29 mai 2020 - Summers Bar

J'avais b'soin d'me rafraîchir. Par rafraîchir, j'entends surtout boire une bonne bière froide après une longue journée d'chasse à l'extérieur. Depuis qu'la cadette Summers avait ouvert son bar, j'essayais d'y traîner d'temps en temps, afin d'faire plus connaissance avec la population d'Fort Ward. C'est marrant, après près de cinq ans sur place, j'ai l'impression qu'mon cercle de connaissances ce limite toujours aux chasseurs, à May et à Stanley. Faut dire, j'ai parfois parié sur le mauvais cheval, dans le sens où, à peine que j'commençais à bien m'entendre avec la personne, qu'il crevait. J'sais pas si c'est moi qui deviens insensible à cette idée, mais autant dire que les gens qui meurent aujourd'hui sont vite oubliés.

Comme prévu, j'entre dans l'établissement et j'salue la tenancière de la main. J'ai l'impression que dans cet endroit, on oubli pratiquement qu'il y a des morts dehors. C'est comme avant, les gens rigolent et boivent... L'apocalypse est terminée quoi. J'commande une bière et j'remarque, pas loin d'la, mon pote roux qui fait la gueule à une table tout seul. J'dis mon pote, mais j'le connais absolument pas. Tout ce que j'sais, c'est qu'il a été ramené en même temps qu'Stan et moi, on faisait des recherches à l'entrepôt, et ça m'donne l'idée de devenir son ami. Déjà parce que ça m'parait une situation gagnante, dans la mesure où j'en saurai plus sur le fonctionnement à l'extérieur, et aussi parce que j'ai pas envie d'boire seul.

J'prend alors la commande d'une deuxième bière et j'parcours la distance qui m'sépare de lui avant d'simplement déposer le contenant devant l'ancien clochard. C'est environ à s'moment là que j'remarque qu'il fait sûrement pas la gueule pour rien, parce qu'il a une sacré cicatrice fraîche sur la joue droite. Autant dire qu'son accueil ici n'a pas l'air facile. "Clyde c'est ça? J'peux?" Qu'j'lui demande sans attendre la réponse et en tirant la chaise pour m'écraser l'fessier devant lui, déposant ma bière sur la table au passage.

"La personne qui t'a fait ça, t'as pas raté. Merde..." J'fais une légère grimace empathique. Bon, j'm'imagine quand même l'espace d'un instant la douleur de s'faire planter de quoi de coupant de le visage, et j'avoue qu'ça m'plaît pas du tout. Pas que ce soit vraiment plaisant de s'l'imaginer être planté ailleurs, mais bon, après t'as la souffrance psychologique de t'en rappeler chaque fois qu'tu te regardes dans l'mirroir. J'vais essayer d'pas tourner le fer dans la plaie...

Pourquoi j’étais encore en train de me faire du mal à penser à Maya et Zelda ? Mais pourquoi ces deux femmes occupaient 80% de mon temps de pensé ces dernières semaines ? Les 20% restants étaient occupés par les informations que je dois dévoiler à June. Mon carré d’as, tout ce que j’ai, ma dernière chance de pouvoir espérer avoir un peu de mou. Il y avait évidemment les expéditions et les points que je pourrai gagner auprès des autres, mais c’est la sans âme qui avait le dernier mot. Je soupirais en regardant mon verre… ça faisait depuis la dispute chez elle que je n’avais pas parlé à Maya…

Enfin, il y avait la soirée, mais c’était encore différent. Je veux dire, une vraie conversation à cœur ouvert. Nous n’en avions plus vu, en fait… le simple fait de ne pas la voir m’avait blessé. J’ai peur d’avoir brisé quelque chose entre nous ce jour-là. J’ai peur d’avoir cassé mes chances d’avoir une vraie amie à qui me confier… enfin, s’il n’y avait que ça. Je regarde mon verre, sans méfiance, sans me préoccuper de ce qu’il y a autour de moi. Il est presque vide, devrais-je en commander un nouveau ? Pas le temps de le faire que, comme par magie, un verre se pose devant moi. Je lève les yeux… Je n’ai jamais parlé à cette personne, mais je la reconnais : « Adam… on a vite fait un bout de chemin ensemble, je me trompe ? »

Oui, je pensais à la fameuse attaque de new-eden. Ça avait été très sportif cette histoire, il avait fait équipe avec May et, si j’avais bien compris, il était en couple avec elle… je ne m’étais pas vraiment penché sur le sujet, car il n’y avait pas tant d’utilité que ça à connaitre les détails de leur relation. Enfin… il me regarde et se pose en face de moi, il cherche un compagnon de beuverie ? Un ami ? les deux ? Bah… au point où j’en suis de toute façon ! Il désigne ma nouvelle cicatrice… j’ai un sourire un peu mauvais sur le visage : « Petit cadeau de la part de Zelda… ça égalise avec l’autre » Je désigne celle que j’ai sous l’œil gauche. J’ai vraiment un problème avec les blessures au visage et les femmes quand même !

Je goute la bière qu’Adam m’a offert si généreusement et je le détail, beau mec, un peu plus vieux que moi, mais pas encore 40 ans je pense. Toujours l’air mauvais, même si lui n’y ait pour rien, j’entreprends de lui poser aussi des questions… faut pas déconner non plus : « Je peux faire quelque chose pour t’aider ? Tu as besoin de quelqu’un d’un peu misérable pour te remonter le moral ? » C’est rare que je sois aussi cynique envers moi-même, mais là je ne sais pas… j’ai pas trop le moral.

"Zelda hein?" Cette gamine va finir par tuer quelqu'un, moi j'vous l'dis. Pourtant, ça m'empêche pas d'la comprendre, car à sa place j'me ferais gravement chier et j'deviendrais lentement un psychopathe à force d'être enfermé dans un Fort pour être l'abri des morts. J'sais pas c'qu'il a pu faire pour «mériter» de se faire entailler l'visage, mais quelque chose me dit que ça m'regarde pas et qu'il aura pas très envie d'en parler. Est-ce que j'peux lui en vouloir? Moi aussi j'aurais l'moral dans les talons si une gamine m'avait défiguré.

Bref, j'avais simplement acquiescé pour confirmer que c'était bien l'cas, qu'on avait fait un bout de chemin ensemble. J'avais ensuite retiré mon chapeau pour l'déposer sur la table, pas très loin d'mon verre. J'le connais pas vraiment, mais il est clairement pas dans son assiette vu la façon qu'il m'accueille. "J'aurais plutôt dit «ancien misérable», mais j'ai l'impression qu'ça allait mieux dehors qu'à l'intérieur." J'fais les guillemets avec mes doigts pour qu'il comprenne que c'est plus une image qu'autre chose. Le mec a dû passer cinq ans dehors sans trop d'problème, et en moins de trois mois, il se fait mutiler par les vivants. Peut-être qu'au final, il était plus à l'abri à l’entrepôt du No Man's Land qu'ici.

"J'viens t'voir de façon plutôt officieuse... J'suis intéressé par le fonctionnement dehors... Au cas où..." J'laisse traîner ça dans son esprit. J'm'attends pas nécessairement à ce qu'il me fasse confiance au premier regard. Limite, il pourrait même penser que c'est June qui m'envoie pour voir s'il va m'raconter des trucs intéressants. Au contraire, j'veux qu'il comprenne que l'ambiance ici m'laisse perplexe en ce moment, surtout avec cette histoire de vaccin. Les New Eden sont une menace à côté qui n'm'aurait pas vraiment dérangé avant, mais maintenant j'dois penser aussi à la blonde. Est-ce que c'est plus sécuritaire ici qu'à l'extérieur? Entre les essaies scientifiques qui nous bouffe de l'intérieur et un groupe armé qui peut nous détruire à tout moment, j'commence à m'le demander.

"J'peux sûrement t'aider avec autre chose si t'as besoin. Genre, si t'as besoin d'prendre l'air, j'peux t'amener chasser." J'laisse planer l'idée que j'pourrais l'aider à sortir si c'est ce qu'il souhaite. D'une certaine manière, ça m'permettra d'voir s'il a vraiment envie d'être ici, ou s'il est retenu contre son gré. J'suis pas dans les secrets du camp, et j'dois dire que j'commence à avoir sérieusement des doutes sur la façon qu'on traite certaines personnes. En gros, est-ce qu'on est vraiment mieux que New Eden? J'pense pas. Certains m'dirait qu'il faut faire des sacrifices pour vivre en sécurité, et j'suis absolument d'accord avec cette idée. J'veux juste pas faire parti des éventuels sacrifiés.

c’était pas trop mal dehors, l’apocalypse a du bon pour les libertés individuelles. J’avoue que depuis que je suis ici, on me fait douloureusement entrer les règles de la vie en communauté dans le crâne. Je bois une longue gorgée de bière après avoir dit ça l’écoutant me raconter les raisons de sa présence à ma table… Bien, il est direct, on va éviter d’y aller par 40 chemins, je ne suis plus d’humeur à jouer et à plaisanter en ce moment ! C’est pour ça que j’ai répondu, pas sèchement, mais d’une façon bien moins volubile qu’a l’accoutumée :

y’a pas de façons officieuse Adam, si tu veux savoir comment ça fonctionne, je t’en dirai autant que ce que j’ai déjà à June. Il n’y a pas de raisons pour dissimuler de telles informations dans un pays libre. C’est assez cyniquement dit n’est-ce pas, mais même si j’ai mes raisons de finalement accepter de vivre sous le joug de l’autre rouquine. Il va me falloir un moment pour m’enthousiasmer à l’idée de ne plus être le maitre de mon destin, même si c’est pour la bonne cause. Je regarde Adam avec un sourire blasée puis j’écoute ce qu’il me propose. Voilà une offre qui est intéressante. Il veut me perdre dans les bois pour me tuer ? Ou alors il le pense vraiment ?

Chasser… ça pourrait être intéressant. Une fois j’ai réussi à abattre une biche d’un coup de pistolet. Je me demande si je serai capable de le refaire ! Disons que ça pourrait m’aider à me changer les idées en effet…. Je te propose qu’on envisage de faire ça quand je serai revenue de mon expédition avec Stan et Levi. Une histoire dans un bateau, une belle occasion mais je n’avais pas tout compris à l’affaire. Ce n’est pas le plus important…
Je reprends une gorgée de bière fraiche et je me penche en avant pour parler à Adam, il est curieux du monde extérieur, alors je vais lui en parler, mais que veut-il savoir exactement ? Que de questions : Poses tes questions sur l’extérieur mon bon ami, je vais tenter de te répondre comme je peux.