« Tu m’promets de pas y aller trop fort, hein ? Parce que l’but, c’est que j’apprenne... pas que j’devienne handicapée. »

Kassandra est partagée entre l’excitation et l’appréhension, mais ne peut tout de même pas cacher l’impatience qui est venue se cacher derrière un sourire amusé qu’elle ne peut contrôler. Dans quelques jours, elle prendra le large avec Zelda et d’autres adultes du camp pour ce qui sera censé être une simple mission de repérage. Une balade en bateau, un emplacement à aller visiter, vérifier et fouiller dans l’espoir de trouver des denrées désirées par les grandes têtes de Fort Ward pour l’un de leurs énièmes projets. C’est officiellement la première mission de l’adolescente qui fait de son mieux pour se montrer de plus en plus impliquée au sein du camp, mettant d’habitude de nombreuses heures de son temps libre à profit auprès d’Adrienne et de ses enseignements qui captivent souvent celle qui soufflera bientôt sa seizième bougie, Kassandra a pourtant la sensation d’avoir envie de changement, ces derniers temps. Parce qu’Adrienne l’a déçue et qu’elle se retrouve de moins en moins dans ses cours qu’elle esquive de plus en plus fréquemment avec de fausses excuses et des justifications que la française a du mal à avaler, elle le sait.

La fille Taylor voit cette mission qu’on lui a proposé de rejoindre comme une chance de prouver qu’elle a des compétences mais aussi que tous les entrainements et enseignements qui sont dictés à tous les jeunes de Bainbridge Island sont gravés dans sa mémoire. Les exercices de tir qu’elle redoutait intensément, l’éducation physique qui l’a motivée à se surpasser ou encore ces mises en situation qui l’ont forcée à remettre en doute certains de ses principes moraux... Kassandra se sent prête. Presque prête. Elle redoute la violence, aimerait à tout prix éviter (à nouveau) d’utiliser une arme sur un être humain. Et s’il y a bien une catégorie d’enseignement qui manque à tout ce beau programme, c’est bien la maîtrise de techniques de combat.

Les Remnants aiment les armes, l’adolescente préfère éviter d’avoir à appuyer sur la gachette.

Soucieuse d’avoir droit à un cours intéressant, éducatif mais loin surtout pas barbant et certainement pas théorique, c’est tout naturellement Nathan qu’elle a approché, connaissant un peu son passif, notamment ses connaissances et ces nombreux entrainements de self-défense auxquels il avait l’habitude d’assister.

« J’aimerais vraiment apprendre à me battre... mais sans faire de mal à la personne. J’sais pas si ça fait sens... C’est con comme raisonnement ? » qu’elle lui demande d’un air intimidé alors qu’ils poussent tous les deux les portes de l’école pour gagner la petite salle réaménagée en gymnase quelques années plus tôt, vide à cette heure-ci. Kassandra lui tient gentiment la porte de cet endroit où ils s’entraineront aussi longtemps que l’homme voudra bien lui enseigner. « J’veux juste pouvoir me défendre si on m’attaque, pouvoir immobiliser l’ennemi... mais surtout pas l’tuer. » Mais peut-être qu'elle est trop naïve et qu'elle a encore une vision "utopique" du bordel qu'il se passe là-dehors.

Elle se débarrasse de sa veste qu'elle laisse tomber sur l'un des bancs qui longent la salle de sport et dévoile sa tenue de sport habituelle. « Et si j'm'en sors bien... p'têtre que tu pourrais nous faire des cookies pour l'expédition ? » Elle aime parfois l'accompagner lors de ses recettes. Nathan est l'un de ces adultes qu'elle admire, de ceux dont elle aime tant apprendre. Elle aime sa cuisine, elle aime ses conseils... et elle aime surtout faire glisser ses doigts dans les moules encore plein de mélange avant qu'il ne les mette au lave-vaisselle... Alors, elle ose lui demander s'il leur ferait l'honneur de les motiver à coup de pâtisseries… même s'il est probable que Zelda et elle soient les seules à en voir la couleur.

« J’suis quand même pas sûre qu’partir avec des bleus soit une bonne chose. Au pire, essaie peut-être juste de... d’pas y aller trop fort avec moi ? » Elle l’aime bien Nathan. Elle ne l’a jamais vu se battre, mais elle est certaine qu’avec un peu de volonté et bien plongé dans le feu de l’action, il pourrait vraiment lui faire du mal. Parce qu’il a de la force dans les bras, parce qu’il est plutôt bon dans ce domaine d’après ses propres dires et que c’est avant tout un homme. Du haut de ses quinze ans, elle se dit qu’elle s’en sortira déjà très bien si elle arrive à lui rendre le moindre coup...

Elle a veillé à bien être en forme pour son premier cours de self-défense. Nathan a accepté son invitation avec beaucoup d’enthousiasme et semblait même ravi qu’elle s’intéresse à lui autrement que via ces recettes de pâtisserie qu’il maitrise à la perfection et qui sont devenues de nombreuses occasions de rencontre pour l’Armée de June qui aime s’enfermer au sous-sol avec quelques beignets ou une bonne tarte sur la table basse... Les délices de Nathan, c’est pas des conneries !

Suivre un enseignement non officiel, c’est surtout se donner l’occasion d’apprendre plus calmement et avec beaucoup moins de pression que si elle faisait face à quelqu’un qui est formé pour ça. Avec Nathan, elle peut discuter, s’amuser mais aussi s’y intéresser sans s’inquiéter d’être trop mauvaise. Elle n’est pas notée, elle n’est pas jugée... et c’est ça qui lui plait avec l’ancien pâtissier qui, elle le sait, n’hésitera pas à être honnête avec elle et à utiliser les bons termes pour la motiver et la pousser vers la bonne voie.

Elle a une vision trop utopiste des choses, elle le sait très bien. Nathan a la décence de l’admettre sans se manquer d’elle... c’est la réaction que beaucoup auraient face à de telles réflexions, mais elle est comme ça, Kassandra. Elle se dit que la plupart des conflits peuvent se modérer sans avoir à utiliser la moindre arme à feu. C’est ce qu’elle aime se dire, c’est ce qu’elle aime penser. On lui prouvera un jour que c’est faux, en attendant, elle aime vivre dans ce monde qu’elle sait bien plus sombre qu’elle ne veut bien le croire. Au moins, le simple fait d’apprendre à se défendre à la puissance de ses bras et de ses jambes lui laissera l’occasion de s’y essayer... elle qui n’est vraiment pas faite pour les armes à feu.

Elle pousse la porte du gymnase, il la suit dans ce coin de l’école qu’elle fréquente bien trop souvent même si elle aime privilégier la nature pour l’activité physique... mais pas en hiver. « On a un marché, alors ! » qu’elle lui dit en se débarrassant de son gilet, sourire aux lèvres. Sa motivation atteint le plafond, et elle sait d’avance que Zelda la remerciera d’avoir pensé à un moyen de leur accorder un p’tit plaisir sur le chemin d’une mission plutôt banale qui ennuiera certainement l’australienne qui préfère l’action, la vraie ! Elle s’attache les cheveux avant de le rejoindre.

Fini de blablater. Ils doivent se mettre à bosser. Kassandra s’en rend compte en observant l’américain en train de faire ces trucs qu’elle voit souvent les sportifs faire, s’échauffer. Parce qu’il faut s’échauffer les muscles avant de faire de grands efforts... mais est-ce que ça sert vraiment à grand-chose ? Elle en est pas trop sûre, même si elle n’ira pas jusqu’à admettre remettre ce principe en question. « Je... j’me suis pas échauffée, nan. » admet-elle dans un sourire un peu gêné avant de se mettre à suivre ses échauffements d’articulations. Bouger les poignets, secouer les épaules et pencher sa tête dans tous les sens pour s’échauffer la nuque. Ce sont des choses qu’elle sait déjà faire, mais elle se permet de bien l’observer et de prendre exemple sur lui, notamment en terme de vitesse mais surtout de technique : elle veut s’assurer de faire les choses correctement.

« Les tours de gymnases, ils sont obligatoires... ? » Elle bondit sur elle-même, lève les bras, les baisse et continue de le faire à répétition comme dans ces vieilles émissions de gymnastiques qui passaient à la télé le mardi matin dès sept heures... « Parce que j’me sens déjà bien échauffée, là... » Elle commence à avoir le sang chaud, elle a les articulations en marche et elle se sent prête. Mais... elle comprend assez rapidement qu’elle est censée courir, alors elle s’élance dans un soupir dissimulé.

Elle fait de grands tours de salle sans voir ça comme une corvée... Elle aime courir quotidiennement avec Clayton, mais elle ne voit pas leurs joggings du même œil que la demande de faire quelques tours de salle. À deux, c’est toujours plus fun. Un tour, deux tours, trois tours... elle lance un regard interrogatif à son coach du jour avant d’enfin arrêter de courir, faiblement essoufflée. Et c’est pile dans ce genre de moments qu’elle se dit qu’elle devrait être plus préparée, une bouteille d’eau ne lui aurait pas fait de mal.

« Je me disais que... » Elle souffle un petit coup, reprend sa respiration. Si elle n’était pas échauffée juste avant, elle l’est désormais. « On peut voir pour la démonstration, directement ? Genre... Les explications, puis la preuve juste après ? » La théorie, elle aimerait l’éviter. Elle voit ça comme quelque chose de barbant, les cours d’histoire d’Aodhan l’ont poussée davantage vers cette idée. La démonstration et les travaux pratiques, c’est quand même mieux. « Et peut-être un peu des deux ? De la défense et de l’attaque. J’y connais rien, donc des trucs de base, ça pourrait déjà être bien. » Parce que le but de tout ça, c’est pas non plus d’apprendre à faire l’étoile de la mort. Si elle parvient à apprendre à maitriser quelqu’un ou à se défendre, ce serait déjà un plus. « J’ai déjà quelques connaissances... J’sais où il faut viser quand il s’agit d’un mec, et Clayton m’a montré comment tuer quelqu’un avec un cure-dent une fois... même si j’suis pas trop sûre de sa technique. »