La première vraie sortie de l'Anglaise hormis pour aller visiter la clinique et il avait fallu qu'elle se fasse coincer par la pluie. Heureusement, Layla était presque arrivée à destination. Le bras toujours immobilisé dans une écharpe, la jolie brune en avait donc profité pour parcourir les différents rayons de la bibliothèque pour trouver de nouveaux ouvrages à feuilleter à la maison, mais également pour son nouveau poste au Fort.

Essuyant les quelques gouttelettes qui coulaient sur son visage à l'aide de sa main valide, Jones repérait ce dont elle aurait besoin durant sa convalescence qui serait somme toute relativement courte. Comme l'intendance ne demandait pas d'effort physique particulier, la Britannique s'impatientait de reprendre ses fonctions au plus vite. Après cette attaque-surprise et ce problème très sérieux avec les vaccinés, Layla allait devoir aller rencontrer tous les responsables pour vérifier où en étaient les stocks et s'ils auraient besoin de matériaux particuliers en plus des réserves normales.

Il faudrait d'ailleurs que la British prenne quelques notes au fur et à mesure que des idées ou des questions lui traversaient l'esprit, il ne fallait rien oublier, il fallait être impeccable. Plus spécialement avec la situation actuelle.

Faisant quelques acrobaties pour récupérer plusieurs manuels, Layla se surprenait elle même tout comme elle regrettait d'avoir autant de bouquins entre les mains. Il vaudrait sans doute mieux qu'elle rejoigne une table pour poser les ouvrages un instant. Peut-être de trouver quelqu'un qui pourrait lui offrir un coup de main pour tout ramener chez elle, une fois que la pluie cesserait ?

Ce qui devait arriver arriva bien évidemment. Au coin d'une des grandes bibliothèques, trop absorbée par la pile de livres qui tenait précairement contre elle, Layla bouscula quelque et échappa tous les manuscrits au sol.

Relevant des yeux gênés vers la pauvre victime de cet incident maladroit, ses yeux gris rencontrèrent un visage qui lui était totalement inconnu.

- Toutes mes excuses Mister, je... j'ai été maladroite.

Le rouge aux joues, la brune s'accroupissait par terre en ramassant ses ouvrages pour essayer d'en faire une petite pile à côté d'elle. Franchement, elle regrettait d'avoir été aussi pressée, si seulement elle avait pris son temps pour déposer un livre à la fois sur une table de lecture, ceci ne serait jamais arrivé.

L'Anglaise reprenait des teintes plus opalines en retrouvant son sang-froid, une fois la surprise passée. L'inconnu avait semblé à peine réagir, alors que la brune était déjà en train de ramasser ses livres au sol. Il lui avait d'ailleurs fallu bien du temps pour offrir ses excuses. Manque de politesse ou manque d'attention ? Layla relevait distraitement les cils vers lui, mais revenait rapidement à sa pile d'ouvrages, maugréant intérieurement par sa lenteur et la douleur causée par sa blessure. Bien sûr, rien de cela ne transparaissait sur ses traits faussement décontractés.

Rapidement cependant, l'homme plia un genou et vint l'aider avec son petit bazar. Il avait donc un minimum de politesse en fin de compte, constatait l'Anglaise en lui lançant un petit sourire faussement gêné, récupérant un livre qu'on lui tendait. L'inconnu en profita pour se présenter et lui tendre la main, Layla elle relevait ses yeux pour dévisager un infime instant la personne qui lui faisait face, puis la main qui attendait la sienne. Heureusement, le mari de la dirigeante rangeait vite cette poigne, pensant visiblement qu'il serait plus ou moins aisé pour la Britannique de lui serrer la pince. Jones était en fait surprise de tomber sur cet homme-là, surpris de ce nom de famille là... Oh, bien sûr fidèle à elle-même, la jolie brune avait tendu une oreille par-ci et par-là et avait entendu que le mari disparu était de retour, mais de le rencontrer ainsi, de façon tout à fait fortuite... Il ne fallait pas gaspiller cette opportunité. L'information était une marchandise en or de nos jours, est-ce que cet homme était un ennemi ? Un allié ? Et pour qui le serait-il surtout ?

- Oh, je.. euhmm. Enchantée Mister Phelbs. Miss Jones. Se présentait-elle en feignant une petite gêne.

La prestation pouvait commencer. Endormir la vigilance d'autrui était si facile.

- Oui, un peu trop sans doute ! Lui répondait la British en laissant s'échapper un petit rire amusé. Layla le regardait, puis louchait sur ses livres, jouant la comédie jusqu'au bout. Je suis un peu gênée de vous demander cela après vous avoir bousculé de la sorte, mais j'avoue que j'accepterais volontiers un peu d'aide Mister Phelbs.

Se redressant avec quelques ouvrages en main, la brune cachait un peu moins la douleur que lui causaient son épaule et sa cuisse blessées, montrant qu'elle faisait son possible malgré tout. Feignant plutôt qu'elle repoussait ses faibles petites limites, l'Anglaise ayant beaucoup trop d'orgueil normalement pour même montrer que ses plaies la lancinaient. Attiré la sympathie, susciter un peu de culpabilité chez son vis-à-vis, voilà qui mettrait bien la table pour en apprendre plus sur lui.

- Que lisiez-vous Mister Phelbs avant que je vous interrompe de la sorte ? Cela semblait captivant. Peut-être le rajouterais-je à ma petite liste ! Rajoutait joyeusement Layla, pour amorcer la conversation.

Se relevant doucement avec quelques volumes en main, l'Anglaise roulait mentalement les yeux au ciel. Décidément ces Américains étaient vraiment tous les mêmes, aussitôt présenté on tutoyait et on était familier.  Certes Layla de par son éducation dans la bourgeoisie anglaise était sans doute un peu plus à cheval sur ces principes, mais néanmoins, la familiarité était toujours de mise avec les Yankees.

- Layla Jones.

Cependant, la jolie brune jouerait le jeu avec un sourire, préférant conserver ce rôle affable auprès des gens du fort. Spécialement le mari de leur dirigeante. Était-il revenu pour des futilités telles reconquérir son épouse ou parce qu'il n'avait nulle part ailleurs où aller ? Ou songeait-il à reprendre une partie du pouvoir à Mrs Phelbs ? Il faudrait creuser pour le découvrir, sans aucun doute.

Un livre, quelle réponse... décevante. Fort heureusement l'américain se reprit et ajouta un peu plus de détails tout en arrachant un sincèrement petit sourire à son interlocutrice. Elle notait bien évidemment ce petit morceau d'information dans son esprit, afin de pouvoir poser de plus amples questions à Mister Phelbs éventuellement.

En un rien de temps toutefois avec l'aide reçue, tous les livres étaient déposés sur une table non loin de leur petit accident. La Britannique se rendait compte de la quantité qu'elle avait essayé de porter seule, cela avait été bien idiot de sa part, mais il était difficile d'accepter cette infirmité temporaire. Relevant son regard vers celui de son bibliothécaire improvisé, Layla arquait un sourcil aux deux questions consécutives s'adressant à elle. On pouvait sans doute lire un petit voile d'amusement dans ses yeux gris devant la curiosité dont elle était l'objet.

- Mes nouvelles fonctions m'obligent à m'éduquer sur différents sujets, ou à tout le moins, je souhaite comprendre ce que l'on me demandera et l'importance de ce que l'on me fournira comme demande. Histoire de savoir prioriser et de ne pas se faire passer de savon. Le perfectionniste à son meilleur. Quant à mon bras, si je vous parle de l'avant-poste Agathe, est-ce que cela vous donne un indice ? Répondit la petite Européenne avec une petite pointe d'espièglerie.

Louchant sur le livre de Mister Phelbs, Layla n'avait pas envie de retenir sa curiosité plus longtemps, cela lui permettrait d'en apprendre plus sur cet inconnu au nom si important au sein de leur communauté.

- L'entretien des armes à feu. Est-ce pas intérêt ou par nécessitée ? Un peu des deux peut-être ?