Ça faisait maintenant quelques jours que cette pluie torrentielle et glaciale qui s’était impitoyablement abattu sur tout Seattle, avait enfin cessé. Offrant un répit bien mérité après le véritable calvaire qu’elle avait fait subir – même s’il restait encore à en réparer les pots cassés. Redonnant un brin de bonne humeur à ceux et celles qui, comme Kilian, avaient vu leurs nerfs être mis à rude épreuve… et dans le cas du cogérant, c’était vraiment peu dire.

L’eau et l’humidité qui s’étaient infiltrées absolument partout, avait obligé Finch à quitter son repère – du moins, le temps qu’avait duré le déluge – pour aller se réfugier au No Man’s Land. Et comme si ça n’avait pas déjà été suffisant de devoir jongler avec son bras qui avait recommencé à le faire souffrir, ses vêtements détrempés et glacés qui lui avaient collés à la peau plus souvent qu’autre chose, ses cauchemars qui étaient venu hanter ses nuits et ses provisions qui avaient pris un sale coup, il s’était en plus retrouvé mêlé à tous ces vagabonds qui tombaient malade les uns après les autres. Forcé de lutter contre cette contagion de rhumes qui s’était propager comme la peste et qui avait bien failli s’en prendre à lui également. Kilian avait eu beaucoup de mal à garder son sang-froid dans cette situation où il avait senti qu’il perdait le contrôle. Ayant pris de plus en plus de décisions sur le coup de l’émotion et s’étant mis des gens à dos… Alors, oui, le retour du soleil fut accueilli à bras ouvert !

La pluie avait enfin cessé et Finch avait pu retourner au "Squat" pour remettre un peu d’ordre dans ses affaires – et, surtout, un peu d'ordre dans son humeur massacrante. Prenant un pied de recul avec tous ces contacts humains qui l'avait irrité plus qu’autre chose. Épuisé par tous les efforts qu’il avait dû fournir pour tenter de conserver une certaine importance auprès de ses contacts, alors qu’il avait dû œuvrer à garder son nom et sa réputation dans ce système de troc instauré au No Man’s Land. Il avait dû défendre son nouveau rôle de Récupérateur comme il l’avait pu dans des conditions presque impossibles. Essayant, tant bien que mal, de tirer son épingle du jeu sans se perdre dans ses frustrations... Il ne fut donc pas déçu de retrouver le calme de son refuge, après tout ça, et de tirer la plogue sur la bisness pendant quelques jours. Jusqu’à aujourd'hui.

Kilian était revenu à l’entrepôt plus frais et dispo que lorsqu’il l’avait quitté – ce qui n'était toutefois pas le cas de sa moto, qui elle, avait connue quelques ratés lors du trajet. L’humeur du cogérant étant plutôt bonne, il alla même jusqu’à provoquer le sort en arborant une paire de lunette de soleil. Se faisant un réel plaisir à ridiculiser Dame Nature et ces derniers évènements de pluies abondantes. Comme s’il s’élevait au-dessus de tout ça. Comme s’il avait été intouchable. Toutefois, "rira bien qui rira le dernier", l’univers sembla vouloir se jouer encore un peu plus de lui – et peut-être lui faire ravaler son insolence – avec l’arrivé de Salem.

En l’apercevant, Finch avait rouler des yeux contrariés. N’arrivant pas à croire qu’elle ose s’approcher de lui après la façon dont ils s’étaient quittés, suite à leur dernière rencontre. Ne pouvant lui cacher l’éclat d’amertume qui brillait dans son regard alors qu’il le posait sur elle, Kilian avait dû serrer les dents pour se retenir de lui cracher au visage. Grimaçant plutôt un sourire acerbe, avant de la narguer par un humour ironique ; « Eh bien, si ce n’est pas l’une de celles qui m’a si "gentiment" vendu comme chair à canon pour sauver sa peau ! Il avait la haine et ne se donna même pas la peine de le cacher. T’as vraiment du culot de te pointer devant moi après ce que vous m’avez fait ! »

Leur dernière rencontre remontait à cette fameuse attaque des Scarecrows survenue deux mois plus tôt. Ces fils de pute masqués qui s'en étaient pris à leur convoi et qui les avaient ensuite séquestré et torturé dans ce trou à rats… Kilian et les autres prisonniers avaient bien tenter de s'évader, mais cette tentative s'était soldée par un échec pour le cogérant, lorsque celui-ci avait bondit sur un gardien les ayant repérés. C'était à ce moment précis que la mécano – et leurs deux autres codétenues – avaient décidés de lui fausser compagnie. Profitant de sa lutte contre cet ennemi sur le point de sonner l’alarme, pour se faire la malle en l'abandonnant lâchement entre les mains de ses bourreaux. Ils s'étaient servis de lui comme une vulgaire diversion !

« Mais, comme tu peux le voir, j’ai très bien pu me débrouiller sans votre aide. Son ton amer faisait clairement comprendre qu’il n’avait pas oublier – et, surtout, qu’il n’avait pas pardonné. Alors, qu’est-ce que tu veux ? J’imagine que tu n’es pas venu jusqu’ici pour t’excuser ? » Parce que si c'était le cas, elle pouvait s'étouffer avec ses excuses. Finch ne les accepterait pas aussi facilement  !

Alors qu’il lui crachait, hargneusement, son venin au visage, Kilian s’était levé pour s’approcher de Salem. Venant se planter à deux centimètres de sa personne, s’imposant dans sa bulle – si prêt qu’il pouvait aisément sentir son odeur – pour la menacer de toute sa hauteur. Plissant des yeux, il avait alors braqué son regard sur le sien. Cherchant, ainsi, à l’intimidé par sa prestance. Toutefois, elle n’avait pas reculé, ni même bronché. Elle s’était tenue droite devant lui et lui avait tenue tête. Répliquant, sans mâcher ses mots, Salem avait fait preuve d’une franchise cinglante. Et, juste pour ça, l’homme éprouva un brin de respect pour sa vis-à-vis. Après tout, il savait apprécier les gens qui avaient du caractère et du cran. Les gens qui ne s’écrasaient pas à la moindre menace. Plus encore ; lorsqu’il s’agissait de femmes…

L’amertume miroitait toujours dans son regard, mais il souriait. Laissant étirer ses lèvres dans un plaisir arrogant, il écouta les mots de la mécanicienne, sans même relever le ton presque dénigrant à son égard. Ne répondant pas à ses répliques épineuses qui critiquait son égocentrisme. Elle avait de la chance d’être aussi "amusante" dans son rôle de femme échauffé. De la chance, surtout, que l’humeur de Finch ne soit pas aussi massacrante qu’elle l’avait été à peine quelques jours plus tôt… Puis, il était bien forcé de reconnaitre qu’elle avait tout de même raison sur un point ; des trois codétenues avec qui il avait tenté de s’évader, elle avait probablement été la moins encline à l’abandonner derrière… Mal en point, elle s’était tout simplement laissé entrainer par la vague. De toute façon, dans l’état où elle s’était trouvée, jamais elle n’aurait pu faire quoi que ce soit pour l’aider.

Salem finit tout de même par faire l’effort de s’excuser. Est-ce que Kilian accepterait ces excuses ? Probablement pas, non, mais elle était tout de même sur la bonne voie… Surprenant, non ?! Finch était, d'ailleurs, le premier à s’en trouver étonné ! Puis, il souriait toujours, lorsqu’elle eut enfin terminé son discourt. « Alors, qu’est-ce que tu veux ? » avait-il questionné de nouveau, mais sur un ton beaucoup plus clément que la première fois. Reculant même de quelques pas, dans une courbette abusée. Lui signifiant qu’il acceptait de rendre les armes – enfin, jusqu’à la prochaine menace.

Putain qu'elle haïssait quand les mecs essayaient d'être intimidant un bombant le torse et en se collant dans votre bulle perso. Elle aurait pu lui ouvrir le bide en moins de deux, pendant qu'il jouait les intimidateurs contre une nana d'un mètre soixante avec les ch'veux. Sal n'avait pourtant pas bouger d'un poil, elle en avait vu d'autre, bien d'autres... C'était vachement pas le moment de la chercher de toute façon, alors quand il s'était mit à sourire comme un gland, puis s'était finalement écarté pour lui faire une courbette ce con, Salem s'était presque réjouie de pas devoir lui casser la gueule finalement. Presque...

- Tu veux quoi contre tes bouteilles d'alcool ? La mécano allait droit au but. Valait mieux en profiter pendant que l'autre filait doux.

Elle aurait certainement deux trois babioles dans son sac à dos qui intéresserait Monsieur la victime ultime. Elle avait pas peur de se salir les mains non plus, s'il avait besoin d'un truc en particulier. En fait, tant qu'elle ne se faisait pas arnaquer ça irait. Elle voulait juste quelques bouteilles pour endormir la merde dans son âme, arrêter d'être aussi à cran...

En attendant de savoir ce que l'autre voulait, Sal sortait un paquet de clopes abîmé de son manteau. Elle le tapa à son autre main pour faire sortir le filtre d'une des cigarettes avant de porter le paquet à sa bouche pour attraper sa clope avec ses dents. Elle eut la décence d'en offrit à Killian, tandis qu'elle s'allumait de l'autre main. Elle n'était pas une sauvage, pas complètement après tout. Même malgré la rareté de cigarettes fumables par cette foutue putain d'apocalypse.

La mécano lançait un regard autour d'eux un court instant. Les affaires avaient bien repris au No Man's Land, comme d'hab en fait. La forgeronne veillait de toute façon maintenant. Ça s'organisait. C'était bien mieux que la première fois qu'elle y avait mis les pieds, ou même quand elle en était partie avec Richard.

C’était donc pour ses bouteilles d’alcool que Salem en avait – et non pas pour leur petite histoire en commun, comme Kilian avait pu s’en douter… Parce que celle-là, elle aurait probablement préféré l’oublier. Tout comme lui, d’ailleurs. L’alcool ; c’était donc ce qui intéressait vraiment la mécano et, cette fois-ci, elle y alla droit au but en répondant à la question du cogérant. Lui demandant, sans détour, ce qu'il pouvait bien vouloir pour ses bouteilles. Tiens, tiens… Et elle y allait au pluriel, à part de ça ! Ça ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd.

D'ailleurs, de savoir que Salem l’avait approché dans ce but bien précis, sans qu’il ait eu besoin d’initier le sujet, rendait Kilian hautement satisfait. Après tout, ça signifiait que les gens commençaient à parler de son business. Son nom commençait à circuler, par ici, et lorsque l’on cherchait de l’alcool, c’était donc vers lui qu’on leur disait de se tourner. À cette constatation, le sourire de Finch s’était élargi considérablement – bien qu’il s’élargissait, toujours, lorsqu’il s’apprêtait à faire affaire – parce qu’au fond, c’était bien pour ça qu’il était là. Pour ça qu’il passait autant de temps entre les murs de ce No Man’s Land. Ces petites discussions insignifiantes avec les vivants avaient beau le divertir un bon coup, au bout de la ligne, tout ce qui comptait réellement pour lui c’était ces échanges qu’il concluait avec eux. Ces échanges qui lui apportaient bénéfices à jouer le jeu de l’homme sociable.

En attendant sa réponse, la petite blonde avait sorti un paquet de clopes de son manteau. Finch la regarda faire, silencieux, mais les lèvres toujours étirées dans un sourire, alors qu’elle prenait une cigarette entre ses dents. Attendant, calmement et les bras croisés, qu’elle ait terminé de s’allumer avant de reprendre la parole – après tout, il n’y avait aucunement besoin de précipiter les choses... Au contraire, même ! On gagnait habituellement à être patient dans le troc. Il avait toutefois été ravi lorsqu’elle eut la décence de lui en offrir une.

Depuis le début de cette apocalypse, Kilian avait croisé un nombre impressionnant de survivants ayant perdu leurs bonnes manières. Un nombre dont il faisait lui-même partie, d’ailleurs, étant donné que les bonnes manières ne permettaient pas de survivre dans ce monde d’égoïsme… Enfin, SAUF, bien sûr, lorsqu’il était question d’échange commercial ! Là, les bonnes manières avaient encore toutes leurs importances, selon Finch, et c’était une excellence chose que cette Salem l’ai compris également. L’homme accepta donc, avec plaisir, la clope qu’elle lui tendis. Clope, qui ne ferait pas partie du paiement, notez-le bien, mais qui aiderait assurément à ne pas chercher à l’arnaquer ! Finch allait se montrer fair-play avec elle.

« Je veux un tas de choses contre mes bouteilles… Lança Kilian, un air mystérieux sur le visage, alors qu’il soufflait une bouffée de nicotine après avoir allumé sa cigarette. Il la fit languir, encore quelques secondes, avant de reprendre ; La question est plutôt ; qu’est-ce que toi t’as à offrir en échange ? » Il était curieux de savoir quels étaient ses spécialités ? Qu’est-ce que Salem avait donc à échanger, mais aussi ; qu’est-ce qu’elle pouvait bien offrir comme services ?

Ce sourire qu'il avait, ça lui donnait juste envie de grimacer. C'était pas un sourire sympa, c'était le sourire d'un con qui croyait avoir une longueur d'avance sur elle, le sourire d'un mec qui se croyait visiblement supérieur à tout et tous. Le genre de sourire que Sal avait envie d'effacer avec une droite. Une petite droite hein, pas sauvage non plus la petite blonde.

Voilà, au moins l'autre tournait pas autour du pot. Ce qu'elle. elle avait à offrir ?

- J'ai rafistoler deux trois trucs : walkman, lampe de poche à manivelle, canif... J'suis mécano de profession, si jamais t'as un truc à réparer.

Voilà. Elle n'allait pas lui proposer de la bouffe, des médocs ou des balles non plus, l'hiver avait été rude, il aurait qu'à se débrouiller. Restait plus qu'à voir ce qu'il voudrait et en quelle quantité. Si le deal était trop salé, il pourrait bien aller se faire foutre. Sauf que bon, voilà avant de juger, Salem allait écouter Kilian quand même. Faudrait vérifier qu'il avait pas dilué ses bouteilles avec de l'alcool non plus, c'est drôle, mais sa tête ne lui revenait vachement pas, clair que ce serait son genre.

Peut-être que dans d'autres circonstances, la petite blonde lui aurait laissé le bénéfice du doute ? Peut-être qu'elle ne l'aurait pas juger aussi sévèrement ? Ne se serait pas autant méfié ? Peut-être que s'il l'avait pas accueilli avec une fourche et une torche aussi...

- Sinon, si tu cherches un truc en particulier, j'sais fouiller.

Gageons que c'était le genre de mec qui aimait les machins de luxe complètement inutiles par les temps actuels. Sûr qu'il vivait pas dans l'entrepôt. Il devait pas partager son espace avec des va-nu-pieds. Les pensées dérogatoires défilaient dans le cerveau de la mécano. Rancunière du traitement qu'elle avait reçu, c'était plus fort qu'elle, Sal avait pris ce type en grippe. À lui de la faire changer d'avis.