I'm only human
Mar 4 Aoû 2020 - 17:00
Reinhart
Prénom(s) : Heather, Swann (utilisé souvent par ses proches)
Âge : 36 ans
Date de naissance : 09 septembre 1983
Lieu de naissance : Lima, Ohio
Nationalité : Américaine
Groupe : The Haven
Ancien métier : Manager dans un hôtel de luxe
Célébrité : Chyler Leigh
Secrète
Maladroite
Sensible
Mélancolique
Organisée
Attentive
Prévenante
Franche
Je me souviens de cette époque lointaine où j'étais du genre à avoir toujours le sourire aux lèvres, à aimer me lever le matin parce que je savais que la journée allait être belle. Forcément, les choses changent. J'avais déjà perdu une partie de ma joie de vivre quand j'étais adolescente, en assistant à un événement des plus traumatisants, mais forcément c'est devenu pire avec le temps. Et la fin du monde n'a rien arrangé, bien entendu. Enfin, quand il faut y aller, il faut y aller.
Je pense que l'une des choses que l'on dit le plus souvent de moi c'est que je suis une femme très douce. Peut-être des restes d'instinct maternel ou bien simplement que je suis comme ça depuis toujours. C'est vrai que je ne suis pas du genre à me montrer désagréable ou méchante gratuitement, et que je ne fais pas non plus vraiment de vagues. Mon travail a fait qu'il fallait que je sois quelqu'un d'organisé et ça a toujours été mon fort. Disons que j'ai un petit côté presque maniaque qui me force à toujours vouloir que les choses que l'on peut planifier le soient. Histoire de savoir à quoi m'attendre. J'aime pas trop l'imprévu, même si de toute évidence c'est certainement la chose avec laquelle on doit le plus vivre depuis toujours. Attentive et prévenante, j'attache toujours beaucoup d'importance aux autres. Je pars du principe qu'au même titre qu'on ne fait pas aux autres ce qu'on n'aimerai pas qu'on nous fasse, il faut savoir traiter les autres de la manière dont on aimerait l'être. Encore une autre chose d'ailleurs, tant qu'on est dans ce qui est relativement bien dans mon caractère. Je suis extrêmement franche. Garder en tête ce que je peux penser des autres ou de ce qu'ils font, c'est pas pour moi. S'il faut dire les choses, je n'y vais pas forcément par quatre chemins. Les hypocrites, je déteste ça. Et j'ai beaucoup de mal à comprendre comment ces gens font pour faire semblant d'aimer quelqu'un. Moi, ça se voit quand j'aime mais aussi quand je déteste. Je ne sais pas jouer la comédie.
Mais comme tout le monde, j'ai pas que du positif. Loin de là même. J'ai toujours été un peu protectrice envers ceux que je pouvais aimer. Sauf qu'au moment même où je suis devenue maman, ça s'est accentué. Et le jour où j'ai fini par perdre une à une toutes les personnes qui m'étaient chères, cette « qualité » est devenue un vrai défaut. Je suis surprotectrice au sens où je suis pire qu'une mère poule. J'ai si peur qu'il arrive encore malheur à ceux que je peux apprécier que je serais capable de les enrouler dans du papier bulle pour être sûre qu'ils ne se fassent pas mal. Et le pire dans tout ça, c'est que je suis extrêmement maladroite. Vous voyez cette personne qui va toujours réussir à faire tomber quelque chose ? A dire ce qu'il ne faut pas au pire moment, à se cogner à tout ce qui peut passer à portée, à se prendre les pieds dans un truc invisible ? C'est moi. C'est tout à fait moi, en fait. La perte relativement « récurrente » de mes proches au fil des années m'a rendue mélancolique. Il m'arrive bien souvent de me perdre dans mes souvenirs, de repenser à comment c'était avant. Comme si une part de moi était encore piégée dans le passé. Certainement parce qu'à une certaine époque, je n'avais pas à vivre avec la douleur de la mort de quatre personnes que j'aimais plus que tout. Oui, c'est sûrement ça. Et puis, je suis sensible aussi. Je suis bien loin de ceux qui arrivent à ne jamais montrer ce qu'ils ressentent ou ont l'air d'être aussi touchés par une situation qu'un rocher. Il n'est pas très difficile de me faire du mal, comme il est simple de me faire plaisir. Je prends beaucoup de chose à cœur, ça a toujours été le cas. Par contre, quelque chose qui me suit depuis toujours : je suis assez secrète. Déjà, ce n'est pas une surprise, quand on sait combien de temps j'ai menti sur mon orientation – au point d'avoir été mariée – et que j'ai été capable de tromper mon mari pendant des années avec sa propre sœur. Et puis quand quelque chose ne va pas, même si ça se voit comme le nez au milieu de la figure, je ne parle presque jamais. Ce n'est pas mon truc. Et il faut vraiment me tirer les vers du nez pour avoir le fin mot de l'histoire.
Je n'ai rien de bien spécial, physiquement parlant. Des cheveux châtains coupés au carré un peu au dessous de ma mâchoire, des yeux bruns si sombre qu'ils peuvent paraître noirs en fonction de la luminosité. Je ne suis pas spécialement grande mais pas si petite non plus, du haut de mon mètre soixante-neuf. Pas extrêmement maigre, bien que forcément la vie ne soit plus la même qu'avant et ne permette pas vraiment d'être en surcharge pondérale, je pèse aux alentours des cinquante-deux kilos. Malgré tout, presque trente ans de gymnastique ça se voit même après avoir été obligée par la fin du monde d'arrêter ce genre de loisirs. Alors je pense qu'on peut dire que niveau muscles, j'ai pas besoin de rougir. Et niveau souplesse non plus d'ailleurs. Au contraire. Je suis assez contente d'avoir gardé ça d'ailleurs. C'est pas toujours utile, mais d'un autre côté ça peut sortir de situations sacrément embêtantes parfois.
J'ai une cicatrice au niveau du coude gauche, suite à une opération quand j'étais adolescente. Une blessure au niveau des ligaments, qui m'a d'ailleurs arraché le rêve d'un jour pouvoir faire de ma passion mon métier. Ce sont des choses qui arrivent, comme on dit. J'ai aussi une cicatrice au niveau du dos, résultat d'une balle qui m'a frôlée un jour alors que je prenais la fuite pour éviter d'être mêlée à un combat qui me semblait perdu d'avance. J'ai aussi la cicatrice d'une césarienne, celle de mon second accouchement. Je n'ai aucun piercing et n'ai qu'un seul tatouage. La date de naissance de chacune de mes filles, sur ma cheville gauche.
Niveau armement je dois dire que je n'ai pas grand chose. Mon couteau de chasse et la matraque télescopique que j'avais récupéré en prenant la fuite du campement où j'étais avec ma famille au début de tout ça. Je ne sais pas vraiment me servir d'une arme à feu, même si j'ai appris au fil des années. C'est loin d'être mon domaine de prédilection. Sinon, à part ça, je garde toujours sur moi un pendentif qui s'ouvre et contient sur chaque côté une photo de mes filles le jour de leur naissance.
1983 – Lima, Ohio
Je ne suis pas certaine qu'il y ait grand chose d'intéressant à raconter à propos de ma naissance ou de mon enfance, mais je vais le faire quand même, ne serait-ce qu'histoire que tout le monde comprenne qui je suis et d'où je viens. Je m'appelle Heather, je suis née le 9 septembre 1983, mais mes amis et ma famille m'appellent Swann. C'est mon deuxième prénom. Je sais, c'est à se demander pourquoi est-ce qu'ils m'ont donné celui là qu'en second vu qu'ils l'utilisent tout le temps. En fait je pense que c'est pour que je me sente vraiment menacée quand ils commencent leur phrase par « Heather Swann Johnson ». Là, c'est le genre de moments où je sais qu'il vaut mieux que je disparaisse. Il arrive à tous les enfants de faire des bêtises après tout, non ? En tout cas, j'étais loin d'être du genre enfant turbulente. Ma petite sœur par contre... J'avais trois ans quand elle est née. Alison. Comment dire... Elle avait vraiment une gueule d'ange. Mais c'est l'exacte raison pour laquelle elle l'était vraiment pas. Et puis il faut bien l'avouer. Elle avait beau être une peste, je l'aimais plus que tout. De toute façon, ce n'était pas comme si je risquais d'être lésée sous prétexte qu'elle était arrivée. Disons que nos parents étaient... relativement aisés financièrement parlant. Même très aisés. Mon père était directeur du lycée de la ville et ma mère PDG de sa propre boîte qui était carrément implantée jusqu'en Europe. Alors forcément, on manquait de rien.
Si en grandissant ma cadette était plus du genre à faire les quatre-cents coups qu'à s'appliquer sur sa scolarité, de mon côté j'avais des résultats plus que satisfaisants. Je faisais toujours partie du trio de tête au niveau du classement des meilleurs élèves de la classe et il faut avouer que j'en étais pas peu fière. A côté de ça, j'avais quelques amis mais je passais le plus clair de mon temps à faire de la gymnastique. J'ai commencé à l'âge de cinq ans et je me suis rapidement découvert une passion pour ça. A vouloir même progresser encore et encore, avec pour rêve de participer un jour aux jeux olympiques.
1999 – Lima, Ohio
Je pense que je me souviendrai toujours de ce jour là. J'avais seize ans et mon permis en poche depuis un ou deux mois à peine. Alison en avait treize et en fait pour être sûre qu'elle risquait pas de se fourrer dans je ne sais trop quelles histoires, nos parents m'avaient demandé de la récupérer tous les soirs à la sortie de l'école. L'avantage, c'est que contrairement à eux, moi elle acceptait de me rejoindre et qu'on rentre ensemble. Parce qu'on était vraiment proches, ma cadette et moi. Et ce soir là, comme souvent, on avait dû se garer un peu plus loin parce que nos parents avaient invité du monde et il n'y avait plus de place devant la maison. L'hiver approchait à grands pas, alors la nuit était déjà quasiment tombée à ce moment là. C'est là, en fait, que tout a basculé. Sortant de ma voiture pour rejoindre ma sœur à l'extérieur, j'ai juste eu le temps de voir des phares arriver à toute vitesse. Des phares que Alison n'avait pas vu. Tout ce que j'ai pu faire pendant ce court laps de temps c'est crier à ma cadette de faire attention. Sauf que c'était trop tard.
Le mois qui a suivi, je n'ai pas posé un pied à l'école. Je n'arrivais plus à dormir, suivait mes cours à domicile grâce à un professeur particulier engagé par mes parents. Mais surtout, j'ai été obligée de suivre des séances avec un psychologue. Pourtant, chaque fois que je fermais les yeux, que j'essayais de me reposer, je ne pouvais que y penser. Le bruit des pneus qui crissent sur le bitume. Le choc du corps de ma petite sœur sur le capot du véhicule. Le pare-brise qui se fissure sous l'impact. Les os qui se brisent sous la violence de la collision. Le sang qui se répand autour d'elle. J'avais vu ma cadette mourir sous mes yeux, sans pouvoir rien y faire.
Après ce long mois à rester enfermée, j'ai fini par reprendre le chemin de l'école parce qu'il fallait bien le refaire un jour. Il fallait aussi que je reprenne les entraînements de gym, parce que je n'avais toujours pas abandonné cet espoir de pouvoir peut-être accéder aux jeux olympiques un jour. Mais le traumatisme était encore bien présent. Trop présent certainement. Il ne s'effacerait jamais, c'était certain. Mais il fallait que j'apprenne à vivre avec du mieux que je pouvais. C'est la raison pour laquelle j'ai continué d'être suivie par ce psychologue pendant plus d'un an et demi.
2001 – Las Vegas, Nevada
Jusqu'au bout, j'avais espéré accéder aux sélections qui étaient faites pour participer au championnat national de gym. Gagner cette compétition signifiait un accès direct aux jeux olympiques. Le problème, c'était que je m'étais blessée peu de temps avant la date des sélections. Une atteinte au niveau des ligaments du coude, qui a nécessité une opération. J'ai eu beau retrouver complètement mes capacités, une telle intervention signifiait forcément que les portes de ce sport à un niveau professionnel se refermaient devant mon nez.
Heureusement pour moi, j'avais assez la tête sur les épaules pour penser à une solution de repli, étant donné que les conditions pour accéder à un tel rêve étaient très strictes et les espoirs aussi minces que du fil de pêche. Il faut dire que mon second choix de carrière était... bien différent. Je voulais me lancer dans l'hôtellerie, mais surtout gérer tout ce qui peut se passer dans un hôtel. Devenir manager, être capable de mener la barque d'une main de fer mais dans un gant de velours comme on dit.
Je n'avais pas obtenu de bourse d'études malgré mes bons résultats scolaires et l'obtention de mon diplôme en ayant les meilleurs résultats de l'établissement, mais à vrai dire vu les revenus de mes parents cela ne posait pas de réel problème. De fait, j'ai été acceptée au Harrah Hotel College de Las Vegas. L'une des meilleures universités d'hôtellerie du pays. J'avais décidé de suivre un double cursus. Un pour l'administration hôtelière, l'autre pour le management. Mais condensés sur trois ans. Pour ceux que ça intéresse, le nom complet c'est « Master of Science in Management Information System » et « Master of Science in Hotel Administration ».
Comme chaque personne entrant en première année, je me suis vu attribuer un tuteur de deuxième ou de dernière année. Pour ma part, ça a été un mec de quatre ans de plus que moi, qui était en dernière année. Sven, un suisse qui était venu faire ses études ici. Il était vraiment gentil, très patient, disponible quand j'avais besoin de lui. On s'entendait très bien. Peut-être même trop ?
2006 – Las Vegas, Nevada
J'ai déjà entendu des gens dire que Las Vegas est la ville de tous les possibles. Je m'étais jamais vraiment dit que c'était le cas, jusqu'à ce jour là. J'avais eu mon diplôme à 21 ans, en partie grâce à l'aide de Sven qui lui l'avait déjà obtenu deux ans auparavant mais n'avait pas arrêté de m'aider. Peut-être un peu parce qu'on s'était mis à sortir ensemble... Sûrement à cause de ça d'ailleurs. Suite à l'obtention de mon master, j'ai été engagée assez rapidement dans l'un de prestigieux hôtels où j'avais déjà pu faire un stage au cours de mes études.
En fait, tout se passait vraiment bien. Et un soir, en me faisant croire qu'il s'arrêtait simplement pour refaire son lacet puis qu'il avait fait tomber ses clés dans une bouche d'égouts, cet idiot de Sven avait relevé la tête vers moi en gardant un genou à terre et en me demandant si je voulais l'épouser. J'y ai pas cru sur le coup. Il était du genre à faire des blagues comme ça juste pour voir ma réaction avant de reprendre sa route comme si de rien n'était. Mais quand il a sorti la bague, là il fallait bien que je me rende à l'évidence. J'ai accepté.
Les choses allaient bien. Beaucoup trop pour que cela reste comme ça. Avec les préparatifs du mariage et mon enterrement de vie de jeune fille, je m'étais beaucoup rapprochée de ma future belle-sœur, Amanda. Elle était belle, elle avait le même âge que moi, on s'entendait extrêmement bien. Oui, c'est sûr, c'est une bonne chose en temps normal. Sauf... Sauf quand tu prends conscience quelques semaines avant ton mariage que tu es sacrément attirée par une femme. Plus que par ton futur mari. Je me disais que c'était simplement une question de stress. Que mon cerveau préférait se concentrer sur des idioties que sur le concret et l'engagement qui pointait le bout de son nez.
La ville de tous les possibles... Apparemment ça englobe le fait de trahir son mari quelques heures seulement avant la cérémonie en couchant avec quelqu'un d'autre. Et que ce quelqu'un d'autre soit ma demoiselle d'honneur... Amanda... La sœur de Sven. Ouais... J'ai fait ça. Et non, j'en étais pas fière. Loin de là même. Faut dire qu'elle l'était pas vraiment non plus. Mais j'aurais vraiment préféré ne pas me rendre compte que c'était pas qu'une lubie de mon cerveau. Disons que devoir faire en moins de trois heures le choix d'assumer qu'on est attirée par les femmes plus que par les hommes ou de se taire et de continuer sur le chemin qui s'était dessiné au fil du temps... C'est loin d'être l'idéal. Alors j'ai fait ce que la raison me dictait de faire. Garder ce secret, celui de mon orientation ainsi que ce qui s'était passé ce jour là. Ne plus jamais en parler, à personne. Et je suis entrée dans la chapelle en tenant mon bouquet, j'ai traversé l'allée et ai prononcé mes vœux. A la fin de cette journée, j'étais devenue Madame Heather Reinhart.
2009 – Seattle, Washington
Nous étions mariés depuis trois ans lorsque nous avons pris la décision de déménager pour Seattle. Chacun de nous avait reçu une proposition d'emploi intéressante et nous n'avions pas réellement de raison de refuser de quitter le Nevada pour partir dans l’État de Washington. Hormis peut-être la différence de climat entre ces deux régions du pays. Sven avait obtenu un poste dans un hôtel haut de gamme afin d'en devenir le codirecteur. De mon côté, on me proposait de devenir le manager du Grand Hyatt.
S'habituer à un nouveau rythme de vie n'avait pas été simple. On avait pourtant pas trop le choix en réalité. Nos emplois nous prenaient bien plus de temps, et les moments où on arrivait à se voir devenaient de plus en plus rare. En un sens, ça nous a permis d'apprécier davantage ces instants là. Presque, bizarrement, de nous rapprocher. Pauvre Sven. Ce n'était pas de sa faute s'il y avait constamment cette distance entre nous. C'était de la mienne et j'en avais parfaitement conscience. Parce que malgré les années, je n'avais pas oublié ce qu'il s'était passé le jour de notre mariage. De l'avoir rendu cocu avant même qu'il ne m'ait passé la bague au doigt. Et je n'ai pas eu le courage d'assumer ce que j'avais fait. Comment est-ce que j'aurais pu, de toute façon ? Ce n'était vraiment pas de cette manière là que j'avais envie de faire mon coming-out. Et je ne l'ai toujours pas fait. Je ne compte pas vraiment le faire. De toute façon, j'ai bien trop honte pour ça.
2011 – Seattle, Washington
J'ai toujours senti, au fond de moi, que je voulais devenir maman un jour. Peut-être que c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai continué de garder mon secret et je suis restée avec Sven. Pour avoir la chance un jour de connaître ça sans avoir à passer par des interventions médicales ou tout un protocole d'adoption. Et puis, pour quel résultat ? Que mon enfant finisse par se faire harceler parce que sa maman aime les femmes ? Non, c'est stupide.
Au milieu de l'année 2010, mon souhait a été exaucé. Je n'y croyais pas vraiment, parce que Sven n'arrêtait pas de dire qu'il n'était pas prêt, qu'on était encore jeunes pour parler de ça. Sauf que moi, j'avais de plus en plus l'impression de sentir mon horloge biologique tourner et mes chances de pouvoir enfanter un jour s'éloigner un peu plus chaque jour. De fait, nous n'essayions pas vraiment de faire en sorte que je tombe enceinte. Limiter les rapports sexuels n'était pas une véritable corvée pour moi de toute façon. Bien au contraire. Quoi qu'il en soit, c'est en allant faire une simple prise de sang de contrôle demandée par mon gynécologue que j'ai appris que j'étais enceinte.
Neuf mois plus tard, au début de l'année 2011, notre petite fille a vu le jour. Sincèrement, j'étais la femme la plus heureuse du monde. J'avais vingt-sept ans, j'allais sur mes vingt-huit, et j'étais devenue maman. Nous avions décidé de l'appeler Sally. C'était le deuxième prénom de ma sœur. Une sorte d'hommage pour elle. Parce que je ne doute pas un seul instant qu'elle aurait été la meilleure et la plus insupportable des tatas du monde. Du genre à être capable de tout donner pour sa nièce mais aussi à lui apprendre les pires idioties simplement pour me faire tourner en bourrique.
Malheureusement, il fallait bien qu'encore une fois il y ait une ombre au tableau. Après les test habituels faits sur tous les nouveaux-nés, les médecins nous ont annoncé que notre fille était malade. Sally était atteinte de la mucoviscidose.
2013 – Seattle, Washington
En apprenant la maladie de Sally, Amanda n'avait pas hésité avant de déménager pour se rapprocher de nous. Elle savait qu'avec nos métiers cela ne serait pas simple d'être capable de tout gérer et avait décidé de nous aider. Je ne vais pas mentir, sa présence était un véritable soulagement pour nous. D'un point de vue strictement personnel, c'était bien plus compliqué. Parce que chaque jour où mon regard se posait sur elle, je repensais à notre aventure quelques années en arrière. Et plus j'y pensais, plus il était dur pour moi de résister à l'envie de remettre encore une fois le couvert. D'ailleurs, ses provocations et ses appels du pied lorsqu'on était seules ne m'étaient vraiment pas d'une grande aide.
Le traitement de notre fille était coûteux et difficile à vivre aussi bien pour elle que pour nous tous. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Sven tenait tellement à ce qu'on ait un autre enfant. Peut-être parce qu'il avait l'impression d'avoir commis une erreur et que cette fois il arriverait à faire « mieux ». C'était ce qu'il me disait en tout cas. Que nous ferions « mieux ». Je ne pouvais pas refuser ses avances et encore moins les justifier. Si bien qu'à force de tenter, j'ai fini par retomber enceinte.
A l'été 2013, j'ai accouché d'une autre petite fille. Charlotte, en hommage à la grand-mère de Sven et Amanda. Peu de temps après sa naissance, mon cher mari s'est à nouveau pleinement concentré sur son travail. Comme s'il avait repli son objectif et pouvait à présent passer à autre chose. Ses déplacements se faisaient de plus en plus fréquents, d'autant plus lorsqu'il obtint le poste de directeur de l'hôtel dans lequel il travaillait depuis notre arrivée à Seattle.
Me laissant ainsi seule avec nos deux filles la plupart du temps. Enfin... Seule avec nos deux filles et Amanda...
2015 – Seattle, Washington
Les absences de Sven n'avaient vraiment pas aidé à me donner une raison de lui rester fidèle. Et avec elles, j'ai fini par arrêter de lutter. De toute manière, il n'était jamais là ou presque. Toujours en déplacement au travers du pays, parfois même à l'international. Il n'était pas rare que mon cher mari soit parti pendant plusieurs mois, se contentant d'appeler de temps à autres pour prendre des nouvelles de ses enfants lorsqu'il y pensait.
De mon côté, les choses se passaient plutôt bien. D'un point de vue professionnel, je parvenais à gérer d'une main de maître ce qu'exigeait mon poste au sein de l'hôtel. J'ai réussi à gagner quelques augmentations sur mon salaire, ce qui était toujours bon à prendre. Sally grandissait bien malgré sa pathologie et sa cadette, Charlotte, faisait de même. Sur le plan privé... Amanda et moi avions une véritable liaison. Elle était passée de belle-sœur à amante et aucune de nous deux risquait de s'en plaindre. Cela me faisait un bien fou de pouvoir enfin être moi-même, et ce même si je ne l'affichais pas au grand jour. J'étais toujours une femme mariée, une mère. Je ne pouvais pas me permettre de tout plaquer comme ça. Je ne m'en sentais pas capable de toute manière. Par chance, ça convenait à ma compagne. Vivre dans le secret, ça ajoutait selon elle une touche de piment dans la vie de couple et ça lui plaisait beaucoup. Tout le monde y trouvait son bonheur, en fin de compte.
Au mois d'août 2015, Sven était venu m'annoncer qu'il partait une nouvelle fois en déplacement. Il devait superviser l'ouverture d'un hôtel de sa chaîne en Chine. Il serait donc absent pour les six prochains mois. Peut-être que cela aurait dû me peiner, mais chaque fois qu'il me faisait part d'un nouveau déplacement, je ne pouvais m'empêcher d'en être pleinement ravie. Faire semblant d'être toujours amoureuse de lui – si tant est que je l'ai déjà été un jour – devenait chaque fois plus difficile. Prendre la peine de repousser ses avances en trouvant des excuses relativement crédibles lorsqu'il essayait de profiter d'un moment d'intimité tous les deux m'épuisait. J'étais tout simplement mieux sans lui.
Cependant, peu de temps après le départ de mon mari, les choses ont commencé à changer. Pas directement pour moi. En ville. Puis dans le pays. Au début ce n'était que quelques émeutes par-ci par-là auxquelles je ne prêtais pas trop attention. Des informations qui traînaient sur les réseaux sociaux et sur internet que je ne prenais pas la peine de lire ou de vérifier. Je me disais que ce n'était pas grand chose. Que tout allait revenir à la normale. Malheureusement, j'ai bien été obligée de me rendre à l'évidence le jour où l'armée a débarqué. Que la seule chose que l'on pouvait voir et entendre était le message diffusé en boucle nous informant que la situation était grave. Mais je crois que personne ne pouvait prévoir ce qui nous attendait.
Octobre 2015 – Seattle / Garfield Highschool :
A la fin du mois d'octobre, des hommes sont venus frapper à notre porte alors que nous avions décidé de faire ce qui nous était demandé et de rester barricadés chez nous. C'était des militaires. Il fallait que l'on soit évacuées vers un camp militarisé visant à accueillir et protéger les civils de la menace qui planait au dessus de nos têtes. Pour être franche, on n'a pas hésité un seul instant avec Amanda. Nous avons rassemblé nos affaires, pris ce qu'il fallait pour Sally et Charlotte, et nous les avons suivis. C'est ainsi que nous avons été amenées au lycée Garfield. Bien d'autres personnes se trouvaient déjà là et sont encore arrivées après nous. Il y avait un certain sentiment de sécurité dans cet endroit. Le fait de savoir que des militaires étaient là pour nous protéger.
Malgré cela, je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir peur. Pas pour moi, pas pour ma sécurité ou celle de ma famille. Pour la santé de mon aînée. Elle n'avait que quatre ans et demi, ne comprenait pas vraiment ce qui était en train de se passer, et souffrait d'une pathologie grave qui nécessitait un traitement relativement lourd et très régulier. Avec ces soucis d'électricité, cette panique palpable qui flottait dans les airs... J'avais peur que le pire puisse arriver.
Heureusement, il y avait également des médecins dans ce camp. Des gens qui étaient là pour prendre en charge les malades, potentiellement aussi les blessés s'il y en avait. De fait, les premiers temps en tout cas, ma fille était bien soignée.
De notre côté, avec Amanda, nous avons fait de notre mieux pour nous intégrer dans cet endroit. Il faut dire qu'on n'était pas forcément les plus à même d'aider à quoi que ce soit, mais on ne rechignait jamais à mettre la main à la pâte. Après tout, une professeure de danses latines et une manager en hôtellerie n'ont pas vraiment d'utilité précise comparativement à un médecin, un membre des forces de l'ordre, un militaire ou un scientifique. Il fallait pourtant bien que certaines personnes se chargent des tâches du quotidien, celles qui ne concernaient pas la sécurité des personnes vivant dans ce refuge mais plutôt leur « bien-être » au quotidien. Nettoyage des locaux, préparation des repas, etc. Certaines personnes devaient s'en charger. Alors s'il y avait besoin d'aide, nous étions toujours là. Ce n'était pas simple de s'acclimater à une telle chose. Mais avec un peu de chance, ce serait temporaire. En tout cas c'était ce qu'on nous disait. Qu'il fallait patienter.
Tout ce qu'il nous restait à faire, c'était nous adapter.
Avril 2016 – Seattle / Garfield Highschool :
On y avait cru jusqu'au bout. Que les choses allaient s'arranger, que tout était sous contrôle. Mais les semaines avaient fini par se transformer en mois. En saison. Alors que les militaires avaient promis de protéger les civils, ils avaient commencé pendant l'automne à sélectionner certaines personnes issues de métiers et de milieux bien différents pour les former à la défense et les faire intégrer les rangs de la sécurité. Cela ne signifiait rien de bon. Mais une part de moi essayait encore de garder espoir. Ce n'était peut-être pas une bonne idée. Amanda, elle, semblait bien plus défaitiste que moi. Elle me répétait que ça n'allait jamais s'arranger, bien au contraire. Qu'un jour, je verrai qu'elle avait raison. Si seulement ça avait pu ne pas être le cas.
L'hiver a fini par s'installer, et avec lui les problèmes se sont fait bien plus nombreux. Plus d'électricité, plus d'eau courante. A mesure que les jours passaient, je sentais l'angoisse grandir dans mon corps. Au sujet de l'avenir. Mais surtout au sujet de Sally. Il devenait de plus en plus difficile de lui faire suivre son traitement. Sauf qu'elle avait besoin de ça pour vivre. Il fallait absolument que l'on parvienne à trouver une solution. Comme s'il n'y avait pas déjà assez d'ennuis dehors, il avait fallu qu'une insurrection sanglante ne pointe le bout de son nez au sein du camp. J'avais préféré ne pas y prendre part, tout comme ma compagne d'ailleurs. Tant mieux. Ce n'était vraiment pas le moment pour ça. Il fallait que l'on se serre les coudes et que l'on fasse face à l'adversité ensemble. C'est bête, je sais, mais je pensais réellement que l'on pouvait tenir le coup.
On dit souvent que le printemps apporte de l'espoir. Qu'en apportant la fin de l'hiver, il permettait aux gens de trouver une sorte de regain d'énergie. Peut-être que c'est le cas. Mais pour moi, les choses ont été plus difficiles que jamais. L'accès aux traitements nécessaires pour Sally était devenu trop difficile. Et un jour, la mort est venue la cueillir un après-midi. Sans crier gare. Sans que je ne puisse réellement m'y préparer, si tant est qu'il soit possible de s'y préparer évidemment.
Le corps de ma fille a été confié aux médecins et aux militaires du camp. Personnellement, j'avais eu le sentiment que le sol venait de se dérober sous mes pieds. Que j'étais en train de faire une chute interminable. Que l'on venait de m'arracher brusquement et sans aucune douceur une partie de moi-même. Ce qui était presque le cas, en un sens. Ma fille venait de mourir. Un parent n'est jamais prêt à perdre l'un de ses enfants. Ce n'est pas dans la logique de la nature. Les gens naissent, vieillissent, et finissent par mourir. Les enfants mettent leurs parents en terre. Pas l'inverse.
Amanda s'est occupée à ma place d'organiser de petites funérailles pour la chair de ma chair, sans que je ne sache pour autant ce qui avait été fait à ma propre fille. La cérémonie s'était-elle déroulée devant une tombe vide ? Peut-être bien. Il s'agit là d'une question à laquelle je n'aurai sûrement jamais de réponse. Pourtant, cela ne m'a absolument pas aidée à aller mieux.
Mai 2016 – Seattle / Garfield Highschool :
Personne n'aurait pu se remettre aussi vite d'une perte aussi grande. D'ailleurs, ce n'était pas mon cas. J'étais plus bas que terre, remerciant le ciel de la présence de Amanda pour prendre soin de Charlotte, dans mes quelques moments de lucidité. Est-ce que je devenais folle ? A un moment, j'ai cru le devenir. Je ne trouvais aucun moyen d'extérioriser ma peine. Ma colère. Ce sentiment d'injustice qui me grignotait de l'intérieur comme une bête affamée sur son premier repas depuis des lustres.
Peut-être que c'est le hasard qui a voulu ça. Mais un jour, ils sont venus me voir. Les responsables de l'entraînement des civils. Ils voulaient qu'à mon tour j'apprenne à me défendre contre ces choses qui se trouvaient en dehors de nos murs. Qui menaçaient chaque jour tous ceux qui osaient mettre le nez dehors. Ma compagne avait déjà été formée de son côté, participait de temps à autres à la surveillance ou des choses de ce type.
Pour être tout à fait honnête, je n'avais aucune envie de faire ça. J'ai voulu refuser, j'ai repoussé le plus possible le moment où j'allais être dos au mur et donc forcée d'accepter. Quand enfin je ne pouvais plus reculer... Je crois que ça a été comme une prise de conscience. J'avais toute cette peine, toute cette rage enfouies en moi. Comme si j'avais un petit diable perché sur mon épaule qui me chuchotait que ce serait le meilleur moyen de faire sortir tout ça. De me laisser aller. De me défouler. De faire payer à ces choses un événement dont ils ne sont pas directement responsables. Être capable de protéger les miens, ceux qui me restent. C'était une chance à ne pas négliger.
On m'a dont appris à me défendre, comme à bien d'autres. A me servir d'une arme, à savoir manier un couteau ou une quelconque arme blanche facile à trouver. D'abord les gestes de base, apprendre à attaquer et à esquiver. Être capable d'anticiper ce qui risque de me tomber dessus. Savoir me sortir d'une situation délicate en combat. Parce qu'il n'y a pas que les mordeurs, là dehors. Il y a aussi d'autres êtres humains encore bien vivants. Qui ne sont plus forcément eux-même. Ou qui, au contraire, ont enfin pleinement embrassé cette part d'ombre qu'ils avaient eu eux. Ensuite, vint le jour où je me suis retrouvée confrontée à mon premier revenant. J'avais peur, oui. Mais cette décharge d'adrénaline dans mes veines... Ce sentiment d'oublier toute cette douleur qui me bouffait depuis des semaines, c'était presque jouissif. Concentrer cette peine, cette rage, dans mes coups. Je n'y prenais pas réellement de plaisir pour le simple fait d'ôter la vie à quelqu'un qui autrefois pouvait être comme moi. Mais j'y prenais du plaisir parce que je pouvais me défouler. J'avais trouvé mon exutoire.
Juillet 2017 – Seattle / Garfield Highschool :
On avait presque fini par s'y faire, à cette vie. Cette nouvelle vie je veux dire. Amanda et moi, ensemble officiellement. Charlotte qui grandissait beaucoup trop vite à mon goût, mais qui était en bonne santé. C'était vraiment quelque chose d'important à mes yeux, surtout après ce qui était arrivé à sa sœur. Heureusement pour elle, en un sens, elle était beaucoup trop jeune pour s'en souvenir. Pour être marquée par le traumatisme du décès de Sally. Ce n'était pas notre cas, mais il fallait bien vivre avec. Continuer d'avancer, vivre pour elle, comme elle n'a pas pu le faire. Honorer sa mémoire en continuant de la faire vivre dans nos cœurs. En tout cas, c'était ce qu'on s'était promis avec ma compagne.
Pourtant rien ne laissait présager que tout ce qu'on avait connu depuis que le monde s'était effondré allait à son tour disparaître. Personne ne pouvait s'attendre à une telle chose. Un jour, pendant l'été, une horde de morts s'est amenée à nos portes. On aurait cru une scène d'un film fantastique, où une armée entière assiège un groupe qui ne s'attendait pas du tout à une telle chose.
La peur était bien trop là. Pour Amanda, pour Charlotte, pour moi. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais j'avais l'impression qu'on ne serait jamais capable de repousser ce véritable tsunami de corps réanimés. Peut-être que j'aurais pu prendre le risque de rester et de me battre aux côtés de ceux que j'avais appris à connaître et à apprécier en grande partie, depuis près de deux ans. Mais mon instinct n'était pas de cet avis là. Je n'étais pas une guerrière, je savais me défendre mais c'était pour le stricte nécessaire. Sans demander notre reste, j'ai récupéré ma fille et Amanda s'est occupée de rassembler quelques affaires. Nous avons pris la fuite, sans réellement comprendre comment nous y sommes parvenues sans y perdre la vie. L'unique preuve de cet affrontement est la cicatrice que j'ai dans le dos, d'une balle perdue qui m'a éraflée par pur hasard alors que l'un des membres du groupe tirait certainement pour éliminer un mort qui se trouvait non loin. Ou malchance, ça dépend de comment on voit les choses. Mais au moins, nous étions vivantes. Nous avions réussi à nous échapper. Et c'était la seule chose qui nous importait. De fait, nous n'avons jamais essayé de revenir sur nos pas. Pour quoi faire ? Voir qu'il ne restait plus rien ? Hors de question.
Janvier 2018 – Ames Lake :
Après avoir pris la fuite du lycée lors de l'attaque des morts au cours de l'été, nous avons cherché à fuir la ville. On pensait que ce serait certainement plus simple de se trouver un coin plus calme pour s'y installer, histoire d'avoir moins de risques que ce genre d'événements se reproduisent de si tôt. Même si, en soit, rien ne nous promettait qu'il existe mieux ailleurs. On a décidé de se rendre vers l'Est, et nous avons fini par poser nos bagages à Ames Lake. Dans une ancienne maison au bord de l'eau, nous permettant au moins d'être certaines que les ennuis ne pourraient venir que d'un côté. A moins que des gens ne décident de nous attaquer en barque.
Les mois avaient passé, et au fil du temps on avait réussi à s'organiser un peu mieux. Des barricades improvisées, Amanda profitait du lac pour pêcher comme elle avait appris à le faire avec son père à l'époque. On survivait du mieux qu'on pouvait et ça portait relativement bien ses fruits. Mais ce qu'on craignait le plus, c'était l'hiver. Parce qu'à part son fusil, mon couteau de chasse et ma matraque télescopique, et quelques boites de conserve, on avait pas grand chose sous le coude. Et autant dire que nos armes allaient pas nous servir à pas subir le froid et la faim.
On a déjà connu pire comme hiver. Mais avec la tempête de neige qui a balayé Seattle et ses environs, on s'est retrouvées bloquées dans notre maison pendant plusieurs jours. A cause du froid, j'avais fini par m'endormir. Je tenais Charlotte contre moi, essayant de partager ma chaleur avec elle. Mais j'étais tellement faible, de n'avoir rien mangé depuis plusieurs jours, qu'il faut croire que ça n'a pas suffi. A mon réveil... Elle était si froide... J'ai hurlé. C'est comme ça que j'ai réveillé Amanda. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, mais en voyant ma fille – qu'elle considérait comme la sienne – elle s'est vite rendue compte de ce qui s'était passé. Mais aussi, de ce qu'il allait être nécessaire de faire si on ne voulait pas voir le pire se produire.
On l'a fait à deux. Seule, je n'en aurais pas eu le courage, mais je ne pouvais pas non plus me défiler. Elle méritait ça. Alors, saisissant mon couteau et les mains tremblantes de mon amante se posant sur les miennes, la lame s'est lentement enfoncée à l'arrière du crâne de ma petite fille de même pas quatre ans. Nous l'avons ensuite enterrée derrière la maison, au bord du lac où elle aimait jouer pendant qu'on la surveillait les beaux jours. En moins de trois ans, j'avais perdu mes deux filles. La chair de ma chair. Mon propre sang. Rester vivre ici était au dessus de mes forces. Et je n'étais pas la seule. De fait, nous avons pris le peu d'affaires que nous avions et sommes parties pour nous trouver un autre abri ailleurs. En espérant que cela soit le cas.
Septembre 2018 – Sammamish :
Un coup on était parties à l'est, maintenant on retournait vers l'ouest. De toute façon, ce n'était pas comme si on avait un but précis. Si on s'attendait à vraiment trouver quelque chose de concret et de correct. Le moral n'était pas au beau fixe et j'avais l'impression qu'à tout moment on risquait de baisser les bras. La seule raison pour laquelle on l'a pas fait, c'était certainement parce qu'on était encore là l'une pour l'autre.
C'est un peu par hasard qu'on est arrivées à Sammamish. Je dois même avouer que j'avais jamais entendu parler de cette ville avant de passer devant le panneau indiquant qu'on était les bienvenus. Au moins, ils sont toujours aussi accueillants malgré la fin du monde. En toute ironie. Vu le sang qui était étalé sur ce fameux panneau, pas sûre que ça soit un superbe moyen de faire de la pub pour le tourisme de l'endroit.
Encore une fois, on s'était installées dans un endroit qu'on avait trouvé relativement sûr. Une ancienne école, la « Joyful Discovery Playschool ». Comment dire qu'elle n'avait plus vraiment grand chose de joyeux maintenant... Quelques vitres brisées qu'on a réparées comme on pouvait avec des planches de bois pour sécuriser l'endroit. Des traces de sang sur les dessins d'enfant accrochés au mur. Ce n'était peut-être pas la meilleure idée de venir ici après ce qu'on avait vécu pendant l'hiver. Mais d'un autre côté, c'était le seul endroit où il n'y avait qu'un minimum de réparations à faire pour s'assurer un minimum de sécurité. Alors on a préféré faire ce choix.
A la fin de l'été, Amanda était sortie pour essayer de trouver de la nourriture un jour. Rien de bien spécial, jusqu'à présent. Cependant, je trouvais qu'elle mettait beaucoup trop de temps à revenir alors j'avais fait le choix de partir à sa recherche. En un sens, j'ai bien fait. Parce que je l'ai trouvée aux prises avec un homme qui avait de toute évidence comme projet d'en faire son jouet du jour. Mon sang n'a fait qu'un tour, lorsque mon regard s'est posé sur cet homme qui avait déjà le pantalon au milieu des cuisses. En face de lui, mon amante bloquée par un mur et en train de se débattre comme elle le pouvait. Je n'ai pas cherché plus longtemps. La colère s'est emparée de moi et j'ai attrapé mon couteau. L'instant d'après, je me ruais sur lui, venant planter ma lame dans le côté de son cou. Une gerbe de sang jaillit de la plaie lorsque je retirais mon arme et le corps chuta au sol dans un bruit sourd. Moi ? Je restais là, figée. Je venais de tuer pour la première fois un vivant.
Juillet 2019 – Seattle :
En fin de compte, vivre plus éloignées de la ville ne nous avait pas apporté plus de calme que cela. Depuis Sammamish, nous avions déjà changé deux fois d'abri, nous rapprochant à chaque fois un peu plus de Seattle sans même nous en rendre compte. L'essentiel était de trouver un endroit plus ou moins sûr, avec une possibilité de trouver des vivres quelque part sans avoir à trop s'éloigner de notre refuge. Chaque fois que cela devenait trop difficile de mettre la main sur quelques denrées, nous partions. L'avantage de n'être qu'à deux, bien mince comparé à tous les désavantages. Mais parfois, il faut savoir se concentrer sur le positif.
Nous avions passé l'hiver à Mapple Valley en descendant un peu vers le sud. Le printemps, c'était à Newcastle. Notre prochain objectif était Tukwila. Mais c'était sans compter sur ce jour où nous étions en train de longer le bord de l'eau en redescendant vers le sud. Là, sans que l'on comprenne d'où est-ce qu'il venait et comment est-ce que c'était encore possible de voir une telle chose aujourd'hui : un hélicoptère. Volant au dessus de nos têtes, il semblait se diriger vers Seattle. Cela pouvait aussi bien signifier de gros ennuis qui pointaient le bout de leur nez, mais aussi peut-être un espoir. Il fallait tenter notre chance. Suivre la direction empruntée par cet engin en espérant ne pas arriver trop tard.
C'est certainement par le plus grand des hasards que nous sommes tombés sur eux. D'autres survivants, méfiants bien évidemment, mais qui ne semblaient pas être en aussi mauvais état que ceux qui – comme nous – arpentaient les routes depuis bien trop longtemps maintenant. Au fil de la discussion, constatant que nous étions seules et pas hostiles pour un sou, ces personnes ont fini par nous parler d'un campement de survivants. Ils étaient relativement nombreux et habitaient dans un endroit sécurisé. Il ne nous a pas fallu plus pour accepter de les suivre. C'était peut-être un mensonge. Mais nous n'avions plus grand chose à perdre.
De cette manière, nous avons découvert Fort Nisqually et les membres du groupe qui y habitaient. Personnellement, j'ai tout de suite été impressionnée par leur organisation et leurs installations. Cela n'avait rien à voir avec ce que l'on avait pu connaître avant la fin du monde, mais c'était... tellement plus que ce que j'avais pu voir au cours des dernières années. Nous avons subi un entretien avec les dirigeants du camp. Je ne m'y attendais pas, mais en un sens c'était normal. Ils ne pouvaient pas se permettre de faire entrer n'importe qui dans cet endroit. Par chance, il faut croire que nous avons réussi. Car suite à cela, nous avons été officiellement acceptées dans ce groupe.
Vivre ici... C'était comme revivre. Encore une fois.
Novembre 2019 – Fort Nisqually :
Les mois étaient passés, l'automne était bien installé maintenant. Et je dois dire qu'avec le temps, on s'était vraiment habituées à vivre dans un tel endroit. Les méthodes de travail étaient loin d'être celles que l'on avait pu avoir l'habitude de voir, mais elles étaient efficace. Après tout, si nos ancêtres avaient pu vivre et évoluer dans un cadre de vie de ce genre, pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas le faire ? Et puis, c'était toujours bien mieux que de vivre seules dehors. On avait même fini par retrouver le sourire et un semblant de normalité. C'était vraiment plus qu'appréciable de vivre à nouveau en communauté.
Amanda faisait souvent partie de ceux qui se rendaient à la Marina pour ensuite participer aux échanges faits par le biais du troc avec le No Man's Land. Là, elle était partie pour le dernier échange qui serait fait avant l'hiver. Moi, j'étais restée au camp comme à chaque fois. Peut-être un peu par peur de l'extérieur. Peut-être aussi parce que je n'estimais pas avoir quelque chose de constructif à apporter de par ma présence.
Mais ce jour là, j'avais comme un mauvais pressentiment. Comme si j'avais peur que quelque chose se passe mal. Je ne m'en étais pas vraiment formalisée, parce que j'avais toujours la boule au ventre quand Amanda partait sans que je ne l'accompagne. J'avais peur qu'il lui arrive quelque chose, peur de la perdre. Alors, comme à chaque fois, je me rassurais en me disant qu'elle n'était pas seule. Qu'elle avait déjà fait ça plusieurs fois et que ceux avec qui elle était connaissaient ce genre d'échanges comme leur poche. De fait, rien ne pouvait mal se passer.
Mais le lendemain, quand ils sont revenus... On s'est tous rendus compte que quelque chose n'allait pas. Il y avait des blessés. Des personnes qui manquaient. Et j'avais beau passer mon regard encore et encore sur ceux qui revenaient, elle n'est jamais apparue. Je me suis effondrée, incapable d'affronter la vérité. Encore moins quand on est venus m'annoncer qu'elle n'avais pas survécu à l'affrontement qui avait eu lieu. Encore une fois, je venais de perdre un être cher. Sauf que cette fois, j'avais absolument tout perdu. Il ne me restait plus rien. Plus personne. Et je ne savais vraiment pas si j'allais être capable de m'en relever.
Printemps 2020 – Fort Nisqually :
L'hiver est passé, mais je l'ai trouvé bien plus long que d'habitude. Ce n'est pas qu'il a été particulièrement rude comparativement aux années précédentes, mais... En réalité, je n'arrivais tout simplement pas à faire mon deuil. Accepter que je n'avais plus rien. Plus personne. Que j'avais tour à tour vu mourir mes deux filles sans être capable de rien y faire. Tout ça pour qu'ensuite celle qui avait été mon pilier depuis bien des années finisse par périr dans une bataille qu'elle n'était absolument pas préparée à affronter. Qu'elle n'aurait même certainement pas mené si elle avait eu le choix. Parce que Amanda n'était pas une guerrière, pas plus que je n'en suis une. C'est sûrement égoïste mais... J'aurais préféré que ça soit moi à sa place. Parce qu'elle était plus forte que moi, d'un point de vue mental. Je ne doute pas que ça l'aurait fait souffrir, mais elle aurait su comment rebondir. Alors que moi... Ce n'est pas le cas.
J'étais en quelque sorte plus que l'ombre de moi-même. Et en fait, c'est moche à dire mais il m'a fallu un électrochoc assez radical pour me rendre compte qu'il fallait que je me reprenne. Un jour au mois de mars – je crois – deux groupes étaient sortis pour ramener des ressources médicales, les choses se sont gâtées pour eux. En quoi ça changeait quelque chose pour moi ? Et bien avec le retour en catastrophe de l'une des deux équipes, une horde de plusieurs centaines de mordeurs s'est retrouvée à nos portes. Le plan avait été de ne plus donner de signe de vie, sans quoi on risquait de tous mourir. De voir notre camp réduit à néant sous un ras-de-marée de morts. C'est peut-être stupide. Mais je me suis rendue compte à ce moment là que je ne voulais pas mourir. Que malgré tout, je tenais encore à la vie. Que baisser les bras, ce n'était pas la solution.
Il fallait que je vive. Parce que c'est ce qu'elle aurait voulu. Ce qu'elles auraient voulu. J'en suis persuadée.
Ce n'est pas forcément simple, mais il faut bien que j'apprenne à me reconstruire à présent. A accepter que tout ce que j'avais n'est plus, même si à force je commence à n'en plus pouvoir de faire tour à tour le deuil de tous ceux que j'aimais. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que j'essaie de m'occuper l'esprit le plus possible. Et pour ça, rien de mieux que d'essayer de me rendre utile partout où je peux. Je participe aux travaux, me donne à fond dans tout ce que je fais histoire de ne pas vraiment avoir l'occasion de trop penser. Même si chaque fois que je me retrouve seule, je ne peux pas m'empêcher de me faire envahir par les souvenirs de ma famille qui n'est plus là aujourd'hui.
• Âge irl : 24 ans
• Présence : Autant que possible
• Personnage : Inventé [X] / scénario/prédef [ ]
• Code du règlement : He who sat on it had the name death
Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat
• Qu'est-ce qui vous a convaincu de vous inscrire ? :
Oh, un avocat !
• Crédits (avatar et gifs) :
Bazzart & Tumblr
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Chyler Leigh • <bott>Heather S. Reinhart</bott>
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• Manager dans un hôtel de luxe
- Awards:
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The Rogues
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Re: I'm only human
Mar 4 Aoû 2020 - 17:23
the
ANAPHORE
- Jude Lim
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Sainte Licorne
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Re: I'm only human
Mar 4 Aoû 2020 - 17:26
Re bienvenue à toi Ô Déesse de la punchline, amuse toi bien avec ta nouvelle madame chez les verts!!!!!
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Re: I'm only human
Mar 4 Aoû 2020 - 20:29
But live as long as you can
- Teresa Guevera
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