Soufflant entre ses doigts gelés dans le vain espoir de les réchauffer, elle attendait. L'hiver prenait doucement sa place dans le campement, et ça ne l'empêchait en rien de suivre les directives que lui avait demandé Levi concernant la nouvelle venue. Une revenue de l'extérieur qui aurait besoin qu'on lui fasse un peu le tour du coin, tout comme elle même avait connu à son arrivée. C'en était presque étrange, de se rappeler de ça. De ces premières impressions qu'elle avait eu en voyant la ville, après des années d'habitude à scruter les alentours désarticulés de la civilisation. Habituée à grimper sur les plus hauts bâtiments pour surveiller les hordes, quand maintenant des tours de garde prenaient ce relais qu'elle avait eu habitude de faire pour attaquer ses journées.

C'était comme un renouveau dans l'hiver, alors qu'elle resserrait contre elle les pans de son bombers en avançant en direction du point de rendez-vous. Depuis l'empoisonnement des Skagit, ses côtes s'étaient enfin remises. Ivy l'avait forcée à rester encore au repos un temps, tout en lui promettant que les entraînements pourraient bientôt reprendre pour elle. Elle pouvait bien se permettre de jouer les guides touristiques en attendant. Au moins voyait-elle autre chose que les 4 mus du dispensaire ou Ivy avait veillé sur elle aussi attentivement qu'une mère n'aurait couvert son propre enfant.

Ce fût Sucre qui la tira brièvement de ses rêveries en hélant son nom, alors qu'il revenait de sa garde. Echangeant quelques mots avant qu'elle ne reprenne sa route en lui promettant que oui, elle prendrait le temps de revenir boire un verre avec lui et Levi prochainement, profitant de son avance pour flâner un peu, en attendant l'arrivée de sa future visiteuse. Si elle aurait tué pour une cigarette, l'air gelé qui venait s'insérer dans sa gorge la dissuada de fouiller dans ses poches pour le moment. Quand enfin, elle la vit. Si elle n'avait encore jamais croisé officiellement Elizabeth, il ne devenait pas difficile de trouver les nouveaux venus une fois correctement en phase avec la ville, et les visages habituels. Moins encore, pour ceux qui venait de l'extérieur. A croire qu'ils avaient tous en commun cette étincelle un peu étrange dans le regard, de ceux qui en ont trop vu pour une seule vie. Ou trop fait, selon les personnalités.

Elle se contenta d'un bref signe de la main, alors qu'elle se rapprochait d'elle d'un pas tranquille. Ses cheveux long tombant dans son dos, vilaine habitude qu'elle avait pris à force de ne plus tellement sortir en extérieur. Détaillant en silence sa silhouette, la fine musculature qui se devinait sous la couche de vêtements. On lui avait mentionné la présence d'enfants également, qui ne semblaient pas faire partie de la visite du campement. Se targuant d'un bref sourire à l'encontre de la jeune femme, loin d'être friande de sociabilité et de gestes avenants comme d'autres par ici. Les mois à Fort Ward ne suffisaient pas à effacer ses propres années de survie en solitaire.

Tu es prête ? Elles auraient bien le temps d'échanger des banalités durant la visite. Jugeant tout de même bon de préciser pour la forme. Indie. C'est moi qui vais m'occuper de te faire visiter.

Drôle de vie, dans un drôle de monde qui semble s’être partiellement arrêté. Voilà qu’elle vient d’arriver, et, Eliza craint déjà de s’ancrer dans un quotidien et une routine qui la terrifie. Dans un monde où la moindre erreur ne pardonne pas, baisser sa garde est le moyen le plus rapide d’accéder à un raccourci vers l’au-delà, s’il en existe un.

Elle marche, parcourt ces quelques rues qu’elle ne connait pas encore très bien, pas assez à ses yeux. Ses yeux se promènent, analysent et s’imprègnent de ce nouvel environnement, alors qu’angoissée par le fait de ne plus sentir le métal froid de son flingue sur son ventre, elle ne peut s’empêcher d’être plus aux aguets que ce qu’elle devrait être. Peut-être est-elle victime d’une blessure psychique, après tout ce temps à être restée aux aguets, après tout ce qu’elle a vécu. Mais, avec le temps, l’ultra-vigilance est devenu son moyen normal de fonctionner ; et, si elle risque de mourir assez tôt à cause du stress et de la fatigue que ça lui donne, peut-être que ça lui permettra de rester en vie assez longtemps pour avoir la chance de mourir d’une mort naturelle ; malgré les problèmes impliqués.

Elle arrive enfin au point de rendez-vous, elle découvre celle qui va lui faire une visite. Elle s’est renseignée un peu, comme toujours, en amont, et ne sait pas grand chose d’elle si ce n’est son prénom, le fait qu’elle vit avec Levi. Elle pense donc qu’elle partage ses origines et sa langue, et, alors qu’elle s’approche, elle lui tend sa main en écoutant sa question, et elle répond directement en arabe ; avec une formule de politesse que beaucoup connaissent malgré tout :

« Bien le bonjour. Elizabeth, et, oui. Je te suis » elle s’arrête net quand elle voit l’expression de l’autre ; commençant leur relation par une erreur, visiblement. Elle affiche une moue perplexe, ne tarde pas de s’excuser :

« Oh, désolée ! Je pensais que vous parliez l’arabe, au même titre que Levi » elle réfléchit, réalise qu’elle a, par son erreur, déjà une ouverture potentielle pour en apprendre plus sur leur relation.

Si elle en reconnut les intonations, similaire a la langue qu'employait parfois Levi à ses côtés... La tirade la laissa interdite, alors qu'elle observait son interlocutrice sans en saisir un traître mot. Un sourcil haussé par la surprise alors que la brune semblait se rendre compte de son erreur, ne pouvant s'empêcher de répliquer avec son éternel air neutre, une lueur d'amusement dans le regard.

Encantada. Ca annonçait au moins la couleur sur la différence de dialecte que Levi et elle pouvaient obtenir, alors qu'elle reprenait en anglais à son encontre, persuadée qu'elle parlait pourtant le même dialecte que le militaire. Des bribes seulement. Précisa t-elle en hochant la tête, n'émettant pas le moindre mot sur cette relation qui la liait au brun.

Je ne m'attendais pas à me faire aborder de la sorte. Nota t-elle cependant, quelque peu amusée par le quiproquo avant de reprendre. Je suppose que c'était une sorte de bonjour, comment ça va ? demanda t-elle néanmoins pour la forme et se renseigner d'avantage après lui avoir indiqué d'un geste de main de la suivre dans la rue qu'elles prenaient pour rejoindre en douceur le centre de la ville.

Profitant du léger rayon de soleil qui vint caresser sa peau en se saisissant d'une cigarette industrielle dans la poche de son bombers, tendant la seconde à la brune à ses côtés au cas ou elle aurait été intéressée. Allumant brièvement sa tige en tirant une première bouffée, avant de reprendre à son égard.

Je n'ai pas eu beaucoup d'informations te concernant.

Respectant la volonté de chacun de rester discrète, comme elle même l'avait été à son arrivée. Pour le plus grand malheur de Zelda..

Ca faisait un petit temps que tu étais en extérieur ? C'est touiours aussi...

Mort ? Glauque ? Entre sa dernière sortie et la mise à mort des Skagit, Ivy l'aurait tuée si elle l'avait croisé à tenter une sortie en douce avec ses côtés brisées. Au moins maintenant se remettaient-elles au mieux. Ca ne l'empêchait pas de continuer de regarder l'horizon avec l'envie un peu de recommencer ses acrobaties, à la recherche de matériel potentiellement utile pour l'intérieur du campement.

Le malaise ne fait que la traverser, et, après ses excuses, elle se dit juste qu’au moins, elle en sait indirectement un peu plus sur les deux. Elle hausse les épaules à sa remarque, puis lui répond après avoir hésité quelques instants à faire une touche d’humour :

« Juste bonjour ; mais je n’en pense pas moins. ça va, du coup ? » si elles viennent de se rencontrer, elle est sincère et pose réellement la question. Elle ne tarde pas à acquiescer, avant de saisir la cigarette qu’on lui tend. Elle l’inspecte, véritablement, avant de la porter à sa bouche, clairement surprise par son enveloppe industrielle. Elle a des actions dans une usine de cloppes ? Elle lui jette un regard étonné, mais, se contente de la remercier avant de la coincer dans son bec.

D’un geste, elle allume également sa toxine, et, alors qu’elle inhale ce poison qui l’a rendue addicte, elle ne tarde pas à lui répondre :

« C’est l’occasion d’apprendre à se connaître » elle ne tarde pas à enchaîner, alors que l’autre question fuse. C’est une question qui revient souvent, alors qu’elle vit ses premiers jours ici. Alors, elle a un discours bien rôdé, mais tâche d’essayer de varier un petit peu. D’où le fait qu’elle marque un moment de réflexion avant de débiter :

« Chaotique ? Oui. Je pense que c’est le terme le plus approprié » elle inhale bien sa fumée, l’expire lentement avant de reprendre plus lentement : « J’ai passé… pas mal de temps, dehors. à vrai dire, je ne pensais même plus qu’il était possible de tomber sur un groupe aussi… tranquille ? Je pensais qu’il avait vitrifié Seattle, pour être honnête » son regard s’égare un instant. Elle qui fut bien au courant des différents plans de défense américains, et notamment en cas de crise. Un frisson lui traverse l’échine, alors qu’elle se dit que les milliers de têtes nucléaires sont encore là, quelque part, parées au lancement ; sauf si des héros avaient pensé à faire en sorte de les désarmer quand tout est parti en vrille.

Elle profite du petit temps mort qui suit sa réflexion pour retourner la question, tâchant d’en apprendre plus sur celle qui avait été volontaire pour lui présenter officiellement le camp :

« Et toi ? Ta façon de demander, c’est que tu n’as pas toujours été ici, n’est-ce pas ? »

Elle ne put s'empêcher de sourire brièvement alors qu'Elizabeth lui confirmait la traduction, haussant les épaules quand à comment elle allait. La routine. Et toi ? Laconique, pas du genre à détailler toute ses émotions de la journée, mais voulant bien faire l'effort d'être un peu plus agréable. Amusée de son regard sur la cigarette industrielle, avant de reprendre. Tous les bars tabacs ont pas été entièrement pillés, parfois y reste des trouvailles de ce genre; Ca se revend à prix d'or, mais ça se trouve. Enfin... Pour le moment quoi.

Parce qu'arriverait bien un jour ou ça ne serait plus le cas, et que le tabac roulé devrait passer en priorité pour son plus grand damn. Elle qui détestait ce genre de clope était servie, donc.
Et comme elle faisait remarquer, c'était en effet l'occasion d'apprendre à se connaître. Hochant la tête à cette évocation, alors qu'elle proposait le terme chaotique pour désigner l'extérieur, lui arrachant un rire sans joie.

Ouais, c'est le terme le plus approprié en effet. concéda t-elle à la brune, écoutant avec attention cette surprise qu'elle avait eu de découvrir un groupe aussi tranquille, loin du massacre ambiant de l'extérieur.

Ca m'a fait la même chose, au début. admit-elle en venant tirer sur sa cigarette. Je refusais de dormir, tellement ça me paraissait impossible. Ne plus être sur le qui-vive, ne plus me méfier de tout, c'était trop d'un coup pour moi.

Encore maintenant, il lui arrivait de dormir à même le sol de sa chambre, y trouvant parfois un meilleur réconfort que les matelas confortables. Retrouvant ses racines, finalement. Ses petites habitudes de l'extérieur.
Une ombre de sourire passa sur ses lèvres alors qu'Elizabeth demandait si elle avait été dehors, hochant doucement la tête alors qu'elles continuaient tranquillement leur marche.

Nan, en effet. Mais qu'y avait-il à avouer ? Le campement de pillard de Alek ? La mort de Carter, la perte et le deuil continu ? Elles en auraient pour des heures, et elle ne souhaitait pas raviver des souvenirs douloureux. Tout comme son rôle d'agent double au No Man's Land. Cet accord tacite avec Levi, elle n'était pas sûre de vouloir chercher à l'évoquer immédiatement. Elizabeth venait tout juste d'arriver, et elle n'était pas réputé pour être la fille la plus bavarde de ce camp.

Je cherchais ma soeur. une vérité simple, c'était très bien aussi. Elle devait aller au Centurylink, et j'ai jamais pu y accéder. On étaient un petit groupe au début, mais je me suis rapidement retrouvée en solitaire dans la ville. J'ai appris à me débrouiller seule, et un peu plus d'un an après j'ai rencontré Levi. De fil en aiguille, il à finit par me proposer une place ici, et j'ai accepté. Je suis là depuis mai 2020 à peu près, mais certaines habitudes ont la vie dure.

Comme retourner en extérieur quand Levi le lui proposait. L'air contrit avant d'expliquer. Retourner en extérieur, ça me rappelle de pas oublier certaines choses. De pas prendre le risque de me la couler douce et d'oublier certains réflexes.

De passer d'un toit à un autre en jouant les filles de l'air, de comment esquiver les morts. Ce genre de choses qui avaient finalement rythmés son quotidien, en somme.

Et toi alors ? Comment tu te sens, ici ? Les débuts, ça fait toujours un peu bizarre...