Décembre 2016

Discrète, toujours en retrait, pour l’instant, Valentine restait une créature qui vivait dans la maison qu’on avait bien voulu lui donner. Celle ci n’était pas encore ce qu’elle avait au fin fond de sa tête. Mais elle passait le plus clair de ses journées à retourner la terre du jardin. Il fallait qu’elle se change les idées, que les idées noires arrêtent de pourrir son esprits. Le seul moyen qu’elle avait pu trouver pour atteindre ce but était de plonger corps et esprit dans une manière de recréer un environnement qui à défaut de lui être familier, pouvait au moins apaiser cette peine qu’elle avait au fond du coeur.

Les mois avaient passés. Le sommeil s’il n’était pas encore parfait, ressemblait à quelque chose qui pourrait faire disparaître les cernes qu’elle avait sous les yeux. Valentine n’avait jamais été victime de difficulté en ce qui concerne son sommeil, ce qui la rendait beaucoup plus victime des insomnies. Pour autant, si elle se laissait aller à la léthargie, elle risquait de se morfondre bien plus que de raisons, et elle était un peu trop fière pour cela. La maison avait commencé à ressembler à ce qu’elle souhaitait. Les pots et les plantes qu’elle avait mise en pot et en plants dehors commençait à pointer le bout de quelque feuilles vertes. Les voir pousser avec toute la nonchalance du monde lui prouvait à quel point le monde tournerait avec ou sans elle dedans. Elle n’était pourtant pas prête à l’idée de sortir et de socialiser. Elle n’avait jamais eu de capacité réelle pour ce que les anglophones appelait le « small talk ». Valentine n’avait pas de réelle patience pour ce genre de choses, ce qui la limitait beaucoup dans ses interactions sociales, sans pour autant qu’elle s’en plaigne. Elle était bien mieux entourée de ses plantes et de des pommes de terres germées.

Pour autant, elle avait toujours en tête ces fameuses nuits. Ces fameuses journées à regarder la fin du monde droit dans les yeux, et elle de la regarder en retour, lui montrant l’horreur, voir le paysage de mort défiler devant ses yeux alors que la voiture filait vers les promesses du camp dans lequel elle était aujourd'hui. Ses paumes avaient fini par cicatriser, mais restait au creux de ses mains ces deux marques qui témoignaient de la violence du monde derrière les murs. L’endroit n’était pas parfait, mais il était sur, plus sur que dehors. On lui avait dit qu’il fallait qu’elle suive « la formation » c’était typiquement le genre de chose à laquelle elle n’était pas très assidue. Pourtant, il fallait qu’elle s’y rende, mais elle ne voulait pas se retrouver à discuter avec tout le monde, partager les histoires tristes, les nouvelles du jour. Son regard avait changé, beaucoup d’entre eux n’avaient pas vu ce qu’il y avait dehors. Les feux, les pillages, les hommes, les femmes, les enfants, les infectés. Valentine était être un peu jalouse. Jalouse du fait qu’ils n’auraient pas de cauchemars, pas d’angoisse, pas de poids sur les épaules, le poids terrible de la culpabilité d’avoir survécu, la perte face à des circonstances complètement indépendante de toutes ses capacités. La perte de son père lui restait en travers de la gorge comme une mauvaise arrête de poisson, douloureuse et qui restait bloquée.

Pour autant, elle avait décidé de passer le cap. Peut être qu’avec un peu de chance, la plupart des « survivants », certainement ne se considéraient-ils pas comme cela, avait estimé que cette fameuse formation n’était pas de la plus haute importance. Un peu de chance … c’était se réjouir de l’ignorance des autres, mais Valentine n’était pas du genre à penser autrement sous prétexte que ce n’était pas politiquement correct. Ses chaussures, bien laissées, les cheveux attachés, elle avait mis son plus beau tee-shirt pour la rentrée, en espérant ne pas avoir à parler à trop de nouveaux élèves. « Je viens pour la formation… pour les armes à feu ? » fit-elle incertaine.