Derrière son stand, bras croisés sous sa poitrine, la blonde à tresses et dreadlocks est en pleine négociation et celle-ci ne se passe pas aussi bien qu'elle ne le souhaite, c'est sûr, ça se lit sur son visage. Pourtant, elle ne s'agace pas pour autant, conserve son calme et s'efforce de répéter inlassablement ses instruction de paiement. Elle a l'habitude, il n'est pas le premier à tenter d'imposer ses conditions, pourtant il sait qu'elle ne pliera pas, mais il tente tout de même, comme bien trop de ses homologues vagabonds à son goût. Finalement, tout cet échange n'est qu'une question de temps avant qu'il ne cède. Échange qui n'a pas le temps de voir le bout, l'homme est interrompu par une jeune femme qui s'impose et réussit par la même occasion à le faire fuir. La forgeronne et leader du troc n'apprécie que moyennement son intervention. Ce n'est pas tant le fond qui la dérange, mais plutôt la forme : si Kara voulait le congédier, elle l'aurait fait elle-même.

Mais voilà, ce qui est fait, est fait, parlons peu, mais parlons bien. "La prochaine fois, patiente." Pas un mot de trop et elle n'a pas besoin de monter le ton pour donner à sa voix une intonation autoritaire. Son stand, ses règles, si tout le monde se permettait ce genre d'interventions, il est sûr que la forgeronne finirait par s'énerver. Autant là, ce genre de culôt est assez rare dans son périmètre de vente. Sans un mot de plus, elle la détaille de haut en bas et réunit en quelques silencieuses secondes les informations qu'elle possède sur elle, à savoir, pas grand chose. Son efficacité lors du banquet loupé lui revient cependant bien rapidement. Si la femme en face d'elle manque de manière et peut-être de respect, elle sait au moins ce qu'elle fait, tout du moins, c'est la description qui lui vient à l'esprit.

Lentement et sans décroiser ses bras, elle se penche en avant pour dévisager le dessin. Elle reconnaît immédiatement le visage qui y figure, par chance, elle est physionomiste. Son regard se déporte ensuite sur les tranches de viandes séchés. "J'ai deux trois informations sur elle, oui." Négocier des informations, c'est toujours compliqué, il n'y a que le receveur qui peut en déterminer l'importance sans compter que pour le coup, la blonde aux bras imposants n'a pas la moindre idée de ce que la pisteuse sait déjà. "Elle ne se montre pas souvent ici, mais elle m'a déjà passé commande pour des armes blanches spéciales." Volontairement, elle ne va pas plus loin sur cette fameuse commande, si la brune s'intéresse à son contenu, elle n'a qu'à demander.  "Elle cherchait également à se renseigner sur quelqu'un en particulier." Encore une fois, elle ne détaille pas plus, à voir si ça intéresse sa vis-à-vis. "Ces données t'intéressent ?" Elle désigne ensuite d'un geste du menton la viande séchée, à sa "cliente" d'estimer ce qu'elle est prête à lâcher pour obtenir les détails. Kara peut aussi aller plus loin, elle sait avec qui la coréenne traîne et possiblement où elle crèche mais ça, ça fait parti du pacte signé entre les différents clans du secteur et cette information n'est pas prête de quitter ses lèvres.

La nourrir jusqu'à l'été prochain ? Est-ce que la chasseuse est bien consciente de ce que représente une année entière de rationnement gracieusement offert ? Non, certainement pas, c'est impossible à fournir pour une solitaire. Il est clair que la jeune femme surestime grandement ses capacités ainsi que la valeur des informations de Kara qui estime que celles-ci ne valent pas un tel paiement. Il lui est donc impossible de négocier un tel deal, primo, ce serait irréalisable et secundo, ce serait voler la jeune chasseuse ou tout du moins abuser de son élan de naïveté (volontaire ?). Ce qu'elle ne compte pas faire, question d'image et d'éthique. "Ne fais pas de promesses que tu n'es pas certaine de pouvoir tenir." Voila un premier conseil gratuit et pour s'assurer qu'elle comprenne bien la forgeronne se permet une petite explications supplémentaires. "Ni toi, ni moi, n'avons la garantie de pouvoir prétendre être encore vivantes dans les mois à venir. Aussi, ici aucun deal sur la durée n'est possible, c'est comptant, ou rien." Le danger est partout, aussi bien chez les morts que chez les vivants finalement, surtout pour cette population qui survit loin des murs réconfortants des grands camps. Non, tout ici sont voués à eux même et une simple infection peut en venir à bout, au même titre qu'une simple grippe, une mauvaise rencontre, de la nourriture un peu trop périmées, une eau mal filtrée, etc, la liste est longue, trop longue. "De même que tu ne pourras pas me fournir de quoi me sustenter une année entière. C'est irréalisable, mais aussi trop cher payé pour ta demande." Il faut que la jeune redescende et qu'elle fasse clairement attention aux deals qu'elle propose, à moins qu'elle ait fait cela pour tester la forgeronne ? Possible, ça se tiendrait. Ou alors elle fait partie de New Eden et possède une grande réserve de nourriture ? Non, impossible, tous galèrent ici.

Concernant la discrétion de leur conversation, la blonde opine doucement et fait signe à Idriss le géant de s'approcher pour prendre sa place derrière les vitrines. Par la suite, elle tourne les talons vers la grande tente juste derrière elle et soulève la bâche qui en masque l'entrée. "Viens." Elle la laisse s'y engouffrer et rabaisse la bâche derrière elles. L'intérieur de la tente est sommaire, plus porté sur l'efficace que sur le confort. Au centre, un touret en bois, autrefois utilisé comme bobine pour les câbles électrique des chantiers est aujourd'hui reconverti en table basse. Trois poufs en guise de siège, une pack de six bouteilles d'eau dans un coin, un mini générateur posé au sol et branché à une bouilloire qui repose sur la petite commode juste à côté. Quelques caisses traînent avec de la ferrailles et fusils à aiguiser, ainsi qu'un espace couchage avec un vieux tapis de yoga, quelques couvertures et un oreiller, le tour de la tente est vite fait. Prenant place sur un des poufs, elle invite d'un geste de la main la brune à en faire autant et reprend aussitôt : "Brun, chasseur de prime, un peu bourru et très bon tireur." Et si jamais la jeune ne fait pas le lien, elle ajoute : "Elle cherchait Anton. Et avant que tu me demandes : non, je ne connais pas le pourquoi du comment." Voila, elle a même eu un nom !  "Le contenu de sa commande en arme blanche t'intéresse ?" Un push dagger, ce n'est pas rien comme arme, elle répond de celle qu'on ignore jusqu'à ce qu'elle soit dégainée pour mieux vous égorger par surprise quand votre garde est baissée, quand vous êtes persuadé de maîtriser la situation et d'avoir désarmé votre adversaire.

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Difficulté de communication

Abigail & Kara alias la patronne du coin

A l’évidence, la forgeronne ne saisissait pas l’exagération dans sa phrase et encore moins l’ironie. Abigail était parfaitement consciente de l’irréel de sa proposition et ce n’était qu’un effet de style pour lui signifier que ses poches n’étaient pas troués surtout pour une traque qui lui tenait à cœur. La chasseuse avait toujours dans un coin de la tête cette infâme vision d’Anna mutilé sauvagement, ça ne pouvait être l’œuvre que d’une bête ou une folle. Dans tout les cas, la chose devait être traqué puis tué pour soulager le monde d’une salope. C’était une logique de chevalier, un peu désuète sur les bords et plutôt étonnante pour une femme aussi égoïste qu’Abigail mais que voulez-vous il y a des choses qui change du tout au tout les gens.

- J’exagérais, dit-elle à demi-mot de peur de froisser ce qui s’apparentait à la patronne des lieux, évidemment je te payerais sur le moment et nous ne reparlerons pas de notre petit arrangement, précisa la jeune femme se rendant bien compte que Kara n’avait pas comprit son humour...

D’un signe de tête, elle acquiesça après lui avoir répondu puis emboîta son pas rentrant dans la tanière de la patronne. Abigail s’installa sur l’un des poufs à sa suite, chaque muscle de son corps lui rappelant douloureusement les derniers jours. Avec son travail on finit irrémédiablement par avoir des courbatures plus douloureuse que les rhumatismes de grand-père, pas étonnant quand on sait qu’Abigail fait le tour de Seattle plusieurs fois par semaine...

Aussitôt installé la blonde se met à table mais malheureusement toutes ses informations résonnent creuse aux oreilles d’Abigail, elle sait déjà tout ça et sa visite avait déjà l’odeur d’un fiasco.

- Si ça me coûtera autant pourquoi pas, lâcha-t-elle pensive après tout savoir ce que son ennemie utilisait restait un petit avantage à ne pas négliger, dit-moi était-elle accompagné ? Tu n’aurais pas une idée de sa prochaine destination ou de ses habitudes dans le coin ?

La chasseuse comptait principalement sur le fait que Kara ne s’intéresse pas sur la raison de ses questions pour obtenir des réponses à ses questions insistantes. Abigail avait la sale impression que le temps jouait contre elle et qu’elle pourrait même perdre sa piste déjà bien floue.

(c) DΛNDELION

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