Si Connor devait s’attendre à recevoir quelqu’un aujourd’hui et surtout à avoir une conversation sérieuse pour un recrutement envisagé, probablement aurait-il pris au moins la peine de se raser. Avec les derniers événements, sa priorité n’avait pas été de faire attention à comment il présentait, ni à son apparence. Et ça se sentait. Les cheveux un peu plus longs, la barbe bien fournie, un air encore plus dur que d’ordinaire. Depuis la mort d’Archibald – et l’anniversaire de Milow – il y avait un certain laisser-aller de son côté. Il fallait dire que pour lui, le choc avait été… Dur.

Ça n’était pas tant le faire de perdre quelqu’un – même si c’était évidemment perturbant. C’était de le faire alors qu’il en avait l’entière et pleine responsabilité. Archibald était sous sa protection, il comptait sur lui. Connor n’avait pas réussi à lui fournir le traitement adapté, tout du moins une prise en charge cohérente avec son état de santé. Et aujourd’hui ? Archibald écopait d’un dernier abri, un dernier couchage. Sa tombe avait été creusé par les soins du sportif, il reposait dans sa dernière demeure. Sa caravane cependant était restée vide, le blond n’avait pas osé y poser un pied.

L’interruption de Kaz eut tout juste le mérite de le sortir de ce marasme dans lequel il s’était plongé depuis quelques temps, perturbé par tout ça. Et il fallait bien admettre que l’acrobate avait l’air et la manière de poser le pied à l’étrier. Direct dans sa manière d’expliquer, il leur parla de Chester – un jeune qu’il voulait qu’ils accueillent au camping. Loin d’être fermé à l’idée, mais pas particulièrement ouvert non plus, Connor laissa la conversation se dérouler. Son visage se fit plus froid, parce qu’il appréhendait. Et s’il acceptait de recruter une personne qui finirait par mourir, encore sous sa garde ?

Appréhendant la chose, il tâcha de ne pas se laisser dépasser par ses émotions. D’autant que celles de Bruce étaient en générale plus expressives et convaincantes, comparées aux siennes. Les mâchoires serrées, il hocha la tête :

Il faudrait qu’on lui parle et qu’on le rencontre avant toute chose, précisa-t-il en tentant de se ressaisir. Ça n’était pas spécialement concluant, mais au moins essayait-il : Pour l’instant, on prendra pas de décision sans l’avoir vraiment rencontré.

Pour lui, c’était clair en tout cas.

Depuis la mort d’Archi, y’a une sale ambiance sur le camp, c’est le premier qu’on perd en tant que groupe et on est tous très touché, à part Tony, mais Tony il se fiche même du simple fait de respirer j’ai l’impression. Je m’en veux car j’ai recruté Archi et maintenant il est mort. De maladie… Connor le vit encore plus mal que moi. Car il dit qu’on aurait pu le sauver avec le traitement approprié. Il a certainement raison, moi j’espère juste qu’il va mieux là où il est maintenant.

Mais il faut aller de l’avant, on est tous triste, mais Seahaaaawk quoi ! Faut qu’on vive avec la mémoire d’Archi, c’est ce que me disait ma maman après la mort de papa, qu’il faut faire du souvenir une force. J’sais que c’est plus dur à faire qu’à dire, mais il faut avancer. Même si le soir je passe du temps à me demander si on aurait pu faire autrement. Mais ça, c’est le soir quand je suis tout seul. Quand on est en publique, faut montrer l’exemple. J’vois que Connor il a du mal à faire ça, BAH TANT PIS ! J’le ferai pour deux !

On est là, devant un Kaz qui semble motivé à nous présenter un de ses amis. J’vois que Connor il est pas emballé, il est froid comme tout ! Il sourit à peine. Bon, j’vais pas danser non plus, ni même me battre les pecs quand Kaz dit que je fais les meilleurs gâteaux du monde. J’approuve de la tête quand Connor il dit qu’il veut d’abord rencontrer Chester avant de prendre une décision : « Tu comprends Kaz, on est sympa, ouvert à tout le monde, mais faut quand même faire attention et excuse moi. J’veux pas te disputer, mais tu aurais peut-être dû nous dire qu’il était dans le coin non ? Que tu l’as amené ici ! On aurait dit oui, mais ça aurait été sympa qu’on soit au courant, tu comprends ? »

Je pose une main sur l’épaule de Connor pour appuyer mon exemple : « On a reçu plusieurs fois des amis dans le besoin ici, alors c’est pas un problème. Enfin… maintenant que c’est fait. Si tu allais nous le chercher ce Chester ? Qu’il vienne, qu’il nous parle de lui. D’accord ? » J’souris à Connor : « ça va mon pote ? j’sais que c’est dur pour Archi, mais tu sais… on pouvait peut-être rien faire. C’était peut-être son destin… il était à moitié mort quand je l’ai récupéré en avril. On lui a donné un beau sursit, c’est c’qu’il faut se dire... Tu sais quoi, passes me voir après, on parlera. »