House of Mourning
Dim 29 Nov 2020 - 18:33
Augustus se retrouvait à nouveau devant la petite chapelle du camp, à travers la porte de laquelle il entendait des voix. Il finissait souvent son parcours ici. Par hasard la première fois, en allant courir pour s’échauffer avant de faire son sport, une habitude qu’il avait fini par prendre quelques semaines après être arrivé ici. Il y avait mis les pieds, une fois, par simple curiosité, incapable de comprendre comment des gens pouvaient encore croire après tout ce qui s’était passé, après que ce monde avait sombré dans le chaos. Avant ça, il ne comprenait pas plus, mais il ne se posait simplement pas la question. L’expérience avait été vite vécue, le pasteur ne lui avait pour ainsi dire pas vraiment plu. Il avait donc laissé tomber. Jusqu’à aujourd’hui.
L’année qu’il avait passée sur le camp avait remis certaines choses en perspective. La sécurité, le relatif confort, à des années lumières de ce qu’il avait connu ces dernières années… Une civilisation qui se rebâtissait en quelque sorte. Autant d’éléments qui le faisaient revenir sur sa première impression ratée dans cette petite chapelle. Peut-être les habitants du camp avaient-ils pu trouver la foi à nouveau. Ou peut-être était-ce leur foi elle-même qui leur avait permis de rebâtir un semblant de normalité. Bien sûr, ce n’était pas comme si tout le camp se rendait aux offices. Y avait-il seulement des offices réguliers ?
En sueur après son footing, mais son souffle retrouvé, Auggie fit un pas vers la chapelle, avant d’hésiter. Même s’il n’était pas croyant, ce n’était peut-être pas la meilleure idée du monde d’entrer dans un lieu de culte tout dégoulinant de sueur après avoir couru. Il secoua la tête ; il fallait croire qu’après plus d’un an passé ici, il retrouvait quelques bribes du mode de pensée et de fonctionnement d’avant l’épidémie. Cependant, même si la colonie avait fait naître un nouvel espoir en lui, le monde était toujours en ruines. Entrer dans une église encore un peu rouge à cause de l’effort, et en sueur, cela ne semblait finalement plus si inconcevable que ça.
Il prit place sur un des bancs du fond. L’endroit n’était pas très grand, et pas très fréquenté. La messe avait déjà commencé. Ce n’était pas le pasteur, mais une jeune femme qu’Auggie avait vue arriver sur le camp, quelques temps après lui. Ils ne s’étaient pour ainsi dire jamais vraiment parlé. Pourtant, quelque chose dans son regard, dans sa façon de s’exprimer, le fit rester sur le banc et écouter ce qu’elle avait à dire aujourd’hui. À un moment, il fut distrait par les souvenirs de sa famille. Il pouvait encore voir leurs visages, il avait une ou deux photos dans son portefeuille qu’il avait précieusement gardées depuis le début du désastre. Mais il avait beau se concentrer, leurs voix s’étaient amuïes à jamais. Ses parents avaient été — étaient ? — croyants. Sa mère, bien que femme de science, avait cru. Ses oncles, aussi, ses cousins. Ses frères et soeurs, un peu moins pratiquants sans doute, mais croyants tout de même. Et au bout du compte, à quoi cela leur avait-il servi ?
Lorsque le picotement de ses yeux le sortit de sa torpeur, il releva la tête et remarqua qu’il n’y avait plus personne. Ou presque. La jeune femme qui avait officié — Eve-Madeleine, ce n’était pas un prénom qu’on oubliait facilement — s’était approchée. Il se frotta les yeux et renifla le plus discrètement possible.
« Pardon, je ne voulais pas… Je… » Il ne savait pas quoi dire, il ne savait pas pourquoi il s'excusait. Il prit une profonde inspiration pour se calmer et chasser larmes et souvenirs qui affluaient. Il releva la tête vers la jeune femme qui attendait patiemment. « Ma famille était croyante. » Il ignorait pourquoi c’était la seule chose qui lui était venue à l’esprit, comme une explication qu’on ne lui avait pas demandée, comme la réponse silencieuse à toutes les questions que cette messe, que l’existence même de cette simple chapelle, soulevaient en lui. « Je ne suis pas venu pour moi. Juste pour eux » dit-il en fronçant les sourcils, le regard baissé, comme pour se justifier. Et pourtant, il resta assis, figé sur son banc.
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Re: House of Mourning
Sam 5 Déc 2020 - 22:26
Il y a toujours un peu de fébrilité dans ma façon de m’exprimer devant tous ces gens. Il faut dire que chanter des psaumes et diriger l’office, ça n’a rien à voir. J’ai été éduquée dans un couvent, je suis bien plus à l’aise dans la confidence, dans les murmures, dans l’écoute. Être un orateur, c’est fait pour les hommes qui en ont eu la formation. Comme les prêtes. Comme les pasteurs. Mais depuis que je connais le secret de William… je ne peux pas le laisser prendre ce rôle. Car je ne peux me résoudre à le trahir, ma bonté m’a amenée à rapidement lui pardonner, mais j’aime la maison du Seigneur. Plus que tout. Je peux risquer de conserver son mensonge mais pas lui autoriser à bafouer plus encore l’aura sacrée de la chapelle.
Pas de distribution de l’Ostie, car personne ne doit se sentir exclu de cette séance de partage – mais j’ai réinstauré la prière universelle. Les survivants sont encore timides à oser s’ouvrir et formuler une pensée pour quelqu’un. Soit par pudeur, soit parce qu’ils ne savaient pas quoi souhaiter. Ensuite, j’adresse toujours la mienne. Balayant l’assemblée d’un regard bienveillant, ma voix toujours aussi douce, posée.
-Aujourd’hui… j’ai une pensée pour toutes les personnes qui nous ont rejoint récemment. Je sais que certains sont là en ce moment. Vous avez dû abandonner votre foyer et vitre une traversée difficile pour… rejoindre cette arche, dont vous ne saviez rien.
C’est une preuve de foi indéniable. De foi en l’Homme, de foi en la possibilité de faire du Bien. Toutes ces personnes d’Okanogan avaient sauté le pas… c’est courageux. Toutes les communautés ne sauraient pas faire preuve de la même audace, même dos au mur.
-Je prie pour vos familles, amis, camarades, qui n’ont pas pu arriver jusqu’à chez nous… puisse le Seigneur les accueillir à ses côtés. Puisse-t-ils accéder au Royaume des Cieux. Et pour nous qui restons ici… puissions-nous connaître la sortie des ténèbres , je marque une pause et ajoute finalement, un sourire confiant sur mon visage,je pense que ce sera le cas. Aucune route ne mène nulle part et… doucement, sûrement, la nôtre prend le bon sens.
Je veux y croire ; que rien n’est vain. Que nos efforts payent, qu’on se débarrasse peu à peu de ce qui nous rend cruels pour nous amener à être meilleurs. On réapprend le monde. On réapprend à vivre. Impossible de faire les mêmes erreurs que par le passé, n’est-ce pas ?
J’ai le cœur qui bat quand je termine la messe. Un «allez dans la paix du Christ » qui accompagne les survivants jusqu’à l’extérieur. Tous, sauf un. Un homme qui n’est jamais venu jusqu’à maintenant. Mains jointes devant moi, je m’approche doucement. Les pans de ma longue robe sage flottent à chaque pas, ma chevelure ruissèlent dans mon dos. Lorsqu’il repère ma présence, un petit rire cristallin s’échappe de mes lèvres tandis que je chasse ses justifications d’un geste.
-La raison pour laquelle vous êtes venu n’importe pas, c’est votre présence qui compte , dis-je, douce et énigmatique,je peux vous laisser si vous préférez , proposé-je ensuite,parfois c’est… le simple fait d’être ici qui fait du bien , mes yeux se lèvent un instant sur le plafond de la petite église,je peux aussi vous offrir une tasse de thé , que j’annonce, prête à me plier à ce qu’il préférerait.
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Re: House of Mourning
Sam 9 Jan 2021 - 22:07
La jeune femme balaya ses excuses d’un revers de la main, et il lui en fut reconnaissant, car cela l’aida à laisser un peu de tension s’échapper de ses épaules. Elle avait un rire agréable, un visage ouvert, accueillant, et bien qu’elle l’ait surpris, Auggie s’étant perdu dans ses pensées un instant, elle le mit immédiatement à l’aise et il cessa momentanément de se sentir comme une bête effarouchée qu’on venait de surprendre dans un moment de faiblesse. Si faiblesse elle vit en lui, Eve n’en dit cependant pas un mot. Au contraire, elle lui proposa même de le laisser seul. Il suivit son regard et prit le temps de regarder autour de lui, l’ensemble de la petite chapelle. Peut-être effectivement cet endroit était-il…rassurant. Paisible aussi.
La proposition d’Eve le surprit à nouveau. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui propose de passer plus de temps avec lui ; elle ne semblait pourtant pas proposer cela par pitié, simplement par gentillesse, ou du moins, c’est ce qu’Auggie croyait lire sur son visage. Était-ce simplement ce qu’il voulait y lire ? Il ouvrit la bouche pour décliner, refusant de faire perdre plus de temps à la jeune femme. Mais aucun son ne sortit. Et étonnamment, à ce moment précis, il se rendit compte qu’il n’avait pas envie d’être seul. Lui pourtant si casanier, timide, et aux abords parfois même froids tant il avait peur de déranger… C’était comme si l’idée même de se retrouver seul sur ce banc, dans cette chapelle, ou pire, dans sa chambre, chez lui, lui était soudainement devenue insupportable.
« Un thé serait parfait, merci. » Il se força à sourire poliment, puis se leva pour suivre Eve. « Je suis déjà venu, une fois. Mais ce n’était pas vous qui vous occupiez de l’office. » Il était curieux de savoir quand, et surtout pourquoi, Eve avait repris le flambeau. Si bien sûr elle s’occupait seule de la messe, après tout, il ne savait pas quelle en était l’organisation. Il se rappela les mots de la jeune femme pendant l’office, des mots qui auraient pu sembler banals, mais qui avaient fortement résonné en lui. Eve avait eu l’air si sûre d’elle, sa foi un vrai roc sur lequel elle se reposait. Sans la connaître, il était difficile de se prononcer catégoriquement, mais c’était l’image qu’elle avait dégagé quand il l’avait écoutée.
Il remercia Eve pour la tasse de thé qu’il tint à demain, sans boire de gorgée tout de suite. « Vous avez parlé de ténèbres tout à l’heure. Vous…vous pensez que nous avons été punis par tout ce…chaos ? » Il prit enfin une gorgée, comme pour s’éclaircir l’esprit et y voir clair dans toutes les questions qui tournoyaient dans sa tête. « Je veux dire… Quand je pense à ma famille, surtout à ceux qui sont peut-être encore là, quelque part… » il fit un vague geste de la main pour désigner le monde extérieur, « je me demande si ça ne vaudrait pas mieux, pour eux qui y croyaient, » il se reprit, « y croient, si ça ne vaudrait justement pas mieux de rejoindre le Royaume des Cieux, comme vous avez dit, plutôt que de vivre dans cette espèce de…de purgatoire. » Il fronça les sourcils en crachant ce dernier mot qui le hantait parfois quand il fermait les yeux et revoyait certaines choses qu’il avait vécues avant d’arriver ici. Après avoir reprit une gorgée de son thé, il leva les yeux vers Eve et ne put s’empêcher de s’excuser à nouveau, secouant la tête. « Pardon, je… je ne m’attends pas à ce que vous répondiez vraiment à tout mon charabia. » Et il sourit timidement avant de lui tendre la main. « Et je me rends compte: je ne me suis même pas vraiment présenté. Augustus, McKenna, vous êtes arrivée un peu après moi. Je vous ai vue quelques fois sur le camp. »
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Re: House of Mourning
Lun 11 Jan 2021 - 17:35
-suivez-moi alors , l’invité-je puisque’il accepte le thé,oh oui… je… , comment apporter des explications sans mentir ?J’ai demandé au pasteur William d’essayer de le remplacer… dans sa confession, les femmes peuvent présider un office.
Un honneur que les catholiques n’ont jamais voulu céder et pour être honnête, ça ne m’a jamais « choqué » au sens propre. Je m’interrogeais, je disais « pourquoi pas » si on me posait la question, mais la voie que j’avais choisi se trouvais loin des messes traditionnelles. Assez égoïstement je le reconnais, j’ai alors abandonné dans l’œuf l’idée de militer pour la cause des femmes dans la hiérarchie catholique. Involontairement, je suis devenue une sorte de symbole alors, je suppose. Bien que le temps que nous rejoignons la petite pièce généralement réservée à moi et William, j’évite soigneusement le regard de mon invité. Je lui serre un thé chaud dans une grande tasse, puis fait de même avant de lui faire face. Les mains serrées sur mon breuvage, je l’écoute avec des yeux grands ouverts et un sourire timide.
-Je pense… que c’est une vision bien déprimante de se dire que nous sommes au purgatoire et que la résolution de trouve dans la mort.
Je ne pense pas m’être montrée désagréable mais le voilà qui s’excuse encore. Je chasse ses craintes de la main puis glisse mes doigts dans les siens pour répondre à sa présentation.
-Eve-Madeleine. Vous pouvez m’appeler Eve… c’est ce que choisisse la plupart des gens. Je… je suis désolée, j’essaye de rencontrer tout le monde mais… je suppose qu’on s’est continuellement manqué , je suis sincère : dans mon engagement pour ensoleiller la vie des habitants par de simples attentions, je fais de mon mieux pour voir chacun, retenir les noms et les visages… ça m’embête qu’Augustus soit là depuis si longtemps et qu’on ait jamais été présenté,pour revenir à ce que vous disiez… je pense que ce qu’on ressent, c’est ce qu’à ressenti Noé sur son arche. Quand le monde disparaissait sous le déluge et qu’il n’avait d’autre choix que de voir mourir les Hommes et les animaux qui n’avaient pu monter avec lui… , je bois une gorgée de mon thé, méditant brièvement à ce conte qui résonne étrangement avec notre situation actuelle,mais au sortir de la tempête, il y a eu la terre, puis un renouveau.
Ainsi, si Noé n’avait pas gardé espoir, la vie animale n’aurait pu perdurer. Et certes, cette résilience et cette abnégation de sa part n’aurait fait que mener l’Homme à d’autres abus, d’autres catastrophes, d’autres tragédies. Mais à l’échelle de la planète, notre longévité d’espèce est insignifiante. Nous ne sommes qu’un bébé de un an, qui fait ses premiers pas en mettant les doigts dans la prise et en mordant ses parents. Quel autre choix le Seigneur peut-il avoir que de nous éduquer, pour que nous apprenions de nos erreurs ?
-Notre mission aujourd’hui… c’est de tenir bon, jusqu’à ce que la colombe nous rapporte la branche d’olivier , conclus-je avec une métaphore et un sourire,vous ne pensez-vous que ça vaut le coup ? De continuer à vivre, d’espérer voir émerger un monde meilleur que le précédent.
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