Je le fixe en penchant légèrement la tête sur le côté, et en lui adressant un petit sourire rassurant, tâchant de gommer toute inquiétude de son esprit : « -Bien sûr que je suis bien traitée ! Oxana y veille. Tu sais, elle a l’air dure comme ça, mais elle fait vraiment attention à nous… » Et ça, je m’en suis rendue compte rapidement, puisque ça fait pas très longtemps que je suis au motel, c’est pour dire comme c’est flagrant. « -T’en fais pas, elle laissera aucun homme me faire du mal. Ni à moi, ni aux autres filles. Alors enlève-toi tout ça de la tête ! » Et je lève la main pour attraper des pensées fictives via sa tempe, et en les jetant un peu plus loin, en plissant doucement le nez. Je sais pas expliquer pourquoi précisément, mais la Boss, elle à ce truc en plus qui fait que lui faire confiance n’est pas si difficile que ça. Peut-être cette autorité naturelle qui émane d’elle…j’en sais trop rien, j’avoue que je ne me suis pas vraiment posé la question. Je suis bien là-bas, et après ces mois pénibles à survivre toute seule, c’est tout ce que je demande.

Mon regard suit les mouvements de Dany quand il vient s’installer par terre à son tour, alors que je sors d’un air triomphant les colorations de mon sac à dos, une petite découverte qui a l’air de le ravir. En revanche, je ne retiens pas la moue qui me vient aux lèvres : « -Non, y’en avait plus dans le rayon… » Je hausse les épaules de dépit, avant de lui laisser récupérer les petites boîtes, pour lire ce qui se trouve dessus. Mais ma déception ne dure pas, puisque Dany confie avoir peut-être ce qu’il faut pour finalement mener à bien cette mission atypique. Il me parle d’un certain Bill, alors que je plisse les yeux sous la réflexion, les connexions se faisant dans mon esprit. Bill, oui…le type un peu extravagant qui dirige cet endroit, et son nouveau patron par la même occasion. « -Il peut dire ce qu’il veut ton Bill, ma tignasse et moi on a confiance en toi ! Et au pire du pire…c’est juste des cheveux, ça repoussera ! » Et j’hausse une nouvelle fois les épaules d’un air de dire que franchement…ce ne serait pas la fin du monde.

En tout cas, son enthousiasme fait plaisir à voir, il m’arrache même un petit rire, alors que Dany saute sur ses pieds, me proposant de rejoindre l’ORB, cet endroit où il vit désormais, et aussi…une soirée pyjama, j’ai bien entendu ?! J’ai un large sourire instinctif, alors que mon regard pétillant se repose sur lui. « -Attends, ça veut dire que je vais pouvoir rayer deux choses de ma liste le même jour ! C’est Noël avant l’heure ! » Son enthousiasme est contagieux, je ne peux le nier, et on se retrouve côte à côte à quitter la Cage, alors que je le laisse me guider dans les rues de Seattle pour aller jusqu’à chez lui, où je n’ai encore jamais été. Il m’entraine dans la Cour, dans un bâtiment, puis vers des escaliers : « -Woah…ça a l’air hyper grand chez vous ! Mais…t’es sûr que j’ai le droit d’être là, hein ? Bien sûr je dirais à personne que vous habitez ici, mais quand même…je veux pas que t’aies des ennuis à cause de moi… » Et je grimace à l’idée qu’il puisse se faire réprimander, ou encore pire, virer d’ici ou de la Cage, parce qu’il a fait venir une inconnue ici, pour une soirée pyjamas en journée.

En route on croise Curtis, et après un petit signe de main au jeune homme pour le saluer, je m’éloigne de quelques pas pour leur laisser un peu d’intimité, tout en glissant distraitement mon pouce sur l’alliance que m’a offerte Jasper, et qui orne toujours mon doigt. Est-ce que j’ai encore légitimement le droit de la porter, maintenant que j’ai accepté de vendre mon corps, pour assurer ma survie ? Je me suis posé la question plus d’une fois depuis mon arrivée au motel, et si je prends le soin de l’ôter de mon annulaire avant chaque passe, je n’arrive pas à savoir quoi faire réellement. Comme s’il m’était impossible de totalement tourner la page, ou quelque chose comme ça. Heureusement, Dany me tire de ces pensées qui auraient vite pu devenir triste, et il nous entraine vers sa chambre, que je découvre. « -Hé bah…ça te change pas mal de vivre dans cet endroit. Ils sont sympas, tes nouveaux euh…amis ? Camarades ? Colocataires ? Ton groupe, quoi… »

Je retire mon sac de mes épaules, puis mon écharpe, mon manteau, mon gros pull, et me retrouve dans un pull plus léger, laissant mon regard parcourir les lieux à la décoration peu conventionnelle, qui en fait assurément un endroit unique. A l’image de Dany. « -Bon alors…j’ai jamais fait de soirées pyjama, alors je sais pas trop comment je dois faire, ni ce qu’on va faire… » Un aveu que j’accompagne d’une nouvelle grimace, parce que je me rends compte que c’est un peu stupide de dire ça à mon âge. Je n’ai pas eu une enfance ni même une adolescence tout à fait conventionnelle, et il était hors de question pour mon père que je dorme ailleurs que dans la résidence familiale. Mon regard se repose cependant sur les deux boîtes de coloration, alors que je reprends : « -Pour le bleu, je suis pas trop trop sûre…mais le rose j’aime beaucoup…je me demandais si je faisais deux mèches…ou si je teintais juste les pointes…je compte sur tes conseils d’experts en la matière. » Et je lui adresse un nouveau large sourire pour la peine, venant poser mes fesses au coin du lit.

Cet endroit à l’air vraiment, vraiment très grand. Et si je ne sais pas trop comment ils fonctionnent ici, je suis contente de savoir que Dany est en sécurité, et qu’il a Curtis à ses côtés au quotidien. Ça me rassure de le savoir ici, bien à l’abri en dessous de ce toit, et derrière ces murs épais, avec des gens qui tiennent à lui. On arrive dans leur chambre, et je ne peux pas retenir un léger sourire en coin devant le bordel qui règne dans la pièce, qui tranche avec ma chambre à moi, qui est toujours parfaitement rangée, sans doute même parfois de façon un peu trop rigide. Dany s’active à faire des piles de linge, je le suis du regard sans pouvoir m’empêcher de sourire, alors qu’il finit par nous dire qu’il nous faut des pyjamas pour toute soirée pyjama qui se respecte, et je hoche la tête d’un air de dire que ça se tient.

Il me tend donc un t-shirt que j’attrape dans un petit merci, et retire mon pull pour enfiler ce haut dans lequel on peut mettre deux exemplaires comme moi. Le jeune homme se retrouve juste là, devant moi, et je l’observe avec attention pendant qu’il prend une de mes mèches de cheveux, cherchant sur son visage les réponses aux questions que je n’ai pas encore posées. “-Bien sûr que je me sens l’âme aventurière !” que je lui dis dans un sourire amusé, avant de le voir se mettre par terre pour faire des mélanges savants dont lui seul à le secret. Une seule mèche ? Oui...pourquoi pas. A vrai dire, j’y connais tellement rien, que je suis prête à lui faire confiance, les yeux fermés. “-Sûre et certaine !” que je réponds avec un large sourire, prenant quelques secondes pour réfléchir à la question concernant Oxana. Je sais que Leandro, lui, aurait détesté, et qu’il aurait pu en faire une crise cardiaque, après m’avoir fait une leçon de morale qui aurait duré des heures et des heures. Mais Oxy…je pense pas que ça la dérangera. “-Je...je crois qu’elle m’aime bien, Oxana. Alors je suis sûre que ça ira !” Je lui adresse un sourire rassurant, de toute façon certaine que j’emporterai le nom de mon coiffeur dans la tombe.

Je reste immobile pendant que Dany œuvre, même si je me sens excitée comme une puce, dans le même état qu’une gamine qui aurait abusé des sucreries et serait en plein speed. J’ai vraiment hâte de voir le résultat. Et je me rends compte à cet instant de ce que je veux vraiment. “-En fait...mets-en partout. Pas juste une mèche. Partout. Les pointes, ou tu veux. Mais vas-y…” que je lui dit, avec dans la voix une conviction à côté de laquelle Dany ne peut pas passer. “-C’est...c’est...pour une fois que je fais un truc pour moi, dont j’ai vraiment envie, j’ai pas envie de le faire à moitié.” que j’explique brièvement, en lui adressant un petit sourire en coin. Alors il tartine, et j’en profite pour regarder la décoration de la pièce un peu plus en détail, m’attardant ici et là sur les nombreux affichages aux murs. “-Bon alors...c’est comment, la vie ici ? Tu t’y sens bien ?”