Cela faisait plusieurs semaines maintenant qu'ils étaient bien installés au sein de New Eden, et maintenant le jeune couple faisait sa vie ; Luisa restait une partie du temps à la maison tandis que Kerwan partait découvrir de nouveaux métiers, dans le but de se poser définitivement sur l'un d'entre eux. Pour le moment c'était assez compliqué pour lui de choisir, car tout semblait si loin de son métier d'avant. En plus, avec toute la suspicion et méfiance de la part des gens -probablement parce qu'ils ne le connaissait pas encore-, ça n'aidait pas.

Après cette nouvelle journée de découverte de travail, il rentra, assez fatigué. La maison était vide, Luisa n'était pas encore rentrée ; elle avait dû partir faire quelques courses ou rendre visite à des amis à elle. En attendant qu'elle revienne, il décida d'aller décompresser de sa journée en prenant une bonne douche chaude et à se mettant au salon, posé. Dans la petite bibliothèque présente dans la pièce, il décida de prendre l'un des bouquins et de se noyer dans quelques pages. Cela faisait très longtemps qu'il n'avait pas lu, lui qui avait toujours été dans les jeux vidéos. Mais il allait devoir se trouver une nouvelle occupation, maintenant qu'il ne pouvait plus s'adonner à ce plaisir là.

Alors qu'il avait entamé le premier chapitre de son livre, quelqu'un frappa soudainement à la porte. Le grand brun sursauta, tiré si violemment de l'histoire. Il se fit un marque page en pliant le coin de la page à laquelle il s'était arrêté, puis referma le livre avant de le ranger. Il se redressa alors avant d'aller se poster devant l'entrée et d'ouvrir la porte.
Une jeune femme se présentait là, inconnue de sa mémoire. Il décida de prendre la parole.

- Bonjour, je peux vous aider ?

Elle se présenta alors. Il s'agissait en fait de Phoebe, une nouvelle amie de Luisa. L'hispanique lui en avait déjà parlé quelques fois et, au vu de ses paroles, elle semblait être une personne plutôt gentille. Elle souhaitait en fait la voir et discuter un peu. Néanmoins, comme Luisa n'était pas encore rentrée, le grand brun ne trouva rien de mieux que de lui proposer de venir l'attendre à l'intérieur. Ils auraient le temps de faire un peu plus connaissance, et d'affirmer -ou non-, les dires de Luisa.

- Elle est de sortie pour le moment, je ne sais ni où, ni quand elle va rentrer. Vous voulez l'attendre à l'intérieur en attendant ?

Elle accepta, et Kerwan la fit donc rentrer dans leur maison. Il lui indiqua où elle pouvait s'installer, dans n'importe lequel des fauteuils du salon, avant de se diriger dans l'espèce de cuisine aménagée.

- Je vous sers quelque chose ?

Luisa n'était donc pas là. Raté. Ce fût en revanche un homme qui lui annonça la nouvelle, qu'elle supposa être Kerwan.

Vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas ? S'était-elle enquise à sa proposition de l'attendre ici, gênée à l'idée qu'on puisse lui reprocher d'avoir mal fait. Je ne veux pas m'imposer... souffla t-elle presque sur un ton d'excuse alors que Kerwan l'invitait, pénétrant dans les lieux en le remerciant d'un murmure, tout de même ravie de ne pas retourner affronter le froid glacial de l'extérieur. Observant discrètement les lieux avant de se tourner vers son hôte qui lui proposait déjà quelque chose.

Si vous avez du café, ce serait avec plaisir. Vous avez besoin d'aide ? Pour un peu, et elle se serait sentie mal à l'idée qu'on ne puisse lui faire le reproche de ne pas avoir aidé. Parfois, ces maudits préceptes avaient réellement la vie dure...
Souriant à l'homme, avant de reprendre à son égard.

Vous devez être Kerwan, c'est ça ? Luisa m'a parlé de vous la dernière fois.

Sans rentrer dans les détails du moins. Si Luisa avait évoqué qu'elle le préviendrait d'une grossesse, ça ne serait certainement pas elle qui prendrait le risque de fauter sur l'annonce. Même pas en rêve, elle était encore bien trop secrète envers les rares amies qu'elle considérait ici pour oser les trahir d'une manière ou d'une autre. Et puis, Luisa pouvait tout aussi bien lui avoir simplement évoqué son petit ami et leur passé commun sans rentrer dans les détails après tout. Et maintenant qu'elle se retrouvait seule avec lui, autant en profiter pour faire un peu connaissance, non ?

De ce que j'ai cru comprendre, vous vous êtes rencontrés en extérieur alors ? avait-elle demandé avec une curiosité un peu timide, le remerciant d'un sourire discret quand il lui offrit la tasse de café qu'elle vint serrer entre ses doigts gelés. Si les jupes étaient obligatoire pour les femmes, il n'empêchait qu'elles ne protégeait en rien du froid alentour. Tendant le panier qu'elle avait ramené pour l'occasion à Kerwan, reprenant.

J'avais promis à Luisa que je lui amènerai des muffins faits maisons. Vous pouvez vous servir si vous voulez !

Un peu de sucrerie aidait toujours à démarrer un semblant de discussion, lui avait un jour assuré sa mère. Peut-être que c'était l'occasion idéale de tester le conseil.

- Non non, ça ne me dérange pas du tout. Entrez, entrez !

Il lui adressa un sourire avant de refermer la porte derrière elle, après avoir vérifié si des curieux regardaient la scène. Il l'avertit que Luisa n'allait pas rentrer de suite mais, au moins, elle ne resterait pas dans le froid et ne serait pas obligée de revenir. Avec les maigres vêtements que les femmes portaient, il se demandait comment elles faisaient pour ne pas tomber malade.
Elle lui demanda un café, alors il s'y attela. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas effectué des gestes simples et quotidiens, comme préparer le café à un invité. Cela lui faisait plaisir d'avoir cette parenthèse de "vie quotidienne".

- Non non, ça va aller, merci. Profitez plutôt de vous réchauffer près de la cheminée.

Un joli feu crépitait dans la cheminée, donc la chaleur se répandait doucement dans le salon. Avec le froid qui régnait à l'extérieur, le feu réchauffait les corps, et les cœurs. D'ailleurs, il avait terminé de préparer le café, qu'il apporta dans une grande tasse à la jeune femme. Elle allait davantage se réchauffer avec cette boisson chaude. " Voilà pour vous."
Il vint s'installer dans un autre fauteuil, face à elle. Une autre tasse de café dans sa main, de la vapeur s'évaporait tranquillement dans les airs.

- C'est ça ! Ah ? Je suis curieux. Qu'a t-elle dit ?

Il commença à siroter son café chaud. Sentir le liquide chaud parcourir son corps le réchauffait aussi. Et là, elle posa une question par rapport à leur rencontre -à Kerwan et Luisa-. L'ancien agent immobilier ne put s'empêcher d'esquisser un sourire, se remémorant ses débuts assez catastrophiques avec la jeune femme.

- Haha, je ne pensais pas qu'elle raconterait tout ça. Mais oui, on s'est connus à l'extérieur. Ca remonte à plusieurs années, maintenant. On s'est rencontrés par pur hasard. On était dans des groupes différents au début, aussi. Rolala, ça commence à remonter, tout ça.

D'ailleurs, leur première rencontre s'était soldée par une engueulade. Mais, avait-il vraiment besoin d'en parler ? Bien évidemment que non, c'était loin de faire rêver !
Il se remis à siroter son café. Là, il reporta son regard sur la jeune femme qui lui tendit des muffins. Le sourire du grand brun s'agrandit d'un seul coup, et il se pencha pour en prendre un et croquer dedans sans tarder.

- Merci beaucoup ! Ca fait hyyyyyper longtemps que j'en ai pas mangé hein. [...] Huuuum, qu'est-ce que c'est bon ! Merci beaucoup !

Cette petite douceur sucré était particulièrement agréable en bouche. Il savourait, littéralement, ce muffin.

- Ca vous dit qu'on se tutoie ? Les formalités, tout ça, c'est plus trop mon truc. Il marqua une pause pour croquer et terminer le muffin, avant de reprendre. Et toi, ça fait longtemps que tu es ici ? Luisa m'a vaguement parlé de toi, mais je ne sais pas grand chose, finalement !

Murmurant un remerciement à Kerwan alors qu'il insistait pour qu'elle attende à l'intérieur, rejoignant cette cheminée qu'il l'incitait à rejoindre pour se réchauffer. Les flammes venant d'office réchauffer ses jambes frigorifiées par le froid de l'hiver, lâchant un soupir de soulagement bref. Merci beaucoup. Souffla t-elle en venant récupérer le café brûlant qui acheva de dé-anesthésier ses doigts. Souriant à la cordialité de Kerwan, alors qu'il assurait que Luisa et lui se connaissaient depuis des années, avant New Eden.

Quand à elle ? Haussant les épaules, pour le tutoiement, reprenant à son égard.

Oh et bien... Je n'ai pas grand chose à raconter; Elle était somme toute, très placide, et banale. Je suis arrivée avec mes frères et mon neveu en 2018, et comme mon mari travaillait, je restais à la maison. Depuis sa mort, je vis chez mon frère, je les aide sur les tâches quotidiennes, et je leur donne des coups de mains si je le peux. Je suis contente si le muffin te plaît ! rajouta la blonde avec un doux sourire. Je pourrai en faire d'autre si tu veux ? J'adore cuisiner, alors n'hésites surtout pas.

Pourtant au début, elle détestait ça. Mais par la force des choses, elle s'était habituée. Cuisiner avait le mérite de bloquer ses pensées et ses doutes, concentrée sur sa tâche. Et les pâtisseries, c'était encore mieux.

Et v... Et toi ? C'était comment.. Tu sais ? L'extérieur.


Etait-ce toujours aussi horrible qu'à son départ ? Les choses avaient-elles changées, d'une manière ou d'une autre ? Y'avait-il des civilisations qui avaient pu en ressortir, qui pouvaient les égaler en terme de commodités ou de confort ? Ca fait longtemps que je l'ai quitté mais dans mes souvenirs... C'était terrifiant.
la perte de sa mère, de son père ... Les râles des morts. Rien que d'y penser lui arracha un frisson, avant qu'elle ne reprenne.

Je suis désolée, je suis curieuse. Admit-elle avec un air sincèrement désolé, baissant un court instant le regard. Tu n'es pas obligé de répondre, bien évidemment. Et tu te sens bien ici, avec Luisa ? Vous avez été bien accueillis par vos voisins au moins ?

La jeune femme lui raconta alors un peu sa vie, son passé. Le grand brun fut surpris de son arrivée aussi ancienne à New Eden, il ne pensait pas que c'était bâti depuis aussi longtemps. Par contre, lorsqu'elle annonça que le décès de son mari, il ne put s'empêcher de faire une tête un peu décontenancée ; il ne s'attendait clairement pas à ça. Alors, lorsqu'elle eut fini, il ne put s'empressa presque de lui dire, un peu gêné :

- Toutes mes condoléances. J'espère que ça n'a pas été trop dur...

La mort d'un proche était toujours un moment très douloureux. Lui avait perdu ses parents, et avait eu du mal à s'en remettre, seul. Luisa, elle, avait perdu son fils, et son deuil a été particulièrement long. Alors une personne aimée, cela devait être presque aussi dur que perdre un enfant. Il espérait qu'elle n'ait pas trop souffert. Et surtout, elle était encore entourée, c'était le plus important. Rapidement, ils changèrent de sujet, et revinrent sur la nourriture. Ce muffin était une sacré source de confort et réconfort, il ne pouvait le nier.

- Avec grand plaisir ! Et je pense que Luisa appréciera que tu viennes aussi souvent, haha !

Il ne put s'empêcher d'en prendre un autre. Cette petite douceur lui apportait une énorme dose de morphine qui était fort appréciable. Il mangeait cette seconde sucrerie avec autant, voire davantage de plaisir que la première. Mais il devait penser à en laisser à Luisa, sinon elle n'allait clairement pas être contente.

- L'extérieur ? C'est vrai que tu es ici depuis quelques années maintenant. Alors, l'extérieur, euh... J'ai l'impresison que c'est un peu plus "sûr" qu'avant. Et il s'est passé tellement de choses. Pleins de groupes ont décidé de s'entraider et ont formé ce qu'on appelle le "No Man's Land". Le but c'est de proposer du troc, mais aussi un coin médical, mécanique, tout ça. Avec mon groupe, on gérait une tente médicale. C'était cool. Et moi parfois je partais faire des expéditions avec d'autres gens, pour ramener des vivres et tout. On dirait que les gens sont un peu moins hostiles et "sauvages" (et c'est lui qui dit ça) , avec plus de confiance, de soutien, et ça, c'était cool. Et puis surtout, l'extérieur, c'est clairement la liberté. Le matin, tu te lèves, tu ne sais pas ce que tu vas faire, ni où tu vas aller. Parfois ça m'arrivait de partir faire des expéditions dans des endroits paumés, ou d'aller chasser. C'était vraiment cool, surtout de buter des infectés. Ici, c'est... différent. C'est un peu comme une prison, où on ne peut plus sortir.

Il commençait à regretter sa venue ici. Il se sentait comme un lion en cage, qui ne pouvait pas faire grand chose. Il s'était tellement habitué à la vie dehors, à cette vie nomade/sédentaire, au "Carpe Diem", que maintenant, ça lui fendait presque le coeur de revivre "comme avant".

- Oh non non, t'en fais pas ! Si ça fait longtemps que t'es là, je peux comprendre que tu t'interroges sur l'extérieur.

Il marqua une pause et termina alors son café, plus très chaud. Phoebe le questionna de nouveau, et il mangea une nouvelle bouchée de son second muffin, avant de répondre à sa question.

- Je me sens bien ici, parce que Luisa est enceinte. Je dois t'avouer que c'est une sécurité, pour nous deux, et pour le bébé. Mais moi, ici, je ne suis clairement pas à l'aise. J'ai déjà mis du temps à m'habituer à la vie en petite groupe, mais alors ici, c'est pire ! Quant aux voisins, ils sont vite fait passés pour se présenter. Mais c'était surtout par politesse, je pense. Ca me fait un peu gerber cette espèce d'hypocrisie ou tout le monde doit bien se comporter avec tout le monde.

Il soupira un peu. Lorsqu'il avait accueilli les voisins, il sentait une gêne. Ils étaient peut être contents d'accueillir quelqu'un, mais Kerwan ne le sentait pas du tout comme ça.
Il tourna la tête vers la fenêtre, un peu pensif. Est-ce qu'il avait bien fait de lui raconter tout ça ? Il ne savait pas trop. Mais maintenant que c'était dit, il ne pouvait plus faire machine arrière. Puis, il revint à ses pensées avant de se retourner face à la blonde, et de poser sa tasse de café.

- D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'ici, toutes les femmes "fertiles" (en faisant les guillemets avec ses doigts) devaient avoir un mari. Et comme tu m'as raconté pour ton mari, je voulais savoir si... tu étais tranquille ou... on t'avait trop quelqu'un d'autre ? J'espère pas, quand même...