Cela fait plusieurs jours qu’il n’a pas remis les pieds au No Man’s Land ; depuis les récentes attaques, pour tout dire. Le dessinateur a mis du temps à se remettre de ces événements, et surtout il n’a pas vraiment récupéré de la crise d’angoisse dont il a été victime ce jour-là. Il a du mal à s’en remettre, passant la plupart de son temps libre couché dans sa chambre. Les seules fois où il l’a quittée, ce fut pour faire son travail dans la réserve derrière le bar et le ménage de la salle. Il n’a pas vraiment reparlé de tout ça aux autres, préférant se terrer dans son mutisme, honteux de ne pas avoir réussi à se contrôler. Dire qu’il avait fait des progrès ces derniers temps…

Il lui a fallu presque deux heures ce matin-là pour se faire violence et enfin sortir. Deux longues heures durant lesquelles ses tocs se sont faits bien plus présents qu’avant. Il a rangé, et re-rangé la réserve, nettoyé le sol du bar au moins trois fois, trier ses affaires, plier au millimètre près ses vêtements, préparé son sac avec minutie… Sa maniaquerie maladive ayant repris le dessus, tout comme cette obsession, ce besoin de tout vérifier au moins trois fois. Heureusement pour lui, personne n’était là pour assister à tout ça, une aubaine. Se justifier auprès des autres ? Leur expliquer encore une fois qu’il n’y peut rien ? Une chance qu’il ait pu s’en passer.

Mais s’il veut pouvoir sortir la tête de l’eau, il ne peut pas rester dans sa chambre à se morfondre. Et malgré ses craintes, il finit par quitter la Taverne pour se diriger jusqu’au No Man’s Land. Après plusieurs détours, il rejoint enfin l’entrepôt. Cet endroit qu’il avait fini par apprécier l’oppresse à nouveau. Pourtant, il sait à quel point il s’agit d’une place importante. Et surtout, il n’a pas envie de décevoir Mallowe qui lui a demandé de lui ramener quelques trucs. Il se met donc en quête de tout ça avant de croiser Kara. Il se fige avant de marmonner « Bon… Bonjour. » Le regard baissé, il n’ose pas soutenir celui de la blonde. Il ouvre la bouche mais aucun son n’en sort. Sa gorge est sèche et il panique alors qu’il cherche ses mots. « Je… Je… Je suis désolé pour l’autre jour. » Se contente-t-il de souffler brièvement à la forgeronne, bafouillant idiotement, avant de détourner subitement les yeux et de s’éloigner déjà.

Elle est épuisée, il n'y a pas d'autre terme pour la qualifier. Depuis le fiasco du banquet, elle n'a pas cessé de gamberger, de se questionner elle ainsi que les autres vagabonds. Comment a t-elle pu laisser la situation lui échapper ainsi ? Les factions du secteur vont-elles continuer de lui faire confiance après ça ? Comment va réagir The Haven quand ils l'apprendront ? Tant de questions sans réelles réponses et le retour de New Eden n'arrange rien à ses songes. Autant le dire tout de suite, sa mine actuelle reflète de temps à autre son état d'esprit bousculés avec ces traits tirés et ses cernes encore plus imposantes et sombres, elle a bien pris cinq ans en une semaine.

Ayant passé la nuit à forger une armature de métal amovible dans le but de créer un brassard anti-morsure efficace, elle n'a dormi que quelques heures, à peine quatre avant de se réveiller d'un bon, les nerfs aidant à se tirer facilement du lit. Un café d'avalé, une bise pour son amante et elle se rend plus tôt que prévu au No Man's Land pour récupérer son stand et congédier Idriss en avance.

L'entrepôt est calme, quelques habitués rôdent ici et là mais aucune nouvelle tête à l'horizon, aucun client non plus. Joignant ses mains dans son dos, elle commence alors à faire les cents pas devant ses vitrines remplies d'armes blanche en tout genre. Sa machette pend à sa hanche et rebondit contre le pantalon en toile type cargo, de ceux qui ont beaucoup de poches. Ses bottes tâtonnent le sol presque frénétiquement quand elle relève la tête pour croiser Otis, le malheureux qu'elle a essayé de raisonner à coup de claques le soir du banquet.

"Bonjour." Réponse lancée en tac au tac, s'en suit un bafouillage conséquent chez le jeune homme qui détourne aussitôt le regard avant de s'excuser pour son comportement passé. Elle ouvre à peine les lèvres qu'elle le voit déjà se défiler pour s'éloigner. "Non, Otis, attends." Son ton n'est aucunement autoritaire, l'on peut dire qu'elle fait un effort pour se montrer un tant soit peu sociable et bienveillante, ce qui n'est pas vraiment son fort en règle générale. "Ce n'est pas vraiment à toi de t'excuser tu sais." Elle fait un pas pour s'approcher et enchaîne aussitôt : "C'est plutôt à moi... Je... Je ne suis pas très douée en terme d'interactions humaines et encore moins quand il s'agit de réconforter ou de rassurer quelqu'un. Les claques... c'était vraiment une idée de merde." Oui, autant dire ce qui est et en toute franchise. "Et je m'en excuse sincèrement, c'est moi qui suis désolée." Comme pour s'assurer que le message passe, elle croise ses bras sous sa poitrine et se penche en avant dans le but de croiser son regard ou de lire quelque chose sur son visage.

Spoiler:

A-t-il peur ? A-t-il honte ? Sûrement un peu des deux auxquels s’ajoute une pointe de culpabilité. Il se sent terriblement mal de l’avoir entraînée là-dedans, tout comme Lucy et Ellie d’ailleurs. Elles avaient plus important à faire que de le gérer, ce soir-là, lui et cette crise d’angoisse dont il peine à se remettre. Cela faisait longtemps qu’il n’en avait pas fait, il s’en serait bien passé de cette là. Heureusement pour lui, Ellie a trouvé comment le calmer avant qu’il ne suffoque complètement…

Mais en croisant Kara, il sent à nouveau ce stress prendre possession de son corps. Une réaction incontrôlée guidée par toutes ces émotions qui s’entrechoquent dans son esprit. Il ignore ce qu’il doit dire ou faire alors il fait ce qui est le plus simple pour lui : fuir. Mais la forgeronne le rattrape bien vite. Le métis s’arrête alors qu’elle l’interpelle, lui demandant d’attendre. Il fait volte-face, les épaules baissées et le regard fuyant. Il a peur qu’elle lui reproche quelque chose… Pourtant, elle ne met pas longtemps à s’excuser, expliquant qu’elle n’aurait pas dû le gifler comme elle l’a fait. Elle répète être désolée avant de se pencher légèrement vers lui pour tenter de capter son regard.

Otis ne se sent pas bien. Sa respiration s’accélère et il met un certain temps avant d’oser relever les yeux. Voyant le regard désolé de la blonde, il ne doute pas de sa sincérité et se sent un peu mieux. Mais ce sentiment coupable est toujours là et il tente alors de se justifier, de lui expliquer pourquoi il a réagi de la sorte. « Je… Je n’aurais pas dû venir l’autre soir… Je… Je pensais pouvoir gérer mais… Avec ce qu’il s’est passé, les… Les angoisses ont repris le dessus. » Il fait de son mieux pour être clair, se sentant terriblement stupide d’avoir paru aussi trouillard mais… « Avec ce qu’il s’est passé… Je… J’ai complètement perdu le contrôle. J’ai… J’ai paniqué… Je… C’est… C’est comme ça depuis que… Que je suis petit… Ça m’arrive de faire… Des crises… Quand… Quand je suis stressé… » Il bute pas mal sur les mots, se demandant en quoi cela peut intéresser Kara. « Mais… Mais je te fais perdre ton… Ton temps… Tu… Tu as sûrement mieux à faire que d’écouter…. Mes… Mes problèmes… » Il affiche une mine désolée… Toujours aussi honteux d’avoir causer des problèmes à cause de ses troubles… Si seulement il pouvait promettre que cela ne se reproduise pas. Malheureusement, c’est impossible…

Spoiler:

Elle connaît mieux les différents métaux et types d'os que les humains, c'est sûr mais pour le coup elle ne peine pas à voir qu'Otis n'est clairement pas dans son assiette avec elle. La respiration qui déraille, le regard fuyant, les mots qui peinent à quitter les lèvres du jeune garçon, tant d'indications qui lui suffisent pour tirer une conclusion pas si erronée que ça. Vu la gêne éprouvée par celui-ci, la forgeronne ne va pas le retenir longtemps mais elle tient néanmoins à clarifier deux trois choses avant de le laisser filer. 

"Ne dis pas que tu n'aurais pas dû venir... Tu ne pouvais pas savoir que ça allait dérailler à ce point." Elle n'ont plus d'ailleurs, elle fut la première surprise par ce joyeux bordel et ne peut s'empêcher de ressentir un peu de culpabilité face à la tournure tragique des évènements ce soir là. "Et tout le monde y avait sa place, à l'origine." C'était clairement le but de l'événement, qu'Otis ne s'y méprenne pas ou ne se blâme pas, il est un vagabond du No Man's Land au même titre que tous les autres.

Le dessinateur propose déjà de s'enfuir à nouveau pour la laisser à ses affaires, to soon, sans le laisser décamper elle le retient avec une nouvelle question qui a toute son importance. "Si tu refais ce genre de crise... C'est quoi le bon mode d'emploi pour calmer ça ?" Sait-on jamais, des fois que cela recommencerait en sa présence, il serait bon pour la blonde de savoir comment gérer cette affaire plutôt que de se retrouver impuissante à marteler les joues du garçon une nouvelle fois.  "Et... tu sais que dans les derniers arrivés, il y a une psy qui peut possiblement t'aider ?" C'est ce qu'elle a cru entendre de la fameuse Bill, elle ignore si cela peut-être efficace pour les soucis d'Otis, mais ça peut toujours se tenter, comme on dit, qui ne tente rien, n'a rien. 

Il se sent encore plus stupide lorsque Kara lui explique qu’il ne devrait pas dire de telles choses. Bien sûr, il n’aurait pas pu prévoir que cela dégénère comme ça, malheureusement… C’est toujours comme ça avec lui. Il ne prévient pas ses crises et dans ce monde, elles sont devenues bien plus incontrôlables, surtout depuis la mort de Zoé. Il n’y a qu’elle qui parvenait à lui éviter ses angoisses jusqu’ici, anticipant généralement ces dernières et parvenant à le calmer. Mais là… Au milieu de tout ce monde, de toutes ces personnes qui ne soupçonnaient pas ses troubles, il était évident qu’elles ne comprennent pas ce qu’il lui arrivait…

En voyant que Kara n’a pas l’intention de lui en vouloir davantage, lui rappelant qu’il avait autant sa place au banquet que les autres, le métis parvient à se sentir un peu mieux. Et même s’il est toujours un peu impressionné par la blonde, il voit bien qu’elle ne lui veut aucun mal. « Je ne contrôle rien dans ces moments-là… Ça a toujours été comme ça… » Il baisse la tête, gêné. Il n’a jamais aimé parler de tout ça, de cet handicap qui le poursuit depuis son enfance. Des crises d’angoisse, il en a fait des centaines… Il avait fini par s’en débarrasser après des années de thérapie et de traitement. Mais tout est revenu avec l’épidémie. Si seulement il pouvait trouver une solution…

Pourtant quand la forgeronne lui demande ce qu’il faut faire pour le calmer, le dessinateur relève la tête, quelque peu étonné. Il ouvre la bouche mais aucun son n’en sort, il lui faut deux ou trois secondes de réflexions pour lui répondre « Les… Euh… Les exercices de respiration ça fonctionne bien généralement… Mais… Mais… souvent je suis tellement dépassé par mes émotions que j’oublie complètement ce que je dois faire. » C’est bien ça le problème. Sans Ellie, il n’aurait certainement pas réussi à retrouver ses esprits. Elle a fait exactement ce qu’il fallait pour le calmer : lui parler et lui demander de respirer, de penser à autre chose…

Puis quand elle lui explique qu’elle connaît quelqu’un qui pourrait l’aider, il sourcille légèrement. « Une psy ? C’est vrai ? » Lui qui a été suivi toute de son adolescence à l’âge adulte pour ses troubles, ça serait certainement bénéfique pour lui. « Tu sais où je pourrais la trouver ? » Demande-t-il finalement, intrigué. Cela l’aiderait certainement à reprendre le dessus sur ses émotions, à ne plus les laisser prendre le contrôle de son corps…

Ça a toujours été comme ça ? Bah merde, là, d'un coup, la blonde ne sait plus vraiment où se mettre tant la nouvelle est déroutante, la vie du jeune homme n'a pas du être simple avec un handicap pareil, pour lui comme pour son entourage. Fort heureusement, elle arrive à retenir une grimace pour garder son masque de dame de fer malgré le fait que cette vérité l'attriste réellement. Un de ces nombreux talent que de ne rien montrer, ce qui cependant parfois lui des tours.

Des exercices de respiration, très bien, elle note l'information précieusement dans un coin de sa mémoire, sait-on jamais, des fois qu'elle pourrait être réellement utile, elle le louperait pas l'occasion. Ça lui importe, elle n'ira jamais jusqu'à dire que tous les vagabonds du coin sont de son clan ou de sa famille, on en est vraiment loin et ce n'est clairement pas ce qu'elle désire, mais si elle peut tout de même les aider au mieux, tout du moins les méritants, ceux qui ne foutent pas le bordel à chaque passage, ça en vaut la peine à ses yeux. Ils n'ont rien d'un camp, mais ils ont au moins cette solidarité qui les anime et pour ça il faut l'entretenir afin que ça perdure, on a rien sans rien.

"Normal d'oublier ça quand tu angoisses... Pense à faire passer le mot à tes proches, si jamais ça se reproduit, au moins ils sauront quoi faite." Toujours mieux à savoir que de se lancer dans des claques ou un baiser, pour sûr, un vrai fiasco tout ça. "Tu peux trouver toutes les informations que tu veux sur elle sur le panneau là bas." Du menton, elle lui désigne l'un des nombreux panneaux du No Man's Land où elle a vu la psy y accrocher quelques informations. "Tu as l'adresse et les horaires d'ouverture de son bureau. Je ne sais pas ce qu'elle vaut mais elle n'a pas l'air bien méchante, ça se tente en somme." Voila ! Elle ne peut pas faire plus le concernant, ça dépasse clairement son champ de compétences à ce stade. De plus, y envoyer le jeune homme pourrait permettre à la blonde d'obtenir un feedback sur les compétences de cette nouvelle venue, un coup double donc.

Il voit bien l’étonnement de Kara. La plupart des gens réagissent comme ça la première fois qu’ils sont confrontés à l’une de ses crises. C’est là la différence avec le monde d’avant, celui dans lequel il vivait avec ses parents, avec Zoé et Scott… Tous savaient comment l’aider à gérer ses crises, tous avaient fini par repérer les signes avant-coureurs. Malheureusement, pour les inconnus cela était très compliqué. Certains en avait profité, d’autres l’avaient ignoré et ceux qui avaient essayé de l’aider – comme Kara ou Lucy – n’y étaient pas parvenus. L’absence de sa petite amie l’avait fait régresser et gérer ses crises devenaient de plus en plus compliqué.

Dire que cela venait du harcèlement, des moqueries, des coups-bas de ses camarades au collège. Des années de calvaire qui le hantaient toujours, même après tout ce temps écoulé. C’était un poids pour lui et ses proches, une épée de Damoclès permanente au-dessus de sa tête, parce que dans ce monde le moindre faux-pas pouvait être fatal. Et s’il avait eu de la chance jusque-là, le dessinateur prenait conscience de l’urgence. S’il voulait pouvoir survivre, il allait devoir se soigner. L’espoir de pouvoir retrouver un psychologue était inespérée.
Jetant un coup d’œil au tableau que lui désigne la forgeronne. Il reporte son attention sur Kara, toujours un peu gêné, il ajoute néanmoins avec une pointe d’humour « Oh… Et s’il n’y avait que ça… J’ai développé tout un tas d’autres tocs à force. Enfin voilà… T’es au courant maintenant… » Pour ça… Il n’y a pas grand-chose à faire. Cela peut parfois être agaçant pour certaines personnes tellement il peut paraître maniaque. Qu’importe, l’idée de pouvoir se faire aider est une opportunité qu’il ne peut pas laisser passer. « J’essaierai d’aller la voir… Merci… » Un sourire plus franc se dessine sur ses lèvres. Il se sent bien mieux après cette discussion. La blonde est quelqu’un de bien et il n’aura plus de raison d’en avoir peur à l’avenir. Ils se sont simplement mal compris, maintenant qu’ils ont mis les choses au clair, tout devrait aller mieux. « Je viendrai te revoir si ça a fonctionné ! » Il rit doucement avant de continuer « Et… J’ai vu qu’il y a des portraits de personnes qui sont affichés… J’ai cru comprendre que c’était des gens recherchés pour certaines raisons… Bon… Tu dois te donner que je ne suis pas le mieux placé pour me lancer dans de telles chasses à l’homme. Mais… Si jamais tu as besoin de quelqu’un pour dessiner ces portraits de temps en temps, je peux vous aider. J’étais dessinateur avant… Si ça peut vous intéresser… » Qu’importe la réponse de la blonde, au moins il aurait vanté ses compétences. Au moins, pour ça, il est plutôt doué.