Les fleurs avaient depuis longtemps séchées, alors qu'elle les observait sans mot dire, les glissant dans l'épaisse bible qu'elle avait récupéré en extérieur pour les maintenir bien à plat, reposant le tout à même le sol. Si elle s'était désormais remise, elle n'était pour autant pas encore allée voir celui qui avait mis ces fleurs sur son chevet en supposant qu'elle était endormie. De par cette rancune tenace qui l'habitait depuis les événements de Georges, et la vie personnelle de l'homme qui en avait depuis, été chamboulée. Le départ de son frère n'avait pas pu le laisser de marbre, pas au vu de leur complicité.

Alors, quand elle était sortie de son abri pour le voir assis dos à elle en observant le reste du campement, elle avait hésité une seconde. Dune l'attendait pour prendre un peu l'air, et elle devait encore partir en direction du no man's land s'assurer que les routes menant au fort restaient libre des mains des morts. Terminant tout juste de lacer ses bottes qui vinrent rapidement s'enfoncer dans la poudreuse, et d'enfiler les gants de cuir qui sauraient la protéger du froid en observant à nouveau Ashton.

Bien sûr, elle avait hésité. Avant d'hausser les épaules, attachant l'agrafe de sa cape sur ses épaules pour rejoindre la silhouette esseulée, Suna jappant sur ses talons avant de foncer sur celui qu'elle avait longtemps considéré comme un lâche.

Le chiot vint rouler dans la neige alors qu'elle secouait doucement la tête, légèrement amusée par la candeur de son nouvel animal de compagnie avant que son regard ne croise celui qu'elle était venu voir. L'espace d'une seconde, ni l'un ne l'autre ne se parlèrent, alors qu'elle venait se laisser tomber à côté de lui sur la souche d'arbre récemment déneigée.

Merci, pour les fleurs.

Se rappelait-il seulement de ce dont elle parlait ? Tournant un instant la tête dans sa direction pour évaluer son regard, reprenant de nouveau.

Je ne dormais pas, ce jour la. l'air de dire qu'il ne pourrait nier les faits. Et si longtemps, elle s'était vue lui attribuer une correction dont il se serait souvenu un siècle plus tard... L'eau avait coulé sous les ponts, depuis. Et un ennemi commun était amplement suffisant à gérer pour s'entretuer au sein de leur campement. Du moins, le supposait-elle ainsi.

Depuis combien de temps il neigeait ? Depuis combien de temps Elrik était parti ? Est-ce qu'il survivait au milieu de la neige en plein hiver. Plein de questions trottaient dans ma tête en c'moment et ne rien avoir pour y répondre c'était vraiment pas l'pied. Mon frangin était parti y a quelques temps maintenant, il s'était levé après s'être fait soigner par Emilie et il était juste parti en me disant qu'il avait besoin d'voir autre chose et il m'avait laissé là, encore une fois tout seul. J'avais l'impression que c'était l'histoire de notre relation, il apparaissait et disparaissait mais je pouvais pas m'empêcher de penser qu'un jour il r'viendrait pas, qu'c'était juste une fatalité, c'était comme ça. Mais ça m'tuer d'rien pouvoir y faire, j'l'avais dans les tripes depuis quelques temps même si j'étais énervé après lui et qu'j'l'reconnaitrais sûrement jamais parce que j'tais trop fier mais si j'avais pu l'retrouver et l'frapper moi-même jusqu'à ce qu'il soit assez dans les vapes pour pouvoir le ramener je l'aurais fais. J'suis pas du genre sentimental mais j'ai b'soin d'avoir quelqu'un avec moi, quelqu'un qui compte et maintenant qu'Elrik s'est barré j'me retrouve sans la seule personne pour remplir c'rôle.

Les yeux sur la neige, j'regardais ça comme si c'était l'dernier spectacle que j'verrais d'ma vie, mon dernier hiver, c'était p'têt le cas après tout. J'étais p'têt suicidaire d'toute façon, j'étais d'vant l'endroit où trônait ma plus grosse conn'rie du moment mais j'avais b'soin d'faire la paix, d'enterrer tout ça avant d'continuer. J'avais b'soin d'me faire pardonner auprès d'elle comme ça, j'mettais toutes ces histoires dans une p'tite boite, j'l'enterrais au fond du jardin et plus jamais j'en parlerais à qui que ce soit.. et avec un peu de chance personne m'en reparlerait jamais. Alors, m'voilà, assis comme un imbécile, dos à l'entrée de l'endroit où j'sais qu'elle va sortir, p'têt qu'elle va me tuer dès qu'elle va m'voir, j'espère dans un sens, c'sera p'têt rapide si j'ai d'la chance qui sait.

Puis l'bruit s'fit, j'vois un chien qui passe d'vant moi, un p'tit chiot, j'sais qu'pas mal de gens en ont récupéré y a quelques temps, tant mieux pour eux, moi j'aime pas trop les animaux de compagnies. Après tout, c'un truc qui fait vachement bruit à une période où c'bien mieux d'être vachement silencieux.. sisi je vous jure qu'j'le pense même si on dirait pas vu le nombre de fois où j'dis des trucs par journée.

Les premiers mots sortent de ses lèvres, visiblement elle est plus enclin à parler qu'à me frapper même si ça aurait été compréhensible que l'inverse se produise. Des remerciements, des remerciements pour les fleurs, j'tais tiraillé entre le fait de pas vouloir qu'elle sache que c'était moi ou le fait de justement vouloir qu'elle le sache pour qu'elle évite de me tuer sur place. Elle me précisa qu'elle avait tout vu et qu'elle ne dormait pas, sans doute, j'avais pas vraiment fais attention à si elle dormait ou pas, j'étais juste venu mettre des fleurs pour m'excuser et j'm'étais pas éternisé j'étais sûrement pas particulièrement bienvenue et encore moins auprès d'elle après ce qui s'était passé. "C'est normal, j'ai faillis t'laisser mourir sans l'vouloir j'pouvais pas au moins m'excuser." J'me gratte doucement l'arrière de la tête, un peu gêné. "Du coup ben, j'voulais m'excuser mais d'vive voix." J'dois vraiment avoir l'air d'un con, j'ai pu trop l'habitude moi d'faire c'genre d'choses.

"J'voulais pas qu'il t'arrive ça, j'croyais que tu les avais entendu.." J'cherche un peu mes mots pour éviter d'la fâcher j'avoue. "J'comprends s'tu m'en veux en tout cas, j'ferais plus attention à toi la prochaine fois." Si y avait une prochaine fois et si j'avais l'occasion d'me racheter.

Il avait faillit la laisser mourir, et s'en voulait. Se contentant de hausser les épaules à cette évocation, alors qu'il évoquait l'envie d'au moins s'excuser.

Il faut plus que deux chiens pour me tuer. La preuve, elle était encore là. Epuisée, mais toujours en vie. Restant silencieuse alors qu'il continuait son plaidoyer, persuadé qu'elle avait entendu les chiens.

Je les ai entendu. lui précisa t-elle néanmoins, relevant les yeux sur lui. Mais si personne ne restait sur place, ils auraient attaqué le reste du groupe et fait d'avantage de dégâts.

Dégâts, qui se lisaient désormais sur son corps. Ce n'était qu'un constat, et nullement une accusation. Juste une manière d'exprimer à Ashton les raisons qui l'avaient poussé à rester immobile à l'écoute des aboiements.

Je t'en ai voulu, Ashton. admit-elle à ses questionnements, dardant ses yeux noirs sur lui. Au début j'ai pensé à te frapper une fois sur pied. Mais rester alitée m'a permis de réfléchir.

Le temps pouvait guérir tous les maux, après tout. Aussi jugea t-elle bon de rajouter.

On ne réagit pas tous de la même manière au danger. Tu as sauvé ta vie, là ou j'ai voulu contenir des dégâts. Je ne peux pas te reprocher d'avoir un instinct de survie, tu ne pense pas ?

Beaucoup auraient fui, elle le savait pertinemment. Ashton n'avait fait que copier un comportement qu'un autre aurait pu avoir, en terrain inconnu. Soupirant doucement, secouant la tête à cette prochaine fois qu'il évoquait désormais.

Tu as eu un comportement plus logique que ton frère. Sans vouloir te blesser.

Elle n'avait pas pour habitude de mâcher ses mots, de prendre des pincettes. Elle laissait ça aux diplomates, arguant le pragmatisme et la franchise au risque de vexer. Jetant un regard amusé à Suna qui se roulait dans la neige comme un bienheureux, avant de reprendre avec plus de douceur.

La prochaine fois, on travaillera en équipe. Je saurai comment tu fonctionne, et tu le sauras également. Le résultat sera moins catastrophique que le combat de Georges. Tu ne crois pas ?

Plus qu'deux chiens pour la tuer, d'toute évidence sinon elle s'tiendrait pas d'vant moi, j'la dévisage un instant, en regardant un peu plus loin qu'j'd'vrais pour avoir l'air sincère en tout cas même si j'aurais voulu pouvoir m'justifier un peu mieux. Pour être tout à fait honnête d'ailleurs, j'savais même pas vraiment comme m'justifier alors bon, soit. Puis l'indienne m'fit part de ce qu'elle pensait, qu'si j'étais resté, ils auraient fait plus d'dégat qu'ils en ont fait mais soit, j'm'en fous, j'aurais dû resté à c'moment-là, quitte à même l'protéger et m'faire bouffer, ça importait peu, pour être franc, j'comptais nettement moins qu'elle, j'l'avouais tout sincèrement sans honte ni rancœur, j'étais moins important qu'elle.

Puis la suite, sans un mot d'ma part, elle fit son discours, m'offrant à l'oreille l'fait qu'elle m'en avait voulue, à juste titre, le long développement qu'elle m'offrit jusqu'à l'apothéose de son petit discours dans la volonté du travail commun la prochaine fois pour éviter que se repasse ce qui c'était passé là-bas.. j'm'offrais comme seule réaction un p'tit sourire circonspect avant d'lui répondre simplement : "C'plus grave qu'tu l'penses, j'aurais dû rester, m'prendre ses chiens à ta place." Les yeux coincés d'vant moi, j'observais la nature plus qu'd'la regarder comme si elle était l'visage d'ma honte : "T'as une fille, quelqu'chose à offrir au camp, moi j'ai rien, presque pu rien tout du moins, y m'reste juste la vie, j'aurais dû m'jeter sous les crocs d'ces choses pour t'éviter d'le subir mais j'suis p'têt trop lâche pour des moments comme ça." Pour être franc, j'm'en voulais sûr'ment plus qu'elle pouvait m'en vouloir sans lui manquer d'respect, l'pauvre type à c'moment-là c'tait moi.

"J'espère pour toi qu'y'aura pas d'prochaine fois, sortir d'hors avec moi c'pas une bonne idée d'toute évidence.." J'tais gêné d'le dire mais c'tait la vérité et j'ai vach'ment d'défauts mais mentir ça en fait clairement pas partis aux dernières nouvelles. "ça m'évitera de d'voir arracher la moitié des fleurs d'hiver d'not belle forêt pour m'faire pardonner une s'conde fois." J'lui offre un sourire doux mais sincère.. enfin pas véritablement à elle, j'ai toujours les yeux rivés sur l'neige, nan, pour être franc j'voulais juste lui montrer qu'j'étais quelqu'un d'bien.. du moins qu'j'essayais d'l'être et qu'j'traînais pas avec les gens qui avaient des responsabilités parce qu'c'tait pas une bonne chose pour eux et qu'j'tais un danger.

"L'prochaine fois qu'j'fais un truc comme ça, rends moi service, tue moi avant qu'on rentre, ça m'permettra d'éviter d'mal dormir pendant trop longtemps." En vérité, j'avais pas si mal dormis qu'ça mais j'avais quand même l'peur qu'elle claque à un moment aléatoire et c'tait franch'ment pas c'dont j'avais besoin à l'heure actuelle avec le départ d'Elrik, c'tait même très loin d'ce dont j'avais besoin pour être franc.

Ca ne sert à rien de ressasser le passé Ashton. Tu t'en rendras rapidement compte avec le temps. tranche t-elle fermement, alors qu'il insiste pour dire qu'il aurait été plus méritant pour lui de se faire attaquer par ces animaux. Plutôt mourir ce soir là, que prendre le risque que les autres soient tombés dans ce combat. Andrea, Kaya, Frances. Les membres de The Haven étaient devenus dans un sens, cette réserve dans laquelle elle avait grandi et ouvert son regard sur le monde. Tu as toi même un frère. lui souligne t-elle avec sérieux, bien que son aîné ait quitté le campement. Et son sourire vient en écho au sien, alors qu'il plaisante sur ces fleurs qu'il lui à offert pendant sa convalescence.

Une erreur ne fais pas de toi un lâche sur une vie tu sais. Ca s'apprend, d'aller de l'avant et de faire mieux.

Ses propres réputations au combat ne s'étaient pas faites en un jour. Il avait fallût des années d'entraînement sous la main de fer de Frances, pour en arriver. La haine avait beaucoup aidé, au moment de l'attaque du ranch. Ne faisant que renforcer cette volonté de se battre pour une liberté qu'une vie entière ne lui avait pas accordé. Avant tout ça, du moins.

Quand à la prochaine fois... Un rire s'échappa de ses lèvres, avant de reprendre avec sérieux.

Et si la prochaine, je t'avais appris à faire mieux ? Ca en disait long, après tout. La possibilité de l'aider à se battre, de ne plus avoir à reculer au pire moment. Et... Ne pas se lancer bêtement dans la mêlée comme d'autres l'avaient fait à Georges.

Si tu es capable de tenir tête aux gens de ce camp, qui te dit que tu ne serai pas redoutable sur un champ de bataille ? Il suffit juste de trouver le rôle qui t'irait le mieux.

Ne venait-il pas d'une famille de guerrier après tout ? Elrik en parlait constamment. De sa culture, de ses ancêtres, de leur parcours. Rien n'empêchait Ashton de simplement trouver sa voie, quelque part dans tout ce chaos. Et si elrik n'était plus là pour lui montrer le chemin, elle pouvait toujours se proposer pour l'aider, comme Frances avait su faire avec elle.

Ca m'évitera de te tuer, en prime. Crois moi, tu n'as aucune envie que je récupère ton scalp. souffle t-elle avec un sérieux certain.