L'espagnol de Lisandro est tellement rassurant. La fatigue, la fièvre, et maintenant ces émotions qui me compressent la poitrine, tout ça me donne vraiment envie de chialer dans les bras de mon père. Si l'on était seuls, et si je ne risquais pas de lui refiler la crève, c'est certainement ce que je serais en train de faire. Je ferme les yeux une seconde quand il me touche le front, et peine à les rouvrir. J'n'aime pas l'expression de son visage. Est-ce que je suis si mal en point que ça ? "Sí, papá." Me recoucher. Ok...

Je me retourne, vacillant légèrement, capte brièvement le regard des deux brunes revenues récemment de la mésaventure dont parlait le reste du petit groupe. Keira et Emily. Cette dernière est blessée à la main, mais... J'ai vraiment pas eu la force d'être curieux.

Je croise rapidement Tori qui sort du lit, et tente une petite tape de soutien sur son épaule qui finit dans le vide à défaut d'être foutu de viser. J'en perds un peu l'équilibre, mais continue mon chemin sans broncher. Tant pis, c'est l'intention qui compte... Je m'assois doucement sur le matelas, le corps rouillé par les courbatures qui m'électrisent chaque muscle et par la douleur lancinante qui m'irradie l'épaule, autour de l'impact de balle fraîchement refermé. J'ai envie d'crever, vraiment... d'en finir avec la douleur, physique et mentale, ça devient... insupportable. J'me rallonge, et replonge en quelques secondes, détachées du temps, dans les méandres des délires fiévreux.

Résumé:

« Bien sûre... » Keira attrapa délicatement le sachet de thym et de gingembre que Lisandro lui tendit et alla s'occuper de l'infusion. La brune surveilla l'eau qui bouillait tout en jetant de petits coups d’œil nerveux vers Tori et Eli. Elle adressa un sourire au médecin quand Faith la présenta, se rendant compte qu'elle ne l'avait effectivement pas fait. La photographe n'était pas vraiment dans son assiette depuis son retour. Emily posa des questions sur la prothèse du nouvel arrivant et ce fut seulement à ce moment-là que Keira la remarqua. Son esprit était tellement préoccupé par le sort des deux malades qu'elle ne prêtait guère attention à ce qui l'entourait.

Quand l'eau fut suffisamment chaude, elle versa les herbes et le gingembre dedans et une délicieuse odeur lui chatouilla les narines. Son ventre gargouilla, signe qu'elle était morte de faim, elle sacrifiait sa propre part de nourriture sans soucis pour encourager la guérison des deux malades. Les temps avaient rarement été si dures mais elle pouvait encaisser le manque de nourriture. Elle pouvait au moins faire cela puisqu'elle avait la chance de ne pas être souffrante. Au bout de quelques minutes, le breuvage chaud fut prêt. Elle en servit deux tasses. « Vous pouvez vous servir si vous voulez... » incita-t-elle Faith, Emily et Lisandro, puis elle se rapprocha de Tori et Eli. Avec précaution, elle en posa une à côté de l’hispanique et se tourna vers Tori.

L'asiatique demandait où était Zack. Keira tourna un regard embêté vers le reste du petit groupe. « On ne sait pas encore où il est et... » lui répondit-elle d'une voix douce. Elle montra la fenêtre. « Vu les conditions, on ne peut pas aller le chercher... » A peine quelques secondes après avoir fini sa phrase, son amie parut comme perdre connaissance et Keira laissa échapper un petit cri :  « Tori ! » Elle la rattrapa, empêchant qu'elle ne se fasse mal contre un des meubles du bus.  « Il faut que vous fassiez quelque chose ! » supplia-t-elle Lisandro. « Ils sont comme ça depuis plusieurs jours.... » Il ne fallait pas qu'ils meurent. Le bus avait connu trop de pertes ces temps-ci, trop de coups durs. Son regard se posa sur Eli puis sur Tori. La nervosité pouvait se lire sur ses traits, et, tout comme Faith, la fatigue aussi.

Eli repart se coucher, sous son regard attendri et inquiet. Leur état n’est pas terrible, Elena n’exagérait rien quand elle était venue réclamer leur aide. Cette grippe faisait des ravages chez eux aussi, mais les conditions étaient meilleures, le confort aussi. Le chilien regrettait un peu que l’échange n’aille pas jusqu’à ramener les malades jusqu’à Nisqually, mais il n’était pas là pour prendre les décisions et quelque chose lui disait que le retour d’Eli ne serait que peu toléré. Mais si leur état empirait, il n’hésiterait pas à les ramener dans son infirmerie – quoi qu’on puisse en dire. « De rien » Répondit-il à Faith, visiblement épuisée par la situation. « On va s’épauler. » La rassure-t-il, ensuite. Il avait tenté ensuite de s’approcher de l’asiatique, mais elle l’avait rapidement ignoré, en signant. Mince, ça, il n’y était pas vraiment préparé.

Puis une petite voix derrière lui, il se retourne pour découvrir une adolescente intriguée par la prothèse qu’il arborait à son bras droit. Si la question est curieuse, il n’a pas le temps de répondre que Faith intervient pour lui laisser un peu d’espace. « Non, c’est rien. T’en fais pas. » Il offre un sourire à la jeune fille avant de remonter sa manche et de lui montrer jusqu’où sa prothèse montait réellement. Seul son avant-bras était manquant, l’articulation du coude avait pu été préservée. « Une mésaventure avec un mort… Mais ça aurait pu être pire. » En réalité, ça l’avait été, dans un sens. Faith en savait quelque chose. Il se rapprocha d’ailleurs de cette dernière pour l’écouter lui partager son désarroi et son impuissance. Il posa sa main sur son épaule, pour la soutenir. « Elle fait des ravages chez nous aussi, malheureusement on ne peut pas faire grand-chose de plus à part surveiller qu’ils s’hydratent bien et que la fièvre ne monte pas trop. J’ai apporté de quoi les aider un peu. » Et c’est juste à cet instant que la dénommée Keira s’approcha pour leur servir une tisane. Faith les présenta tour à tour, jusqu’à lui présenter sa fille, dans un sourire. « Oui, je connais bien Eli… Il est… comme mon fils. Je suis soulagé de le savoir avec vous. » Dit-il, soulignant de ce fait qu’il avait disparu sans laisser d’autres informations qu’une lettre d’excuse.

Il prend sa tasse, mais plutôt que de la boire, il va la déposer auprès d’Eli. « Bois ça, tu n’vas pas aimer. Mais quand j’reviens tu dois en avoir bu la moitié. Entiende ? » Lui ordonne-t-il, avant de se lever et d’accepter enfin l’offre de Faith de s’assoir une minute en prenant une autre tasse à la jeune femme. Il ne manque pas le regard curieux de l’adolescente pose sur lui. « Est-ce que nos deux malades sont les seuls que je peux aider ici ? » Demande-t-il, pour Emily, évidemment. Il se tourne ensuite vers Faith, en lui désignant Tori. « Je ne connais pas la langue des signes, mais elle a l’air bien agitée… Sa fièvre semble plus élevée également… Toi aussi, tu as l’air épuisée. Tu dors un peu ? » Demande-t-il. Plus fort que lui, il vient poser sa main sur son front, espérant qu’elle ne tombe pas malade à son tour.