Les effets de cette épidémie qui avaient touchés les heureux vaccinés s'étaient peu à peu estompés pour finalement complètement s'évanouir, pour le plus grand soulagement du quarantenaire -et sans doute des pauvres personnes qui s'étaient occupées de lui aussi-. Sûr qu'il s'était vu mourir, ne nourrissant que peu l'espoir que les scientifiques trouvent une solution à temps. Pas qu'il doutait réellement d'eux, il ne remettait pas leurs capacités en question, mais mieux valait se préparer au pire pour pouvoir se satisfaire du meilleur lorsqu'il arrivait, pas vrai ? Si tant est que survivre encore puisse être considérer comme meilleur. En finalité, il semblait que leurs organismes avaient fini par combattre seul ces effets secondaires. Jusqu'à quand ? Étaient-ils réellement tous tirés d'affaire ? Pour l'instant, mais là encore, il préférait ne pas crier victoire trop vite.

Remit sur pieds donc, Vaughn avait repris sa petite routine au dispensaire, à l'instar de ses semblables, et ce malgré son envie de se reposer encore, la fatigue accumulée due à la maladie toujours bien présente. Mais mieux valait prendre le risque de se tuer à la tâche que de laisser l'occasion à son esprit de voguer à des souvenirs qu'ils préférait laisser tapis dans l'ombre la plupart du temps. Son séjour forcé au dispensaire lui avait laissé tout le loisir de songer à ce passé, autant limiter les frais maintenant qu'il était de nouveau apte à faire quelque chose de constructif. Pour l'heure cependant, le brun rentrait chez lui, du moins son nouveau chez lui, ayant emménagé quelques temps plus tôt avec Eve-Madeleine et Clarke. Il avait accepté la proposition de la première sans trop se oser de question, sans même trop savoir pourquoi à dire vrai, simplement parce-qu'elle faisait partie des quelques personnes qu'il appréciait plutôt bien sur cette île alors plutôt que de se traîner seul autant s'entourer convenablement. Il n'était de toute façon pas un coloc chiant, du moins pas tant qu'on ne le titillait pas lorsqu'il était dans un de ses mauvais jours. De toute façon, la biologiste était plus souvent au labo qu'à la maison, et Eve-M. le connaissait suffisamment pour savoir à quel moment on pouvait lui parler et quand il était préférable de le laisser ronchonner dans son coin. Une cohabitation qui marchait plutôt bien en somme, même si le Corgi de Norton l'agaçait par moments.

À peine eut-il refermé la porte de la maison que la voix de Clarke arriva jusqu'à lui. Arquant un sourcil, pas bien certain qu'elle s'adressait précisément à lui, il laissa chaussures et veste dans l'entrée, se dirigeant tout de même vers la cuisine, pour voir. Et la jeune femme arriva dans le même temps, confirmant que sa proposition n'était pas directement pour lui. « Merci » répondit-il en lui renvoyant un bref sourire, cherchant dans un placard le café soluble alors qu'elle retournait dans le salon. Café fumant prêt, le thanato alla à son tour dans la pièce à vivre, évitant de justesse le chien qui lui courant dans les pattes non sans retenir un bref soupir. Il se laissa tomber dans le fauteuil, fixant un instant le plafond, juste le temps de laisser l'occasion à son corps de se détendre un peu après avoir couru partout. Lorsqu'il replanta ses prunelles sombres sur la blonde, il inspira. « J'crois pas t'avoir déjà vue là à rien faire » dit-il d'un ton relativement neutre. Pas de reproche ni de jugement, une simple affirmation. « Tu tiens l'coup avec tout le boulot ? » Le fait qu'ils ne se soient jamais vraiment parlé depuis son emménagement -et même avant- ne l'empêchait pas pour autant de s'enquérir de son état. Parce-que c'était bien ainsi qu'il fallait agir pas vrai ? Porter attention aux personne qui gravitaient autour de soi, encore plus quand elles partageaient votre toi.

« A qui l'dis-tu » avait rétorqué le quarantenaire quand Clarke affirmait qu'elle préférait être occupée pour ne pas à avoir à réfléchir. À quoi exactement ? Pas ses affaires, tous avaient leurs problèmes et leurs souvenirs à gérer, lui le premier. Et il comprenait parfaitement la jeune femme, agissant de la même manière, à bosser au dispensaire pour garder constamment son esprit occupé. Sûr que si sa conscience était moins chargée il ne se serait pas emmerdé à mettre la main à la pâte aussi régulièrement mais au moins s'évitait-il de tourner en rond depuis qu'il était sur l'île. Principalement pour faire la discussion et essayer de cerner un peu mieux sa colocataire, Vaughn demanda comment se passait son boulot, si elle tenait le coup. Après tout, lui-même au dispensaire avait eu beaucoup de choses à gérer ces derniers temps -si on omettait évidemment le virus duquel il avait lui aussi souffert-, il se doutait bien qu'au laboratoire la situation devait être encore plus compliquée, d'autant plus qu'ils avaient constamment quelque chose à faire. Arriveraient-ils un jour au bout de leurs recherches ? Parviendraient-ils à trouver un vaccin réellement viable ? Peut-être. Mais ça n'éliminerait en rien les cadavres ambulants et, même si la morsure n'activait plus le virus, vivre avec la moitié du flanc en moins restait tout aussi compliqué.

Laissant ces pensées sombres mais réalistes de côté, le thanato hochait la tête à la réponse de sa cadette, approuvant ses dires d'un « faut savoir lever le pied par moment ». Bien sûr, leurs découvertes pouvaient bien changer une partie de leurs vies, mais ce n'était pas une raison pour se tuer à la tâche. Le pire était-il réellement derrière eux pour autant ? Qui pouvait savoir. Les effets secondaires du vaccin avaient fini par s'estomper pour totalement disparaître, mais il était difficile d'avancer que tous étaient tirés d'affaire ou qu'il n'y aurait pas de rechute ou Dieu savait quoi d'autre. Pour l'instant cependant, ils étaient remis sur pied alors qu'importait le pour combien de temps, les scientifiques avaient droit au même repos, d'autant plus que Vaughn se doutait bien que le laboratoire n'était pas vide pour autant.

Prenant une gorgée de son café en observant quelques secondes le corgi qui s'était installé près de sa maîtresse, il relevait le nez à sa question, lui rendant brièvement son sourire. « En effet... j'espère qu'Eve ne t'as pas trop imposée ma présence » répondit-il, sincère. Après tous, ils ne se connaissaient pas bien, tous les deux, alors il pouvait imaginer ce qu'avait pu ressentir la blonde quant au fait d'avoir d'un coup un quasi inconnu sous son toit. Mais sans doute était-ce également l'une des parts de la vie en groupe. Winchester lui-même avait dû se réhabituer au fait d'être entouré de tant d'inconnus sans trop se méfier du moindre mouvement. Passé ce cap ce n'était pas une cohabitation qui le dérangeait, pas tant que ses colocataires n'étaient pas chiants.

Inspirant, il haussa alors les épaules, répondant à la question posée. « J'ai pas à me plaindre. En dehors des coups de pression comme ces dernières semaines c'est plutôt tranquille. » Ils soignaient des petits bobos surtout et des maladies relativement classiques. Bien sûr, il y avait bien de ces fois où certains arrivaient avec des blessures bien plus importantes mais heureusement ça restait périodique. « Comme toi, je préfère être occupé que d'attendre et cogiter, alors disons que la situation pourrait sans doute être pire » ajoutait-il, ses mots accompagnés de l'esquisse d'un sourire avant qu'il ne reprenne une gorgée de sa boisson bien chaude, soupirant doucement. « Je suppose qu'on a la chance d'avoir fait un boulot utile quand le monde tournait encore rond. » Pas que les autres professions ne l'étaient pas, loin de là, mais autant ne pas se leurrer : un comptable ne servait plus à rien dans ce monde, ni même un banquier ou tous les trucs dans ce goût là.

« Je comprends » avait répondu le thanato d'un air un brin songeur à sa réponse concernant le fait de vivre seule dans une maison qui lui rappelait trop de souvenirs. Les souvenirs, pleins de fantômes du passé, étaient ce qu'il y avait de plus difficile à porter au quotidien, cette réalité que beaucoup de choses ne seraient plus comme avant et que pour survivre mieux valait l'accepter au plus vite. S'en éloigner lorsque l'opportunité se présentait était la meilleure chose à faire et lui-même n'avait pas été capable de rester aux endroits où il avait perdu les siens. Peut-être n'était-ce pas exactement la même chose pour la biologiste et Winchester ne poserait pas d'avantage de question sur le sujet, mais il comprenait le besoin de repartir de zéro, si tant est que ce soit réellement possible. Quand elle reprit, avançant qu'il ne lui semblait pas désagréable, le grand brun avait sourit. « Tu seras bien étonnée de voir mon sale caractère. » Une simple remarque totalement vraie et dont la blonde se rendrait probablement compte bien assez tôt lorsqu'il était dans un de ses mauvais jours. Le quarantenaire ne s'était jamais caché de son caractère de cochon et en avait parfaitement conscience, ceux qui ne le supportaient pas pouvaient bien passer leur chemin. Pour autant, Clarke avait été jusqu'à présent suffisamment occupée pour ne pas avoir à subir ce caractère parfois bien chiant, une chance pour elle.

Prenant une gorgée de son café, Vaughn hochait la tête à la réponse de sa cadette. Au moins n'avaient-ils pas des avis totalement opposés sur la situation, déjà un bon point pour cette cohabitation relativement inattendue. « En effet » avait-il alors répondu, se gardant bien de dire que ce qui pourrait les manger au dehors ne le terrifiait pas tant que cela. Ce qui l'angoissait était ce qui pouvait littéralement le ronger de l'intérieur, ces démons du passé qu'il tentait de garder bien silencieux dans un coin de son être. Plus prudent, surtout pour ceux qui gravitaient autour de lui. Il en vint donc à parler de leurs métiers, arquant un sourcil aux mots de la jeune femme. « T'es à ta place ici, y a pas de doute à avoir. » Aucun jugement dans son ton, simplement une nouvelle énonciation de la vérité. Sûr que dehors, ses connaissances n'auraient pas été vraiment utiles, elles ne lui auraient pas sauvées la vie, mais ici elles pouvaient être utiles à toute la communauté. Si du moins ils trouvaient un vaccin viable à ce foutu virus.

Laissant filer un soupir avant de reprendre un peu de son café, se satisfaisant de la chaleur de la boisson qui chauffait la tasse entre ses doigts, le thanato fut presque étonné des excuses de la biologiste. Quelques secondes de flottement à peine et c'est un soufflement à la fois amusé et résigné qui lui répondit suivit d'un haussement d'épaules. « Je sais qu'c'est pas vous qui prenez les décisions finales et que quand Davis a quelque chose en tête il l'a pas ailleurs » commença-t-il comme pour chasser tout malaise, rebattant d'un geste les cheveux qui étaient tombés devant ses yeux. « Est-ce que l'urgence de la situation justifie la décision, qui on est pour juger ? Ç'aurait tout aussi bien pu marcher. Maintenant reste plus qu'à espérer qu'y aura pas d'effets secondaires supplémentaires. » Parce-qu'il avait bien cru qu'il finirait par crever à un moment, et au vu de l'agressivité dont tous les vaccinés avaient fait preuve, il y avait fort à parier que si les effets s'étaient aggravés ils auraient emporté plus d'une victime avec eux.

« Au moins on est bien entourés Eve et moi, avec toi dans les parages. » Un bref sourire un brin rieur et il reprit. « C'est plutôt nous qui devrions nous excusez. Deux vaccinés sous le même toit que toi, ça doit pas être très rassurant. » Vrai que pour le coup la jeune femme n'avait pas eu de chance même si le brun ne vivait pas encore ici lorsque la maladie due au vaccin s'était déclarée. Rien ne promettait en effet que cette affaire était terminée et Dieu seul savait si leur corps parviendrait à contrer les évolutions du vaccin sur le long terme.