On le lui avait bien dit de ne pas rentrer dans les chambres des autres. Mais c'était plus fort qu'elle: Molly était une fouineuse. Et puis, elle avait grandit en prenant l'habitude de fouiller tout ce qu'elle pouvait, pour y trouver des armes, des vivres, des médicaments, des trucs utiles ou pas. Grâce à ses nombreuses petites explorations, Molly avait trouvé des carnets de coloriages, ds crayons de couleur, des jouets pour enfant... Elle se doutait bien qu'ici au motel, il y avait peu de chance pour qu'elle trouve des trucs rigolos, mais qui ne tente rien... N'a rien.

La petite se baladait dans le couloir, à pas de loup. Elle était tellement légère et discrète, qu'on aurait dit un fantôme. Errant avec lenteur devant les portes des chambres, Molly glissait discrètement un coup d’œil à chaque fenêtre, lorsqu'elles n'étaient pas couverte par des rideaux.
Parmi toutes ces chambres, une lui attira l’œil, et sans trop réfléchir, comme si c'était normal, elle poussa la porte et la referma derrière elle.

C'était une chambre, tout ce qu'il y avait de plus banal. Un lit, une table de chevet, un placard, une table avec une télé et quelques affaires qui traînait. Lentement, Molly s'approcha du lit, et s'assied sur le matelas. Elle fit quelque bonds sur ses fesses pour tester la dureté, et un petit sourire naquit sur son visage enfantin. De temps à autre, elle jetait un coup d’œil par la fenêtre pour voir si personne ne venait. Mais l'excitation était telle, qu'elle en oubliait l’essentiel: trouver une cachette.

Car oui, la règle d'or de ses expéditions est: la cachette. Elle permet de se réfugier dans un endroit apparemment sûr, si des gens qui puent ou autre ne venait à pointer le bout de son nez. Cette fois ci, Molly avait fait une grave erreur: elle n'avait pas cherché de cachette.
Et pourtant, elle fouinait partout: dans le placard, elle avait trouvé des tee-shirts assez sobres, des sous-vêtements, et autres vêtements. Mais ils étaient trop grands pour elle. Alors elle se dirigea vers le lit, et s'allongea mollement dessus. Rampant pour atteindre la première table de chevet, elle y trouva à l'intérieur une marée de pince à cheveux. Elle en saisit plusieurs dans ses petites mains, et improvisa une coiffure dans ses propres cheveux. Une scène qui aurait fait frôler la crise d'angoisse à un coiffeur.

Dans l'autre table de chevet, il y avait un crayon de bonne qualité. Rêvassant aux superbes dessins qu'elle pouvait faire avec, elle remarqua de très tardivement le carnet qui était au fond du tiroir.

Confortablement allongée dans le lit, les épingles pleins les cheveux, Molly prit le petit livre et l'ouvrit sans vraiment lire ce qu'il y avait à l'intérieur. Ce qu'il l'intéressait, c'était plutôt les pages vierges, sur lesquelles elle pourrait dessiner un escargot, un chat, ou un renard.

Elle était à mille lieux de s'imaginer qu'elle allait se faire prendre la main dans le sac...

La blonde à tresses et dreadlocks avait passé sa mâtinée à aider Monroe pour la mise en place de son futur garage non loin du Motel. Il y avait tellement à faire qu'elles allaient en avoir pour un moment, mais en si mettant un peu tous les jours, ce devrait être l'affaire d'une bonne semaine. Après quatre bonnes heures d'efforts, elle abandonna comme prévu son amante pour se rendre au Motel. Elle avait un peu plus d'une heure pour se préparer, après ça, direction le No Man's Land où elle y avait rendez-vous pour une énième affaire de troc à encadrer.

En chemin, elle s'occupa d'un rôdeur à la mâchoire ballante oublié en route et qu'elle gratifia d'un coup de machette en plein crâne en guise de salutations. Elle repoussa le mort définitivement mort d'un coup de pied dans le ventre et agita sa machette vers le sol d'un coup sec pour y ôter un maximum de sang. Elle termina finalement de nettoyer sa lame en acier sur la veste de sa victime et s'en retourna vers l’hôtel. D'un regard, alors qu'elle rangea son arme dans le fourreau de cuir qui pendait à sa ceinture, elle remarqua qu'elle avait une belle traînée carmin bien foncé sur son sweat, une belle ligne en plein sur le ventre et sur son jean, un lourd soupir quitta aussitôt ses lèvres. Ce sang presque noir, c'était d'un agacement à laver ! La mauvaise humeur gagna alors la forgeronne qui n'avait normalement plus pour habitude de se salir. Elle avait manqué de concentration.

Arrivée au Motel, elle salua d'un signe de tête les présentes dans le hall et se dirigea à grand pas vers sa chambre, pressée de se doucher et de se changer. Quelques longues enjambées plus tard, la porte s'ouvrit alors précipitamment dans son élan et la pressée se figea sur place en découvrant l'enfant sur le lit avec le carnet de Monroe et un crayon entre les doigts. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Oxana était pas fichue de lui apprendre les bonnes manières ? "Qu'est-ce... ?" Alors qu'elle dévisageait ses pinces et le massacre conséquent sur la tignasse de la petite, un clignement discret allégea un instant son regard sévère. "On peut savoir ce que tu fais là ?" C'était assez évident, elle avait clairement fouiné dans leurs affaires pour se retrouver avec ses pinces à cheveux et le petit carnet. Dommage pour la fouineuse, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent dans cette pièce, la plupart des affaires du couple étant - fort heureusement - restées à la forge. "Repose ça tout de suite et descends de là." La coutelière n'avait pas besoin de monter le ton pour donner à sa voix une intonation menaçante, la gamine avait intérêt à s’exécuter, et vite.

C'était bien simple, Molly n'eut même pas le temps d'esquisser un trait. La porte de la chambre s'ouvrit assez rapidement pour faire sursauter la petite, prise en flagrant délit. Son cœur loupa un battement lorsqu'elle vit le regard qu'avait posé la blonde sur elle.

C'était Kara. Molly la reconnaîtrait entre mille: c'était la fille qui avait des dreadlocks. Au milieu des jolies poupées qui satisfaisaient les clients du motel, la jeune femme faisait un peu tâche. La petite n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer toutes les pensionnaires de ce lieu, et n'avait jamais vraiment parlé à Kara. Pour cause, elle était souvent dehors, en témoigne la longue lignée sanglante sur ses vêtements. En tout cas une chose était certaine: si Molly aurait pu choisir leur vraie première rencontre, elle n'aurait certainement pas choisi cette situation.

- Qu'est-ce... ?
- J'ai rien lu ! s'écria-t-elle en levant légèrement les mains en l'air, Promis !

Si son premier réflexe avait été de rassurer Kara sur le contenu du carnet, Molly ne comprit que quelques secondes plus tard, que le dit carnet n'était pas sa première préoccupation. On peut savoir ce que tu fais là ? La voilà, la vraie  raison du trouble de la blonde. Et pour cause: Molly n'avait rien à faire ici.

Cherchant désespérément une porte de sortie, la petite imagina un mensonge, mais se ravisa rapidement. Si le motel était devenu sa maison, elle n'était pas pour autant complètement acceptée par ses pensionnaires, et se devait d'être exemplaire. Autant dire que c'était mal parti.

- Je... J'ai... Enfin... Euh...

Rien à faire, elle était prise la main dans le sac, et rien ne lui venait à l'esprit pour se sortir de ce pétrin. Kara lui ordonna de quitter son lit, ce que fit la petite sans hésiter une seconde. Replaçant rapidement le carnet et le crayon dans le tiroir, elle inspira profondément et fit face à la blonde.

- Je voulais faire un dessin, marmonna-t-elle.

C'était la vérité. Mais en soi, elle aurait très bien pu emprunter une feuille à l'accueil et dessiner dans sa chambre.
Mais c'était quand même beaucoup moins palpitant.
Dérangée par les pinces, Molly se gratta la tête, à moins qu'il s'agisse d'une tout autre démangeaison...

- Je savais pas que c'était ta chambre.

L'assurance de sa voix prouvait qu'au moins pour ça, la petite ne mentait pas.

Ah bordel, les gamins... Si Kara avait bien un point faible, c'était eux. Elle arrivait tout juste à s'en sortir avec ceux qui traînaient au No Man's Land et les nourrissait en échange des échos que leurs petites oreilles pouvaient entendre mais ça s'arrêtait là avec ces petits morpions. Elle faisait de son maximum pour ne pas s'attacher à eux et les congédiait toujours rapidement une fois qu'elle avait obtenu ce qu'elle voulait d'eux. Autant là, la gamine faisait maintenant partie du motel et même si la blonde ne s'y trouvait que rarement, il fallait bien qu'elle compose avec, foutue Oxana...

Bien, elle n'avait rien lu, encore heureux pour Monroe dont l'intimité n'était pas violé. Kara prit cependant soin de noter que son amante allait devoir se montrer plus prudence avec ce fameux carnet. Conservant son pesant mutisme par la suite, elle écouta avec patience la plaidoirie de l'enfant sans se défaire de son regard froid et inquisiteur. Alors comme ça elle voulait dessiner ? Bullshit, pourquoi débarquer dans une chambre pour tout retourner ? Il y avait quand même plus simple pour se procurer une feuille et un crayon, dévaliser l’accueil par exemple ! "Quitte à dire des conneries, pense à réfléchir un peu avant." Inutile d'insister plus que de raison. Quant au fait qu'il s'agisse de sa chambre et de l'ignorance de la môme, la blonde à tresses et dreadlocks soupira lourdement. Oxana ne lui avait donc pas expliqué qu'elle n'avait rien à faire dans les autres chambres ? Putain...

Elle l'observa se gratter la tête dans un nouveau soupir, de quoi emmêler encore davantage les pinces volées dans ses cheveux et merde. La blonde tira une chaise qu'elle ramena entre elles sans trop de délicatesse. "Pose toi là. Je vais t'enlever ça..." Elle n'avait pas encore conscience de l'existence des poux et comptait bien récupérer ces précieuses pinces à cheveux, en partie indispensable pour le bien être de sa crinière blonde.

En attendant que la gamine ne s'installe, elle fila vers la salle de bain pour y revenir armée d'un peigne et d'une brosse. "Je préfère te prévenir, si tu cries à cause de tes nœuds, je te rase le crâne à la machette." Bien sûr que non, elle ne ferait jamais ça à une enfant mais si la menace pouvait épargner ses précieux tympans, c'était toujours mieux que rien et la blonde se doutait bien qu'à dix ans et avec une longueur de cheveux pareille, il pouvait y avoir du laisser aller en matière de noeud et d'entretien.