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Como en casa

Ven 31 Juil 2020 - 1:05

Il commençait déjà à faire nuit, une nuit calme et fraîche après une journée chaude d’été. Même si « chaude » à Seattle n’avait pas le même sens dans le Sonora natal de Raoul. On voyait déjà la lune, un immense disque blanc dans le ciel, les étoiles allaient bientôt faire leurs arrivées. Raoul avait mis son cuir sur son dos, il avait passé la journée torse nue à bosser dans le potager sous le soleil, histoire de prendre des couleurs et faire quelque chose d’autre que de rester coincé dans le garage. Il ne faisait pas chaud très longtemps, aussi loin dans le nord. Posé sur une chaise il avait allumé ce qui ressemblait à une cigarette roulé. Être fumeur après l’apocalypse c’était un défi quotidien ;  il fallait abandonner l’idée de trouver des cigarettes industrielles, alors de temps en temps on pouvait rassembler des restes secs de tabac et les rouler avec ce qu’on trouvait. Ce soir-là Raoul s’était autorisé à fumé l’une de ses « cigarettes » de fortune. Après tout ce soir il était de bonne humeur. Si seulement il y avait un verre d’alcool pour accompagner le tout ce serait devenu un véritable soir de fête. Finalement assis sur sa chaise devant la maison principale à regarder les allés et venus des gens qui s’agitaient comme dans une ville miniature il se disait que pourquoi pas après tout ? Ça pourrait  devenir son chez lui. Depuis l’effondrement c’était ce qu’il avait trouvé de mieux. Il y avait pleins de gringos, forcément , mais ils étaient malins en majorité. Il se frottait les yeux de fatigue, comme chaque soir il allait se coucher tôt pour bosser toute la journée demain, tout le monde faisait sa part sans trop rechigner mais lui faisait du zèle. Après tout il n’avait fait que ça et il ne savait pas faire grand-chose d’autre. Il n’y avait pas de bar pour jouer aux cartes avec des copains après le boulot donc il contemplait la nature, ce n’était pas l’activité la plus fun. Il aurait tué pour une bonne bière bien fraîche. Enfin, façons de parler. Sa cigarette en bouche il avait décidé de prendre la direction de la cuisine à la recherche de quelque chose à boire. C’était une pièce composé d’une agglomération hétéroclite de meubles. Au centre trônait impérieusement une grosse gazinière en fonte, le genre énorme poêle à bois.

A peine debout il repérait une odeur. Une odeur particulière, différente des plats habituels. Il y avait une odeur de volaille, d’oignons, de maïs et de pommes de terre. Mais pas le genre de saloperies que cuisinent les gens du nord. Bref, ça ne sentait pas local. Intrigué Raoul avec la cigarette au bec avait passé la tête de la porte de la cuisine, qui était donc ce sauveur du genre humain qui avait décidé de sortir de l’abîme anglo-saxon pour apporter la civilisation culinaire aux Yankees ? Teresa ! Forcément. Il faisait son plus beau sourire. El Ajiaco Cubano, évidemment, un bon petit plat cubain qu’on trouve aussi en Colombie sous forme de soupe. Une sorte de classique de la cuisine d’Amérique latine. Raoul inspirait sur sa cigarette avant de passer la porte entièrement, toujours un grand sourire aux lèvres. Il allait lancer la discussion en espagnol, Teresa était l’une des premières personnes avec qui il avait discuté lors de son arrivé au camp, elle lui avait fait faire un tour du Fort, c’était une cubaine d’à peu près son âge. Raoul n’avait croisé des cubains qu’une fois, en Floride, alors qu’il travaillait dans une orangerie, les patrons étaient des cubains qui avaient fui la révolution. Ils payaient mal et étaient méprisant, comme si le fait d’être du côté des gringos les rendait supérieurs.

« Hola Teresa ! Qu’est-ce que tu nous prépare de bon ? Je suis sûr que c’est de l’Ajiaco, où est ce que tu as trouvé tous les ingrédients ? T’as carrément tué un pigeon pour te rappeler la cuisine du pays ? Merde alors faut que tu me laisse goûter maintenant je ne peux pas faire autrement ! »

Raoul parlait avec un fort accent mexicain, contrairement à Teresa qui avait un accent cubain, plus chantant et plus espagnol. Il essayait tant bien que mal de tremper son doigt quitte à se brûler dans le plat. Ce soir c’était officiellement la fête pour lui. En trempant son doigt il manquait presque de faire tomber sa cigarette dans la casserole. Il n’avait pas encore vu Teresa aux cuisines et si chacun devait évidemment faire sa part du travail communautaire il restait étonné de la voir préparer un bon petit plat. Elle était du genre un peu hyperactif pour Raoul, elle travaillait bien mais il la voyait mal derrière un fourneau.  Ce n’était vraiment pas le genre à faire à manger pour tout le monde. Il levait les yeux vers elle pour essayer de chercher son regard.

« Et sinon tu vas bien ? »
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Re: Como en casa

Sam 1 Aoû 2020 - 23:39

Depuis quelques temps, les journées étaient aussi longues que les nuits étaient courtes pour Teresa. Quand elle n'allait pas de mission en mission, entre le No Man's Land et la Marina, elle sortait nettoyer les rôdeurs, cueillir des plantes, chercher du matériel.
Tout ça sans compter ses activités de couturière qu'elle mettait au service de tous dans le camp, ses entraînements matinaux -qui s'étaient de fait rendus plus rares-, et les quelques moments qu'elle s'accordait avec ses proches.

Raoul ne croyait pas si bien dire de la trouver hyperactive, en somme. D'aucun l'aurait même dit un brin suicidaire sur les bords, à aller se frotter aux morts-vivants tous les quatre matins. Mais c'était pourtant comme ça qu'elle se sentait vivante, encore vivante... C'était venu petit à petit avec sa "guérison", quand son corps avait repris vie aux bons soins de Lisandro. Plus elle avait pu en faire, plus elle en avait fait.
Et il était bien heureux qu'Elrik soit moins attentif ces derniers temps, parce qu'il lui aurait certainement pété une gueulante en voyant les cernes qu'elle se trimbalait sous les yeux.

Quoi qu'il en soit, ce soir-là comme très -trop- souvent, le sommeil se faisait capricieux, et plutôt que de déranger ses colocataires de chambre, elle était partie se trouver un truc à grignoter à la cuisine. Le repas avait été fait pour tous comme toujours, et il y avait des restes. Mais en fouillant dans la réserve, la cubaine mit la main sur quelques ingrédients de saison cultivés ici, ou troqués pour certains récemment. Et quitte à occuper sa nuit, elle se mit aux fourneaux, préparant une petite gamelle de ce plat qui avait bercé son enfance. Il n'y avait pas de quoi nourrir tout le monde, bien loin de là : Le but était de ponctionner le moins de vivres possibles pour ne pas cuisiner au détriment de la communauté entière.
Un petit transistor relié à un lecteur CD grésillait un album de musique cubaine, un best-of du Buena Vista Social Club sur lequel la brune se déhanchait en chantonnant, face à sa casserole.

Tesa mit quelques secondes à repérer Raoul quand il entra, et elle lui rendit un large sourire avant de lui répondre naturellement en espagnol, elle aussi.

- Raoul ! Encore debout ?

Le mexicain était du genre à faire des heures supp aux champs et à se coucher tôt, de ce qui lui semblait, aussi le trouver là était une bonne surprise pour la couturière. Leurs origines respectives les avaient facilement et rapidement rapprochés à l'arrivé du trentenaire, et la sociabilité exacerbée de Teresa avait fait le reste.
Elle éclata de rire à l'approche de l'homme.

- Bien vu, c'est de l'Ajiaco Cubano. T'as du nez ! On a eu des produits frais du No Man's Land récemment, et les récoltes ont été bonnes. J'ai pas eu besoin d'aller à la chasse au pigeon ! Elle rit à nouveau en précisant : Si tu devais attendre sur moi pour manger du gibier, tu serais mal barré. Je sais pas tirer.

Elle le bouscula sans quitter son sourire ni sa bonne humeur quand il vint plonger ses gros doigts dans le plat, son épaule pressée à la sienne pour tenter de le repousser. Attends au moins que ce soit cuit, cabrón ! J'en ai fait trop pour moi seule de toute manière. Sa cuillère replongea dans la gamelle pour remuer doucement, avant qu'elle ne relève ses onyx vers le survivant.

- Toujours.. J'vais toujours bien. Juste le sommeil qui se montre toujours aussi capricieux, lui. Et toi ? Raconte-moi, tu t'es fait quelques connaissances ?



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Re: Como en casa

Lun 3 Aoû 2020 - 0:46

Raoul s’asseyait sur une des chaises en bois de la cuisine, croisant les jambes il fumait sa cigarette en regardant Teresa. Il tout en la fixant il cherchait du coin de l’œil si elle n’avait pas eu l’idée de sortir une bouteille d’alcool quelconque. Raoul ne cuisinait que très rarement et lorsqu’il le faisait, avant, il gardait toujours de l’alcool fort à portée de main. Il avait toujours trouvé cette occupation ennuyante et c’est seulement depuis les privations de l’apocalypse qu’il avait appris à apprécier l’art culinaire. Si déjà auparavant il n’avait jamais trouvé la cuisine des étatsuniens très pertinente, là il commençait réellement à ressentir un manque. Entre ce soleil absent, ces pluies diluviennes et la température toujours si basse Raoul finissait par avoir le mal du pays. Peut-être aussi un manque par rapport à la sécurité de l’enfance ? En tout cas, ce soir, ou il était particulièrement nostalgique, pouvoir parler espagnol et la perspective d’un bon repas cubain lui réchauffait le cœur. Alors, ce qui n’arrivait que très rarement, voir presque plus avait fini par arriver, fatalement, Raoul avait décoché un sourire. Ses grandes dents blanches dénotant sur son visage usé et sa barbe noire.

« Ouais ce soir je profite un peu. J’en ai un peu marre de bosser sans m’arrêter. C’est mon week-end ce soir. Je sais même plus quel jour on est. »

Raoul avait lancé ça avec un petit rire mélangé d’un soupir. Il était épuisé. La nostalgie était seulement le symptôme de la fatigue. Il finissait sa cigarette en l’écrasant sur le talon d’une de ses bottines.

« Si tu le veux, une fois j’pourrais t’apprendre à tirer. C’est quand même vachement utile et c’est simple comme tout. Enfin j’dis ça comme ça, hein. »

Il se frottait les cheveux, se décoiffant. Raoul se relevait pour régler le volume de la musique ambiante un peu plus fort. C’était de la bonne musique. Le genre de truc dansant et détendu que les cubains savent faire. Il commençait à déhancher un petit peu tout en passant la main sur quelques étagères en tapotant des doigts.

« Tu ne saurais pas si, par hasard, y’a pas une p’tite bouteille qui traîne dans l’coin ? Histoire de m’humidifier l’estomac avant que j’me jette sur ton Ajiaco ? »

Il ne répondait pas tout de suite à la question de Teresa. Préférant regarder les étagères remplies d’herbes, de conserves et d’ingrédients en tout genre rangés très soigneusement. La cuisine dans ce monde d’après, c’était un peu l’élément centrale d’une communauté. Et si Raoul le savait pertinemment, les gringos ont généralement une mauvaise opinion de l’alcool, c’est un truc de fêtards, d’alcooliques pour eux. Et qui en pleine apocalypse à part des individus peu recommandables où désespérés pouvait bien se mettre à la recherche d’alcool ?

« Ça va, merci. J’ai pas encore rencontré tout le monde. J’ai parlé avec deux ou trois personnes. C’est bien ce que vous avez tous fait ici. »

Il le pensait. Il ne se montrait pas spécialement solidaire mais travailler à aider la communauté, c’était pour lui le summum de la gratitude. Il n’était pas du genre à aller voir les gens à un par un pour les remercier puis donner des cours aux gosses pour se faire mousser. Il donnait tout son temps à la réalisation des projets de la communauté. C’était suffisant pour lui actuellement. Il agissait. Il n’avait pas vraiment besoin d’ami, juste de permettre la réalisation du bien commun. Sauf ce soir, il avait bien envie d’avoir un pote. Une pote en l’occurrence. Teresa était toujours souriante avec tout le monde. Toujours vivante. Puis elle était cubaine. Elle venait de la même civilisation que lui. Le genre de fille qui quitte le pays pour venir récurer les chiottes des gringos comme lui. Et ça il le comprenait et le respectais.
Raoul répétait quelques paroles de « Chan Chan » à tue-tête et fredonnait en souriant. Il finissait à nouveau à côté de Teresa laissait son regard dérivé vers la marmite, comme aspiré par le tourbillon de la cuillère.

« C’est un peu con mais ce soir j’crois que j’ai le mal du pays. Ça t’arrive toi ? De regretter ton île ? » Il rajoutait d’un air moqueur en pouffant « Et ton président-libertador ? »
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Re: Como en casa

Lun 3 Aoû 2020 - 15:43

Continuant à se dandiner devant sa gamelle, la cubaine oscillait entre la surveillance de sa cuisson et son compagnon de cuisine nocturne, sourire aux lèvres.
Le camp des Haven était un véritable melting-pot de cultures, d'origines, de connaissances et de croyances. Les américains "classiques" y étaient certainement les plus nombreux, de fait. Mais on trouvait de nombreux européens, qu'ils soient hispaniques ou de type "vikings". Des natifs, des afro-américains. Des latinos d'Amérique du Sud. Et même quelques asiatiques. Chacun apportait ici et là sa patte, ses habitudes, son expertise et au final on se trouvait bien loin de ce qu'on pouvait trouver avant l'invasion, avec cette prédominance blanche et bien-pensante.
D'autant que pour beaucoup, l'alcool était devenu un exutoire, une manière d'adoucir les souvenirs, les douleurs physiques et morales, les remords, les regrets. Sans dire que tous les survivants s'étaient mués en alcooliques, il faut bien avouer que les bouteilles n'étaient pas rares. L'alcool 'post-apo' était souvent rude et fort, dénotant avec ceux qu'on buvait comme de l'eau avant tout ça.

Quoi qu'il en soit et s'il n'avait pas encore perdu ses appréhensions à ce sujet, Raoul semblait apprécier d'être là ce soir-là, et Tesa nota qu'elle l'avait même rarement vu si souriant. On est lundi, t'as presque bon pour le weekend ! Personne t'oblige à te tuer à la tâche, tu sais, hein ? La brune esquissa quelques pas de danse sur place, sa cuillère à la main, avant de poser plus longuement les yeux sur Raoul. Dani', que t'as pas dû connaître, devait m'apprendre à tirer à l'arc mais ça s'est jamais fait. Du coup j'dis pas non. Ça finit toujours par servir.

Le latino se releva, venant observer les étagères quelques instants avant de finalement demander clairement ce qu'il cherchait. Teresa ricana doucement et lui passa devant le nez pour attraper une bouteille entamée, qu'elle lui mit entre les mains. Vas-y tout doux, c'est pas de l'alcool de fainéant... Ça tenait même plus de l'alcool de pâtisserie qu'autre chose.
La couturière buvait peu. Du moins... maintenant, elle buvait peu. Avait été une période sombre où elle s'y était noyée, alcool, drogues en tout genre... Bref tout ce qu'elle pouvait trouver pour se foutre en l'air. Puis Lisandro l'avait trouvée et ramenée ici, soignant son corps comme son âme. Fort Nisqually était tout ce qu'elle avait.

- Ça fait pas si longtemps que j'suis là. Un an, à peu près. Et depuis mon arrivée y'a eu déjà tellement de changements ici.. Et Tu y participes, aujourd'hui. Elle insista sur ses derniers mots. Certes il pouvait volontairement se mettre à l'écart, il n'était pas le seul habitant peu sociable du camp, mais il était en droit de se considérer comme membre à part entière de leur communauté.
Sa voix se joignit à celle du marin pour chantonner quelques instants, avant de lui répondre.

- J'peux comprendre.. ça nous arrive tous, j'pense. J'ai quitté Cuba y'a plus de treize ans, j'avais tout juste dix-huit piges. J'y suis jamais retournée. Parfois si, ça me manque... Mais j'étais pas libre d'être moi-même là-bas, alors c'est un regret en demi-teinte, tu vois ? Elle le bouscula  d'un coup de hanche avant de rire. Tu veux vraiment qu'on parle politique d'Amérique du Sud ce soir ? Attends au moins qu'on soit bourrés !

Une nouvelle chanson entama, et la latina posa un couvercle sur la gamelle, venant attraper la main de Raoul dans la sienne, sa seconde paume prenant place sur son épaule pour entamer quelques pas de danse contre lui. Si ses mouvements étaient assurés et langoureux, son regard lui n'était que rieur, sans qu'elle cherche à le charmer. Elle ne vint d'ailleurs pas se coller à lui, laissant quelques centimètres entre leurs corps qu'il pourrait combler s'il le souhaitait, mais qu'elle ne lui imposait pas.
Elle laissa la conversation en suspend pour le moment, faisant parler les gestes plutôt que les mots, pour une fois.



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Re: Como en casa

Mer 5 Aoû 2020 - 1:47

Raoul avait attrapé la bouteille avec joie, c’était une bouteille en verre simple sans étiquettes. Il savait que de l’alcool tournait, notamment grâce aux commerces avec d’autres communautés. Raoul se demandait quelle genre de communauté avait bien le temps où les bras pour faire de l’alcool. A moins que certains ne vivaient que de ça ? C’était bon signe, le retour du commerce, première activité humaine. Il reluquait avec envie le liquide transparent à l’intérieur, il n’inspirait pas confiance mais ça ferait parfaitement l’affaire. Raoul avait au cours de ses petits boulots dans des fermes pu goûter à toutes sortes d’alcools artisanaux y compris les plus douteux, le genre qui rendent aveugle une fois sur deux, le genre à percer directement le foie et de faire une descente vers les intestins sans prévenir. Raoul attrapait un verre un peu sale dans lequel il versait un fond de la substance transparente. Il portait son nez au-dessus du verre et en d’un geste de recul accompagné d’une expression hasardeuse qui laissait paraître une impression peu enjouée. C’était très fort visiblement et très mauvais. Exactement ce qu’il lui fallait. Raoul prenait le temps de servir aussi un verre à Teresa qui, elle aussi, se laissait un peu emportée par les rythmes cubains.

Raoul écoutait la cubaine tout en sirotant son verre, n’oubliant pas de plisser les yeux, presque de douleur, à chaque gorgée. Au bout d’un instant il sorti un sachet d’une des poches de son jean, c’était le contenant de ses « cigarettes » faites maison. Il en tendait une à Teresa, on ne sait jamais, il avait oublié de lui en proposer une. D’habitude il les gardait pour lui et gare à ceux qui les regardaient jalousement. La conversation avait néanmoins fini par le rattraper.

« Ouais je comprends. J’pense que si on est là tous les deux c’est qu’on n’a pas été trop heureux au pays. Mais bon, maintenant que le monde… Enfin voilà quoi. Bah, je d’mande si finalement, c’est peut-être pas mieux là-bas. Ou pire. En fait j’me dis que les raisons pour lesquelles je suis venu ici, elles existent plus. A certains moments, j’me demande c’que j’fou à des milliers de kilomètre de là ou j’suis né. Pourtant je n’ai pas d’famille que j’pourrais espérer revoir un jour, j’suis orphelin. C’est juste, ça reste chez moi quoi. Enfin j’crois. J’suis parti tellement longtemps que j’me demande si c’est encore chez moi… »

Raoul divaguait en oubliant son verre, il en venait presque à marmonner seul dans sa barbe lorsqu’une musique succédant à une autre, Teresa avait attrapé sa main sans le prévenir pour le faire danser. Elle avait le regard joyeux, elle riait. Et Raoul trouvait ça très drôle aussi, il se laissait porter par sa cavalière tout en gardant une sorte de petite distance de sécurité. Un reste d’éducation catholique l’avait toujours retenu d’être très entreprenant, on lui avait sacralisé le rôle de la femme dès l’enfance.  Il avait aussi appris que la chasteté et la préservation était importante et il y croyait encore. Les filles qu’il avait connu étaient des passades d’une nuit ou deux. Il n’avait jamais eu à vivre avec. Malgré son âge l’engagement restait encore une de ses dernières craintes il s’imaginait mal avoir des relations d’un soir dans un monde comme ce qu’il était désormais. Et puis il était persuadé que Teresa était lesbienne. Ou bisexuelle ? Il ne savait pas, à vrai dire pour lui c’était plus ou moins la même chose. Dans la plupart des boulots qu’il avait faits il était resté avec des sud-américains ou des ouvriers blancs plutôt conservateurs. Pour lui tout ce qui se rapportait à des rapports du même sexe étaient des sortes de mystères réservés à la jet set, aux brésiliens et aux européens. Bref il avait des opinions très arrêté sur le sujet et par un mélange de pudeur et de crainte n’osait pas trop se rapprocher de Teresa.

Après quelques pas le temps d’une chanson sur laquelle il avait fait tourner Teresa tel un véritable danseur professionnel argentin, Raoul un peu reculé pour reprendre son verre en main tout en continuant à se déhancher. Il fixait Teresa dans les yeux et gardait toujours un grand sourire et un regard pétillant d’amusement. Il avalait une grande gorgée qui finissait de creuser sa faim. Pris soudain par le vide dans son ventre Raoul avait jeté un regard très intéressé sur le plat qui finissait de cuir et don l’odeur lui torturait d’envie les papilles. Le temps de faire encore quelques pas de danse en solo et il se rapprochait de Teresa, un peu enivré, du moins assez lui faire pousser une paire de corones et faire disparaître les restes de morales de chrétiennes qui traînait dans son esprit habituellement torturé. Il prenait la cubaine par la taille pour la faire virevolter le temps que la chanson prenne fin pour enfin lui glisser à l’oreille

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Re: Como en casa

Jeu 6 Aoû 2020 - 17:24

Tesa surveilla du coin de l'oeil Raoul qui se servait un verre, mine de rien, et ne put retenir un rire étouffé en voyant son mouvement de recul. Ok, peut-être qu'elle ne lui avait pas donné le meilleur alcool de la cuisine... Elle pourrait prétexter qu'elle l'a pris au pif mais à vrai dire, c'était surtout une façon de tester le brun et de s'en amuser un peu. Gentiment, malgré tout.
Elle-même en avait usé et abusé durant cette sombre période de sa vie précédent son arrivée parmi The Haven, aussi le supportait-elle sans grand mal, bien qu'elle ait une nette préférence pour les boissons plus douces. Elle récupéra le verre tendu par le mexicain, et sirota doucement. L'important était de ne pas le laisser trop longtemps en contact avec la langue ou les muqueuses, le faire tourner un instant dans la bouche avant de l'avaler.

La cubaine refusa la cigarette proposée d'un petit signe de tête, peu encline à fumer ce soir-là. Leur boisson allait déjà leur anesthésier la moitié des papilles, si elle fumait en plus elle n'allait rien sentir de son repas !
Leur danse mit un terme temporaire à leur discussion, la brune s'amusant de la retenue de Raoul la concernant. Elle avait toujours été tactile et à l'aise avec les gens, mais elle savait respecter leurs réticentes s'il le fallait. Depuis l'enfance elle avait dansé, et avait aimé ça. La musique faisait partie de sa culture et de sa vie, et danser était une façon comme une autre de s'exprimer.
Raoul devait bien savoir qu'elle était bisexuelle, ou s'en douter puisqu'elle ne s'en cachait pas. C'était une part d'elle qu'elle avait déjà trop dû réprimer et refouler. Plus rien aujourd'hui ne l'y obligeait. Et rien ni personne ne pourrait l'empêcher d'être ce qu'elle était.

Elle eut le plaisir de constater que Raoul avait hérité du gène musical des latinos - ou, pour faire moins cliché, qu'il avait appris à danser d'une manière ou d'une autre-, et profita du moment partagé avec lui en toute simplicité, sans aller chercher plus loin.
Quand finalement la faim prit le dessus et qu'il s'intéressa à nouveau au plat sur le feu, Tesa virevolta une dernière fois et hocha dans un rire, retirant le couvercle de la casserole.

- Je pense aussi, oui ! J'arrête de te torturer, à table. Prends les couverts, juste dans le meuble là ! J'amène les assiettes.

La couturière reprit son souffle doucement, récupérant assiettes et plat qu'elle posa sur une table. Malgré ses entraînements réguliers, elle manquait encore d'endurance à l'effort, rapidement essoufflée.
Elle prit place et servit deux belles parts d'Ajiaco, après avoir légèrement rebaissé le son de la musique.

- T'as dit.. que t'étais orphelin, c'est ça ? Il s'est passé quoi ? Et comment t'as atterri aux USA ?

Son regard oscilla un instant entre son repas et le mexicain, avant de commencer à manger tranquillement, non sans une petite moue fière. Son plat était réussi. Presque aussi bien que celui de sa mère à l'époque.



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Re: Como en casa

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