J'éteins l'moteur de Lucette et jette un regard à ma voisine l'espace d'une seconde. Katherine essaie d'être égale à elle-même, à savoir à qui elle était avant d'voir mourir Warrington et Yue sous ses yeux. J'sais pas si c'est vraiment convaincant mais sous son masque d'froideur, on voit filtrer aucune véritable émotion, comme si elle s'était coupée de c'qu'elle ressentait. J'comprendrais aussi qu'elle cherche pas à m'en parler : on n'se connait pas et on est pas amies. Ça veut dire c'que ça veut dire, on a aucune raison d'se confier nos doutes, nos peurs, nos angoisses, nos cauchemars...

Avec la disparition de Zola, on a quand même eu en tête d'réussir à lui parler et d'voir avec elle les raisons d'son départ. Aamir est resté... Lui-même quand il nous en a fait part, autant dire qu'pour Kath qui sort d'un certain trauma - et on peut pas dire qu'elle en est totalement sortie d'ailleurs - c'est un peu léger comme explication. On s'dit aussi forcément qu'essayer par nous même, ça changera p't'être la donne même si d'mon côté j'ai peu d'espoir que ça soit le cas. D'la même manière que Kath est pas ma pote, Zola non plus. J'ai rien contre elle d'ailleurs, s'il faut le préciser...

Comme j'ai rien contre personne, tant qu'ces gens restent loin d'moi, d'une manière ou d'une autre. J'ai aucune envie de vraiment nouer des relations et d'avoir mal quand ils viendront à crever. Faut s'protéger, et penser à soi en priorité. Histoire d'pas finir dans l'fond d'un égout à pleurer plus qu'on l'peut pour des gens qui en valent probablement pas la peine qu'on ressentira.

Donc c'est dans ce quartier qu'elle aurait été vu pour la dernière fois, que j'souffle à ma voisine en fronçant les sourcils, venant refermer les portières après avoir récupérer mon équipement.

J'pose mon regard sur elle. Kath a l'air... Bah de Kath. Mais j'ai déjà connu des gens avec plus d'entrain, et plus bavards aussi.

T'es sûre qu'tu te sens d'être là ? que j'lui demande finalement d'but en blanc, sans détour aucun. J'ai pas envie d'me trainer un poids mort et d'avoir à expliquer pourquoi elle rentre pas à la maison si elle s'jette dans la première horde qui passe pour en finir. J'veux pas être méchante ou faire genre t'es pas méritante mais après c'que t'as traversé, c'est légitime d'pas être en forme et d'préférer se reposer, j'souligne ça pour la forme.

En plus, la proposition a pas d'date de péremption, il sera toujours temps d'faire demi-tour plus tard si on veut.

Il est encore temps d'remonter en voiture et d'rentrer, que j'lui souffle.

T'as un problème avec Chris ? que j'peux pas m'empêcher d'lui demander, étonnée.

En fait, pourquoi j'pose la question ? Est-ce que j'm'en branle pas, fondamentalement ? J'veux dire bon, Chris est pas non plus monsieur sourire dans l'histoire, mais de là à pas pouvoir le blairer par exemple, y'a un monde. Après, j'connais ni Chris particulièrement bien, ni Katherine en fait, et j'crois qu'au fond j'm'en fiche un peu. Chacun à les affinités qu'il veut avec les autres, c'est pas mes histoires et j'ai finalement pas très envie d'mettre le nez dedans. Même si... J'crois que j'ai un petit côté Gossip Girl quand j'm'y mets. Et puis, le savoir, c'est le pouvoir, non ? Donc plus j'glane des informations sur les gens, mieux j'me porte pour les faire chanter.

Ouais j'imagine, les affinités ça dépend des gens, que j'marmonne dans ma bouche alors que j'pince les lèvres ensuite. Katherine se dit motivée, donc j'vais faire comme si c'était vraiment le cas et qu'on allait pas trop batailler pour ça : C'est bon, allons-y, que j'dis.

Elle a tout intérêt en tout cas, pas question qu'j'la porte à un moment parce qu'elle a plus envie d'avancer. Et quand j'disais qu'elle pourrait toujours faire demi-tour plus tard, bah j'mentais peut-être un peu au bout du compte, parce qu'on a pas que ça à faire. On est dehors pour trouver Zola après tout, ça veut dire c'que ça veut dire.

Il parait qu'une de ses potes lui aurait laissé son studio l'temps qu'elle se remette, j'parle de Faith mais j'suis pas sûre que Kath la connaisse. De faire, j'prononce pas son nom parce que c'est pas la partie intéressante. Mais le studio serait vide, elle y serait pas restée longtemps, que j'souligne ensuite.

A peine j'termine ma phrase qu'un bruit fort retentit et on reconnait facilement l'son de deux moteurs de grosses motos à quelques rues d'nous en fait. Est-ce que c'est pour me rassurer ? Absolument pas.

Bon, on est pas si loin du No Man's Land donc j'imagine qu'c'est normal d'entendre des bruits d'moteur... comment ça j'dis ça pour m'détendre ? Et doit y avoir des groupes qui vivent dans l'coin pour se rapprocher du hangar, non ?

Que ça soit pas qui ? que j'peux pas m'empêcher de demander à Katherine.

Attend, elle a des ennemis relous dans le coin et elle me l'a pas précisé ? Ouais, pitié qu'ça soit pas eux. J'ai franchement pas envie d'me taper avec qui que ce soit, juste retrouver Zola, lui demander d'rentrer et lui dire qu'Bill peut pas vivre sans elle ou un truc du genre. Dans tous les cas, faudra bien faire quelque chose. J'souffle un coup et alors qu'en effet les véhicules se rameutent vers nous, on peut aviser le drapeau qui s'trouve sur leur caisse et j'peux pas m'empêcher d'pincer les lèvres. Ce qui va, c'est qu'ni Kath, ni moi, n'avons le pédigrée des gens qu'ces personnes aiment pas par principe. C'qui va pas, c'est qu'on est des femmes.

Putain... pourquoi faut qu'ces gens existent encore en fait ? Ils peuvent pas mourir ? Drapeau confédéré, qu'j'souffle à ma voisine avec sérieux : En gros, le drapeau des états du sud qui privilégiaient l'esclavage.

J'résume vite fait, pas persuadée que Kath ait besoin d'un cours d'histoire actuellement, surtout celle des Etats Unies qui a son lot d'guerre en tout genre pour des trucs de con. Mais c'est toujours moins pire que la bataille contre des émeus qui a été perdu, donc j'pars du principe que y'a plus ridicule encore. D'ailleurs, c'était pas en Australie, ce bordel ? Probablement qu'si, un peu. J'dis rien :

Le monde est con, ça change pas, malheureusement. Viens...

Et j'me rapproche d'eux, sans avoir froid aux yeux. On est trop blanches pour qu'ils aient envie d'nous descendre, même si on pourrait risquer d'autres problèmes. J'force pas un sourire, mais j'attire leur attention. J'ai mes armes avec moi, ils ont les leur avec eux.

Hey les mecs, je les salue d'un signe de la tête. Ils restent très silencieux. Trop ? On veut pas d'emmerdes, on cherche quelqu'un, qu'j'souligne. Une femme, plus grande que moi, qui présente bien, vous l'auriez pas vu ? Oui, le descriptif est large, mais Zola a la peau un peu bronzée et ça pourrait lui porter préjudice.
Une femme hein ? que répète le conducteur de la jeep. Nan, rien vu du tout, fait-il sans trop réfléchir.

Un soupir m'échappe. Évidemment.

Et si on vous paie, vous auriez vu un truc ? J'demande, c'est pour un ami.

Là, j'ai dans ma caisse quelques rations de survie, que je leur signale avec un faux sourire l'espace d'une seconde. J'ai plutôt envie de me tirer, j'ai l'impression de flirter avec un cobra, pas le genre d'ambiance très amusante. Mais si tu as une information qui vaut la peine, je saurais te récompenser à la hauteur de ce que tu as, que j'ajoute finalement.

J'ai pas envie qui se fasse des idées, mais je sais déjà qu'il en a plein la tête, pour peu que l'imagination soit fertile. Il est pas totalement con, même si on peut le supposer venant d'un raciste de base. C'est quand même sous-estimer l'ennemi.

Tu connais la cage, n'est-ce pas ? C'est là-bas que nous travaillons, toutes les deux, que j'ajoute en désignant Katherine également d'un signe de la tête. Nos coéquipiers savent où nous sommes et qui nous cherchons, j'suis sûre que t'apprécierais avoir tes accès VIP, je glisse la remarque là, pour qu'il ait conscience qu'on va pas rigoler. Même si c'est faux.
Ok, ok, ça me parle aussi, qu'il ajoute. Réserve nous une belle bouteille d'alcool et on te dit ce qu'on a...

J'avise Katherine d'un regard pour voir ce qu'elle en pense. Quelques pas en arrière, et je sors de ma caisse les rations qu'on a, que je viens le balancer aux pieds sans aucun ménagement. C'est pas pour leur plaire mais je m'en cogne.

Considérez qu'on a un deal, il hoche la tête, son pote vient ramasser tout ça.
Votre nana, on l'a vu passé oui, j'vous cache pas qu'elle est un peu trop basanée pour qu'elle soit notre genre, il s'pourrait bien qu'on l'ait un peu embêté, qu'il nous explique. Du coup elle a changé de quartier, je crois qu'on était pas le bon voisinage pour une personne de son espèce, non ça change pas, ils sont définitivement con. On sait qu'elle est de l'autre côté de l'avenue....

Mes yeux suivent son index tendu, et je hausse les épaules.

Et tu en sais plus que ça ? Que je lui demande pour être sûre.
Va p't'être nous falloir autre chose pour que je cause, par exemple, si l'une de vous nous montre son cul peut-être qu'on pourra en reparler, il rigole grassement ; Faites pas cette gueule, les filles, on est des pauvres gars, ça fait longtemps qu'on a pas vu du joli p'tit lot avec des fesses bien blanches !