Il s’était levé de sacrée mauvaise humeur. Et sacrément triste. Ca faisait plusieurs jours qu’il avait eu la fameuse discussion avec Eve, et, comme tout le monde avait pu s’en douter, ça ne s’était pas bien passé. Mais ils continuaient à se voir à l’église, là où ils « travaillaient » tous les deux. Enfin ils s’évitaient continuellement. Ils ne se parlaient plus, Eve évitait son regard, et ne le regardait plus faire son petit numéro devant les fidèles, qui ne se doutaient de rien.

Cela faisait un bout de temps qu’il n’éprouvait aucun plaisir à aller à l’église écouter des imbéciles se plaindre, ou s’excuser pour des choses absolument pas importantes. Mais il y allait, toujours un peu plus à contre-cœur.
Il arriva, passa devant Eve, en regardant le sol devant lui, honteux, et alla s’installer beaucoup plus loin.
Il fit mine de lire un peu, mais avait l’esprit trop occupé. Il décida de descendre dans la petite crypte, qui servait de remise et de salle de sport, pour s’aérer l’esprit, et ranger des caisses, des meubles, peu importait. Faire quelque chose.

Après une bonne heure de rangement, il s’était assis sur une caisse, se prenant la tête dans les mains. Il était seul, et pouvait être tranquille pour un instant. Il était seul avec lui-même, et ça n’avait jamais vraiment donné de supers résultats.

- Pourquoi je me suis mis dans cette merde moi. Je l’ai cherché, sûrement un peu. Bordel de merde.

Si un dieu existait, il devait se fendre la poire, à voir l’imposteur se faire avoir à son propre jeu. Une raison de plus pour détester la religion peut-être. Mais il devait bien avouer que c’était cocasse.
Lui, qui n’avait été qu’un exutoire de la violence pendant très longtemps, après la mort de sa femme, qui se faisait avoir par les sentiments.
C’était ça, dans le fond. Il avait eu pitié, et s’était surtout senti coupable, de mentir à quelqu’un d’aussi pur qu’Eve. Et en plus, il était amoureux de cet être pur. Même s’il avait commencé à sentir un intérêt grandissant pour la nonne, ne plus lui parler avait révélé ses sentiments. Il avait un réel manque. Parce qu’il se sentait seul, mais parce qu’il ne l’avait plus avec lui.

- Quelle connerie. J’en ai marre de ces histoires de merde. A raconter des salades à tous le monde.

Mais ses dernières pensées à hautes voix furent perturbées par un bruit. Il releva la tête, d’un coup, et se leva. Un peu plus loin, il tomba nez à nez avec Zelda qui passait le balais, comme à son habitude, une fois par semaine. Il avait envie de lui bondir dessus pour l’assassiner, mais ça aurait fait mauvais genre. Elle avait probablement tout entendu, vu le visage interrogateur, mais satisfait qu’elle tirait.
A la place, il se contenta de hurler.

- Qu’est ce que tu fous là toi ?

« MON PUTAIN D'TRAVAIL !! Y'A UN PROBLÈME ?! »

Elle aussi, elle peut gueuler ! C'est quoi ces manières de lui parler ? Alors oui, bien sûr, elle a bien remarqué que William n'est pas dans son assiette. Et pour être honnête cela fait déjà un petit moment qu'elle l'observe puisqu'il semblait trop accaparé par ses confessions pour remarquer sa présence. Au départ elle n'a même pas particulièrement cherché à la cacher, d'ailleurs. Puis une chose en entrainant une autre, sa curiosité s'animant, l'adolescente s'est évidemment sentie obligée de tendre l'oreille.

Et à la réaction du prêtre elle sent bien qu'elle a bien fait. Elle a été plongée dans une intimité dans laquelle elle n'était clairement pas invitée. Le moment est important. Elle le sent. Mais elle n'arrive pas vraiment à définir pourquoi. « T'as qu'à aller t'lamenter ailleurs si tu veux être seul ! » reprend-t-elle un ton plus bas, sourcils froncés. « Mais j'te signale que j'ai pas qu'ça à foutre, moi ! J'vais pas attendre qu'tu libères les lieux pour pouvoir les nettoyer ! » C'est vrai, quoi ! Déjà que ça la saoule de devoir faire le ménage dans cette foutue église près d'une année après les faits qui l'auront conduite à cette punition...

Cela dit Zelda n'a pas non plus oublié ce que William a pu faire pour elle par le passé. C'est lui qui a soulagé la douleur de ses côtes quelques mois plus tôt, quand Levi a décidé de la prendre comme punching ball. Ici même, dans cette crypte servant de terrain d'entrainement. Elle ne sait toujours pas si c'était par simple pitié ou parce qu'il a meilleur fond que ce qu'il s'acharne à lui montrer. Mais il lui en doit une. Et il a l'air dans le mal en cet instant. C'est peut-être l'occasion de solder sa dette ?

Alors l'australienne se rapproche de l'intéressé et dépose son balais contre le mur le plus proche. Elle hésite à nouveau, s'approche de lui avec les précautions que tous les dresseurs doivent déployer avant de s'approcher de leurs fauves. « Tu sais j'imagine que c'est un peu dur à concevoir pour un prêtre mais... tout le monde raconte des mensonges ! » Car visiblement c'est bien ça qui l'ennuie, non ? Le fait qu'il raconte des salades à tout son entourage ? « J'veux dire... Si ton dieu voulait qu'tu sois honnête alors il t'aurait créé sans la capacité de mentir, non ? » Elle suppose que cette logique bancale lui parlera. Elle doit adapter son vocabulaire.

Et la voici qui hésite à nouveau. Zelda a bien quelques qualités mais pas celles qui pourrait l'aider à remonter le moral des autres. Finalement elle se laisse glisser à côté de son balais, contre le mur, face à l'homme. « Tu t'es mis dans la merde ? Ben tu sais... J'suis plutôt douée pour ça aussi ! » À ce niveau-là ils sont au moins pareils, non ? « J'peux p't-être essayer de t'aider, si ça te dit ? » Voilà, la balle est dans son camp. Et quelque part elle espère qu'il refusera cette main qu'elle lui tend par principe plus que par désir.