C’est normal, on a tous notre jardin secret, souffla Connor avec un sourire à Hayley.

Il ne s’en formalisait pas. L’histoire de l’araignée passée, il pouvait parler plus librement avec la blonde à ses côtés et par la même, sauter sur l’occasion pour la rassurer. De surcroit, il était content de voir qu’elle ne comptait pas lui livrer ses secrets. De toute façon, il l’avait déjà dit : il n’était pas intéressé par Blake. Ça n’était pas qu’elle était moche ou idiote, c’était qu’elle était bien moins son genre que Hayley finalement. Cette dernière semblait plus vive, dynamique, naïve aussi.

Ta sœur doit pas tout savoir sur toi et moi, même chose : de ma sœur je connais finalement peu de choses, c’est pas un drame, souffla-t-il.

Et quoi ? Il ne s’en faisait pas de ça. Quinn ne savait pas tous ses secrets non plus, il ne venait pas lui raconter avec qui il couchait, avec qui il parlait, quand il allait pisser. Qu’importait d’ailleurs, puisqu’ils étaient tous deux des adultes indépendants. Ils avaient survécu longtemps ensemble, il n’empêchait que le reste n’avait pas d’intérêt à ses yeux : tant que Quinn était en sécurité et en bonne santé.

Quinn est toujours aussi casse-couilles, ça change pas, rigola-t-il à sa remarque. Hayley s’excusa rapidement, et il devait bien admettre que ses réactions étaient vraiment déroutantes pour lui. Elle passait d’une humeur à l’autre sans qu’il n’ait le temps de les suivre ! Non, ne t’en fais pas, c’est pas grave, rattrapa Connor rapidement : C’est sympa de t’inquiéter pour elle, même, ajouta-t-il.

Il n’avait pas de tabou, pas à ce sujet. Ou tout du moins, pas encore. Dans quelques semaines, quand le camp tomberait, l’humeur serait bien différente, et Connor serait dans l’obligation de s’endurcir pour ne pas sombrer. Pour l’instant, il profitait juste avec une certaine insouciance de cette chance qu’on lui accordait.

Mes parents sont dans le Nevada, autant te dire qu’on va pas ravoir des nouvelles tout de suite, plaisanta-t-il. Ça le rendait triste évidemment mais… Il fallait se faire une raison. Mais c’est surtout qu’au moins, je suis avec ma sœur, je peux la protéger et puis, tenir parole pour la mettre à l’abri, ajouta-t-il. On pensait partir dans le Nevada quand ça a commencé, on s’est retrouvés bloqués à l’aéroport, ma voiture a été réquisitionner juste après par les militaires qui tenaient un camp de fortune là-bas, pourquoi lui racontait-il tout ça déjà ? Bref, c’était du grand n’importe quoi mais ça commence à dater.

Avec Hayley, ils récupérèrent de quoi grignoter et en passant par le salon désert de sa maison, lui fit un signe de la tête. A l’arrière, il y avait le jardin, dans lequel ils pouvait s’installer pour être tranquilles.

Viens, fit-il en poussant la baie vitrée, les bras chargés de bêtises.

Y’a pas de mal, je t’assure, promit Connor avec un sourire confiant.

Il ne pouvait pas dire mieux que ça. Il n’était pas vexé ou blessé, il ne souffrait pas. Bêtement, le blond restait sur la même idée que ses parents, où qu’ils soient, pouvaient être contents de ce qu’il faisait pour sa sœur, pour leur famille, et pour ce groupe. Qu’ils savaient qu’ils pouvaient lui faire confiance. Le reste, c’était très accessoire, d’autant plus qu’il ne pourrait de toute façon jamais savoir ce qu’il en était réellement :

J’espère qu’ils vont bien et qu’ils sont pas malheureux, peu importe ce que ça veut dire pour eux, ajouta-t-il. Qu’ils soient vivants ou non, précisa l’homme. Je dois t’avouer que j’y pense pas beaucoup, comme si… T’sais, quand on l’a pas devant nous, on a du mal à y croire, et d’une certaine manière, c’est bien de se bercer de quelques illusions.

Connor ne pouvait pas dire mieux que ça. Il fixa la blonde à ses côtés, alors qu’ils venaient se poser dans le jardin, et que le blond pestait contre l’herbe encore trop haute qu’ils n’en finissaient jamais de devoir couper. Tant pis ! ça n’avait aucune importance, tant que personne ne viendrait les déranger. Il ouvrit un paquet de chips qu’il tendit à sa voisine, et la regarda tout du long se confier à lui sur tout ça, avec la pointe d’angoisse qui la caractérisait. Hayley et Blake étaient très différentes, mais la plus jeune avait ce petit côté chaton qui lui donnait envie de la protéger de tout ce qu’il se passait autour.

Ils étaient dans la région vos parents, c’est ça ? Demanda-t-il en haussant les épaules. Pas qu’il s’en moquait, plus qu’il se disait qu’il y avait quand même une chance que ça aille : On sait jamais ouais, ça se trouve… Un jour peut-être, ses parents pourraient aménager ici.

Bon, ça ne se ferait pas demain, mais si personne n’y croyait, alors c’était sur et certain que ça ne se ferait jamais. Il se permit une gorgée à boire et la dernière question de la blonde lui arracha un grand sourire, quand il referma la bouteille. Pourquoi elle ?

Pourquoi pas ? répondit-il de but en blanc avec cette même risette charmeuse : Sérieusement, tu remarques même pas à quel point t’es belle !

Le constat le frappa de plein fouet. Hayley était la naïveté incarnée ou quelque chose du genre, parce que si elle n’était pas capable de voir ça, alors… Alors c’était merveilleux. Et il risquerait de gâcher ça, en fait.

T’sais que les nanas qui savent pas qu’elles sont parfaites, ça les rend encore plus parfaite ? Fit-il avec un rire amusé : On se connait pas beaucoup, ça se trouve on va détester nos personnalités mais… On est quand même super beaux, toi et moi !