Juliet n'était finalement jamais rentrée de ce stage. Et si l'effervescence avait été à son plein au cours des dernières heures, Selene était à un stade bien plus élevé encore dans le concept de l'angoisse. Marchant en rond comme un loup en cage trop privé de sa liberté, alors que la Lakota l'observait sans mot dire. Comprenant dans chaque fibre de son corps cette attente insupportable qui ne donnait envie que d'une chose : partir.

Il n'avait pas fallût longtemps pour la voir s'en aller en direction des écuries. Tournant la tête vers Frances, se comprenant d'un bref regard avant qu'elle ne se lève de l'endroit ou elles étaient toute deux assises. Surveille Kaya. Avait-elle soufflé à Frances qui s'était contenté d'un bref signe de tête avant de se lever à son tour. Wowasi wiya wakuwa pi avait soufflé l'afro américaine à son égard alors qu'elle hochait doucement la tête, émettant un bref sourire. Bonne chasse. Le mot était faible, pour l'envergure de celle qui commençait à démarrer dès maintenant, avait-elle songé avant de se saisir de sa cape qu'elle vint attacher à son cou. Son tomahawk attaché à sa ceinture alors qu'elle rejoignait Selene déjà prête à lancer son cheval au galop.

Tu ne pensais tout de même pas y aller seule ? Bras croisés contre sa poitrine, elle avait observé sa cadette avec un air faussement vexé, venant appuyer sa jambe récemment guérie au sol pour s'approcher de l'équidé. Caressant doucement la robe de l'animal avant de grimper dans le dos de la jeune femme, s'assurant que son équipement tiendrait en place le temps du trajet, le cheval déjà lancé au galop.

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Cela faisait bien une bonne heure qu'elles avaient quitté le fort, alors que l'animal commençait enfin à ralentir l'allure. Le regard de la sioux se relevant en direction du ciel qui leur autoriserait au moins quelques heures de fouilles claires avant la tombée du jour. Aucune d'elle deux n'avait prononcé mot durant la course, concentrée sur l'arrivée à leur avant poste de Seattle. Ou Juliet ne se trouvait pas non plus. Sa chevelure blonde ne brillait dans aucun coin, alors qu'elle avait salué brièvement les hommes sur place avant de reprendre à l'attention de sa soeur.

On à encore quatre heure avant la tombée de la nuit. Une idée de par ou commencer ? Les routes avaient changé, le temps également. Si les rôdeurs se trouvaient désormais épars, c'était d'avantage les pillards dont elle se méfiaient. De ceux qui avaient bien trop perdu pour ressentir désormais un semblant d'humanité quand ils croisaient des semblables. On peut essayer de la pister en partant du point de départ. Mais ça sera très certainement long et difficile.

Le temps aurait eu le temps de faire son oeuvre sur les empreintes, si elles parvenaient à en retrouver.

C’était comme si le destin se moquait d’elle. Elle était rentrée de Seattle depuis seulement sept jours. Sept putain de jours et après s’être sévèrement engueulée avec Eli, voilà que d’autres personnes, revenues dans un second temps, lui avaient appris que Juliet avait disparu. Ce n’était malheureusement pas une mauvaise blague et sur le coup, elle ne put s’empêcher d’en vouloir à Nolan. Qui d’autre ? C’était lui le médecin référent qui partait aussi donner de son temps sur la capitale, non ? Et comme par hasard, sa petit-amie disparaissait alors qu’elle était sous sa surveillance…

Après avoir longtemps tournée en rond, elle était allée s’équiper puis s’était ruée dans les écuries pour seller Fury. Andrea et Duncan étaient déjà partis – à cause de Lily justement, aux abonnés absents également – alors elle se passa totalement du consentement d’Isaac. Fort heureusement, personne n’eut l’audace d’essayer de l’arrêter, Nima se présenta même pour lui proposer de l’accompagner. Selene poussa un grognement supposé signifier qu’elle l’acceptait, puis elles partirent toutes les deux.

*

Quand elles arrivèrent à l’avant-poste de Seattle, la musicienne était trop tendue pour ressentir la fatigue. Pas de trace de Juliet bien sûr, ni aux alentours de la maison, ni à l’intérieur. Les deux équidés rentrés dans le garage, qui n’en accueillerait pas un de plus, il ne fallut pas longtemps pour saluer les camarades présents ici et faire confirmer ce qu’elles avaient déjà entendu : la blonde n’était pas revenue depuis plusieurs jours.

- Je sais pas…, admit-elle, la mine fermée, s’il y avait eu des indices au No man’s land, quelqu’un les aurait déjà trouvés, elle haussa les épaules et suggéra quand même, on peut toujours aller au dispensaire et… voir ce qu’on trouve.

En effet, Nima – et Selene, grâce à elle – avaient des talents que d’autres n’avaient pas forcément. Elles sauraient peut-être voir des indices là où les autres les avaient manquer. Massant ses tempes pour essayer de se calmer et garder la tête froide, la pianiste rappela :

- A priori, elle a fini sa journée normalement mais n’est jamais arrivée ici. Donc elle a disparu entre le dispensaire et l’avant-poste.

Elles devaient retracer son itinéraire. Il ne devait pas avoir mille chemins possibles pour réaliser ce trajet et pour sa cadette, la musicienne les passerait tous au peigne fin s’il fallait.

Aucune trace de Juliet ou que ce soit. Bras croisés contre sa poitrine, elle était restée dans l'ombre de Selene. Attendant des nouvelles avant que celle ci ne revienne à sa rencontre en annonçant que personne ne l'avait croisé ici non plus. Ne restait qu'à rejoindre le dispensaire et espérer trouver un semblant de piste qui pourrait les conduite à Juliet, alors que Nima haussait brièvement les épaules.

Il faut qu'on trouve un départ de piste. De là, je pourrais en tirer quelque chose.

A moins que les poudreuses n'aient recouverts le plus important. Mais ça, elle ne souhaitait pas l'envisager pour l'instant. Laissant la plus jeune reprendre ses esprits alors qu'elle même observait l'horizon en quête d'un signe de par ou pouvoir bien commencer, alors que la voix de Selene la ramenait à elle. Tournant le regard dans sa direction alors qu'elle évoquait les dernières heures connues de Juliet entre la fin de son travail au dispensaire et son retour vers l'avant poste qui n'avait finalement, jamais eu lieu.

La Lakota se contenta d'hocher brièvement la tête à cette remarque, songeuse. Il n'y avait pas milles et une manières de rejoindre cet avant poste, cela pouvait au moins rétrécir les chemins à suivre. Venant brièvement poser sa main contre l'épaule de la pianiste pour l'inciter à relever le regard dans sa direction, la scrutant un instant sans mot dire.

On va la retrouver. Prends ton mal en patience, même si c'est difficile.

Il ne leur fallût pas longtemps pour récupérer leurs chevaux respectifs, direction le dispensaire. Au moins, le temps restait sec. Avec un peu de chance, certaines empreintes auraient survécu au temps.

Tu sais si elle était à pied ? A cheval ? Demanda t-elle à sa comparse alors qu'elles contournaient une épave de voiture retournée depuis quelques mois déjà, la brune s'assurant qu'aucun coyotte ne surgirait d'en dessous pour venir effrayer les chevaux. Tapotant doucement le flanc de Dune pour le rassurer alors qu'elles continuaient leur direction au niveau du dispensaire, avant de reprendre.

On à eu vent de pillards dans le coin ? Ou de petites hordes ?

Elle avait eu beau se renseigner pendant sa convalescence sur comment était géré l'extérieur, il n'empêchait. Elle avait l'impression de devoir tout reprendre à zero...

Prendre son mal en patience ? Non, elle ne pouvait pas. Il s’agissait de Juliet. De sa Juliet. Celle qu’elle couvait depuis plus de trois ans maintenant, celle dont elle était tombée amoureuse, celle qui était comme la deuxième maman de sa fille, celle à laquelle elle avait fait une scène seulement quelques jours avant sa disparition…

Selene tentait de refouler tout ça. Ces images d’elle, à fleur de peau, qui échouait à contrôler le cours de ses émotions. Dents serrées, elle avait alors simplement hoché la tête, emboîtant le pas à son aînée. Nerveuse, elle ne cessait de se ronger les ongles, de s’écorcher le bout des doigts ou de triturer la plume attachée à ses cheveux.

- Elle était à pied, répondit-elle perchée sur Fury, suivant Nima dans les rues méconnaissables du quartier, et cette partie de Seattle a l’air d’attirer pas mal les problèmes ces derniers temps… pas seulement des pilleurs, mais j’ai entendu plein de cas d’agression, d’enlèvements ou de viols…

A ce simple mot, elle eut la nausée. Parce que ça ravivait des souvenirs qu’elle aimerait pouvoir effacer de sa mémoire et, surtout, parce qu’elle ne savait pas comment elle réagirait en apprenant que Juliet avait été abusée. Elle ne voulait pas le savoir. La musicienne était certaine que ce ne serait pas joli.

- Je ne la crois pas du genre à chercher les problèmes, alors… si elle en a eu, c’est que quelqu’un lui est tombé dessus.

Selene parlait de « quelqu’un » parce qu’elle ne visualisait pas non plus sa petite-amie se faire dépasser par une meute de voraces. Elle les aurait entendu et aurait su comme s’échapper. Juliet ne serait pas non plus partie à l’aventure sans prévenir. C’était presque pire : être persuadée qu’il lui était arrivé quelque chose, sans encore savoir quoi.

- On y est, dit-elle en désignant l’ancienne clinique dans laquelle était venue exercer la jeune femme.

Elle descendit de sa jument et lui flatta machinalement l’encolure. Ses yeux bleus projetaient déjà une version mentale de la scène, imaginant la silhouette gracile de la blonde qui quittait les locaux pour rentrer. La pianiste tourna la tête dans la direction vers laquelle sa représentation de son amie était partie et sans un mot, elle la suivit, après avoir prit les rênes de Fury dans une main. Un indice, il lui fallait un indice…