'en avoir besoin, même si ça me surprenait moi-même.