Ray Dobrowolski
Sam 20 Fév 2021 - 23:40
Sensible Appliqué Patient Avenant Courtois Pessimiste Lâche Calculateur Égoïste Opportuniste | Ray avait un pistolet en arrivant, mais il a dû le céder à l'entrée dans le camp. Puisqu'il n'en sort jamais, pas besoin d'arme ni de protections. Il n'a rien conservé d'avant, sauf une bague en argent. Ray est un jeune homme d'un mètre quatre-vingt pour environ soixante-dix kilos. Mince, pas spécialement musclé, il ne se démarque pas par sa force brute. Ses cheveux sont bruns, ondulés, et ses yeux d'un marron profond sont souvent teintés d'une pointe de défi. Sa mâchoire est très carrée, parfois voilée d'une barbe de quelques jours. Dans ce groupe, Ray cherche à se fondre dans la masse. Alors pas question de renouer avec ses années Queer : il préfère se planquer derrière un style neutre mais toujours propre et bien assorti. |
Depuis le décès de son compagnon, Ray est pessimiste : il n'imagine pas que le monde puisse se relever de cette pandémie, et il préfère assurer son confort plutôt que de courir des rêves impossibles. Il en va de même pour les directives sectaires du camp. Si, au fond, il soutient évidemment les opinions rebelles, il n'y croit pas assez pour prendre part à quelconque mouvement.
Mais son manque d'engagement tient aussi de la lâcheté : Ray a terriblement peur. Des châtiments, des rôdeurs, des armes. Il vise le moins pire, craint énormément de prendre des risques pour sa propre vie. Il préfère perdre une partie de son identité plutôt que ce confort tombé du ciel après des années de calvaire.
Dans la même fibre, son côté calculateur lui fera régulièrement utiliser les autres à son avantage, qu'il s'agisse des femmes qui lui assurent son image de "mec hétéro qui a du mal à se caser" ou des liens hypocrites qu'il tissera avec ses collègues. A l'exception de quelques attachements réels, toutes ses décisions sont égoïstes et servent sa survie. Après tout, la belle morale du camp fait de lui une sous-merde, il n'a donc pas beaucoup de remords à avoir.
Dans ses relations quotidiennes, Ray est avenant, en particulier avec ceux qui ne le sont pas. Il fera souvent le premier pas, que ce soit pour rompre son propre ennui, parce qu'il a une vanne sur le bout de la langue ou dans le sincère espoir de lier une amitié. Car il n'a jamais été vraiment solitaire, et le silence est parfois bien plus insupportable qu'un échange de banalités. Facétieux, il ne se prive jamais de blaguer et taquiner, allant parfois jusqu'à être carrément salé. Une répartie souvent piquante lorsqu'on le cherche, et qui passe mieux accompagnée d'un beau sourire.
J'ai eu la chance de naître à Seattle au sein d'une famille aisée. C'est mon père qui est d'origine polonaise et à qui je dois ce splendide nom de famille impossible à orthographier. Ma mère, elle, est une pure américaine. Lorsque je suis arrivé, ils avaient déjà mon frère, Julian, de cinq ans mon aîné. Notre famille est bercée par le catholicisme. La messe dominicale était une tradition très importante que j'appréciais sincèrement, sans en comprendre les enjeux.
Mon enfance est marquée par les absences de mon paternel. Il travaillait comme commercial pour un groupe international, et je n'ai jamais trop compris ce qu'il y faisait mis à part voyager souvent et longtemps, en Europe notamment. Il ne me manquait pas vraiment. Car à chacun de ses retours, les tensions revenaient dans le couple parental. Et puisque j'étais très proche de ma mère, qui restait au foyer, j'ai développé pour elle une sorte de devoir protecteur. Je ne supportais pas qu'il la rende malheureuse.
A la maison, ma relation avec Julian a toujours été assez conflictuelle. Je pense qu'il était jaloux de ne plus être enfant unique, et prenait plaisir à me martyriser et me garder dans son ombre. Nos cinq années d'écart font que nous n'avons pas fréquenté longtemps les mêmes écoles, heureusement. Là-bas, je me débrouillais bien. J'avais quelques amis et rentrais dans les rangs. En fait, les problèmes n'ont commencé qu'à l'adolescence, où mes repères se sont peu à peu cassé a gueule.
Julian a fini le lycée alors que j'avais treize ans. Il est rapidement parti suivre un programme universitaire en Angleterre, pour se lancer dans le commerce, espérant sans doute un bon piston de notre père à son retour. Ce dernier a justement été promu au management d'une équipe. Il allait beaucoup moins voyager, et je savais que la vie chez nous allait devenir d'autant plus insupportable.
Ajoutez-y la crise d'adolescence qui ne m'a pas du tout épargnée, et voilà qu'un petit monstre est né. Je faisais tout pour rendre la vie de mon paternel infernale. Tous les matins, je faisais en sorte qu'il marche dans de l'eau avec ses chaussettes. Que son pain soit brûlé dans le toaster. Que la télé soit débranchée. Que son ordinateur lui affiche des pop-up pornographiques jusqu'à le faire planter. Tous les soirs, c'était une nouvelle tournée : je versais du sel à flots dans son dîner, je diffusais son numéro de portable à des publicitaires harceleurs, je passais mon CD de Metallica à fond dans ma chaîne hi-fi tout en verrouillant la porte de ma chambre.
Mais ça n'est jamais lui qui réagissait. Mon cher père pestait dans sa barbe, engueulait sa femme ou me fusillait du regard en silence. Lorsque mes conneries dérangeaient le couple, c'est systématiquement ma mère qui venait me voir pour tenter de me désamorcer. Elle avait cette douceur et ce tact qui calmaient ma colère, temporairement. Elle aurait mérité mieux que lui.
Pour me canaliser, ils m'ont offert une batterie. Ca fonctionnait, un peu. Un prof particulier venait me faire cours chaque semaine. Alexandre avait la petite vingtaine. C'était un étudiant en conservatoire qui avait besoin d'argent. Je l'ai immédiatement trouvé coincé, barbant, inutile. Je me contentais d'acquiescer vaguement à ses conseils en faisant tout à ma manière.
A cette époque – je devais avoir quinze, seize ans, et comme la plupart des adolescents, la priorité était mise sur la vie sociale. La popularité. Les amours. La découverte de la sexualité. Certains s'embrassaient, d'autres prétendaient avoir déjà fait “la chose”. Quelques filles me montraient de l'intérêt, je suis même sorti deux semaines avec l'une d'elles : on s'est embrassés, tripotés, et puis je ne savais plus quoi en faire, alors je l'ai larguée. Je réalisais peu à peu que les sportifs du lycée m'attiraient bien davantage que leurs pom-pom-girls. Il fallait que je... creuse le sujet. C'est mon prof de batterie qui a fait les frais de ma curiosité déplacée. Pour sa défense, il ne m'a jamais rien fait, ça n'allait que dans un sens. Ce jeu a duré quelques temps, et ça me fait bien rire que mes parents aient payé pour me donner ce genre de leçons... Et puis, sans doute cela commençait-il à le gêner, puisqu'il n'est plus venu.
Mine de rien, ça a débloqué quelque chose. Je suis resté discret sur la question pendant quelques années néanmoins, par crainte d'être rejeté de mon groupe d'amis. Je ne l'ai jamais dit à mes parents, mais je crois qu'ils l'ont deviné. Je n'pense pas que ça en soit une conséquence, mais mon père est parti. Ils ont divorcé. Au final, j'ai gagné.
Il est parti s'installer dans l'Oregon. Ma mère s'est mise à aller quotidiennement à l'église. Mon frère finissait ses études, et allait revenir à Seattle. Moi, j'achevais ma dernière année de lycée avec de bons résultats. Comme je ne savais pas trop quoi faire par la suite, j'ai suivi ma meilleure amie, Sam, à l'Université de Seattle pour étudier la kinésiologie... Une filière qui devait m'assurer une carrière tranquille et des revenus confortables.
Les années fac ont été libératrices. Je sortais énormément, je flirtais énormément, ouvertement, et le domaine m'intéressait réellement. J'ai emménagé avec Sam dans un appartement proche du centre-ville. L'endroit a rapidement tourné au QG pour tous nos amis et il était fréquent que des soirées s'y éternisent.
Avec quelques uns d'entre eux, on a monté un groupe de rock sans grande prétention. On avait l'habitude de répéter au moins un soir par semaine dans une salle en sous-sol que nous avait dégoté Alice, la bassiste. C'est dans cette rue que j'ai rencontré Jake. On est pas vraiment parti du bon pied : Il était jeune flic, je fumais de la Marie-Jeanne sur la voie public, bon... Il m'a fait une fleur. Et puis on s'est revus, plus ou moins par hasard. Un jour, je lui ai proposé de passer à un concert qu'on donnait dans un petit bar de la ville.
“Alors à la basse t'as Alice, elle parle pas beaucoup mais elle nous pond des paroles mortelles. A la guitare c'est Paolo, il flippe sa race devant les flics donc le prends pas personnellement. Et au chant, bien sûr, la magnifique Sam, qui est également mon insupportable colocataire... Les gars, voilà Jake.”
Voilà comment il s'est greffé à notre petite bande. Jake n'a jamais été musicien, mais il nous accompagnait quand il le pouvait. Immigré canadien, nouveau en ville, il n'avait pas encore d'amis, il était timide. Ca a été plutôt laborieux, mais je l'ai doucement sorti de sa coquille. Après quelques temps, notre relation a évolué. On s'est rapprochés, fréquentés, et puis.. On s'est posés. Je me suis fait violence pour le présenter à ma famille directe, qui s'est rapidement réfugiée dans l'idée qu'il n'était qu'une petite passade. Je ne voyais que rarement de toutes façons, et loin de moi l'idée de vouloir voler la vedette à mon frère qui nous annonçait ses récentes fiançailles.
Quand j'ai fini mon cursus à la fac, Jake et moi avons emménagé ensemble, dans une petite maison à Queen Anne. Je commençais alors à travailler dans un cabinet médical du centre-ville. L'histoire prenait une belle tournure, et je n'imaginais pas que quelques semaines suffiraient à tout balayer.
Le 19.10.2015, Queen Anne
Hier, j'ai reçu un appel de mon frère. Il emmène ma mère et sa fiancée chez mon père, près de Portland. Je dois les retrouver tous les trois avant midi chez ma mère à Kent. De là, on fera le trajet ensemble, mais... J’ai insisté pour qu’on fasse un détour chez Sam avant de partir. Le timing aurait dû être largement suffisant, mais maintenant qu'on est en chemin, je réalise qu'on n'arrivera probablement pas à temps.
Alors qu’on s’approche du centre-ville, les routes sont de plus en plus bondées, et finalement bloquées par des dizaines de véhicules immobiles. Quelques cris fusent, des coups de feu y répondent. J’aperçois des militaires un peu partout, et.. ce sont des gens, par terre ? J'étais enfermé chez nous depuis quelques jours seulement. Alors je peine à atterrir dans ce cauchemar. Jake est policier, il me raconte les émeutes et les accès de folie depuis le début de la semaine, mais les paroles font pâle figure devant la terrifiante réalité.. Jake perd patience dans les bouchons et gare rapidement la voiture, à moitié sur le trottoir. Il coupe le moteur.
"T'as pas peur de... d'être viré pour avoir quitté ton poste ?"
"Je n'pense pas qu'il y ait encore de poste qui tienne... Puis quand bien même, j'ai mes propres priorités." On s'échange un regard, un sourire tendu. Je n'pourrais jamais être assez reconnaissant pour son aide. Sans Jake, je ne tiendrai pas cinq minutes. « Viens, vite. »
Il sort, je le suis et récupère nos affaires dans le coffre : le strict essentiel dans un petit sac à dos. Jake est armé, et il a déjà dégainé. On décide de contourner les rues principales trop peuplées.
On traverse le quartier en esquivant le plus de monde possible, mais l’agitation est dense en plein centre et le chant des sirènes est entêtant. Plusieurs détonations retentissent et le son ricoche contre les immeubles. Un mouvement de foule se crée, on se fait bousculer, on presse le pas, et je trébuche contre un corps étendu au sol.
C’est la première fois que je croise un tel regard. La femme qui s’agrippe à ma jambe a les siennes prises sous les roues d’une voiture. Son visage est injecté de sang, sa peau est bleuâtre, ses yeux voilés de blanc. Elle crache, grogne, et me tire férocement vers elle. Mon instinct me dicte de fuir, mais cette vision me tétanise. Jake lui fait brusquement lâcher prise, la repousse et me remet sur mes deux pieds. On presse le pas pour le reste du trajet.
Octobre à Novembre 2015 – centre-ville de Seattle
On arrive dans mon ancien appartement où Sam est restée, seule. Soulagé de la retrouver entière, je la serre fort dans mes bras.
On aurait dû repartir dans l’instant, mais l’agitation a saturé la rue, les cris sont arrivés dans la cage de l’immeuble, puis ont remonté dans les couloirs du bâtiment avant de s’éteindre en un silence macabre.
J'ai raté le rendez-vous à Kent, évidemment. Impossible de les prévenir, les appels et les messages ne passent plus. J'espère qu'ils ne m'ont pas attendu... Car à chaque heure qui passe, la situation semble empirer.
Deux, trois semaines passent, durant lesquelles on s'échange les témoignages de nos expériences récentes, dérangeantes. La fin du mois arrive, les vivres commencent à manquer malgré un sérieux rationnement. Heureusement, les rues se vident également. Un jour, les militaires viennent nettoyer l’immeuble et nous évacuent vers le CenturyLink Field avec bon nombre d’autres survivants.
Hiver 2015-2016 – CenturyLink Field
Pas de nouvelles... bonne nouvelle ? Dans le camp, on ne sait plus bien ce qu'il advient à l'extérieur. Les militaires ne donnent pas beaucoup d'informations, et les réseaux semblent définitivement perdus. L'hiver se révèle particulièrement dur, les denrées alimentaires très limitées et certains tombent gravement malade. Au moins est-on à l'abri, tous les trois, loin de ces monstres.
Enfin... Jusqu'en janvier. Ce que je redoutais le plus est arrivé : une horde de malades prend d'assaut le bâtiment et nous plonge dans un massacre sanglant. Jake me plante le flingue d'un militaire décédé dans les mains, je... j'improvise, en panique, on se dégage de la foule et on fuit le bâtiment. Un putain de miracle, certes, mais une horreur qui me restera toujours en travers de la gorge.
2016 – Sud de Seattle
L'objectif n'a pas changé : on se sépare des autres survivants du stade pour plonger vers la banlieue Sud dans l'espoir de quitter la ville. A ce stade, je crois que Sam et Jake me suivent surtout par défaut, parce que je leur donne un point de chute.
De nombreux arrêts sont nécessaires pour nous ravitailler, et on se confronte malgré nous à d'autres malades, puis à d'autres personnes simplement désespérées. Il nous faut quelques semaines d'un lent périple pour quitter la grisaille de la ville, durant lesquelles Jake nous apprend à nous servir correctement des pistolets. On décide de tenter un détour à Kent, pour trouver la maison de mon enfance vide. On y fait tout de même une pause.
Nos pas et nos discussions nous mènent doucement vers le Mt. Rainer. On y rejoint un petit groupe de trois adultes et deux enfants et on s'établit ensemble dans un chalet pour passer la belle saison en toute tranquillité, loin des points de concentration des malades.
L'automne faisant redouter un prochain hiver aussi rude que le précédent, on se met tous d'accord pour redescendre vers les plaines lorsque les jours commencent à se raccourcir.
2017 - Bonneville, frontière Washington/Oregon
L’endroit est parfait pour se poser un moment. Plusieurs îlots rythment la traversée du fleuve. On est tout près d’un élevage de poissons - ça se sent - et sur l’une des îles est aménagé un camping avec plusieurs mobil homes. D’autres personnes se joignent à nous dans ce petit campement. On est un peu plus d’une dizaine à se partager les petites habitations et à se protéger les uns les autres. Ça me rassure d’avoir du monde avec nous.
L’hiver se passe sans trop de mal, mais une blessée est à déplorer suite à une mauvaise chute. Je suis, malheureusement, le seul qui ait des connaissances en soins. Je m’occupe donc d’elle, et finalement y trouve un sentiment d’utilité plus que réconfortant.
Au printemps, et malgré les espoirs qui s’amenuisent, le plan reste de nous séparer de ce groupe pour continuer vers la maison de mon père, qui n’est plus très loin.
Mais alors qu’il tentait de tirer quelque chose de l’exploitation de poissons, l’un de nos alliés fait preuve d’imprudence. Il se fait mordre, et sans avertir qui que ce soit, rentre au campement. Trois personnes sont infectées ce soir-là. Toutes sont exécutées. Parmi eux, il y avait Sam.
La mort de ma meilleure amie rend tout ce cauchemar bien trop réel, et j'encaisse très mal son décès.
Hiver 2017-2018 – Sandy, Oregon
Cet incident nous a très rapidement rappelé notre objectif. Quelques jours après la mort de Sam, Jake et moi quittons le groupe et décidons d’accélérer la cadence. J’ai bien conscience qu’il est de plus en plus probable que ni mon frère, ni mes parents n'ont survécu. Mais on a besoin d’avancer, d’aller quelque part. Notre relation avec Jake commence à être assez tendue - principalement par ma faute, le stress qui me ronge, notre deuil commun et parce qu’on n’avait jamais passé autant de temps ensemble et dans des conditions aussi déplorables.
On arrive à Sandy au début de l’hiver. La maison de mon père a changé. Quelques traces de sang ont séché sur le sol, sur les meubles. Des vitres sont brisées, une odeur de mort tapisse l'endroit. Une véritable odeur de mort. Dans l’un des fauteuils du salon git le cadavre défraîchi de mon père. Amaigri, un flingue encore pris dans sa main, une balle logée dans sa gorge.
Une vision gravée au fer rouge sous ma rétine.
Ça fait beaucoup, en peu de temps. Mon esprit se fissure par endroits, l’angoisse se glisse dans chaque seconde de cette nouvelle existence. Mon père les a attendus, et probablement ne sont-ils jamais venus. Ses placards sont vides, alors peut-être était-il en train de mourir de faim lorsqu’il a décidé d’abréger ses souffrances.
On repart immédiatement. Je refuse de continuer à poursuivre des fantômes : on doit trouver un endroit où rester.
2018 – Mt Hood Village, Oregon
On suit la rivière Sandy vers l’Est, en se disant qu’on finira bien par croiser du monde. Aux alentours du Mt Hood Village, on croise effectivement deux ados en train de pêcher. Si la rencontre part clairement sur le ton de la méfiance, ils nous conduisent tout de même à leur campement.
C'est une communauté d’une petite centaine de personnes installées dans le parcours de golf du coin. Le lieu est vaste mais grillagé, encadré de deux rivières. Il dispose de plusieurs logements touristiques déjà installés et, peu à peu, des caravanes s’y sont ajoutées.
Je trouve assez vite ma place auprès des autres médics dont j’apprends énormément. Jake, lui, est un nouvel élément d’autant plus précieux qu’il faisait partie de la police et peut enseigner aux autres à se servir des armes à feu.
La vie y est simple, plutôt inconfortable mais paisible. Et avec ce calme, les tensions entre Jake et moi diminuent doucement. On retrouve, enfin, de vrais instants de complicité. Lors d'une sortie à la rivière, je mets la main sur une bague en argent prise entre deux rochers. C'est un signe, je n'en doute pas : je me jette carrément à l'eau pour la récupérer. Il faudra la retravailler, et certainement l'agrandir, mais... je lui offrirai à son anniversaire, en janvier.
Le 26.12.2018 – Mt Hood Village
La neige recouvre le terrain de golf de son épais manteau blanc. Au lendemain de Noël, on repart pour quelques semaines de rationnement strict et de nuits glaciales. Mais si l’hiver est difficile pour nous, il devient impossible à tenir pour d’autres groupes de la région qui peinent à se ravitailler. C’est sans doute ce qui a poussé ces pillards à couper le grillage qui entourait le golf pour s’y immiscer.
Jake patrouille avec plusieurs autres personnes, ce soir-là. Je suis réveillé par les coups de feu, comme tout le campement. Précipité dehors, je n’assiste qu’aux derniers échanges de balles. Les pilleurs sont neutralisés, et les membres du camp se regroupent peu à peu autour de mon compagnon étendu au sol.
J’essaie de stopper l’hémorragie, je presse sur son ventre, sans réfléchir, j’y passerai des heures s’il le faut pour que son putain de sang reste dans son corps. Les autres ne tardent pas à venir m’aider, mais sa blessure est profonde, violente, ses gémissements de douleur insupportables, et je n’suis pas un putain de médecin, personne ici n'a les moyens d’arrêter la fatalité qui se dessine cruellement sous mon nez.
Jake me prend la nuque, me colle à lui. On se dit des "Je t’aime” larmoyants, puis on m’arrache à lui lorsqu’il se transforme, pour l’achever avant qu'il n'attaque. Son regard tétanisé se fige dans le mien, pour toujours.
Automne 2019 – Mt Hood Village
J’ai arrêté d’essayer. Je me laisse traîner, sans avoir le courage d’en finir à la manière de mon paternel. Je pense qu’il devait ressentir à peu près la même chose, lorsqu’il s’est retrouvé seul, affamé, désespéré.
Le temps défile sans moi.
A l’automne, on reçoit la visite d’un petit groupe d’hommes largement armés mais apparemment bienveillants. Les types nous invitent à rejoindre leur camp, et ils ont toute la panoplie de la parfaite équipe commerciale : argumentaire, photos… J’n’ai besoin de rien de tout ça pour me laisser convaincre. Il faut que je m’éloigne d’ici, peu importe dans quel trou pourri j'atterrirai.
Les autres membres de la communauté se mettent d’accord dans ce sens également. Alors, quelques semaines plus tard, un convoi est envoyé pour nous rapatrier.
Sur le trajet, on n’va pas se mentir, j’ai la sale impression d’être envoyé aux camps. Mais une fois sur place, c’est différent. C'est largement mieux que ce que j’imaginais. Le camp est - très - grand, hautement sécurisé, les gens sont bien habillés, bien portants, c’est.. comme une bulle intacte du monde d’avant.
Hiver 2019-2020 : Walla-Walla
Docile, je me suis laissé porter dans leur processus d’intégration sans faire d’histoires. Et quelle surprise quand, au bout du chemin, c’est mon frère aîné que j'ai retrouvé.
“Julian ?”
“Ils m’ont dit qu’un nouveau portait le même nom que moi…” Il me sourit, et vient me prendre dans ses bras. A cet instant, je craque et me laisse complètement aller.
Un peu plus tard, le calme retrouvé, on prend le temps de parler. Ma mère est décédée également, avant son arrivée au camp. Ils sont bien passés à Sandy, mais c’était beaucoup trop tard. Julian est arrivé ici avec sa fiancée, et ils ont eu deux enfants.
Je lui raconte mon périple, également. La visite chez papa, la mort de Sam, et celle de Jake. Julian se crispe à l’évocation de ce nom. Il sait qui il est, et ne perd pas de temps pour m’expliquer pourquoi je dois garder ça pour moi. J’ai… du mal à comprendre, honnêtement. Les châtiments dont il me parle sont pires que barbares et, avant l’épidémie, ces choses là ne posaient plus de problèmes qu’à quelques illuminés radicaux.
Mais il me le confirme, et insiste sur ce point dans une dérangeante bienveillance. Pour ma sécurité, je dois me taire. Mais de toute façon, je n’peux déjà plus faire marche arrière.
2020 - Walla-Walla
Le temps passe, et la vie devient effectivement nettement plus supportable. J’ai un lit, du chauffage, de la nourriture, des vêtements, un catho radical qui me sert de frère, des neveux et nièces, je retrouve mon taf, des collègues médecins, du matériel, de la propreté, des douches, le ci-né-ma putain, et jusqu’au simple plaisir d’errer dans les rues sans craindre de me prendre une balle perdue ou de me faire croquer la jambe par un rôdeur.
Alors, certes, c’est au prix d’un grand jeu d’acteur, de frustration morale, de peur, il faut que je rencarde des filles pour faire bonne figure et la pression de se marier grimpe peu à peu, mais… Quoi qu'il en coûte, je refuse de retourner dehors.
Ray s'est rapidement habitué au confort du campement. Au point que même s'il en avait l'occasion, il refuserait certainement de partir pour affronter à nouveau tout le macabre de l'extérieur. Il ne sort pas, d'ailleurs, à moins qu'on ne le lui demande à l'avenir. Son activité de kiné l'occupe largement assez à l'intérieur du camp. Il s'y occupe de la rééducation des blessés, des douleurs des nombreuses femmes enceintes ou ayant récemment accouché, des maladies respiratoires chroniques... Et il s'accorde beaucoup de temps à rattraper son retard d'expérience dans le domaine en bouquinant et en échangeant avec ses collègues du domaine médical.
Sur son temps libre, Ray aime beaucoup aller au théâtre ou cinéma, même si c'est pour secrètement détruire les œuvres proposées, en silence dans sa tête. Il ne refuse pas la sociabilisation à laquelle on l'incite largement, mais fait en sorte que ses rencontres restent assez superficielles et servent son image d'hétéro célibataire. Pas question, donc, de jouer le flirt s'il n'y a pas de témoin.
Julian, son frère, est également présent sur le camp. Lui a une femme et trois enfants, et tous sont adeptes du mythe entourant leur dirigeant. Cela inquiète relativement Ray, mais Julian lui a promis de taire ses expériences passées pourvu qu'il admette qu'elles étaient déviantes. Une bonne ambiance en famille, donc.
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Jacob E. Ross
- Administratrice
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Re: Ray Dobrowolski
Dim 21 Fév 2021 - 4:47
- Elliot Müller
- Administratrice
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
- Invité
- Invité
- Casier judiciaire
- Feuille de personnage
Page 1 sur 3 • 1, 2, 3