Comme convenu, Lisandro avait pris ses affaires et était parti à l’avant-poste, accompagné d’autres volontaires pour l’épauler et le soutenir. Il n’avait accepté aucun membre de sa famille et grâce à Cora, ce souhait avait été respecté. Aussi le groupe qui l’accompagnait était composé d’Erika – qui assurerait le suivit de sa blessure – ainsi que Frederik et deux autres personnes qui ne faisaient pas partie de son cercle proche. Des personnes qui ne le regardait ni avec pitié, ni avec cet éclat désapprobateur dans le regard. Sa décision de quitter le Fort n’avait pas été bien pris par tout le monde, d’abord pour sa propre santé et son bras qui se remettait à peine mais aussi vis-à-vis d’Andrea et d’Annabella. Juste avant de partir, il avait passé une heure en compagnie de sa fille, installée tout contre lui, sous le regard désapprobateur de Selene. Elle n’était pas d’accord pour cette sortie, mais comme à tous les autres ex-Messiah, le chilien ne leur avait pas laissé le choix. Il devait partir, il ne pouvait pas se reconstruire ici. Alors il avait chargé la voiture avec les autres et ils étaient parti sous le regard sérieux de Cora et de Duncan, Andrea lui ayant tourné le dos depuis un moment déjà.  

Ils étaient arrivés le 15 avril, début d’après-midi et avaient dressé leur campement pour essayer de s’assurer un minimum de confort dans l’Eglise. Cela faisait maintenant deux jours qu’ils étaient installés et pour le moment, Lisandro avait fait bande à part. C’était encore le cas ce soir, alors qu’il était monté sur la mezzanine de l’église où se trouvait l’orgue de l’église – désaccordé et poussiéreux -  pour réfléchir, une bouteille de mauvais alcool à la main. Il ne savait pas encore ce qu’il recherchait en venant ici. Il se sentait étrangement libérer d’un poids et à la fois terriblement vide à l’intérieur. A force de faire le vide autour de lui, il avait fini par avoir ce qu’il voulait. Andrea pouvait à peine le regarder, et les siens peinaient à comprendre et à supporter son attitude sans ciller. Se libérer de leur présence et de leur regard lui faisait du bien mais, il n’en restait pas moins seul pour autant.

Il regardait en bas Erika et les autres se détendre tranquillement sur les bancs de l’église quand il remarqua que Frederik n’était pas des leurs. Ceux d’en bas avaient l’air de se raconter des choses agréables, un sourire s’épanouissait sur le visage d’Erika. Il était encore en train de se demander où se trouvait Frederik quand un bruit vint des escaliers qui menait à la mezzanine. Le mécanicien émergea et s’avança vers lui. « Tiens donc… Je ne sais pas si tu as choisi la meilleure des compagnies. » Dit-il, un peu sombre. Depuis son amputation, Lisandro était loin d’être aussi agréable qu’il l’était avant. Il invita néanmoins le jeune homme à approcher, tout en désignant du menton le groupe d’amis en bas qui avaient l’air de passer un bon moment en bonne compagnie. « Ils ont l’air de s’amuser. » Et à ce moment-là, le rire d’Erika retentit dans l’église, remontant jusqu’à eux.