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Mourir peut attendre
Mer 9 Sep 2020 - 12:37
Loyale Combative Diplomate Patiente Attentive Froide Instable Secrète Maniérée Exigeante | Depuis la mort d’Abel, elle a, et conserve précieusement, un couteau de survie. La même arme qui lui enleva le premier amour de sa vie. Une lame qui lui a permis plusieurs fois de survivre et qu’elle a appris à manier avec de plus en plus de finesse et d’efficacité. A son annulaire, l'anneau d'or qui scelle sa vie à la sienne, à tout jamais. L’israélienne est une femme plutôt grande et élancée, elle mesure 1m78 pour 57 kg. Elle a de grands yeux noirs un peu éteint et une longue chevelure ébène souvent attachée en queue de cheval ou en chignon lâche. Sa silhouette est un peu sèche, anguleuse, et sa démarche révèle une incroyable légèreté, comme si à chaque pas, Ela ne faisait que frôler le sol de ses pieds. Elle semble comme, évanescente, et pourtant quand remonte le long de sa silhouette gracile, on découvre un visage froid et distant. Elle a cette façon altière de se mouvoir et de poser sur les autres, un regard étrangement doux et calme. Sa bouche s’étire facilement en doux sourire, mais si elle est d’apparence douce et accueillante, il est difficile d’ignorer ce frisson qui s’insinue jusque dans vos os quand vous êtes en sa compagnie. Ces dernières années l’ont profondément marquées, et mais si son esprit s’est reconstruit, comme il a pu, il y a toujours ce cœur vide et fracassé qui donne à ce visage cet air mélancolique et éteint, à la fois. Son corps porte les cicatrices de ses guerres menées, la plus importante se situe au niveau de l’abdomen, lorsqu’un éclat de palissade lui a transpercé le flanc, lui laissant une grande cicatrice en étoile gravé sur sa peau. Elle a toujours fait attention à son paraitre, si c’était quelque chose qui comptait beaucoup dans sa vie d’avant, c’était à présent quelque chose qui la rassure au quotidien. Elle prend soin d’elle, de son hygiène et des vêtements qu’elle porte. Bien sûr, le temps des robes hautes coutures est révolu pour elle, depuis bien longtemps, mais un peu de coquetterie ne fait de mal à personne. Elle porte toujours à son annulaire cet anneau en or, ne s’en sépare jamais. Tout comme le stetson de Merl, toujours accroché sur le pied de son lit. Le temps qu’elle a passé à faire son deuil sur le terrain a musclé son corps, ciselé ses muscles, éprouvé sa souplesse et son endurance pour la rendre plus performante, plus réactive. Son implication pour cette communauté est aussi allée dans cet entrainement civil qu’elle a pris au sérieux, dans l’entrainement imposé par Lenore aussi, au-dehors, quand elle partait plus une semaine sur les routes pour cartographier les points d’intérêts pour le Fort. Il lui fallait être forte, endurance et suffisamment efficace pour ne pas être un boulet pour l’équipe, et guidé par cette colère – causé par la mort de Merl – Ela s’est donné toute entière aux conseils et aux apprentissages qu’on lui a enseigné, aussi bien au corps à corps qu’en arme de poing. Si les choses sont plus apaisées aujourd’hui, elle ne néglige pas les entrainements quotidiens, la course à pieds, et les exercices d’étirement et de souplesse qu’elle s’impose tous les soirs avant d’aller dormir. Tout cela n’a jamais visé l’excellence, mais le dépassement d’elle-même a toujours été sa motivation première. Il lui arrive encore parfois de trop tirer sur la corde, de vouloir dépasser ses limites au-delà de ses capacités physiques et de son endurance, elle le paie souvent. Mais c’est parfois la seule solution qu’elle a pour trouver le sommeil le soir. |
« On disait d’Ela que c’était une femme forte et douce à la fois, qu’elle incarnait ce genre d’épouse. Celle qu’on admire pour sa vertu, pour sa générosité, son sourire et sa patience. On disait d’Ela que ses talents de médiatrice pouvaient ramener son mari à la raison, lui faire prendre les bonnes décisions au nom de son pays. On disait qu’Ela, c’était ce genre d’épouse ; fidèle et authentique, dépourvue d’artifices esthétiques et qui se contentait d’être belle par sa prestance et son charisme discret. Authentique dans ce qu’elle est, d’où elle vient, et les causes qu’elle défendait. On disait d’Ela, qu’elle n’était pas douée pour les mensonges, même si elle maitrisait l’art des demi-vérités.
Ela n’a jamais pris beaucoup de place dans ce monde-là, elle était cette épouse effacée, toujours dans l’ombre de son mari. Son rôle était pourtant bien plus important que cela. Car avec son mari, elle formait une équipe. Ela n’était pas que douce, elle était intelligente et Abel le savait. Cette épouse était redoutable, jamais il n’eut à regretter son choix. Il n’est plus aujourd’hui, mais sa femme est toujours là, portant encore les souvenirs de leur couple sur les épaules. »
Vieux souvenirs que cette Ela. Les épreuves traversées l’ont rendu à la fois plus forte, et plus tourmentée encore. La base était fragile, alors la femme qui s’est forgée là-dessus a quelques défaillances. Mais ce n’est pas grave parce que le résultat aujourd’hui vaut le détour. Ela est toujours aussi fidèle à elle-même, à ses principes. Elle est loyale à sa cause, dévouée à ceux qui méritent sa générosité et elle ferait tout ce qu’elle peut pour garantir la pérennité de cette communauté. Sa vie passée lui a laissé quelques gestes, quelques manières qui la rendent un peu trop précieuse, trop altière pour le monde dans lequel elle vit aujourd’hui. Et dans son caractère comme dans son attitude, l’israélienne est exigeante avec elle-même, mais avec les autres aussi. Elle attend toujours le meilleur de ses pairs et cache difficilement sa déception quand ils échouent. Le lâcher-prise, ça n’a jamais été vraiment son fort. Cela lui a valu quelques mauvais surnoms ; la duchesse balai dans l’c…. Ça ne la quitte pas, elle ne s’en rend même plus compte. Il faut dire qu’après ta mort, puis celle de Merl, Ela, elle ne ressent plus grand-chose. Autrefois éteinte, l’israélienne est, disons, plutôt froide. Elle fait bloc contre les émotions qui pourraient la submerger, s’est coupée du cœur pour ne plus faire que fonctionner la tête. Il faut dire que ce pauvre palpitant s’est fracassé une deuxième fois, c’est dur pour une femme comme elle de s’en remettre. J’ai parlé d’une base fragile, instable, alors de temps en temps, les émotions qui s’écrasent contre ce mur de glace finissent par ouvrir une brèche et là, c’est la tempête. Parce qu’à un moment tout va bien, et à un autre – souvent à l’abri des regards – ça déferle et c’est la crise d’angoisse qui monte et qui fait monter les pleurs et les cris. Mais elle garde ça pour elle, ça et le reste. Parce qu’Ela ne parle beaucoup d’elle, ni de toi, Abel, ni de Merl. Elle n’a plus que les doux souvenirs qu’elle ne veut partager avec personne – ou presque. Parce que ça ne les concerne pas. Tout comme répondre à cette question : Pourquoi ? Pourquoi t’as quitté ton poste de leader ? Elle ne répond pas. Comment leur dire qu’elle a démissionné parce que, l’espace d’une minute, elle ne croyait ni en vous, ni en elle ? Elle ne répond pas non. Cette réponse ne regarde qu’elle. Mais les épreuves, le deuil n’auront pas eu raison d’elle, non. Elle s’est relevée avec une force plus grande, des objectifs différents. La colère du deuil s’est transformée en détermination. Un esprit combatif qui ne laisse plus abattre si facilement. Si elle n’est pas hargneuse, elle ne lâche rien. Patiente, elle attendra son heure pour frapper s’il le faut. Elle n’est pas pressée, elle n’est jamais pressée Ela. Mais sa patience ne lui sert pas qu’à la vengeance, il lui en faut parfois pour supporter certains spécimen, ou attendre que ceux-ci se dévoilent enfin. Avant déjà, elle était attentive aux besoins des autres, à l’écoute aussi, ce qui faisait d’elle quelqu’un de très observateur et de perspicace. Si cette qualité semble s’être un peu perdue après la mort de Merl, leur première rencontre houleuse avec New Eden lui a permis de recentrer ses priorités et de redevenir cette femme attentive et protectrice envers les siens. Ses talents de diplomate font d’elle une excellent médiatrice en cas de conflit, elle s’interpose, prend la parole et use de ce charisme et de cette douceur qu’elle sait faire naitre en elle pour se faire entendre. Parce qu’elle est intelligente, Ela, elle sait manier sa barque. Elle n’a plus le désir de suivre les traces de Phelbs, s’étant perdue à sa dernière tentative, mais elle se fait difficilement oublier. Et pour cause, elle n’oublie pas qu’elle a participé à tout ça, qu’elle y participe toujours dans l’ombre plus modestement. Elle a plus que jamais récupéré cette foi qui était la sienne. Le deuil est fini, l’amour on ne l’y prendra plus, si ce n’est celui qu’elle porte à cette communauté. Elle ne sombrera plus, c’est terminé. Elle est de retour.
Le 28 octobre 2008.
Blue Sky, by Meir Adoni. 10th Eliezer Peri St, Tel Aviv, Israël.
Blue Sky, by Meir Adoni. 10th Eliezer Peri St, Tel Aviv, Israël.
« Dis-moi, Princesse, dis-moi d’où tu viens. Raconte-moi, je veux tout savoir de toi. »
De ravissement, elle rit, un son pur et cristallin. Elle était heureuse, et amoureuse de cet homme. Elle n’aurait jamais pensé qu’un jour son regard se poserait sur un homme comme lui. Il avait 32 ans, et seulement 23 pour elle. Il était trop vieux pour elle, elle le savait. Mais ne dit-on pas que l’amour n’a pas d’âge ?
Etudiante en architecture d’intérieur, elle l’avait rencontré sur un projet d’aménagement de bureaux où elle travaillait comme stagiaire. Il était conseiller au sein des affaires étrangères du gouvernement israélien, et ces bureaux étaient pour lui et d’autres parlementaires. Abel Amrani. Un regard sombre, curieux, un sourire charmeur aux lèvres. Ce n’était probablement pas le genre d’homme que l’on pouvait trouver beau de prime abord, mais quand il était entré dans la salle de réunion pour assister à la présentation du projet d’aménagement avec d’autres commanditaires du projet, elle n’avait vu que lui. Il était difficile de ne pas remarquer sa présence, cet homme dégageait une assurance et une force tranquille qui ne manquait pas de rendre ses quelques traits disgracieux d’une beauté toute particulière. Abel était de ce genre-là, beau par ce qu’il dégageait, sans même prononcer une seule parole. C’était cet effet-là qu’il avait eu sur elle, et quand son regard onyx s’était posé sur elle, elle s’est sentie mise à nu. Elle n’oublierait jamais cette rencontre. Curieux, il s’était rapproché des plans proposés par les architectes professionnels, l’air de rien, avant de se retourner vers la jeune femme, restée dans l’ombre, pour lui demander son avis. Après tout, elle était stagiaire, elle était là pour apprendre, et il n’était jamais trop tôt pour développer son sens critique. Ela en avait perdu ses mots, le rouge aux joues, mais alors qu’un de ses patrons choisissait de sortir une plaisanterie de mauvais goût pour détourner l’attention sur sa stagiaire, elle osa prendre la parole et répondit à la question d’Abel. Encouragée par son sourire énigmatique, elle s’était avancée près de la table. Elle s’était attaquée à ce qui pour elle, poserait problème dans la mise en place de certaines pièces, tout en soutenant que la base des propositions des architectes était très bien pensée. Elle n’ajoutait que des détails techniques, des appréciations personnelles, des réflexions logiques. Malheureusement, cet instant suspendu, alors qu’Abel buvait ses paroles, la questionnant, la relançant, fut interrompu par un autre client qui s’impatientait, désireux de revenir au plan initial. Car une étudiante n’apporterait aucune proposition remarquable pour un projet de cette ampleur, invitez-là à boire un verre après ses cours, Amrani, et laissez ces messieurs reprendre leur travail. Elle s’était sentie humiliée, ainsi remise à sa place. Les architectes reprirent leur discours de professionnel et tout le monde retourna à sa place. Mais juste avant de se pencher à nouveau sur les plans des architectes, Abel s’était rapproché d’elle : Ne les laissez pas vous atteindre, cela ne tiendrait qu’à moi, vos propositions seraient exécutées, vos idées sont remarquables et pertinentes, ces vieux cons sont justes jaloux. A la fin de la réunion, Ela le devança, acceptant d’aller boire ce verre qu’il n’eut pas le temps de lui proposer.
Et aujourd’hui, ils en étaient là. Deux semaines qu’ils se voyaient, deux semaines qu’il lui faisait la cour tout en respectant son honneur, son intégrité et son jeune âge. Elle était déboussolée devant tant de galanterie et de prévenance, quand tous les hommes de son âge hâtaient les choses, impatient de passer à la suite – plus intéressante – du premier rendez-vous. Abel était différent, il voulait la connaitre, découvrir ce qu’elle aimait, ce qu’elle n’aimait pas. Il voulait son avis sur la politique de ce pays, cherchait à comprendre sa vision du monde et des gens. Il s’intéressait à elle, et se livrait volontiers à elle, en lui confiant ses ambitions politiques, personnelles, ses désirs, son passé. Il lui donnait tout et petit à petit, la jeune femme pourtant discrète sur son histoire se livrait, elle aussi.
« Je suis née à Tel-Aviv, mais j’ai grandi à Bat Yam, dans une maison au bord de mer … »
« Une maison en bord de mer, rien que ça ? » la titilla-t-il. Pour toute réponse, il eut droit à un regard sévère et un sourire, à crever le ciel. Puis elle continua son récit.
Une villa en bord de mer, ses parents et elle vivaient chichement. En même temps, son père était ingénieur en robotique médicale, et sa mère enseignait dans une école privée de la ville. Elle a eu une enfance privilégiée, elle en était consciente. La misère du monde ne l’atteignait pas alors, si ce n’est que par les récits de ses grands-parents qui n’avaient pas connu tout ce luxe, tout ce confort. Mais leur fils avait réussi, mettant toute sa famille à l’abri du besoin. Elle avait fait ses classes dans des écoles privées, dont une artistique – c’était une enfant créative et ses parents étaient loin de vouloir brider ce don qu’elle développait d’années en années.
« Et à mes 17 ans, j’ai postulé pour le kadaz akdam tzvair, pour préparer mon entrée pour le service militaire » Elle en était fier, et à voir le regard d’Abel briller, il était impressionné.
« J’ai du mal à t’imaginer dans l’armée, Princesse, tu sembles si délicate. »
« C’était important pour moi … »
Le kadaz akdam tzvair était un cours préparatoire qui lui permettrait de faire son service militaire dans un service en particulier. Ela visait l’infanterie, elle voulait être soldate. Mais très peu de femmes entrent dans le corps combattant de l’armée israélienne. Elle ne fut pas sélectionnée parmi les rares femmes accédant à ce statut. Au lieu de ça, elle obtint une place en formation de technicienne d’armement. L’enjeu était beaucoup moins stimulant, mais elle fit ses vingt-deux mois avec force et honneur. Puis la formation de technicienne d’armement ne dispensait pas des séances d’entrainements physiques poussés, des cours de self-défense, de combat au corps à corps et quelques séances de tir. C'était très dur comme expérience, émotionnellement parlant. Elle qui n'avait jamais connu la moindre difficulté dans la vie s'était retrouvée jetée en pâture aux lions, se heurtant avec violence à la réalité du monde. Au final, rien n'était facile dans la vie, pas vrai ? De cette expérience, elle en était sortie grandie, plus mûre, plus réfléchie. Elle avait appris la discipline et la rigueur. Le respect et la modestie. Elle avait appris que dans ce monde, tout se méritait. Même si parfois... Le facteur chance mettait sur votre route une personne qui rendrait votre vie meilleure et tellement plus facile.
« Je dois avouer que la sensation de tirer avec une arme a quelque chose de grisant… »
Le regard d’Abel était un peu plus sombre, alors qu’Ela se perdait dans le souvenir d’une arme à feu entre ses mains, de la sensation vibrante qu’elle avait ressenti dans tout son corps alors que la détonation résonnait dans ses oreilles. Elle avait adoré. Elle était plutôt douée. Pour une femme. Abel, lui, se perdait dans d’autres pensées plus sombres sous son regard dérobé. Elle ne se rendit compte du silence de son compagnon qu’au bout d’un moment. Elle-même perdue dans ses pensées l’espace d’un instant.
« Qu’est-ce que vous regardez, Abel ? »
« Tutoie-moi s’il te plait, Ela… »
« Un jour, peut-être. Qu’est-ce qui vous fait sourire ? »
« C’est toi, c’est toi que je regarde, tu es magnifique ce soir. »
Le 17 août 2015.
The Ritz-Carlton, 1150 22nd St NW, Washington, DC.
« Je suis désolé, Princesse, je ne pourrais pas venir te retrouver ce soir, la réunion a été reportée à dix-neuf heures, je crains de ne pas rentrer avant dix ou onze heures… »
« Je t’attendrais, ne t’en fais pas. » Elle est un peu déçue, mais ça en vaut la peine.
« Tu es sûre ? Tu n’arrêtes pas ces derniers jours, tu devrais te reposer un peu. »
« Ne t’en fais pas pour moi, je t’attendrais, il faut que je te parle de quelque chose. »
« Ah bon ? De quoi donc ? »
« Surprise… ! » Elle se mord la lèvre, bien consciente qu’il ne peut pas la voir au téléphone.
« Ela… Tu sais que.. Ou-oui, oui j’arrive. Désolé Princesse, je dois raccrocher. Si tu dors ce soir, je te réveillerai. Je t’aime. » Et il raccrocha.
« Je t’aime aussi. » Dit-elle dans le vide.
Elle déposa le combiné sur la table de salon, avant de prendre son tisane et de sortir sur la terrasse de sa chambre au Ritz. Appuyée sur la rambarde du balcon, elle profite de la vue, sereine. Distraitement, elle joue avec l’anneau à son doigt, cette bague d’une simplicité étonnante pour sa valeur valait pourtant tout l’or du monde. Un simple anneau d’or pure, sans diamant, sans fioriture, avec juste une date gravée à l’intérieur : 26 juillet 2010.
Il l’avait demandé en mariage à peine trois mois avant de la fin de sa dernière année d’architecture. Il était seize heures, elle venait de terminer un cours laborieux sur les permis d’urbanisme à obtenir avant de s’attaquer à une structure interne d’habitation déjà existante, et il l’attendait à la sortie des cours. Ela n’avait jamais connu de cours aussi ennuyant et de voir son visage, ce sourire amoureux qu’il ne réservait qu’à elle, tout d’un coup son monde retrouvait ses couleurs. Elle qui se sentait si fade, si épuisée après cette journée de cours éreintante, elle devenait le centre son univers, rayonnante et belle, même si l’empreinte de sa main était probablement encore marquée sur sa joue. C’est pourtant dans ce couloir bondé qu’il posa un genou à terre, arrêtant certains étudiants curieux, et qu’il sortit une petite boite rouge de sa poche. Le cœur d’Ela eut un raté, elle vacilla. Le monde s’arrêta autour d’elle alors qu’à la demande qu’il formula pour elle, elle s’avançait doucement. C’était comme si cette distance était interminable alors qu’elle n’avait qu’une dizaine de pas à faire : douze, douze pas. Douze pas avant qu’elle ne se tienne devant lui, l’air hagard et complètement ahuri. Elle fondit en larmes. Et hocha la tête en soufflant un oui que lui seul pouvait entendre. Il passa l’anneau à son annulaire, avant de se relever et de sceller leur union prochaine d’un baiser sur ses lèvres. Ela fut diplômée le 30 juin 2010 avec une grande distinction. Le mois de juillet ne fut qu’un tourbillon de tulles, d’essayages de coiffure et de maquillage, le reste, Abel s’en chargea, offrant à sa Princesse le plus beau jour de sa vie.
Depuis cette fabuleuse journée, sa vie n’était qu’une suite de journées toutes plus belles les unes que les autres. Elle était entrée dans le cabinet d’architectes dans lequel elle avait fait son dernier stage. Un bureau où ses idées de jeune femme à peine sortie des études apportaient un souffle novateur à leur entreprise. Elle travaillait sur de petits projets, toujours en collaboration, mais elle se sentait portée par ce métier, par cet élan de créativité qui bouillonnait de ces esprits géniaux. Mais il y avait d’autres choses tout aussi importantes dans sa vie. Abel avait de l’ambition, son travail aux affaires étrangères ne lui suffisait pas, il voulait plus, tellement plus et Ela était derrière lui. Quand il lui annonça qu’il se présentait au poste d’Ambassadeur d’Israël, elle le soutenait de tout son cœur et de toute son âme. Il obtint le poste en janvier 2013, et parce qu’elle avait besoin de lui autant qu’il avait besoin d’elle, elle mit fin à sa collaboration avec le bureau d’architecte où elle travaillait. Le nouveau travail d’Abel les obligerait à voyager souvent, et longtemps, et elle refusait l’idée même de rester en Israël et de vivre son mariage à distance. Depuis ce jour-là, elle avait mis du cœur à assumer son rôle de l’épouse du représentant d’Israël.
La première mission d’Abel eut lieu en Italie, où ils séjournèrent quelques mois à Rome. Abel n’était pas très présent, être ambassadeur d’Israël ne signifiait pas vraiment se la couler douce dans les plus beaux pays du monde, du contraire. Abel passait ses journées à l’ambassade, laissant Ela seule à ses occupations. C’était difficile au début, mais ils avaient trouvé leur équilibre. Le matin, elle se levait pour ne pas manquer le petit-déjeuner avec lui, avant de lui souhaiter une bonne journée, ne le revoyant qu’une fois la nuit tombée. Le reste du temps, ils s’appelaient. Il lui envoyait des messages de sous la table, lors de réunions plutôt longues, ennuyantes. C’était des moments privilégiés.
Après l’Italie, il y eut l’Angleterre, le Québec et enfin, en 2015, les Etats-Unis. C’est pendant ces voyages qu’elle apprit l’anglais ; un minimum de cours, l’immersion fut sa meilleure école. Abel travaillait beaucoup, mais cela n’empêcha pas Ela de découvrir ce que le monde avait à lui offrir. En tant qu’épouse d’Ambassadeur, elle n’était jamais vraiment seule. Son mari exigeait la présence d’un garde du corps à chacune de ses sorties. Toute sa vie, Ela a vécu comme une reine, son mariage ressemblait à un conte de fée. Il ne manquait qu’une chose à son tableau idyllique.
Sur le balcon du Ritz, Ela soupirait d’aise, rêvant amoureusement à cet avenir qui se profilait devant eux. Elle posa sa main sur ventre, en son sein s’était éveillée la vie. Une vie qu’ils avaient créées tous les deux. Ce soir, elle attendrait Abel, peu importe l’heure à laquelle il rentrerait. Cela faisait deux ans qu’ils essayaient, deux ans qu’ils espéraient. Et aujourd’hui, quelqu’un là-haut avait entendu leurs prières. Ela était enceinte.
« Je t’attendrais, ne t’en fais pas. » Elle est un peu déçue, mais ça en vaut la peine.
« Tu es sûre ? Tu n’arrêtes pas ces derniers jours, tu devrais te reposer un peu. »
« Ne t’en fais pas pour moi, je t’attendrais, il faut que je te parle de quelque chose. »
« Ah bon ? De quoi donc ? »
« Surprise… ! » Elle se mord la lèvre, bien consciente qu’il ne peut pas la voir au téléphone.
« Ela… Tu sais que.. Ou-oui, oui j’arrive. Désolé Princesse, je dois raccrocher. Si tu dors ce soir, je te réveillerai. Je t’aime. » Et il raccrocha.
« Je t’aime aussi. » Dit-elle dans le vide.
Elle déposa le combiné sur la table de salon, avant de prendre son tisane et de sortir sur la terrasse de sa chambre au Ritz. Appuyée sur la rambarde du balcon, elle profite de la vue, sereine. Distraitement, elle joue avec l’anneau à son doigt, cette bague d’une simplicité étonnante pour sa valeur valait pourtant tout l’or du monde. Un simple anneau d’or pure, sans diamant, sans fioriture, avec juste une date gravée à l’intérieur : 26 juillet 2010.
Il l’avait demandé en mariage à peine trois mois avant de la fin de sa dernière année d’architecture. Il était seize heures, elle venait de terminer un cours laborieux sur les permis d’urbanisme à obtenir avant de s’attaquer à une structure interne d’habitation déjà existante, et il l’attendait à la sortie des cours. Ela n’avait jamais connu de cours aussi ennuyant et de voir son visage, ce sourire amoureux qu’il ne réservait qu’à elle, tout d’un coup son monde retrouvait ses couleurs. Elle qui se sentait si fade, si épuisée après cette journée de cours éreintante, elle devenait le centre son univers, rayonnante et belle, même si l’empreinte de sa main était probablement encore marquée sur sa joue. C’est pourtant dans ce couloir bondé qu’il posa un genou à terre, arrêtant certains étudiants curieux, et qu’il sortit une petite boite rouge de sa poche. Le cœur d’Ela eut un raté, elle vacilla. Le monde s’arrêta autour d’elle alors qu’à la demande qu’il formula pour elle, elle s’avançait doucement. C’était comme si cette distance était interminable alors qu’elle n’avait qu’une dizaine de pas à faire : douze, douze pas. Douze pas avant qu’elle ne se tienne devant lui, l’air hagard et complètement ahuri. Elle fondit en larmes. Et hocha la tête en soufflant un oui que lui seul pouvait entendre. Il passa l’anneau à son annulaire, avant de se relever et de sceller leur union prochaine d’un baiser sur ses lèvres. Ela fut diplômée le 30 juin 2010 avec une grande distinction. Le mois de juillet ne fut qu’un tourbillon de tulles, d’essayages de coiffure et de maquillage, le reste, Abel s’en chargea, offrant à sa Princesse le plus beau jour de sa vie.
Depuis cette fabuleuse journée, sa vie n’était qu’une suite de journées toutes plus belles les unes que les autres. Elle était entrée dans le cabinet d’architectes dans lequel elle avait fait son dernier stage. Un bureau où ses idées de jeune femme à peine sortie des études apportaient un souffle novateur à leur entreprise. Elle travaillait sur de petits projets, toujours en collaboration, mais elle se sentait portée par ce métier, par cet élan de créativité qui bouillonnait de ces esprits géniaux. Mais il y avait d’autres choses tout aussi importantes dans sa vie. Abel avait de l’ambition, son travail aux affaires étrangères ne lui suffisait pas, il voulait plus, tellement plus et Ela était derrière lui. Quand il lui annonça qu’il se présentait au poste d’Ambassadeur d’Israël, elle le soutenait de tout son cœur et de toute son âme. Il obtint le poste en janvier 2013, et parce qu’elle avait besoin de lui autant qu’il avait besoin d’elle, elle mit fin à sa collaboration avec le bureau d’architecte où elle travaillait. Le nouveau travail d’Abel les obligerait à voyager souvent, et longtemps, et elle refusait l’idée même de rester en Israël et de vivre son mariage à distance. Depuis ce jour-là, elle avait mis du cœur à assumer son rôle de l’épouse du représentant d’Israël.
La première mission d’Abel eut lieu en Italie, où ils séjournèrent quelques mois à Rome. Abel n’était pas très présent, être ambassadeur d’Israël ne signifiait pas vraiment se la couler douce dans les plus beaux pays du monde, du contraire. Abel passait ses journées à l’ambassade, laissant Ela seule à ses occupations. C’était difficile au début, mais ils avaient trouvé leur équilibre. Le matin, elle se levait pour ne pas manquer le petit-déjeuner avec lui, avant de lui souhaiter une bonne journée, ne le revoyant qu’une fois la nuit tombée. Le reste du temps, ils s’appelaient. Il lui envoyait des messages de sous la table, lors de réunions plutôt longues, ennuyantes. C’était des moments privilégiés.
Après l’Italie, il y eut l’Angleterre, le Québec et enfin, en 2015, les Etats-Unis. C’est pendant ces voyages qu’elle apprit l’anglais ; un minimum de cours, l’immersion fut sa meilleure école. Abel travaillait beaucoup, mais cela n’empêcha pas Ela de découvrir ce que le monde avait à lui offrir. En tant qu’épouse d’Ambassadeur, elle n’était jamais vraiment seule. Son mari exigeait la présence d’un garde du corps à chacune de ses sorties. Toute sa vie, Ela a vécu comme une reine, son mariage ressemblait à un conte de fée. Il ne manquait qu’une chose à son tableau idyllique.
Sur le balcon du Ritz, Ela soupirait d’aise, rêvant amoureusement à cet avenir qui se profilait devant eux. Elle posa sa main sur ventre, en son sein s’était éveillée la vie. Une vie qu’ils avaient créées tous les deux. Ce soir, elle attendrait Abel, peu importe l’heure à laquelle il rentrerait. Cela faisait deux ans qu’ils essayaient, deux ans qu’ils espéraient. Et aujourd’hui, quelqu’un là-haut avait entendu leurs prières. Ela était enceinte.
Le 2 décembre 2015.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Je savais que c’était une mauvaise idée de venir ici … ! On n’aurait pas… On aurait dû » Elle se tut, le souffle coupé par le sanglot qui lui nouait le ventre. Abel, paniqué, lui tenait la main, complètement perdu.
« Je suis désolé, je suis tellement désolé, Ela »
« C’est ta faute ! TOUT EST DE TA FAUTE ! »
Ses épaules étaient secouées de sanglots, elle se sentait tellement vide. Tellement inutile. Tellement morte. Cette maladie, c’était ce putain de virus qui était la cause de tout ça. Ils disaient que tout irait bien, qu’ils étaient sur le coup, que tout était sous contrôle. Mais ils ne contrôlaient rien du tout. Ils n’auraient jamais dû venir. Elle le lui avait dit.
Quand tout a commencé, ce n’était que des faits divers. Le monde tournait fou, mais ce n’était pas une nouveauté. L’homme se faisait la guerre, se détruisait lui-même depuis longtemps déjà. En cause ; les guerres, les religions, les folies meurtrières, les drogues, … Cette histoire de cannibalisme au Texas faisait froid dans le dos, mais étaient-ils vraiment surpris ? Pas vraiment. Les médias avaient le chic de nos jours, à présenter des faits marquants comme des événements banals. En 2015, on ne s’étonnait déjà plus de rien. Les journalistes n’avaient visiblement rien de mieux à faire que de manipuler l’esprit des téléspectateurs, de remplir leurs jolies têtes vides d’histoires dignes d’une soirée d’Halloween. Mais plus personne ne réagissait. Affligeant ce que l’être humain pouvait s’habituer à tout.
Tout ce qui comptait pour eux, c’était cette vie qui grandissait dans le ventre d’Ela. C’était leur miracle. Leur chance. Comprenez, cela faisait deux ans qu’ils essayaient, en vain. A croire que là-haut, quelqu’un avait décidé que ce n’était pas le moment. Mais l’était-ce vraiment, maintenant ?
Début octobre, Abel entend des bruits de couloirs. Ces faits divers commencent à alerter les autorités, remontant jusqu’aux oreilles du gouvernement. A Washington aux alentours du 10-11 octobre 2015, les cas commencent à être répertoriés et les spécialistes se demandent si tous ces événements n’auraient pas un lien. En Israël, on note quelques cas étrangement similaires, Abel – comme d’autres ambassadeurs étrangers – est tenu d’informer le gouvernement américain des suspicions du sien. On parle de drogue ou d’une maladie virale. Il est conseillé de faire attention mais de ne pas céder à la panique. Des professionnels sont sur le coup. Tout ce qu’Abel retiendra de ces réunions en haut lieu, c’était qu’il fallait faire attention. Et du jour au lendemain, Ela s’était retrouvée enfermée dans sa suite à l’hôtel du Ritz. L’enquête suit son cours auprès des autorités, tout est passé sous silence. Mais Abel est dans le milieu depuis assez longtemps que pour se méfier de leurs silences. Ce qui se passe n’est probablement rien, peut-être que les choses sont vraiment sous contrôle, mais la grossesse d’Ela était trop importante pour prendre le moindre risque et si cette grossesse emplissait la jeune femme de joie et d’allégresse, elle entretenait également la paranoïa de son mari. C’était ridicule, complètement ridicule. Attendrissant, un peu. Mais elle supportait difficilement cet enfermement inutile. Un jour, elle se baladait au Lincoln Mémorial, le lendemain, elle n’avait plus que le balcon de sa chambre comme unique vue sur le monde extérieur. Elle ne comprenait pas cette inquiétude grandissante, après tout, lui-même n’avait pas de réponse à lui fournir. Il n’y avait que des bruits de couloirs, et un instinct de protection démesuré qui perturbait les décisions d’Abel. Et quand l’enfant sera né, comment se comportera-t-il ?. Mi-agacée, mi-amusée, elle houspillait son mari pour sortir, elle cherchait à le rassurer, elle le cajolait contre une sortie au restaurant. Mais il avait peur, peur de cette drogue ou de ce virus – qui sait ? Il avait surtout peur pour Ela et le bébé, cet enfant était leur miracle, il se devait de les protéger. Mais on ne pouvait pas se protéger de tout, n’est-ce pas ? Cette paranoïa était ridicule. Cela étant, elle ne s’opposa pas à lui. Cela ne durerait que quelques jours, le temps pour Abel de saisir le ridicule de cette situation, il était un peu lent à la détente. En attendant, elle prenait patience. Ses seules occupations étant la lecture et la télévision, elle finit par s’intéresser à ces faits divers. Non mais vraiment, l’être humain était stupéfiant de décadence.
Elle pensait voir son mari se rassurer au fil des jours, mais il n’en fut rien. Le 15 octobre, Abel rentra en fin de matinée pour lui annoncer qu’ils quittaient Washington DC, des militaires viendraient les chercher tous les deux en fin de journée. « Attends, tu as dit … QUOI ?! » Elle était furieuse et follement inquiète. Ils devaient tout quitter pour … pour quoi au juste ?! Pour une peur irraisonnée, pour des rumeurs. Tout ça était ridicule, ça n’en valait pas la peine. Bientôt, les choses rentreraient dans l’ordre, bientôt la télévision leur révélerait qu’il ne s’agissait que d’un virus, qu’un vaccin avait été trouvé et que l’industrie pharmaceutique allait encore s’en mettre plein les poches. Un nouveau scandale et ces événements tragiques se retrouveraient enterrer sous d’autres. Mais Abel était inflexible. « On s’en va ce soir. » Elle ne comprenait pas. Il vint la rejoindre, prenant ses mains dans les siennes. « Le Président compte bientôt boucler la Maison Blanche, d’autres villes s’organisent. Je veux que tu sois à l’abri pour le moment et on nous propose une place à Seattle. Ce sera temporaire, Princesse. Juste le temps pour les scientifiques de fabriquer ce vaccin et d’assurer la protection des citoyens. Ce sera temporaire, je te le promets. Mais je ne cèderai pas sur ce point. Toi et le bébé vous devez être en sécurité. » Mais elle refusait d’entendre. C’était totalement disproportionné. Il ne fallait pas partir, elle le savait. « Mais partir serait une folie ! Nous sommes en sécurité au Ritz, non ? » Le regard que lui porta Abel était éloquent. Le Ritz, ce n’était pas suffisant pour lui. C’était de la paranoïa dans ses yeux. Une inquiétude qui le dévorait de l’intérieur. C’était ridicule, disproportionné. Elle prit son visage entre ses mains, ancra son regard dans le sien. « Abel, tout ça est ridicule et inutile. Nous ne risquons rien ici. Nous allons bien, nous irons bien. » Mais il n’écouta rien. Aucun mot doux, aucune caresse ne put le faire changer d’avis. Son gouvernement lui avait conseillé la prudence et de prendre les mesures nécessaires pour être loin du conflit. D’autres décisionnaires prenaient leurs mesures et Abel avait décidé de mettre sa famille à l’abri. Washington n’était pas à l’abri de cette maladie, quelques cas inquiétants avaient été répertoriés. Toutes les classes sociales étaient visées, personne n’était à l’abri. Mais il ne voulait pas inquiéter Ela plus qu’il ne fallait, alors il garda les inquiétudes du gouvernement pour lui. Peu lui importait que son épouse le haïsse pour ce départ précipité. C’était une décision consciente et réfléchie. Ela, elle, avait une mauvaise impression quant à ce voyage. Ce n’était pas une bonne idée. Pourtant, elle prépara sa valise, sans adresser un seul mot à son mari. Ca allait beaucoup trop loin, il dépassait les limites. Mais quand les militaires arrivèrent pour les escorter jusqu’au jet privé, elle n’avait toujours pas trouvé de solution pour le faire changer d’avis. C’était une mauvaise idée. C’était tout ce qu’elle savait. Quand l’avion décolla, Ela était toujours aussi silencieuse, la main posée sur son ventre, elle était aussi soucieuse. Abel s’installa en face d’elle après avoir échangé quelques mots avec les militaires qui les escortaient. Ils arriveraient à Fort Ward dans la nuit. Elle tourna la tête vers lui, le visage froid et l’œil lointain. « Ce départ est une mauvaise idée, j’ai un mauvais pressentiment. »
Elle se sentait tellement vide, tellement impuissante. Elle lui avait dit que ce départ était une mauvaise idée. Ela avait mal vécu ce déménagement un peu trop brutal pour elle. Les choses s’étaient enchainées si vite, et puis la vue était moins imprenable qu’au Ritz. Elle se raccrochait à l’idée que cette situation était provisoire, mais plus les jours avançaient, plus l’angoisse la gagnait alors qu’au contraire, son mari semblait plus serein face aux dispositions que les dirigeants du Fort avait installé pour eux. Sécurité renforcée, militaires omniprésents. Abel semblait plus serein, Ela au contraire, devenait de plus en plus nerveuse.
C’était arrivé si vite qu’elle n’avait pas eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait. Elle venait de sortir dans la cour pour prendre l’air qu’elle se retrouva pliée en deux par la douleur soudain dans son ventre. Un liquide chaud dégoulina de ses jambes, et l’instant d’après, elle s’écroulait au sol. Ela avait perdu les eaux prématurément. Emmenée à l’infirmerie de toute urgence, les médecins présents ne pouvaient déjà plus rien faire. En l’espace d’une heure à peine, Ela avait perdu son bébé à presque 4 mois de grossesse. Elle était en colère, inconsolable. Les médecins l’avaient soigné, la gardant à l’infirmerie le temps qu’elle se remette. Recroquevillée sur son lit, les mains entourant ce ventre vide, elle maudissait son corps, ce traitre. Elle maudissait Abel qui l’avait entrainée jusqu’ici. Elle maudissait ce gouvernement qui avait promis que cette situation n’était que provisoire.
« Je suis tellement désolé. »
« JE TE DETESTE ! VA T’EN ! JE VOUS DETESTE TOUS ! TOUT CA C’EST VOTRE FAUTE ! » Elle s’était redressée, et hurlait son chagrin à tous ceux qui pouvaient l’entendre. Abel lui attrapa la main, chercha à la calmer. Mais elle se débat, le giflant avec violence. A ce moment-là, un homme la ceintura, coinçant ses bras et face à cette crise d’hystérie soudain, on lui administra un calmant qui peu à peu, l’assomma. La plongeant dans le noir complet, jusqu’à ne plus ressentir aucune douleur, aucun chagrin, jusqu’à la fin des effets du médicament.
« VOUS… Vous avez… tué mon fils… »
C’était leur faute. Ils n’avaient toujours pas trouvé un remède à ce virus. Ils les avaient enfermés ici, les rassurant avec de fausses promesses. Mais la situation se prolongeait, encore et encore, et ils n’avaient encore obtenu aucune réponse.
« Je suis désolé, je suis tellement désolé, Ela »
« C’est ta faute ! TOUT EST DE TA FAUTE ! »
Ses épaules étaient secouées de sanglots, elle se sentait tellement vide. Tellement inutile. Tellement morte. Cette maladie, c’était ce putain de virus qui était la cause de tout ça. Ils disaient que tout irait bien, qu’ils étaient sur le coup, que tout était sous contrôle. Mais ils ne contrôlaient rien du tout. Ils n’auraient jamais dû venir. Elle le lui avait dit.
Quand tout a commencé, ce n’était que des faits divers. Le monde tournait fou, mais ce n’était pas une nouveauté. L’homme se faisait la guerre, se détruisait lui-même depuis longtemps déjà. En cause ; les guerres, les religions, les folies meurtrières, les drogues, … Cette histoire de cannibalisme au Texas faisait froid dans le dos, mais étaient-ils vraiment surpris ? Pas vraiment. Les médias avaient le chic de nos jours, à présenter des faits marquants comme des événements banals. En 2015, on ne s’étonnait déjà plus de rien. Les journalistes n’avaient visiblement rien de mieux à faire que de manipuler l’esprit des téléspectateurs, de remplir leurs jolies têtes vides d’histoires dignes d’une soirée d’Halloween. Mais plus personne ne réagissait. Affligeant ce que l’être humain pouvait s’habituer à tout.
Tout ce qui comptait pour eux, c’était cette vie qui grandissait dans le ventre d’Ela. C’était leur miracle. Leur chance. Comprenez, cela faisait deux ans qu’ils essayaient, en vain. A croire que là-haut, quelqu’un avait décidé que ce n’était pas le moment. Mais l’était-ce vraiment, maintenant ?
Début octobre, Abel entend des bruits de couloirs. Ces faits divers commencent à alerter les autorités, remontant jusqu’aux oreilles du gouvernement. A Washington aux alentours du 10-11 octobre 2015, les cas commencent à être répertoriés et les spécialistes se demandent si tous ces événements n’auraient pas un lien. En Israël, on note quelques cas étrangement similaires, Abel – comme d’autres ambassadeurs étrangers – est tenu d’informer le gouvernement américain des suspicions du sien. On parle de drogue ou d’une maladie virale. Il est conseillé de faire attention mais de ne pas céder à la panique. Des professionnels sont sur le coup. Tout ce qu’Abel retiendra de ces réunions en haut lieu, c’était qu’il fallait faire attention. Et du jour au lendemain, Ela s’était retrouvée enfermée dans sa suite à l’hôtel du Ritz. L’enquête suit son cours auprès des autorités, tout est passé sous silence. Mais Abel est dans le milieu depuis assez longtemps que pour se méfier de leurs silences. Ce qui se passe n’est probablement rien, peut-être que les choses sont vraiment sous contrôle, mais la grossesse d’Ela était trop importante pour prendre le moindre risque et si cette grossesse emplissait la jeune femme de joie et d’allégresse, elle entretenait également la paranoïa de son mari. C’était ridicule, complètement ridicule. Attendrissant, un peu. Mais elle supportait difficilement cet enfermement inutile. Un jour, elle se baladait au Lincoln Mémorial, le lendemain, elle n’avait plus que le balcon de sa chambre comme unique vue sur le monde extérieur. Elle ne comprenait pas cette inquiétude grandissante, après tout, lui-même n’avait pas de réponse à lui fournir. Il n’y avait que des bruits de couloirs, et un instinct de protection démesuré qui perturbait les décisions d’Abel. Et quand l’enfant sera né, comment se comportera-t-il ?. Mi-agacée, mi-amusée, elle houspillait son mari pour sortir, elle cherchait à le rassurer, elle le cajolait contre une sortie au restaurant. Mais il avait peur, peur de cette drogue ou de ce virus – qui sait ? Il avait surtout peur pour Ela et le bébé, cet enfant était leur miracle, il se devait de les protéger. Mais on ne pouvait pas se protéger de tout, n’est-ce pas ? Cette paranoïa était ridicule. Cela étant, elle ne s’opposa pas à lui. Cela ne durerait que quelques jours, le temps pour Abel de saisir le ridicule de cette situation, il était un peu lent à la détente. En attendant, elle prenait patience. Ses seules occupations étant la lecture et la télévision, elle finit par s’intéresser à ces faits divers. Non mais vraiment, l’être humain était stupéfiant de décadence.
Elle pensait voir son mari se rassurer au fil des jours, mais il n’en fut rien. Le 15 octobre, Abel rentra en fin de matinée pour lui annoncer qu’ils quittaient Washington DC, des militaires viendraient les chercher tous les deux en fin de journée. « Attends, tu as dit … QUOI ?! » Elle était furieuse et follement inquiète. Ils devaient tout quitter pour … pour quoi au juste ?! Pour une peur irraisonnée, pour des rumeurs. Tout ça était ridicule, ça n’en valait pas la peine. Bientôt, les choses rentreraient dans l’ordre, bientôt la télévision leur révélerait qu’il ne s’agissait que d’un virus, qu’un vaccin avait été trouvé et que l’industrie pharmaceutique allait encore s’en mettre plein les poches. Un nouveau scandale et ces événements tragiques se retrouveraient enterrer sous d’autres. Mais Abel était inflexible. « On s’en va ce soir. » Elle ne comprenait pas. Il vint la rejoindre, prenant ses mains dans les siennes. « Le Président compte bientôt boucler la Maison Blanche, d’autres villes s’organisent. Je veux que tu sois à l’abri pour le moment et on nous propose une place à Seattle. Ce sera temporaire, Princesse. Juste le temps pour les scientifiques de fabriquer ce vaccin et d’assurer la protection des citoyens. Ce sera temporaire, je te le promets. Mais je ne cèderai pas sur ce point. Toi et le bébé vous devez être en sécurité. » Mais elle refusait d’entendre. C’était totalement disproportionné. Il ne fallait pas partir, elle le savait. « Mais partir serait une folie ! Nous sommes en sécurité au Ritz, non ? » Le regard que lui porta Abel était éloquent. Le Ritz, ce n’était pas suffisant pour lui. C’était de la paranoïa dans ses yeux. Une inquiétude qui le dévorait de l’intérieur. C’était ridicule, disproportionné. Elle prit son visage entre ses mains, ancra son regard dans le sien. « Abel, tout ça est ridicule et inutile. Nous ne risquons rien ici. Nous allons bien, nous irons bien. » Mais il n’écouta rien. Aucun mot doux, aucune caresse ne put le faire changer d’avis. Son gouvernement lui avait conseillé la prudence et de prendre les mesures nécessaires pour être loin du conflit. D’autres décisionnaires prenaient leurs mesures et Abel avait décidé de mettre sa famille à l’abri. Washington n’était pas à l’abri de cette maladie, quelques cas inquiétants avaient été répertoriés. Toutes les classes sociales étaient visées, personne n’était à l’abri. Mais il ne voulait pas inquiéter Ela plus qu’il ne fallait, alors il garda les inquiétudes du gouvernement pour lui. Peu lui importait que son épouse le haïsse pour ce départ précipité. C’était une décision consciente et réfléchie. Ela, elle, avait une mauvaise impression quant à ce voyage. Ce n’était pas une bonne idée. Pourtant, elle prépara sa valise, sans adresser un seul mot à son mari. Ca allait beaucoup trop loin, il dépassait les limites. Mais quand les militaires arrivèrent pour les escorter jusqu’au jet privé, elle n’avait toujours pas trouvé de solution pour le faire changer d’avis. C’était une mauvaise idée. C’était tout ce qu’elle savait. Quand l’avion décolla, Ela était toujours aussi silencieuse, la main posée sur son ventre, elle était aussi soucieuse. Abel s’installa en face d’elle après avoir échangé quelques mots avec les militaires qui les escortaient. Ils arriveraient à Fort Ward dans la nuit. Elle tourna la tête vers lui, le visage froid et l’œil lointain. « Ce départ est une mauvaise idée, j’ai un mauvais pressentiment. »
Elle se sentait tellement vide, tellement impuissante. Elle lui avait dit que ce départ était une mauvaise idée. Ela avait mal vécu ce déménagement un peu trop brutal pour elle. Les choses s’étaient enchainées si vite, et puis la vue était moins imprenable qu’au Ritz. Elle se raccrochait à l’idée que cette situation était provisoire, mais plus les jours avançaient, plus l’angoisse la gagnait alors qu’au contraire, son mari semblait plus serein face aux dispositions que les dirigeants du Fort avait installé pour eux. Sécurité renforcée, militaires omniprésents. Abel semblait plus serein, Ela au contraire, devenait de plus en plus nerveuse.
C’était arrivé si vite qu’elle n’avait pas eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait. Elle venait de sortir dans la cour pour prendre l’air qu’elle se retrouva pliée en deux par la douleur soudain dans son ventre. Un liquide chaud dégoulina de ses jambes, et l’instant d’après, elle s’écroulait au sol. Ela avait perdu les eaux prématurément. Emmenée à l’infirmerie de toute urgence, les médecins présents ne pouvaient déjà plus rien faire. En l’espace d’une heure à peine, Ela avait perdu son bébé à presque 4 mois de grossesse. Elle était en colère, inconsolable. Les médecins l’avaient soigné, la gardant à l’infirmerie le temps qu’elle se remette. Recroquevillée sur son lit, les mains entourant ce ventre vide, elle maudissait son corps, ce traitre. Elle maudissait Abel qui l’avait entrainée jusqu’ici. Elle maudissait ce gouvernement qui avait promis que cette situation n’était que provisoire.
« Je suis tellement désolé. »
« JE TE DETESTE ! VA T’EN ! JE VOUS DETESTE TOUS ! TOUT CA C’EST VOTRE FAUTE ! » Elle s’était redressée, et hurlait son chagrin à tous ceux qui pouvaient l’entendre. Abel lui attrapa la main, chercha à la calmer. Mais elle se débat, le giflant avec violence. A ce moment-là, un homme la ceintura, coinçant ses bras et face à cette crise d’hystérie soudain, on lui administra un calmant qui peu à peu, l’assomma. La plongeant dans le noir complet, jusqu’à ne plus ressentir aucune douleur, aucun chagrin, jusqu’à la fin des effets du médicament.
« VOUS… Vous avez… tué mon fils… »
C’était leur faute. Ils n’avaient toujours pas trouvé un remède à ce virus. Ils les avaient enfermés ici, les rassurant avec de fausses promesses. Mais la situation se prolongeait, encore et encore, et ils n’avaient encore obtenu aucune réponse.
Début août 2016.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Abel ! S’il te plait ! Regarde-moi, s’il te plait… ABEL… »
Elle sanglotait. Les yeux de son mari papillonnaient, cherchant le sien jusqu’à s’y accrocher. Pendant l’espace d’un instant, il y eu comme un espoir. Comme si le regard d’Ela lui insufflait un dernier souffle de vie, mais au moment même où un faible sourire étira ses lèvres, il fut d’une quinte de toux violente. La tête reposant sur les genoux de sa femme, Abel se mourrait.
« Aidez-nous ! S’IL VOUS PLAIT ! »
Tout le monde courait partout, personne ne s’arrêtait sur eux. Quelques coups de feu résonnaient encore, alors que les militaires abattaient les derniers pilleurs qui se cachaient parmi les cadavres. Mais c’était fini. Et Abel allait mourir. Abel allait mourir. Elle voyait le poignard enfoncé dans sa poitrine, et les mains de son homme chercher à le dégager. Le devançant, elle arracha l’arme à son corps, oubliant toutes les précautions médicales qu’on avait pu lui enseigner par le passé. Elle observa l’arme, dégoulinante du sang de son aimé, puis la laissa tomber au sol à ses côtés pour se pencher sur le visage de son mari, l’embrassant, pleurant cet homme qui lui aussi, allait l’abandonner.
« Ela… » Un râle, un souffle.
« Abel… Je t’aime… Ne m’abandonne pas. »
Il ne pouvait pas l’abandonner maintenant, pas comme ça. Pas après avoir survécu, pas après avoir trouvé leur place, pas après d’être résigné à ce que cette situation dure… Indéfiniment.
Après la fausse-couche d’Ela, le couple s’était réfugié dans leurs appartements. Abel n’en sortait que pour rapporter à manger, pour remplir les différentes tâches qu’on lui demandait malgré tout d’accomplir. Ela resta alitée pendant deux semaines, n’adressant mot à personne excepté son mari, quand il parvenait à la sortir de son mutisme. Affligée, le temps semblait s’écouler plus lentement. Son ventre vide lui faisait horreur. Une douleur invisible qui lui broyait le corps. Mais peu à peu, avec la patience et la prévenance d’Abel, elle sembla retrouver vie. « Emmène-moi dehors. » Ce fut comme d’entendre la voix d’une revenante. Ela décidait de vivre. Peu à peu, elle retrouva la force et l’espoir. Sa main dans la sienne, elle se releva et ensemble, ils reprirent leur avenir en mains.
La nouvelle année arrive et avec elle, des changements inévitables. Les communications vers l’extérieur étant coupées depuis un moment, le rôle d’ambassadeur d’Israël n’avait plus aucune signification alors. Les Amrani restaient des personnalités étrangères importantes. Mais des civils. Il fallait bien se résoudre à admettre la vérité ; Abel ne faisait plus partie de la sphère politique dirigeante. Depuis longtemps déjà. Il avait essayé d’être tenu au courant. Mais ils n’étaient que des civils, la partie du gouvernement passive qui devrait attendre un retour à la normale pour reprendre ses fonctions. En attendant, tous ces dignitaires inactifs redevenaient des civils, avec chacun leur part à faire dans cette nouvelle vie. Mais bien sûr, tout cela était temporaire. Cela étant, se tourner les pouces en attendant que les choses redeviennent comme avant n’était bon pour personne. Abel se porta volontaire pour la construction de la barricade ordonnée par le sénateur Chambers. Ela quant à elle, choisi d’apporter ses compétences d’architecte au camp. Son statut de femme d’ambassadeur lui permit de se faire entendre des bonnes personnes et rejoignant l’équipe actuelle, elle travailla à l’agencement du Fort afin de maximiser les espaces et leurs fonctions. C’était un travail continu, motivant et grâce à cela, elle se trouvait de nouveaux objectifs, une nouvelle utilité et une nouvelle joie de vivre. Le sénateur Chambers et ses conseillers avaient tout sous contrôle, il n’y avait plus qu’à attendre et faire confiance. Elle commença même à reprendre le sport en suivant les cours des civils. Elle qui avait délaissé le sport depuis le début de sa grossesse, se sentait à nouveau vivante, comme une bouffée d’oxygène. Ils commençaient à trouver leur place, à s’habituer à cette vie très différente de tout ce qu’ils avaient pu vivre par le passé. Ils commençaient à se faire à l’idée qu’ils étaient là pour un moment, en sécurité, mais qu’ils ne rentreraient plus chez eux avant longtemps.
Alors ce jour-là, quand ces hommes sont arrivés par bateaux personne n’était préparé. Personne ne s’y attendait. Et les tirs ont éclaté. Abel était dehors au moment où tout a commencé. Ela était à l’intérieur, donnant un coup de main à l’infirmerie pour répertorier toutes les fournitures qui leur restaient. Très vite, tous les civils se retrouvèrent cloisonnés à l’intérieur pendant que les militaires dehors font feu sur leurs assaillants. Les rangs des pilleurs est rapidement décimés, les portes du Fort s’ouvrent et tout le personnel médical et toutes les personnes capables d’aider sortent, venant en aide aux blessés. Ela, elle se précipita au dehors, cherchant son mari. Mais c’était trop tard, bien trop tard.
Ela pleurait à gros sanglots. Son mari se mourrait et personne ne pourrait l’aider. Elle le savait. Il y avait trop de sang, Abel avait pris une balle perdue dans le flanc, et le couteau s’était enfoncé jusqu’à la garde dans sa poitrine. Personne ne le lui ramènerait. Sa tête reposant sur ses genoux, elle lui murmurait des paroles apaisantes, alors que la vie le quittait peu à peu. Cet instant lui sembla durer une éternité alors qu’elle caressait son visage, son regard brouillé par les larmes ancré dans le sien. Il expira son dernier souffle et ce fut comme si son cœur s’arrêtait lui aussi. Elle ferma les yeux, baissa la tête et ce fut comme si quelque chose en elle s’éteignait à jamais. Les larmes se tarirent, le souffle lui manqua. Elle ouvrit à nouveau les yeux, chercha quelque chose à laquelle se raccrocher. Son regard tomba sur l’arme qui lui avait arraché son mari, elle s’en saisit, l’observa. Et au moment où les aides médicales arrivèrent, elle cacha l’arme dans sa veste. Le médecin déclara Abel mort et on pria Ela de rentrer à l’intérieur.
« Je vais rester-là, j’attendrais qu’on ramène son corps à l’intérieur, ne vous en faites pas pour moi je n’ai rien. » Sa voix était atone, dénuée d’émotions. Si elle laissait la moindre trace, les sanglots réapparaitraient.
« Madame, vous ne pouvez pas attendre ici, il faut rentrer. » L’insistance du médecin agaça quelque peu Ela.
« Je veux rester aux côtés de mon mari. »
« Madame… » Le militaire avait posé la main sur elle, l’invitant à se relever. Elle le repoussa brusquement. Il y eut un échange de regard entre le médecin et le militaire avant que ce dernier attrapa le bras d’Ela pour l’aider à se relever.
« Ce sont les ordres madame, tous les civils doivent retourner à l’intérieur pour leur protection et le soin des blessés. » Elle chercha à se libérer, mais elle n’y parvint pas.
« Mais lâchez-moi, c’est mon mari ! J’ai le droit… JE VEUX ETRE PRES DE LUI ! ABEL ! »
Mais déjà, le militaire l’entrainait de force vers l’enceinte du bâtiment. Elle se débattit, mais il passa un bras autour de sa taille, la soulevant presque de terre pour la tirer vers l’intérieur. Dans sa bataille, Ela eu le temps de voir le médecin se pencher sur son mari et lui soulever la tête, sans qu’elle ne comprenne l’utilité de son geste. Elle ne vit pas la suite. Elle ne le vit pas s’assurer qu’Abel ne se relèverait pas d’entre les morts. Elle était trop occupée à se battre contre le militaire qui ne semblait pas très affecté par ses assauts. Ela finit par s’abandonner alors que les portes se refermaient devant elle. Elle s’affaissa sur le sol, dévastée. Les larmes avaient repris le dessus, les sanglots lui coupaient le souffle. Elle venait de perdre la dernière personne qu’elle aimait plus que tout, cette personne qui lui donnait espoir et confiance. Plus rien ne serait jamais comme avant. Plus rien.
Le 8 novembre 2017.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Ela a perdu son sourire. Quand tu es parti, c’était très difficile pour elle. Il a fallu se battre contre le chagrin, la colère et l’impuissance. Il fallait lutter contre le désespoir et les idées noires qui l’accompagnaient. C’était difficile. Quand tu es parti, Abel, elle n’était plus que cris et larmes. Une hystérie qu’elle ne pouvait gérer seule, que seul le temps pourrait guérir. Elle est passée du chagrin à la colère, la première semaine. Puis ce fut un désespoir sans fin. Puis peu à peu, elle a remonté la pente. Peu à peu, elle put reprendre ses activités sans que l’on craigne une crise d’hystérie. Mais elle était éteinte. Dans son regard, l’étincelle ne brillait plus. Son sourire s’est perdu. Mais elle avait la rage au ventre, l’envie de vivre même si les siens n’étaient plus. Une rage folle, une rage froide. Froid et vide, comme quand elle avait perdu leur enfant. Aujourd’hui, son ventre et son cœur étaient vidés de toute émotion, de toute vie. Quelle ironie.
Les choses ont commencé à s’accélérer quand tu l’as laissé, Abel. Il a d’abord fallu qu’elle remonte la pente. Mais autour d’elle, les gens ont commencé à s’interroger. La sécurité a été renforcée. Puis les civils ont eu l’autorisation de se porter volontaire dans la sécurité du camp. Ela a mis le temps, mais en septembre 2016, elle a demandé à participer aux entrainements. Elle a demandé à être évaluée pour participer à la sécurité des civils. Mais elle n’était pas apte, émotionnellement. Elle eut droit aux entrainements sans armes à feu, dans un premier temps. Il n’y a pas si longtemps qu’elle fut entrainée à mieux. Ela est une femme, son service militaire ne faisait pas d’elle une ex-soldate. Elle était une femme qui vivait comme une reine, avec des mains faites pour le crayon, non pour les armes. Avoir une bonne condition physique ne voulait pas dire qu’elle avait la condition physique des guerriers qui s’entrainaient ici. Avoir un couteau ne signifiait pas qu’elle savait se servir d’une arme blanche. Peut-être que cette dernière année la forma mieux que l’ensemble de son service militaire. Aujourd’hui, elle peut se battre, se défendre toute seule. Elle a encore beaucoup à apprendre, mais elle est sur la bonne voie. Aujourd’hui, elle n’est plus l’épouse de…, elle était une survivante, une guerrière en devenir. Elle devait se battre pour les autres, parce que se battre pour elle-même n’était plus suffisant. Puis le monde n’était plus – ne serait plus – jamais comme il était avant.
Parce qu’un jour, ils n’avaient plus pu garder le secret. Un jour, un homme s’est ôté la vie, avant de revenir d’entre les morts et de dévorer toute sa famille. Les militaires sont parvenus à reprendre le contrôle, à éliminer la menace. Mais il était dès lors impossible de leur cacher la vérité. Ces choses n’avaient rien de vivantes. Contre-nature. Elle n’avait jamais rien vu d’aussi terrible. Elle les avait vu à l’œuvre alors que les militaires les abattait. Des exécutions sans sommation. Ils tiraient et… tant que la tête n’était pas touchée, ces morts continuaient à avancer. Comment avaient-ils pu leur cacher cette information ? Comment… Elle n’avait pas compris. Ils n’avaient jamais deviné. Et Abel… Elle comprenait le geste du médecin. Elle comprenait cette insistance pour qu’elle rentre, pourquoi les corps avaient été brûlés et non enterrés. Pourquoi elle n’avait pas pu lui dire au-revoir, une dernière fois. Parce qu’il aurait pu se relever. Il aurait pu être comme eux. Cela lui permis de trouver une autre motivation pour se battre, pour redoubler de rigueur dans ses entrainements. Quand le sénateur Chambers galvanisa ses citoyens avec son discours radicalisé, cela à fait écho en elle. S’ils ne sont pas avec nous, ils sont contre nous. Ce discours est devenu sa devise. Elle aussi, s’est radicalisée. Mais elle n’avait toujours pas le droit de sortir, ni de porter une arme. Elle n’avait pas l’entrainement. Elle n’y eu droit qu’en mai 2017. Et la sensation de la détonation était exactement comme dans ses souvenirs … Grisante.
Tu sais, elle n’avait jamais tiré sur un être humain avant cette sortie à Seattle, en juillet dernier. Elle n’avait jamais tué avant. Et elle n’a pas hésité. Un seul instant. Et devant ces morts revenus à la vie, elle était impitoyable, radicale. Ces abominations n’avaient plus rien d’humains. Des morceaux de chairs qui ne devraient plus être en vie. Pour eux non plus, elle n’hésitait pas. Soit elle tirait, soit elle crevait là. Quand on n’a plus rien à perdre, il n’y a plus grand-chose qui vous retient d’appuyer sur la détente. Elle avait tenu bon. Elle n’avait pas flanché. Jusqu’à ce qu’ils rentrent, tous ensemble et qu’elle ne claque la porte de sa chambre. Et qu’elle ne s’effondre dans une crise d’angoisse qui lui coupe le souffle et lui font monter les larmes aux yeux. C’est comme un coup de poing dans le ventre. Les émotions remontent et débordent. Dehors, Ela est une Reine des Glaces. Mais elle est aussi terriblement humaine, et encore dans le déni. Brider ainsi ses émotions ne la rend pas meilleure, au contraire, cela la rend instable. Car à tout moment ces émotions peuvent déborder et se déverser à l’extérieur, jusqu’à lui couper le souffle ou l’empêcher de dormir. Et tu n’es plus là pour l’aider à gérer ces crises. Tu n’es plus là. Il n’y a plus personne.
Quand tu es parti, plus rien n’a été pareil.
Si seulement tu pouvais être là, tout ceci ne serait que plus facile.
Mais pour toi je survivrais. Pour toi je me battrais.
Les choses ont commencé à s’accélérer quand tu l’as laissé, Abel. Il a d’abord fallu qu’elle remonte la pente. Mais autour d’elle, les gens ont commencé à s’interroger. La sécurité a été renforcée. Puis les civils ont eu l’autorisation de se porter volontaire dans la sécurité du camp. Ela a mis le temps, mais en septembre 2016, elle a demandé à participer aux entrainements. Elle a demandé à être évaluée pour participer à la sécurité des civils. Mais elle n’était pas apte, émotionnellement. Elle eut droit aux entrainements sans armes à feu, dans un premier temps. Il n’y a pas si longtemps qu’elle fut entrainée à mieux. Ela est une femme, son service militaire ne faisait pas d’elle une ex-soldate. Elle était une femme qui vivait comme une reine, avec des mains faites pour le crayon, non pour les armes. Avoir une bonne condition physique ne voulait pas dire qu’elle avait la condition physique des guerriers qui s’entrainaient ici. Avoir un couteau ne signifiait pas qu’elle savait se servir d’une arme blanche. Peut-être que cette dernière année la forma mieux que l’ensemble de son service militaire. Aujourd’hui, elle peut se battre, se défendre toute seule. Elle a encore beaucoup à apprendre, mais elle est sur la bonne voie. Aujourd’hui, elle n’est plus l’épouse de…, elle était une survivante, une guerrière en devenir. Elle devait se battre pour les autres, parce que se battre pour elle-même n’était plus suffisant. Puis le monde n’était plus – ne serait plus – jamais comme il était avant.
Parce qu’un jour, ils n’avaient plus pu garder le secret. Un jour, un homme s’est ôté la vie, avant de revenir d’entre les morts et de dévorer toute sa famille. Les militaires sont parvenus à reprendre le contrôle, à éliminer la menace. Mais il était dès lors impossible de leur cacher la vérité. Ces choses n’avaient rien de vivantes. Contre-nature. Elle n’avait jamais rien vu d’aussi terrible. Elle les avait vu à l’œuvre alors que les militaires les abattait. Des exécutions sans sommation. Ils tiraient et… tant que la tête n’était pas touchée, ces morts continuaient à avancer. Comment avaient-ils pu leur cacher cette information ? Comment… Elle n’avait pas compris. Ils n’avaient jamais deviné. Et Abel… Elle comprenait le geste du médecin. Elle comprenait cette insistance pour qu’elle rentre, pourquoi les corps avaient été brûlés et non enterrés. Pourquoi elle n’avait pas pu lui dire au-revoir, une dernière fois. Parce qu’il aurait pu se relever. Il aurait pu être comme eux. Cela lui permis de trouver une autre motivation pour se battre, pour redoubler de rigueur dans ses entrainements. Quand le sénateur Chambers galvanisa ses citoyens avec son discours radicalisé, cela à fait écho en elle. S’ils ne sont pas avec nous, ils sont contre nous. Ce discours est devenu sa devise. Elle aussi, s’est radicalisée. Mais elle n’avait toujours pas le droit de sortir, ni de porter une arme. Elle n’avait pas l’entrainement. Elle n’y eu droit qu’en mai 2017. Et la sensation de la détonation était exactement comme dans ses souvenirs … Grisante.
Tu sais, elle n’avait jamais tiré sur un être humain avant cette sortie à Seattle, en juillet dernier. Elle n’avait jamais tué avant. Et elle n’a pas hésité. Un seul instant. Et devant ces morts revenus à la vie, elle était impitoyable, radicale. Ces abominations n’avaient plus rien d’humains. Des morceaux de chairs qui ne devraient plus être en vie. Pour eux non plus, elle n’hésitait pas. Soit elle tirait, soit elle crevait là. Quand on n’a plus rien à perdre, il n’y a plus grand-chose qui vous retient d’appuyer sur la détente. Elle avait tenu bon. Elle n’avait pas flanché. Jusqu’à ce qu’ils rentrent, tous ensemble et qu’elle ne claque la porte de sa chambre. Et qu’elle ne s’effondre dans une crise d’angoisse qui lui coupe le souffle et lui font monter les larmes aux yeux. C’est comme un coup de poing dans le ventre. Les émotions remontent et débordent. Dehors, Ela est une Reine des Glaces. Mais elle est aussi terriblement humaine, et encore dans le déni. Brider ainsi ses émotions ne la rend pas meilleure, au contraire, cela la rend instable. Car à tout moment ces émotions peuvent déborder et se déverser à l’extérieur, jusqu’à lui couper le souffle ou l’empêcher de dormir. Et tu n’es plus là pour l’aider à gérer ces crises. Tu n’es plus là. Il n’y a plus personne.
Quand tu es parti, plus rien n’a été pareil.
Si seulement tu pouvais être là, tout ceci ne serait que plus facile.
Mais pour toi je survivrais. Pour toi je me battrais.
Et c'est ce qu'elle a fait.
la suite au post deux.
la suite au post deux.
L’adolescente s’avance vers elle en haussant les épaules avec nonchalance, c’est vrai qu’on la voit rarement dans l’enceinte de l’école.
« C’est parce que tu es rentrée d’Agathe hier soir, je voulais te voir avant que le cours ne commence. » Lui répondait-elle, l’air de rien.
Ela a un doux sourire, alors qu’elle passe sa main sur sa joue, puis replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Elle était spéciale cette enfant, à ses yeux du moins.
Le rythme de vie d’Ela a beaucoup changé ces deux dernières années. Préservée, elle se tenait souvent loin du tumulte, suivant les entrainements imposés bien sûr, mais cachée derrière l’étiquette d’épouse de l’ambassadeur, elle n’avait pas été tant mise à l’épreuve que ça. Aujourd’hui, les choses étaient différentes, sa vision du monde l’était aussi.
Son horloge interne la réveille toujours aux aurores, elle ne dort plus beaucoup de toute façon, depuis Renton. Elle rejoint ensuite Lenore pour courir, chaque matin. Qu’elle donne cours ou qu’une expédition soit prévue, il est rare qu’elle déroge à cette nouvelle habitude. Il y a quelques semaines encore, ses journées étaient rythmées entre les entrainements costauds et les cours d’une part, et les sorties d’exploration de l’autre. Mais depuis que l’avant-poste a été remis sur pieds, l’israélienne a décidé de se donner encore un peu plus pour cette communauté en devenant une régulière d’Agathe, à raison d’une semaine par mois, au minimum.
Il y a des jours où le rythme est plus difficile à tenir que d’autres, où le soir elle s’effondre dans son lit parfois, sans même avaler quelque chose. Et puis il y a ces moments – comme lorsque Zelda vient la voir à ses retours de sorties – qui viennent effacer toute cette fatigue, et qui lui rappelle pourquoi elle se donne autant de mal pour Fort Ward et ses habitants.
Tout simplement pour eux, cette nouvelle génération en devenir à qui ils se doivent de léguer un monde en paix. Quoi qu’il en coûte.
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Re: Mourir peut attendre
Mer 9 Sep 2020 - 12:38
Février 2018.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Pourquoi tu pleures, Ela ? »
L’israélienne ne répond pas de suite, elle est épuisée et accuse le coup de ces dernières 24h. Merl s’agenouille à côté de la chaise où elle s’est effondrée, d’abord en silence puis secouée de sanglot. Il lui faut du temps pour trouver les mots.
« Hier, la maison s’est écroulée… J’ai perdu tout ce qui restait d’Abel… » Dit-elle, difficilement, en serrant sa main sur son cœur. Il ne dit rien, attend, il n’a jamais été doué avec les mots. Un nouveau sanglot l’étreint, elle a besoin d’une minute. Elle lève les yeux aux ciels, une étrange grimace étire ses lèvres, une tentative de sourire ?
« Aujourd’hui, je me suis fait tirer dessus, et June Phelbs m’a désigné pour diriger cette communauté avec elle. » Et tout d’un coup, les larmes se muèrent en rires. Un rire erratique, saccadé. La journée a été rude.
Il y avait eu une tempête cet hiver, et cette tempête avait tout emporté. Tout emporté de toi. Jusqu’à son sourire qu’elle avait pourtant presque retrouvé. Elle est redevenue cette coquille vide, comme après ta mort, amorphe et négligée. Elle portait un jeans sale et la chemise à carreaux de Merl quand tout est arrivé, quand elle s’est vue endosser de nouvelles responsabilités.
La communauté de Fort Ward s’est levée contre son dirigeant, le Sénateur Chambers qui prenait de plus en plus de décisions incompréhensibles et dangereuses. Il y eu la manifestation de trop, et le Sénateur prit sa famille en otage. Amrani s’est alors avancée pour jouer les médiateurs, elle en ressortira avec une balle dans l’épaule. Le reste de la scène, l’israélienne l’a vécu sans vraiment se sentir présente. Elle ne se souvient que des quelques mots de Phelbs juste après que Chambers fut abattu, leur petite fille unique survivante de cette malheureuse journée.
Ce soir-là, l’architecte s’écroula, accablée par toutes les émotions qui l’avaient assaillie sur la journée. Mais tu aurais dû la voir le lendemain, Abel, tu aurais vu cette femme forte et déterminée. June lui avait donné une raison de continuer à vivre, et elle ne comptait pas la décevoir. La veuve Amrani, habituée à errer comme un fantôme parmi les vivants, se dressait droite et fière aux côtés de Phelbs. Le duo s’accordait parfaitement. Une main ferme dans un gant de velours. Les deux femmes s’équilibraient. June, l’implacable, et Ela, le visage rassurant du peuple. A elles deux, elles pourraient révolutionner cette communauté. C’était ce que l’israélienne croyait sincèrement au fond d’elle… et elle n’aurait reculé devant rien.
Mai 2018.
Maison principale, Renton, Washington 98110, États-Unis.
« Tu allais vraiment faire ça ? » S’exclame-t-il, abasourdi.
« Quoi donc ? » Répondit-elle, posément.
« Enlever cet enfant aux siens. »
« … »
Une lueur un peu sombre habite son regard, la détermination est farouche. Elle a hésité, a fini par écouter Merl mais… elle regrettait, amèrement.
« Il aurait été mieux avec nous. »
June avait parlé d’expansion, de colonisation, et Ela avait été envoyée pour assurer la liaison entre Renton et l’île. Il y avait d’abord eu la rencontre avec les American Dream, une communauté qui se montra d’un réel soutien pour leur entreprise. En Zack Atkins elle trouva un précieux allié, qu’elle traita plus en égal qu’en subalterne. Elle lui a fait confiance, et ne le regretta pas. Et quand ils durent se séparer pour, d’un côté sauver le ranch d’une horde et de l’autre, récupérer les fuyards, Amrani n’hésita pas en lui confiant ses forces armées pendant qu’elle récupérait les femmes et les enfants qui tentaient de se mettre à l’abri du danger. Mais quel danger fuyaient-ils ? Elle leur offrait la paix, le confort, une vie meilleure et voilà comment on la remerciait ? En fuyant ? C’est là qu’elle rencontra le petit Liam. Oh, si tu l’avais vu, toi aussi tu l’aurais reconnu. Quand Amrani le vit, elle n’eut d’yeux que pour lui, et c’est dans ses bras qu’il fit le trajet du retour jusqu’au Ranch. Il avait l’âge d’être votre fils, si elle ne l’avait pas perdu. Il devait rester, il serait bien mieux avec elle qu’avec quiconque d’autre. Le pauvre n’avait de toute façon plus de mère. Un père ? Ela s’en fichait bien, elle n’avait d’yeux que pour cet enfant. Pourtant, c’est la voix de Merl qui s’éleva en tentant de la raisonner. C’était mal, disait-il. Elle n’avait pas compris. Pire encore, il s’était élevé contre elle devant toute leur communauté et les autres, ceux d’en face. Ils avaient le dessus sur le Ranch et Merl et son frère s’étaient soudain insurgés contre elle et ses décisions. A tel point qu’elle avait finalement déposé l’enfant, pour prendre les deux frères à part et laisser Atkins gérer les choses à sa place. Elle n’avait jamais été aussi humiliée. Quand elle est revenue aux côtés du leader des American Dreams… Liam était niché dans les bras de son père, et Ela avait le cœur amer. Mais ils avaient gagné – pour cette fois – il fallait accorder au moins ça à ses hommes.
Novembre 2018
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Merl » Souffla-t-elle, avant que le sédatif ne fasse effet et qu’on l’emmène au bloc opératoire.
Ils sont revenus et ils ont laissé son corps pourrir là-bas.
Son cœur saignait, pour la deuxième fois déjà.
Le Ranch ne cessait d’aller d’éclat en éclat, des rébellions qu’il fallait faire cesser. La diplomatie n’avait pas fonctionné et ils avaient fini par adopter cette règle qui les gouvernait tous depuis le début de cette fin du monde : avec nous, ou contre nous. Sauf que… Le Ranch les écrasa. Ela avait envoyé tous les siens intimider les rancheurs, mais ils étaient bien mieux armés que prévu. Il n’en revint pas un seul, au contraire, c’est une attaque surprise qui leur tomba dessus, à Renton même. Il y eut une détonation, et Jason tomba. Une deuxième, et ce fut Merl qui s’écroula à côté d’elle. L’israélienne a fui la grenade sans même avoir eu le temps de voir où elle allait. Elle se prit un morceau de balustrade dans le flanc et darda un regard mêlé de douleur et d’incompréhension pour celle qui lui ôta celui qui avait fait renaitre son cœur. Après, elle ne se souvint plus de rien. Ou presque. Il y avait ce trou béant dans sa poitrine, qui l’engloutissait dangereusement. Ce sentiment, elle l’avait déjà vécu une fois, à ta mort. Et maintenant, lui aussi disparaissait. S’il te plait, prends soin de lui.
Quand elle rentra de Renton, elle annonça à June qu’elle n’y arrivait plus, qu’elle n’y croyait plus. Elle ne croyait plus en eux, ni à leur cause. Était-elle réellement juste, alors ?
Elle démissionna de son poste de leader, rongée par la douleur et l’amertume.
De février à Juillet 2019
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« T’es sûre que c’est c’que tu veux ? »
« Je ne peux plus rester là… Pas avec cette… »
« Attention chérie… La vulgarité c’n’est pas ton fort. » Se moque-t-il gentiment.
« Non mais tu réalises un peu ?! Elle est là, et June lui offre le gîte et le couvert ! » S’énerve-t-elle, tremblante de rage.
« Enfin presque… » Donovan s’avance vers elle pour lui faire face, la forcer à le regarder. « Hey, je sais ma belle… Mais c’est qu’elle a besoin d’elle… Pour le moment. »
« On n’a pas besoin d’elle ! Elle a tué Merl, et tous les autres à Renton ! » Elle vocifère, de rage. On lui a interdit d’aller la voir, parce que depuis qu’elle s’était rétablie, elle n’était que colère et amertume.
« Je sais, je sais… Ecoute, les gars partent demain. C’est que d’la reconnaissance, mais c’est toujours mieux que d’t’avoir ici, t’as raison… Va faire ton sac. » Concède-t-il, enfin.
Ils ont capturé celle qui a tué Merl, Roza. Mais il n’y aurait pas de vengeance pour l’israélienne, pas d’occasion de laisser cette colère dévorante qui la rongeait exulter. Elle n’eut même pas le droit de poser un regard sur la russe, enfermée dans une maison-prison qu’elle trouvait bien trop confortable pour elle. Pourtant, elle savait pertinemment le sort qu’elle lui aurait réservé. Toute cette colère, toute cette haine… Tu ne l’aurais pas reconnue Abel. Sa mort avait réveillé autre chose que la tienne. Un sentiment profond d’injustice. Comment avait-elle pu perdre – par trois fois – les êtres qu’elle chérissait le plus au monde ?! Cette rage fut quelque peu apaisée quand elle apprit que ce ne serait nulle autre qu’Atkins qui serait chargé de son interrogatoire. Au moins souffrirait-elle un peu – pas suffisamment hélas. Mais la savoir là, bien vivante à quelques mètres d’elle la rendait de plus en plus amère et colérique. A ta mort, elle n’était pas assez forte pour se battre, elle s’était écroulée. Mais quand Merl était tombé à son tour, c’est cette haine qui l’avait relevée, cette envie de vengeance. Et il n’y avait pas que ça. Arpenter ces rues lui donnait une impression d’imposture. Ce qu’il s’était passé à Renton n’aurait jamais dû se produire. Mais pas parce qu’ils étaient censés être plus fort que les Ranchers, mais parce qu’elle avait le sentiment qu’ils s’étaient trompés sur toute la ligne. Phelbs était si sûre d’elle, en apparence du moins. Ela n’était plus vraiment sûre à ce jour, qu’ils avaient agi comme il fallait, et n’hésitait pas à le dire à qui voulait entendre. Ses humeurs devenant de plus en plus difficile à gérer, l’israélienne avait insisté auprès de Donovan – encore chargé des expéditions alors – pour s’échapper, et fuir.
Ce qui n’était d’abord que des petites missions de reconnaissance devinrent des missions d’exploration dans le Nord de l’île de Bainbridge, et ses absences passèrent d’une ou deux journées à une ou deux semaines, au besoin. Elle accompagnait une petite équipe d’exploration dirigée par Lenore – ex-navy seal – tu l’aurais sans doute apprécier, elle ressemble beaucoup à Aamir chargé de votre sécurité, quelques semaines encore après votre arrivée à Bainbridge. Ils étaient six en tout, en avançant toujours plus au Nord, ils répertoriaient les différents points d’intérêts pour que Fort Ward sache où envoyer des équipes pour des missions de récupérations. Ela était la moins bien formée de groupe, elle avait pu entrer uniquement grâce à Donovan à l’époque, et n’y était restée que grâce à sa volonté d’acier et sa ténacité. Tu la connais bien, cette épouse courageuse et tenace. C’était peut-être un tout autre contexte, mais elle était comme ça, ton Ela. Elle ne lâchait rien. Tout ce temps passé dehors l’a endurcie, et l’a aidé à canaliser sa colère et à surmonter une nouvelle fois un deuil difficile. Développant son agilité et ses techniques de corps à corps, Ela gagna en confiance, ses gestes devenant de plus en plus précis. D’ancienne leader diplomate, Ela devenait une soldate assidue, froide par la force des choses. Elle devenait plus forte. Du moins, suffisamment pour ne plus être un poids pour les autres, son entrainement intensif ne valait pas celui de ses compagnons formés depuis des années sur le terrain, mais elle se débrouillait bien mieux. Suffisamment pour que Lenore cesse enfin de la traiter comme un fardeau. Ces missions, elles lui faisaient un bien fou à l’israélienne, elle qui avait si peur de se retrouver seule en tête à tête avec ses pensées. Au fur et à mesure des missions, ses retours à Fort Ward se faisaient de plus en plus apaisés. Elle ne manquait pas de haine à l’égard de Roza – dont elle eut la désagréable surprise de retrouver intégrée dans leurs rangs – mais Lenore lui avait appris autre chose : la patience. Et son légendaire calme enfin retrouvé, Amrani était bien la plus forte à ce petit jeu.
Juillet 2019
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Et toi, Ela, t’en pense quoi ? » La question de Lenore est presqu’intéressée.
« Je ne sais pas… Mais ça dépasse tout ce à quoi nous avons été confrontés ces cinq dernières années. » Dit-elle. Dans ses prunelles, une étincelle… de peur.
Ela était rentrée depuis plus d’une semaine quand une équipe fut envoyée sur Seattle sous le commandement d’Arizona pour rencontrer un certain Markus, qui exigeait la libération de Roza. De prime abord, cette expédition n’a rien d’alarmant et le Fort est plutôt occupé à organiser cette première vague de vaccination plutôt que de s’inquiéter d’un fou exigeant quelque chose d’aussi stupide. Aussi bien intégrée que Roza était, ils ne la rendraient aux siens que les pieds devant – une promesse qu’elle se faisait à elle-même. A ce jour, il n’y avait que ce vaccin sur toutes les lèvres. D'ailleurs Lenore fut tirée au sort, comme quelques autres privilégiés. Enfin… Si seulement ce remède était arrivé plus tôt, tu serais toujours là. Mais toute cette joyeuse petite fête fut rapidement troublée à l’arrivée des six inconnus précédant deux hélicoptères. La situation dérapa rapidement et coûta la vie à huit membres du Fort, ainsi que de nombreux bâtiments partiellement détruits pendant l’affrontement. Ela, aux côtés de Lenore et de son équipe, avait ouvert le feu – comme les autres. Mais au cours de l’affrontement, elle prit un débris d’hélicoptère dans le bras, la forçant à l’immobilisation pendant quelques semaines.
La rencontre avec New Eden avait ébranlé Fort Ward et ses habitants, l’israélienne ne faisait pas exception. D’où venaient-ils ? Qui étaient-ils ? Plus que jamais le Fort avait besoin de chacun de ses hommes pour faire face à cette nouvelle menace des plus sérieuses. En cinq ans de survie, c’était la première fois qu’ils se sentaient réellement en insécurité. Etaient-ils de taille face à eux ? Et toi, Abel, qu’en penses-tu ?
Septembre 2019 au 18 avril 2020
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« Et si… » Mais elle se tait.
« Quoi ? » fait Lenore, agacée par cette façon de faire.
« Eh bien… Est-ce vraiment si mal ce qu’ils font. » Ose-t-elle, alors.
« Ela, comment tu peux dire ça ? Tu as entendu Phelbs, tu as vu les photos… ! »
« Ce n’est pas de ça que je parle, ce qu’ils font endurer à ces femmes, la façon dont elles ont été tuée est intolérable. Qu’elles l’aient été parce qu’elles ont fait le choix de ne pas se plier à leur dogme est d’une abomination sans nom… mais… je parle des autres. »
« Comment ça ? »
« Eh bien… ces mères. »
« Quoi ?! »
« Eh bien, je ne peux pas être d’accord sur leur façon de faire mais… Je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ont raison sur un point : les enfants. On ne cesse de s’entretuer depuis des années, il serait peut-être temps un jour de penser à ceux qui prendront la relève… Nos naissances ne sont pas si élevées que ça. Serait-ce une mauvaise chose d’envisager de mettre la priorité sur la prospérité de notre communauté ? »
« Ela… Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Si ils y arrivent, c’est parce que ces femmes sont contraintes de le faire. Aucune des nôtres ne pourraient faire le choix de tout laisser pour se consacrer aux enfants, pas sans être contrainte. »
« En es-tu si sûre Lenore ? »
Le silence s’installe entre les deux femmes. Elles ne peuvent pas être d’accord sur la question. Parce que l’histoire de ces deux femmes est diamétralement différente l’une de l’autre. L’israélienne n’avait jamais été contrainte d’abandonner sa carrière pour être l’épouse et la mère qu’elle désirait être.
Après l’attaque des hélicoptères, Fort Ward avait dû se reconstruire, et surtout réaliser qu’un nouvel ennemi très puissant menaçait leurs positions. N’étant pas de suite apte à reprendre les expéditions avec Lenore, l’israélienne avait décidé de se trouver une nouvelle utilité au sein de cette communauté, un rôle alors qu’elle avait abandonné depuis si longtemps déjà. Cette place, elle la trouva au sein de l’école, auprès des jeunes du Fort. Au début, elle s’intéressa aux mathématiques, créant un cours qui pourrait leur servir au quotidien ; les perspectives, les plans, quelques notions d’architecture en somme, pour construire la communauté de demain et surtout leur apprendre quelque chose qui ferait sens pour eux. Le système scolaire d’aujourd’hui n’a rien de traditionnel, et Amrani a dû s’adapter à la demande pour fournir quelque chose d’attrayant pour ces jeunes qui devaient apprendre à se construire dans ce monde en chaos. Et parce que les mathématiques seules n’étaient pas suffisantes pour ouvrir les esprits, elle a commencé à donner des cours de philosophie, à ouvrir des débats sur le fonctionnement de leur communauté pour inciter les jeunes à réfléchir et à poser les bonnes questions. Dans ce rôle d’enseignante elle retrouvait une certaine sérénité et un sentiment de générosité qui faisait gonfler son cœur. Il était là, l’avenir de Fort Ward, elle pouvait encore y croire. Ainsi, quand la blessure à son bras lui permit de ressortir en expédition, elle s’engagea sur moins de missions, pour accorder autant de temps aux avancées stratégique du Fort qu’à l’éducation de leurs jeunes.
Plus tard dans l’année, une équipe fut envoyée à Bellevue pour marcher sur l’avant-poste de New Eden, ne laissant derrière eux qu’une poignée de personnes pour surveiller les alentours du Fort. Ela venait de terminer son tour de garde quand il s’avéra que la seule menace dont ils souffriraient en l’absence des autres viendrait de l’intérieur. Elle arriva avec la cavalerie, mais grâce à la débrouillardise des scientifiques et le sang-froid de la jeune Summer les choses semblaient sous contrôle à l’arrivée des soutiens. Mais ce fut l’annonce de Phelbs à leur retour de l’avant-poste avec ce qui devait être les derniers rescapés de Bellevue qui la glaça : ils étaient en guerre.
Plus tard, leur dirigeante leur parlera de qui sont réellement leurs ennemis : un groupe mené par des fanatiques, nombreux et armés, qui soumettent les femmes afin d'en faire des "mères" pour de nouvelles générations. Ceux qui ne suivent pas cette folie sont exécutés de façon moyenâgeuse et spectaculaire. L’annonce est brutale et suscite la haine dans leurs cœurs à tous. Même le sien. Au début.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? »
« Amrani pourquoi on est là ? »
« Il parait qu’Agnès est morte. »
« C’était un animal ?! »
« C’est quoi le problème avec les vaccinés ? Ils se transforment ?! »
Dans la salle de classe où elle s’est isolée avec une partie de la population, c’est une cacophonie qui lui donnerait presque mal à la tête. Madisson l’avait envoyé dans cette salle avec une partie de leur communauté pour les tenir éloigné du danger que représentaient leurs vaccinés. Phelb avait tenu un discours clair et assuré, mais tout le monde se posait encore beaucoup de questions. Amrani cherchait encore un moyen de les faire taire quand Sebastian à son côté haussa le ton.
« Fermez-là, tous ! » Il a cette voix grondante qui couvre les interrogations de chacun. Après un regard pour sa collègue sur le terrain, Ela s’exprime enfin.
« Je sais que vous êtes tous inquiets et fatigués, mais Phelbs a la situation sous contrôle. Les membres vaccinés de notre communauté vont être pris en charge le temps de comprendre ce qui leur arrive. En attendant, je vous prie de vous calmer, tous. Il y a des couvertures disponibles ici, pour ceux qui ont froid. Nous sommes en sécurité ici, Madisson viendra nous chercher quand ils auront des réponses à nous fournir, en attendant rien ne sert de paniquer. Prenez votre mal en patience. » Termine-t-elle avec aplomb et une apparente sérénité. La vérité c’est qu’elle ne sait pas encore à quel point la situation est délicate en dehors de ces murs. Elle sait que Lenore est là-bas, avec les autres, sédatées à cause du vaccin qui l'a rendue incontrôlable. Elle ne peut rien faire. Mais elle a confiance en ses dirigeants.
Si les choses avaient dérapé à l’extérieur avec l’arrivée d’un nouvel ennemi, les Remnants avaient dû faire face à une autre menace, beaucoup plus insidieuse qu’elle venait de l’intérieur. Le vaccin avait quelques ratés. Au début invisibles, les symptômes avaient commencé à s’empirer jusqu’à provoquer des sautes d’humeurs difficilement gérables. Au fil du temps, d’autres symptômes s’étaient ajoutés, tirant la sonnette d’alarme au sein du complexe scientifique. De l’extérieur, elle ne pouvait qu’observer que quelque chose clochait. Mais comme tous les autres habitants de Fort Ward, elle n’en mesura l’ampleur qu’après cette terrible nuit du dix-huit avril. Des vaccinés perdant le contrôle, attaquant d’autres personnes comme… comme des rôdeurs le feraient. C’était un spectacle terrifiant. La nuit fut longue pour beaucoup de monde, bien qu’Amrani resta en retrait une bonne partie de la nuit avec des habitants non-vaccinés. Devant elle, un groupe de personne terrifiées qui se reposaient sur elle et son apparente sérénité pour ne pas paniquer plus qu’il ne faut. Après tout, elle avait dirigé toutes ces personnes autrefois, ils pouvaient bien lui faire confiance quand elle affirmait que Phelbs avait la situation sous contrôle. La vérité c’est qu’elle n’en savait rien, mais qu’elle était bien obligée de faire confiance.
Le discours de leur dirigeante et des scientifiques le lendemain matin laissa beaucoup de monde perplexe, en proie aux doutes. Mais la sincérité du nouveau dirigeant du complexe scientifique concernant le peu qu’ils connaissaient des effets du sérum rasséréna quelque peu les craintes de certains qui se sentaient encore manipulé par le système. Ce qu’Ela voyait, elle, c’était des personnes qui faisaient de leur mieux pour maintenir toute leur communauté sur pied, les épreuves internes devaient être surmontées, à tout prix. Parce que ce qui les attendait dehors allait demander force, entraide et courage. Si Phelbs n’avait jamais été très douée pour rassurer ou montrer un peu de chaleur, l’avocate savait s’entourer des bonnes personnes et leur faisait suffisamment confiance pour l’épauler. C’était le mieux qu’Amrani pouvait espérer depuis qu’elle avait quitté ses fonctions.
Septembre 2020
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
Fort Ward, Bainbridge Island, Washington 98110, États-Unis.
« … Quelque part, c’est que nous aurions dû faire depuis le début. » Dit-elle, pour elle-même. Elle est songeuse, elle regrette aussi. Un peu. Il y avait eu tant de façon de faire, se seraient-elles… trompées ? Ela s’approche de la bougie doucement, et l’éteint d’un souffle.
Elle avait eu vent de cette alliance – enfin, ce pacte de non-agression – avec The Haven. Forcés par la menace qui pesait sur eux, Phelbs était partie négocier une trêve, pour venir à bout de leur ennemi. Mais cette rencontre mettait beaucoup de personnes sous tension, elle la première. Car sa dernière rencontre avec ces personnes lui avaient laissé un goût amer en bouche. Un affront, une défaite, un échec aussi. Parfois, l’israélienne se disait qu’elle avait mal fait les choses, pourtant elle connaissait les rouages, la politique, la médiation. Mais elles avaient finalement échoué, non ? En témoignait la débâcle de Renton et la perte des leurs. Ela l’avait pris pour un échec personnel, mais… Et si c’était leur méthode qui avait échoué. Avec nous, ou contre nous. Était-ce réellement un choix qu’on leur offrait ? Cela fonctionnait sur la plupart des petites communautés périphériques mais… sur un camp d’une telle ampleur, n’aurait-il pas mieux fallu la jouer plus fine ? Plus Ela en apprenait sur New Eden, plus elle s'intéressait à cette méthode sournoise qu’ils avaient de charmer les groupes rencontrés pour mieux les enrôler derrière. Ils avaient eu un aperçu de leur force et de leur organisation, ils savaient également comment ils appâtaient les autres survivants. New Eden sert une cause qu’elle ne pourrait tolérer, mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander… et si June et Ela avaient choisi la séduction à l’époque, plutôt que la force armée, que serait-il advenu du Ranch ? L’israélienne étudiait cette méthode dans son coin, car leur passé commun mettait en péril cette alliance temporaire. Une alliance fragile, rendue possible que parce que New Eden leur faisait suffisamment peur pour demander ou accepter de l’aide extérieur. Mais qu’adviendrait-il ensuite ?
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Re: Mourir peut attendre
Mer 9 Sep 2020 - 19:28
Re-bienvenue !!! Content de revoir Ela !
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