May dormait encore quand j'me suis levé, et j'ai réussi à quitter le lit sans qu'elle se réveille. J'savais très bien qu'elle ne serait pas d'accord avec s'que j'avais planifié d'faire, mais j'suis assez borné que s'pas s'qu'elle pense qui m'semble important. Ça faisait déjà un moment qu'elle m'avait avoué s'qui s'était passé entre Hairy Balls et elle, quelques semaines même, et jusque là j'avais rien fait parce que j'm'en foutais. J'suis en couple avec une femme de qualité quand même, ça vient avec l'inconvénient qu'elle peut être dragué par n'importe quel mec. Fallait s'attendre à ça, et c'était assez flatteur de penser que peu importe le prétendant, c'était dans mes bras qu'elle était. Reste que dans l'cas d'Aodhan, la blonde l'apprécie et ça m'tue d'la voir souffrir de la perte d'un ami.

J'ai passé la première heure à faire mon jogging, juste pour me vider l'esprit et purger l'négatif. J'ai ma petite idée sur la façon que j'veux aborder cela avec lui, et j'compte bien être direct. J'veux pas que ça devienne violent, et j'crois pas qu'ce soit son cas non plus, mais j'me prépare à toute éventualité. J'laisse mes pieds m'guider jusqu'à la porte de sa maison, alors que j'me sens enfin prêt à passer à l'action. Si j'me trompe pas, il vit avec Layla, alors j'espère que j'vais tomber direct sur le prof d'histoire.

La journée s'annonce déjà ensoleillée, même si ça doit faire une heure ou deux qu'le soleil a pointé l'bout d'son nez. J'vais l'faire sortir de la maison si possible, pour pas déranger sa colocataire. Bref, j'monte sur le porche, j'm'approche de sa porte et j'frappe quelques coups avant d'me placer bien visible devant l'Judas. L'avantage de vivre dans l'Fort c'était que ça pouvait pas être un rôdeur qui frappait à ta porte, mais ça restait toujours intéressant d'savoir qui s'trouvait d'l'autre côté.

J'pense que j'entends des pas s'approcher, mais j'suis pas sûr. J'penche un peu la tête pour voir si j'peux voir des ombres par une fenêtre ou quelque chose. J'ai oublié si le professeur avait cours aujourd'hui ou non, mais il est probablement trop tôt pour qu'il soit déjà parti alors j'attends patiemment jusqu'à ce qu'on m'ouvre.

L'aurore était venue illuminée son visage, les rideaux grands ouverts, il avait sûrement oublié de les fermer le jour précédent, enfin, la courte nuit précédente. Se frottant les yeux, le professeur n'avait guère mis longtemps avant de se relever le plus difficilement du monde et observer le monde qui l'entourait, il avait peu dormis encore mais aujourd'hui, il ne sentait pas l'alcool au réveil c'était déjà ça. Il avait passé paisiblement la soirée d'hier, un bouquin entre les mains et le corps enfouit sous les couvertures, pas d'envie particulière de sortir ni de déprimer, ça lui arrivait de plus en plus ces derniers temps, il était sûrement sur la bonne voie de son humble avis. La première chose qu'il fit en sortant du lit, ce fut d'enfiler le premier jean qui filait par-là, pas question de sortir en petite tenue même si ça ne dérangerait certainement pas Layla, il essayait d'éviter de se retrouver dans ce genre de situations, c'était légèrement gênant à ses yeux. Jetant un coup d’œil par la fenêtre il observa le beau temps un instant tandis que quelques âmes s'activaient déjà dans les rues de Fort Ward, les courageux du matin comme sa colocatrice. Un soupire quitta les commissures de tes lèvres, un jour, il devrait peut-être faire comme eux et s'activait dès le matin mais pour le moment, il était plutôt d'avis de simplement se nourrir.

Enfilant le premier haut qui lui vint sous la main, il ouvrit la porte, se jeta sous la douche, l'eau chaude brûlant sa peau lui faisait le même effet qu'un bon café, la différence, c'était que l'eau chaude le flinguerait sûrement moins que la caféine et il se jeta ensuite à l'assaut du rez-de-chaussée. Ni signe de Layla, ni signe de Roza, il était en paix pour cette douce matinée et tel un chef cuisinier, il enchaîna son déjeuner, humble mais nourrissant, avant de filer sur le canapé pour se saisir d'un livre comme tous les matins pour une heure ou deux. C'était la routine, c'était chiant, il pouvait l'admettre aisément, ses journées se ressemblaient toutes que ce soit avec ou sans l'école au milieu de celles-ci, mais au moins, ici, il était en sécurité pour passer certains mauvais moments puis de toute façon, il n'avait pas vraiment autre part où aller alors c'était déjà ça. Les pages tournantes les unes après les autres comme un balais de danse, le livre fut engloutis par Aodhan sans trop de problème, il s'était arrêté à quelques pages en vers de la fin, le triste plaisir coupable, ce serait de les finir demain, c'était ça, le quotidien, essayé de rester en vie en se donnant de petits objectifs, il avait bien retenu la leçon.

Mais au moment où la journée allait continuer de battre son formidable rythme et son excitation inimaginable la porte émit un bruit surprenant, quelqu'un venait à la porte du logement du professeur. Il chercha un instant s'il avait quelque chose de prévu aujourd'hui mais rien, c'était sûrement pour Layla, c'était même peut-être Roza alors il fit son chemin en prenant son temps vers celle-ci pour observer par la lunette la présence d'Adam, l'ancien ami de Victoria qui avait aidée cette dernière à le ramener dans ce paradis, ou dans cet enfer tu ne savais plus trop quoi en penser. ça faisait un moment que le professeur ne l'avait pas vu et il ne s'attendait pas particulièrement à le voir par ailleurs alors c'était sûrement pour sa colocatrice, faisant glisser le loquet qui commençait à doucement vieillir, il lui ouvrit pour poser ses yeux bleus sur l'autre historien du camp. "Adam ?" Il le regarda avec un air interloqué quand à sa présence en ces lieux. "Si t'es venu pour voir Layla, elle n'est pas encore rentrée visiblement, ou elle dort encore." Il avait dit ça comme si c'était improbable, l'anglaise était sûrement déjà réveillée depuis un moment. "Sinon, tu peux rentrer pour l'attendre, si c'est important." Il ouvrit un peu plus la porte, il s'agissait d'avoir l'air un minimum accueillant pour les amis de sa colocatrice.

J'sais pas combien d'temps j'attend derrière la porte, mais dans mon esprit ça m'parait comme une éternité. J'ai déjà un plan en tête, sur la façon que j'vais l'aborder avec tout ça, et tout ça dépend un peu d'sa réaction. J'ai dû répéter mille fois la conversation dans ma tête, et j'ai anticipé toute ses réponses. Dans tous les scénarios, j'garde mon calme. Enfin, les scénarios, c'est un peu facile, parce que lorsqu'il ouvre enfin la porte, j'pose mes yeux sur lui et j'peux pas m'empêcher d'l'imaginer en train d'embrasser May langoureusement. Mon poing se serre sous la jalousie, et j'ai un moment d'absence où j'ai qu'une envie, d'lui écraser mes jointures sur la mâchoire. La scène se joue dans mon esprit comme un film. Mes jointures saignent, il tombe au sol avec deux dents cassées, il me regarde confus et s'demande pourquoi j'ai fait ça alors que j'lui crache de rester loin d'ma copine.

Heureusement, j'suis plus mature que ça, et j'reviens à moi lorsqu'il me dit que j'peux attendre sa coloc à l'intérieur si j'veux. J'relâche la tension dans mes doigts, parce que si y a bien un truc que j'peux faire pour décevoir la blonde à tout jamais, c'est d'agir de la sorte. J'suis pas là pour envenimer la situation... Au contraire. J'secoue alors négativement la tête pour vite écarter l'mal entendu. "Non non... J'suis pas venu pour Layla." Il m'a invité à entrer, alors j'm'impose un peu en posant l'pied à l'intérieur, le laissant refermer la porte derrière moi. Dans mon imagination, c'était vraiment facile d'aborder tout ça, mais maintenant que j'suis là, j'réalise que parler homme à homme, c'est plus stressant que d'draguer des filles. J'me sens comme un démineur sans équipement qui doit s'occuper de désamorcer une bombe en plein milieu de New York.

"J'suis venu pour parler avec toi... Si t'as du temps?" J'porte un regard rapide à l'intérieur de la maison pour m'assurer qu'il n'y a personne d'autre. J'sais qu'il a dit que Layla dormait peut-être encore, mais au moins, il n'a pas d'invité avec lui que je pourrais déranger dans l'processus. J'regarde Aodhan, et l'prof me donne l'impression d'avoir un balai dans l'cul. J'sais pas, il est trop poli, trop gentil, trop sérieux. J'pense quand même qu'il cache son jeu, car les anciens amis de May et Victoria, c'étaient pas des enfants de cœur il me semble. J'marche alors sur des œufs, parce que si ça s'trouve, c'est juste un psychopathe qui fait semblant d'être sérieux et à la première occasion, il vous poignarde dans le dos.

"J'suis conscient qu'on a pas trop eu l'temps d'se parler d'puis... Victoria." J'évite de tomber tout d'suite dans l'sujet d'May, parce que j'veux pas qu'il soit trop vite sur la défensive. Ça m'énerve d'utiliser la brunette pour une situation comme ça, j'ai un peu l'impression d'souiller sa mémoire. Sauf que bon, j'ai l'impression qu'la pigiste me dirait d'arrêter de déconner et d'foutre une claque derrière la tête de Hairy Balls pour le réveiller. "On peut s'asseoir? T'as du café?" Que j'ajoute en m'dirigeant déjà vers le salon. Il n'est pas question qu'il me dise non de toute façon, alors autant qu'il se fasse à l'idée d'ma présence ici.