Assise dans l’une des vieilles chaises retrouvées dans le commissariat, les bras croisés et les coudes posés sur la table, Blake scrutait avec attention la carte dépliée devant elle. Avec le temps, elle était devenue la seule à pouvoir la comprendre, à pouvoir traduire tous les ronds et les croix qu’elle avait griffonné au fil de leur voyage. A chaque fois que ses yeux s’attardaient sur l’une des annotations, les souvenirs lui revenaient en mémoire. Les bons, comme les mauvais. Et à cette heure aussi matinale, peu de monde était réveillé pour venir la distraire, pour empêcher son esprit de revivre certaines scènes, nourrissant davantage la boule de rage nichée au creux de son estomac.

Si la carte se voulait bien remplie, ce n’était pas le cas pour toutes les zones. Et Seattle en elle même faisait partie de celles qu’ils avaient pris soin d’éviter durant toutes ces années. Blake était née dans cette ville, elle en connaissait les plus grandes avenues, quelques petits coins perdus mais elle ignorait complètement ce que tout ça, tout le reste aussi était devenu. Tout avait tant changé. La nature avait repris ses droits, transformant les rues et les rendant méconnaissables. Les quelques panneaux qui tenaient encore debout n’indiquaient souvent plus les bonnes directions à suivre. Un véritable casse-tête que Blake se devait de comprendre, d’apprendre et de mémoriser pour assurer au groupe une tranquillité de vie bien méritée.

Mais pour leur offrir ça, elle se devait de leur offrir un abri digne de ce nom. Un véritable toit, quelque part où ils ne feraient pas que dormir et survivre. Un endroit où ils pourraient tous dormir sur leurs deux oreilles, chaque nuit. Un but difficile à atteindre depuis le début de l’épidémie, qu’ils n’avaient que réussi à toucher du bout des doigts jusque là. Mais Blake voulait y croire, cette fois. Les liens qu’ils tissaient avec les autres personnes de cet entrepôt qu’Elena lui avait présenté leur en donnait les moyens. Les divers contrats qu’on leur proposait et les connaissances d’Elvis changeaient la donne et leur offraient d’autres perspectives d’avenir. Ils devaient poursuivre leurs efforts.

Et pour ça, la blonde ne se laissait jamais de répit. D’ici moins d’une heure, quasiment toute la totalité du camp serait à l’extérieur, chacun occupé à une tâche. Et en ce qui la concernait, Blake avait décidé de passer la journée avec sa sœur. L’endroit choisi n’était pas très loin, à peine une dizaine de kilomètres à l’ouest, dans une ancienne zone pavillonnaire où un ancien terrain de golf était implanté. Hayley et Blake s’étaient déjà rendues là-bas par le passé. Elles avaient accompagné leur père, un dimanche, pour apprendre. Aucune des deux ne s’était montré réellement intéressée par cette pratique mais l’expérience ne s’était pas avérée totalement inutile finalement. Lorsque la tête blonde de sa sœur apparu, Blake replia sa carte d’un geste rapide avant de la plonger au fond de son sac à dos. « T’es prête ? » Devant le regard interrogateur qui lui était adressé, l’ancienne kinésithérapeute hocha la tête. « On part toutes les deux aujourd’hui. Ben va rester ici pour surveiller Elvis. » Elle parla assez fort pour que les instructions soient entendues de tous. « Elena et Logan doivent se rendre à l’entrepôt, nous, on va aller fouiller quelques maisons, voir ce qu’on peut récupérer. Dans tous les cas, il nous faut du bois. » Chose difficile à trouver dans les environs directs de leur refuge. « Prépare-toi, je t’attends devant. » Elle ne laissa pas d’autre alternative à Hayley, imposant son choix avec le minimum de mots, comme à son habitude désormais.

Dix minutes plus tard, les sœurs Rhodes passaient la grille qui les protégeaient des morts et s’engouffraient dans les rues désertes du quartier industriel. Sac à dos sur les épaules, arme rangée dans le holster qu’elle ne quittait plus, Blake ouvrait la marche. « Tu te souviens quand papa voulait nous apprendre à jouer au golf ? » Elle soupira avec une légère moue, rappelant à sa sœur quel échec cela avait été. « On va là-bas.Dans mes souvenirs il y avait tout un tas de maisons autour. Je n’y ai jamais remis les pieds mais on va voir ce qu’on peut y trouver. » Elle marqua une légère pause, ne quittant pas sa sœur des yeux. « Ca va aller ? » Une question devenue lourde de sens depuis les événements de Buckley.

Ce matin-là, Hayley se leva de bonne heure, comme à son habitude. Profitant d’être seule pour profiter des douches sans risquer qu’on puisse la découvrir. Depuis l’attaque à Buckley, elle ne supportait plus les regards qu’on pouvait lui lancer. L’impression qu’on la prenait en pitié, l’impression qu’une partie d’elle-même était partie. Pourtant, elle n’avait plus jamais pleuré et même quand elle se perdait dans le reflet que lui renvoyait le miroir, elle ne ressentait plus rien à la vue de cette cicatrice. La balafre était affreuse, mais elle s’était quand même bien soignée, ce qui restait chose rare ici, en ces temps. Une blessure de guerre qui pouvait lui donner à sourire, mais pour Hayley, c’était tout autre. Elle s’habilla avec hâte tout en prenant soin de garder ses cheveux encore humides détachés. Camouflant avec efficacité son cou. Elle se regarda une dernière fois et sortit de sa chambre. Elle aperçut Blake occupée à étudier la carte et cette rangea à la va vite la carte dans son sac. Son aînée lui demanda si elle était prête et Hayley acquiesça en montrant son sac à dos. Elle était prête et partir en expédition ne l’enchanta pas plus que ça, parce qu’elle avait toujours peur, peur qu’on les prenne en embuscade. Comme on dit, la peur n’évite pas le danger et il était temps pour la cadette Rhodes d’oublier ce passé et d’avancer.

Blake annonça le programme de la journée. Toutes les deux. Rien que toutes les deux et à cette évocation, Hayley manqua de lâcher sa tasse alors que ses yeux plongèrent dans ceux de sa sœur. Mais Blake semblait ne pas l’avoir remarqué alors qu’elle donna ses instructions à tout le groupe. Hayley termina son café sans piper mot. Elle ne s’attendait pas à être seule avec sa sœur, non pas qu’elle n’avait pas confiance en elle, bien au contraire, mais s’il lui arrivait quelque chose de sa faute, Hayley ne pourrait jamais se le pardonner. Elle était toujours accompagnée de cette peur panique, toujours animée par ce sentiment qui ne voulait plus la quitter. Leader dans l’âme, Blake donna toutes ses directives et personne ne broncha, tout le monde s’organisa du mieux. C’est ça qu’elle aimait chez sa frangine. Si seulement elle pouvait être aussi courageuse qu’elle. Hélas, elle était bien loin de ressembler à son aînée, bien loin de l’égaler. Blake avait presque tout alors que Hayley n’avait rien. Ce n’était pas totalement vrai, mais c’était commet cela qu’elle voyait les choses de son point de vue. Attention, la cadette n’était pas du tout jalouse de sa sœur car, elle était même la première à dire qu’elle méritait d’être heureuse. Pouvait-elle l’être un jour, tout comme Blake l’était ?

Quel homme pouvait regarder l’éclopée qu’elle était devenue ? Personne. Point final. Elle soupira alors qu’elle se faufila dans un coin pour finir tranquillement son café et se fumer une clope. Le café du matin accompagné d’une cigarette était le meilleur moment de la journée et elle préférait en profiter seule. Une fois la clope terminée, elle l’écrasa et se rendit en cuisine pour laver sa tasse. Elle salua quelques comparses avant de rejoindre sa sœur et la gratifier d’un sourire aimable. Elles quittèrent l’endroit pour se faufiler en pleines rues désertes. La trouille au bide, Hayley suivait les pas de sa sœur sans réellement savoir où elle comptait l’emmener. Plusieurs fois, la plus jeune avait tenté de demander à Blake si elles pouvaient se rendre dans leur maison, la maison de leurs parents, juste pour vérifier, mais vérifier quoi ? Qu’ils étaient bien morts ? Peut-être même qu’ils étaient devenus comme ces choses. Non, Hayley refuserait de les voir ainsi surtout, c’était vraiment quelque chose qu’elle ne supporterait pas. Blake fut la première à briser le silence et à l’évocation de ce souvenir d’enfance, Hayley éclata de rire. Bien sûr qu’elle se rappela et c’était même désastreux. « Et comment ? Pauvre papa qui se tirait les cheveux parce qu’il avait affaire à deux incompétentes ! » Un rire franc s’extirpa de sa bouche alors qu’elle empoigna le bras de sa sœur. « Je détestais quand il nous emmenait de force là-bas, mais maintenant, ça me manque... » alors que sa voix s’était faite moins enjouée, plus teintée d’émotion dans le timbre. Blake lui confia que c’était à cet endroit-même où elles se rendraient. Peut-être qu’elles trouveraient plus qu’elles n’espéraient trouver. Hayley rencontra un bref instant les yeux de sa sœur, alors que la question tomba. Une question qui était toute bête et qui pourtant, voulait tant dire. Hayley regarda le sol furtivement avant de hausser les épaules. « Je n’ai pas le choix, hein ? La seule chose qui me tue, c’est que je ne connaîtrai jamais ce que tu vivais avec Logan... » Elle se mordit la lèvre parce qu’elle n’avait jamais été envieuse envers Blake, mais regretta très vite d'avoir abordé le sujet "Logan". Sujet sensible et brûlant. « [bJe suis désolée, je n'aurais pas du parler de ça[/b] » s'excusa-t-elle d'une voix triste. « Je lui en veux tellement... » alors que cette nouvelle l'avait anéantie quelques jours auparavant. Une nouvelle à laquelle elle ne s'attendait pas du tout. Elle avait même oublié durant ces minutes les rôdeurs. Elle profita de cette accalmie avec sa sœur, parce que mine de rien, il y avait bien longtemps qu’elles n’avaient plus vraiment pris la peine de se poser tranquillement et de se confier à l’une et l’autre. Ça lui manquait parfois, et d’autre fois, non, mais là, elle en avait besoin... « Je sais que tu es forte, Blake. Tu l'as toujours été, mais je suis là, si tu as besoin... » sourire amical qui étire ses lèvres. Mais alors qu'elle avait oublié pour un temps les rôdeurs, un bruit la fit sursauter qui venait de derrière elles. Malgré qu'elle ne percevait plus les bruits avec la même intensité qu'avant, elle n'était pas non plus sourde. « C'était quoi ça ?! » tandis qu'elle se pressa contre sa sœur. Depuis l'embuscade, elle n'était plus du tout sereine dehors, même quand elle était accompagnée. Toujours à l'affût du moindre danger, toujours la même peur dans le regard. Et à deux, elles n'allaient pas faire grand chose...

Sortir avec Hayley n’était jamais réellement rassurant. Non pas parce que sa petite sœur ne savait pas se défendre – même si elle restait moins habile que certains autres – mais plutôt parce qu’il était inconcevable pour Blake de s’imaginer la perdre. Tous étaient parfaitement au fait que tout pouvait basculer en une fraction de seconde. Qu’en un claquement de doigt, leurs vies pouvaient prendre fin. Hayley avait déjà frôlé la mort à plusieurs reprises dont une qui avait terriblement marqué les esprits, celui de Blake plus violemment que les autres. Mais la garder enfermée n’était pas non plus une solution et, dans tous les cas, ils n’avaient pas d’autre choix. Elle ne pouvait clairement pas exiger aux autres de sortir tout en laissant sa sœur perpétuellement à l’intérieur, en sécurité. Il fallait un équilibre afin que le groupe fonctionne et que l’ordre perdure. Sans quoi, l’entraide deviendrait un sujet secondaire et la discorde s’installerait dans leurs rangs.

Hayley était venue s’accrocher au bras de sa sœur, dans un réflexe, comme elle pouvait le faire avec ses amies autrefois. L’entendre et la voir rire lui gonfla le cœur un court instant, lui rappelant quelques scènes du passé. Ces rares instants où elles avaient ri  ensemble en se moquant de leurs parents, l’un des seuls point communs qu’elles possédaient à cette époque. Hayley était loin d’être silencieuse et inexpressive et pourtant, derrière les sourires qu’elle affichait en permanence, Blake sentait que quelque chose y était caché. Le traumatisme de Buckley, sans aucun doute, mais un autre mal-être était visible dans son regard, lorsqu’elle se perdait dans ses pensées. A maintes reprises, elle lui avait posé cette question simple : « Est-ce que ça va ? » et, à chaque fois, la réponse était la même, Hayley n’entrait pas dans le détail, jusqu’à ce jour là. L’entendre prononcer le prénom de Logan lui raidit immédiatement le dos, tendant d’un coup tous ses muscles. Ses lèvres s’entrouvrirent sans qu’elle ne parle pour autant, Hayley n’ayant pas terminé son explication. Il y avait tant de chose qu’elle ignorait et qui faussait son jugement mais tout cela n’était la faute que d’une seule personne : Blake elle même. C’était elle qui, après sa fausse couche, s’était complètement fermée aux autres. Qui avait complètement déraillé. Mais surtout qui avait lourdement insisté pour que sa sœur n’apprenne jamais cette terrible nouvelle. Pour une raison obscure, dissimulée derrière le prétexte de vouloir la protéger, la blonde avait laissé sa sœur dans l’ignorance, libre de s’inventer tous les scénarios possibles et imaginables. Alors, évidemment, Hayley avait cherché une raison, sans jamais la trouver.

Si Blake s’était tendue d’un coup ce n’était pas spécialement au sujet de Logan mais plus à ce que tout ce que ce prénom englobait. Son départ l’avait affecté oui mais, avec le temps, leur relation n’avait fait qu’empirer jusqu’à ce qu’ils ne arrivent au stade de ne plus s’adresser la parole. Rien ne pouvait être sauvé entre eux et Blake en avait fait le deuil. Et même si, au fond d’elle, la blonde aurait préféré qu’il reste, elle pouvait comprendre son choix.Les mots toujours suspendus à ses lèvres, Blake ne répondit rien jusqu’à ce que Hayley sursaute en entendant un bruit. Elle aussi l’avait entendu et doucement, elle pivota sur elle même pour observer l’invité surprise qui n’était pas si inattendu que ça. Une carcasse décharnée fit apparition, sans doute alertée par leurs bavardages et comme toujours motivé par l’envie de se repaître de chair humaine. « Tu n’as pas à lui en vouloir. » Répondit Blake sans quitter des yeux le mort qui avançait vers elles. « Et tu n’as pas à t’inquiéter pour moi non plus. » D’un geste rapide, elle récupéra le couteau militaire que Callaghan lui avait confié pour le déposer dans les mains d’Hayley. « J’espère simplement qu’il a trouvé ce qu’il cherchait et qu’il est en sécurité...quelque part. Je suis certaine qu’on se recroisera. » Les râles affamés de la créature l’obligèrent à s’arrêter. Il était temps qu’Hayley entre en scène. « On va vérifier que tu n’as pas rouillé. T’es pas beaucoup sortie depuis qu’on est arrivé ici. » Un sourire aux lèvres, la mine joueuse, Blake fit plusieurs pas en arrière comme pour lui laisser champ libre tout en scrutant le spectacle. Un rôdeur esseulé était à la portée d’Hayley. Une mission qu’elle avait déjà remplie mais pour laquelle il ne fallait pas baisser la garde. « Après ça, tu m’expliqueras les raisons stupides qui te font croire que tu resteras toujours toute seule. » Elle avait presque hâte d’entendre ça.

Cela faisait un moment qu’elle n’était pas sortie en expédition. Sa dernière vraie sortie, c’était le jour où le groupe fut pris dans l’embuscade. Un jour gravé à jamais dans les mémoires, mais voilà, il était temps pour Hayley de faire son deuil et de vivre avec cette cicatrice. Une cicatrice qui resterait à vie. Une blessure de guerre diraient certains, un éternel fardeau pour elle. Il lui fallait apprendre à vivre avec le fait d’avoir perdu l’ouïe également. Ce n’était pas tous les jours faciles car, elle devait restée attentive quand on lui parlait. Lire sur les lèvres lui semblait la meilleure décision qui soit dans cette situation. Il lui fallait faire preuve de patience, tout simplement. L’apocalypse n’était pas de tout repos et ils n’étaient pas préparés à ça, mais chacun trouvait en lui la force de survivre. Hayley l’avait trouvée aux côtés de sa famille. Elle était chanceuse, miraculée de la vie aussi. Mais heureusement que dans son entourage il y avait Blake. Sans elle, elle ne sait pas ce qu’elle aurait fait ni même ce qu’elle serait devenue. Probablement qu’elle serait en train de fouler le sol sous la forme des rôdeurs. C’était même une évidence puisqu’elle n’était pas faite pour les combats. Elle avait tué ces quelques choses, mais toujours avec dégoût. Si elle pouvait rester en retrait et attendre que ça se passe, elle l’aurait fait, mais avec amertume par la suite. Pourquoi les autres devaient-ils donner leur vie pour elle ? C’était une question qu’elle s’était souvent posée. Alors l’évidence lui sauta aux yeux : elle aussi en était capable. Après tout, ce n’était pas si difficile que de tuer ces trucs tout moches. Des cadavres ambulants qui ne ressemblaient à rien qu’à de la chair putréfiée. De la chair puante et immonde. Non, jamais elle ne voudrait devenir comme ces choses, jamais ! Et c’est pour ça qu’elle ferait ce qu’il faut pour ne pas à faire subir ça à son corps.

La proximité de Blake lui faisait du bien aussi, un sentiment de gaieté, de bonheur vinrent réchauffer son petit cœur. A ses côtés, elle se sentait en sécurité et même si elles étaient bien marché, elle n’avait plus peur du monde environnant, ni même de ses dangers. Elle était certaine qu’elle ne risquait rien et elle lui confiait sans peur sa vie. Quand la cadette évoqua Logan, Hayley l’avait sentie se raidir. Il lui arrivait souvent de parler de choses sans penser aux conséquences, mais ce n’était qu’une maladresse de la part de la jeune Rhodes. Toujours à mettre les deux pieds dans le plat, mais pas par méchanceté. Elle n’était pas méchante, bon avant, elle l’avait été, mais à présent, elle avait longuement mûrit. Elle n’était plus cette petite connasse populaire qui passait son temps à se moquer des uns et des autres. Fallait pas croire, mais la vie d’une fille populaire n’avait rien d’un conte de fée. Il y avait toujours des jaloux, toujours des envieux pour briser une vie. Des rumeurs qu’elle avait récoltées à son grand dam. Une pudeur bafouée par des propos mensongers. Elle n’avait rien laissé paraître, après tout, elle cultivait l’adage au sujet de la vengeance. Et croyez le ou non, elle savait parfaitement se venger avec intelligence. La seule chose qu’elle n’avait pas réussit à faire, c’était de se venger de cet ex coupable. Elle n’était pas préparée à la tromperie et n’avait rien trouvé de mieux que de la laisser la ronger moralement. Elle qui manquait déjà de confiance en elle, là, ce fut le pompon intégral !

Blake ne ressentait aucune rancœur vis-à-vis de Logan. Elle ne lui en voulait pas et conseilla à la dernière d’en faire de même. Et surtout, Hayley ne devait pas s’en faire pour elle. Pourtant, elle avait envie de hurler qu’elle ne le pouvait pas. Chaque fois que sa frangine partait en expédition, elle avait tellement peur de se retrouver seule. Seule, elle ne le serait pas, mais Blake était sa seule vraie famille, celle qui lui restait et qui lui rappelait ses parents qu’elles avaient perdus. Elle vivait toujours dans la peur, toujours à s’inquiéter quand elle ne rentrait pas à l’heure. Hayley avait conscience que ça la bouffait de l’intérieur, mais c’était plus fort qu’elle. Elle n’était pas Blake et c’était ça même qui l’énervait, parce que mine de rien, elles avaient été élevées dans la même demeure, élevées par les mêmes parents. L’une avait été gâtée et l’autre avait bénéficié d’une éducation plus rigide. Chose que Hayley ne connaissait pas. C’est ça même qui avait aidé Blake en ces temps hostiles. Le fait qu’elle n’avait rien à attendre de personne. Admirative de sa frangine, Hayley vivait dans son ombre et pourtant, elle respectait sa sœur bien plus qu’elle ne se respectait elle-même. Blake faisait preuve d’une maturité exemplaire et d’une sagesse sans nom. C’est ça même qu’elle respectait chez sa sœur, cette sagesse qui animait Blake ainsi que la combativité. Son aînée n’avait montré aucun signe d’agitation à la vue du macchabée alors que Hayley, elle commença à être tétanisée. Soudain, l’arme de Blake gît dans ses mains. Un regard étonné à l’attention de sa sœur alors qu’elle avait compris aussitôt où elle voulait en venir. « Comment tu peux être si clémente à son sujet alors qu’il s’est barré ?» Comment pouvait-elle trouver la force de lui pardonner ? Hayley n’y arrivait pas car, elle avait perdu un ami, mais aussi un membre de sa nouvelle famille. Elle n’avait pas accepté d’apprendre qu’il avait abandonné le groupe. Si un jour, elle devait le recroiser, elle se ferait une joie de lui dire tout haut ce qu’elle pensait tout bas. Et hors de question de l’épargner ! Il allait en prendre pour son grade !

Très vite, elle chassa ses pensées alors que le mort arriva dangereusement vers elle. L’arme pointée en avant alors que sa frangine l’observa. D’accord, elle n’était plus sortie depuis un moment, mais elle n’avait rien perdu de ce qu’on lui avait appris. La jeune Rhodes se concentra. « Je crois que j’ai complètement oublié ce que je dois faire ! » La voix ne faiblit pas cependant. Les sens sont en alerte et alors que le cadavre s’approche un peu de trop près, les mains en avant dans l’espoir de dévorer la chair fraîche de Hayley. La blondinette ne réfléchit plus alors qu’elle attrape ce qui reste de la tignasse du mort afin de le tenir à bonne distance d’elle et de sa main droite, elle vient frapper à bout portant la caboche. Elle frappe un coup, deux coups, trois coups tout en hurlant. Elle se déchaîne sur le rôdeur comme si elle expulsait toutes ces choses qui lui brouillent l’esprit. L’embuscade, la cicatrice, le départ de Logan... Toutes ces choses refoulées, toutes ces choses qui lui bouffent du temps et de l’énergie. Et alors qu’elle relâche le corps sans vie, elle se met à pleurer. Le corps est secoué de sanglots alors que l’arme tombe à ses pieds. Elle se baisse légèrement tout en mettant ses mains sur ses cuisses afin de reprendre sa respiration.

« C’est tellement répugnant... Tellement crade ! » mais contre toute attente, la belle se met à jubiler. Un éclat de rire qui s’extirpe de sa bouche alors qu’elle se retourne en direction de sa sœur. « Putain !!! Je l’ai fait !!! » visage marqué par la joie alors qu’elle saute au cou de Blake. « Bon, ma manucure est ratée maintenant, mais ça valait le coup, hein ? » ironise-t-elle en libérant sa frangine. Hayley n’éviterait pas le sujet qui la tourmente depuis longtemps, un sujet qui doit sortir, extérioriser les vieux démons. « A mes vingt-et-un ans, j’ai eu une relation avec un gars. Tu sais, on disait toujours que je me comportais comme une petite garce, toujours à chauffer les mecs, mais j’ai perdu ma virginité très tard. A ce moment-là, je croyais être amoureuse, enfin, lui, je croyais qu’il l’était... » Elle s’interrompt un instant cherchant le réconfort dans les yeux de son aînée. « Un jour, je suis rentrée tard et là, je l’ai trouvé avec ma meilleure amie. Au lieu de s’excuser comme la morale le voulait, il m’a juste dit que c’était de ma faute. Que j’étais nulle au lit. Que c’était de ma faute s’il était parti ailleurs. Sur le coup, j’ai accusé, j’ai ravalé ma fierté parce que oui, je ne connaissais rien du sexe et que bien sûr, ça ne s’apprend pas dans les bouquins. J’ai voulu avoir des conseils, te trouver pour en parler, mais j’avais honte. Parce que malgré mon tempérament, mon attitude, j’étais pas celle qu’ils dépeignaient. J’ai toujours manqué de confiance, alors je me disais que de m’habiller comme ça, ça m’aiderait, enfin que les autres me verraient autrement... » confia-t-elle dans un léger soupir. « Puis, il y a cette cicatrice. Regarde, je ressemble à un monstre ! J’ai même souhaité... » La voix chancelle, la voix s’affaiblit alors que ses lèvres se mettent à trembler. Les yeux de Hayley rencontrent ceux de Blake. La vérité n’est pas toujours bonne à dire, mais elle en a besoin. Pour son salut, elle en a réellement besoin. Elle déglutit, s’approche de Blake tout en lui tenant les mains. « J’ai pensé plusieurs fois à mettre fin à mes jours, mais j’ai été lâche. Je ne pouvais pas... » confidence qu’elle lâche du bout des dents alors qu’elle ne cille pas. Aucun regret, aucun remords que de lui faire cette confidence. Se sentant plus légère, elle sait qu’elle a fait le bon choix...