Je passais un temps considérable au No Man’s Land, ces dernières semaines. On en avait besoin pour se faire un peu connaître et créer un réseau solide de contact. Surtout que ce n’était pas vraiment dans la spécialité des autres. Oh, bien sûr, Joaquin s’était un peu illustré à la Cage, de quoi lui assurer une petite renommée là-bas. On pouvait dire que Tony était plutôt efficace dès qu’on lui donnait un dossier sur lequel travailler. Tiago était toujours dans les bons coups, lui. On serait sans doute encore coincé à résidence sans l’aide de Salem et… Donovan s’évertuait à rendre le quotidien un peu moins désagréable, sous l’œil vigilant de Nova toujours présente quand la situation l’exigeait. On était une bonne équipe. Seulement… Il manquait quelque chose d’important à celle-ci, un élément incontournable pour moi.

J’étais assise dans les gradins cette soirée-là, les mains refermées sur une bière. Je m’étais placée au plus haut, pour avoir uniquement le mur dans mon dos, et embrasser la salle du regard. Ici, le tumulte était un peu atténué. En contrebas, dans la piscine, les combattants n’allaient pas tarder à s’affronter. Déjà, la foule s’excitait. Les paris avaient été pris assez rapidement. Je n’avais pas grand-chose à parier, pour ma part, mais Joaquin m’en aurait voulu si je ne l’avais pas un peu soutenu de cette façon. Je bus une gorgée à la bouteille quand quelqu’un s’installa à côté de moi, sur le siège à ma gauche. J’adressai un mince sourire à mon voisin qui m’avait rejointe. « Alors, tu comptes parier également ? »

J’étudiai mon aîné du regard, avant de le promener à la ronde. « Ta femme n’est pas avec toi aujourd’hui ? » Sujet délicat, non ? Je lui tendis une seconde bière que j’avais prise pour l’occasion, qu’au moins je ne sois pas la seule à boire. Je me rejetai en arrière, le dos calé contre le mur. Je me demandais comment leurs retrouvailles s’étaient passées, après que j’ai révélé à Radcliff ce qu’elle avait pu dire sur son compte ? Ca restait des questions d’ordre personnel. Libre à lui d’en parler ou non. Peu importe ce qu’il s’était passé, ça ne remettrait pas en cause son intégration dans notre groupe. « Tu es toujours motivé à l’idée de nous rejoindre ? » Il valait mieux comment par là, non ?

A peine avait-il mis un pied dans la piscine que ses narines s'étaient faites assaillir par les odeurs rances de vase, de crasse, de sueur et de testostérone. Le lieu était bondé. La foule s'était amassée autour de la fosse carrelée, surexcitée à l'idée des combats qui s'annonçaient. Du pain et des jeux, n'est-ce pas ? Il n'en fallait jamais beaucoup plus pour occuper les petites gens. Ca se vérifiait déjà à l'époque de la Rome antique et même une apocalypse infectieuse n'y avait rien changé. Plus haut, sur les gradins, se trouvaient les personnes un peu plus dignes d'intérêt. Les aigles surplombaient toujours le monde à la recherche de leur proie. D'ailleurs, en parlant de proie...

Radcliff gravit les marches quatre à quatre, presque sautillant, à croire qu'il était encore loin de ses 60 printemps. Seul son genoux douloureux et son souffle court lui rappelaient que la vie n'était pas éternelle, à commencer par la sienne. Malgré ces petits bémols, il ne tarda pas à rejoindre la cible qu'il s'était fixé : une petite beauté froide qui sirotait tranquillement sa bière en scrutant les lieux. Il s'installa à ses côtés et attendit qu'elle brise le silence, lui tirant un sourire en coin.

- « Non merci, très peu pour moi. Je préfère les investissements sûrs. »

Pour être honnête, il était venu là spécifiquement pour la trouver. Elle assistait souvent aux combats de Joaquim et ce dernier avait prévu de combattre ce soir. Autant dire que la probabilité de la rencontrer s'était révélée être assez importante pour qu'il traîne la patte dans ce repaire de primates. Et il y avait fort à parier qu'elle l'attendait aussi, vu la boisson qu'elle lui tendit comme une offrande de bienvenue. Il s'en saisit sans se faire prier, essuya machinalement la bouteille avec un mouchoir qu'il tira de sa poche et répondit avec désinvolture :

- « Oh, tu sais... nous avons eu une petite discussion qui s'est soldée par la nécessité de prendre nos distances. Quand la bague au doigt se transforme en corde au cou, il faut savoir rendre sa liberté à l'autre. »

Et se servir d'une pelle, aussi. Mais bon, en restant pragmatique, ça faisait de l'engrais à peu de frais.

Heureusement, Ruby avait décidé de ne pas s'étendre là-dessus pour rentrer dans le vif du sujet. Il but une longue gorgée de bière comme s'il méditait sur la question mais sa réponse était pourtant évidente. Il ne se serait pas venu prendre contact s'il avait voulu tout laisser tomber. Son propre réseau, c'était bien. Un réseau construit et élaboré profitant des compétences de plusieurs professionnels, c'était beaucoup mieux. Ils avaient des talents non négligeables dont il pouvait profiter en échange des siens. Il aurait fallu être le dernier des imbéciles pour faire demi-tour maintenant.

- « Tellement motivé que j'ai mis mon plus beau costume pour l'occasion. J'attends juste de savoir ce que ça implique concrètement, à commencer par ce qu'on attend de moi. En laissant traîner mes oreilles j'ai entendu dire que vous faisiez pas mal de recherches matérielles en ce moment. Véhicule, essence, ce genre de choses. Je ne suis pas sûr d'être un grand secours sur ce point mais... sait-on jamais ? »

Un sourire amusé vint ourler mes lèvres à sa remarque. Radcliff préférait les investissements sûrs ? Ce n’étaient que des paroles proférées, mais elles reflétaient un état d’esprit qui me plaisait assez. Pourrions-nous nous reposer sur lui, sans qu’il nous fasse faux bond si les choses tournaient au vinaigre ? Peut-être bien. Le sexagénaire aurait en tout cas à cœur de préserver son investissement, dans la mesure du possible. J’avais envie de croire que cette nouvelle collaboration nous serait à tous profitable.

Nous n’en étions pas à notre première entrevue, évidemment. Je prenais à chaque fois le temps de l’étudier un peu, pour mieux apprendre à le connaître. Il n’était pas question d’intégrer parmi les nôtres quelqu’un qui serait capable de nous trahir avec facilité. Et pour s’en prémunir, la connaissance était un atout. Je savais, grâce à celle qui partageait sa vie, quel genre de personnes était Radcliff. Si je l’avais incité à m’en parler ? A peine, en vérité. Elle avait clairement eu besoin de vider son sac. Je m’étais faite oreille attentive, l’incitant à poursuivre avec un étonnement feint. Je l’avais même remercié pour m’avoir mise en garde, même si son discours n’avait fait que renforcer l’intérêt que je pouvais porter à son mari. C’était un homme dangereux et sans scrupules. Oui, et alors ? C’était exactement ce dont nous avions besoin. Et mieux valait l’avoir dans son camp.

J’haussai les épaules quand il me confia avoir rompu avec sa femme. « J’imagine qu’elle aurait fini par être une gêne dans tes affaires. » Si elle ne l’avait pas déjà été. « C’est triste, après tant d’années de mariage… Mais l’apocalypse nous change tous. » Je repris une gorgée de ma bière, assez indifférente à son sort. Elle nous aurait apporté des ennuis si Radcliff ne s’en était pas débarrassé. Je préférais autant qu’elle ne soit plus dans les parages.

Ma question quant à ses motivations était purement rhétorique. Radcliff, par sa seule présence, démontrait qu’il était toujours vivement intéressé par l’offre qui lui avait été formulée. Je souris un peu en songeant qu’il avait l’air d’un gentleman dans un monde de brutes. « Le costume, vraiment ? Il n’y a rien de mieux que le cuir par les temps qui courent, pour avoir la peau plus épaisse contre les rôdeurs. » J’étais pragmatique, mais il le savait déjà. Je me penchai un peu en avant, avec un léger sourire, quand il voulut entrer dans le vif du sujet. « Je vois que tu t’es déjà bien renseigné sur nous. » Un bon point pour lui. « On s’installe, oui. Enfin… Disons plutôt que nous avons pour projet d’être des itinérants avec plusieurs points de chute. Par ces temps troublés, la mobilité et l’information sont les clefs de la réussite. On a prévu dans deux jours de partir à la recherche d’une remorque-couchette. Notre mécanicienne, Salem, pense pouvoir la remettre en état. Donovan va se charger des rénovations et moi de l’électricité. Ce sera l’occasion pour toi de rencontrer tout le monde et également de mettre la main à la patte. » Ca me permettrait également de me rendre compte si cette nouvelle équipe pouvait travailler ensemble. Ce n’était pourtant pas la spécialité de Radcliff, j’en avais bien conscience. « En plus de s’installer, on a besoin de se faire connaître… Et c’est là que tu rentres en jeu, avec ton beau costume prévu pour l’occasion. » Je lui offris un sourire en coin. « Tu vas vite te rendre compte qu’ils ont tous des spécialités très utiles mais… Qu’aucun d’entre eux n’est un beau parleur. Or, on a besoin de décrocher de nouveaux contrats, notamment avec des factions qui pèsent lourd dans la balance. Je pense que tu aurais une place toute trouvée en tant que négociateur, si cela t’intéresse. »

Ils échangeaient des banalités entre deux gorgées de bières, évoquant de manière imagée la mort d'Emily comme s'il s'agissait d'une chose inévitable. C'était bienvenu. Il aurait été fâcheux que ses collègues lui reprochent ses méthodes et heureusement la leader du S.T.A.R.S. ne semblait pas s'en émouvoir le moins du monde. Même si rien n'avait été dit ouvertement, il voyait bien à son regard qu'elle avait compris. Parfaitement saisi même, tout autant qu'elle paraissait y accorder autant d'intérêt qu'à la géopolitique au Yémen. Ce respect de son travail et de son intimité était une bonne raison supplémentaire de joindre ses forces aux leurs.

- "Je pense plutôt qu'elle nous révèle. La plupart des gens ne s'embarrassent plus du masque de l'hypocrisie, voilà tout."

Ça avait un côté naïf de croire que le virus été responsable du pourrissement moral de la société. Mais c'était plus facile de blâmer une catastrophe incontrôlable que d'admettre que le mal sommeillait en chacun de nous. Un mal qui pouvait se résumer en un mot : égoïsme. C'était le propre de tout ce qui vivait. Tout faire pour survivre, même s'il fallait pour ce faire écraser les autres. Il n'y avait aucun mal là-dedans. Radcliff préféra malgré tout réserver ce débat pour un autre jour. Aborder les questions philosophiques d'entrée de jeu n'était jamais une bonne idée.

Heureusement la conversation passait d'un sujet à l'autre comme une abeille butinait les fleurs. Il épousseta machinalement les manches de son costume à son évocation. Difficile de rester classe dans le contexte actuel, mais il faisait de son mieux. Ce n'était pas génial pour courir un cent mètres et il fallait savoir se montrer ingénieux pour repasser ses chemises mais le résultat valait le coup d'oeil. Quant au cuir... oui, c'est vrai que le cuir était pratique. Le problème, c'est que ça lui donnait l'air d'un vieux pervers adepte du BDSM ou d'un chanteur des Village People et que ce n'était pas vraiment la première impression idéale pour des négociations. Il hocha simplement la tête, l'air entendu, non sans afficher un sourire en coin qui voulait tout dire.

- "Je te le concède, mais je négocie rarement avec les rôdeurs."

Non pas que les vivants soient moins dangereux. Loin s'en faut, d'ailleurs. Mais contre un être vivant en possession de tous ses moyens, généralement d'une partie de sa raison et le plus souvent armé jusqu'aux dents, le cuir ne servait plus à grand chose. Autant se balader avec une passoire sur la tête en clamant qu'il s'agissait d'un casque.

D'ailleurs en parlant de matériel, la suite l'intéressait un peu plus que de parler chiffon. Effectivement, être mobile était nécessaire et même salutaire par les temps qui courraient, mais ça demandait énormément de ressources et de logistique. C'était bien plus simple de se terrer derrière des palissades et des douves, au moins il n'y avait pas à gérer de stock d'essence. Mais oui, force est de concéder qu'il était difficile de récolter quoi que ce soit en se terrant dans son trou à l'abri du monde extérieur.

- "Si tu penses que je serai utile, je viendrai. Ne serait-ce que pour rencontrer les autres."

Il avait ses petites fiches bien sûr, mais c'était toujours plus probant de rencontrer directement les gens pour se faire une idée précise.

- "Et maintenant que tu évoques cette pluralité de compétences... c'est justement ce qui m'a poussé à accepter ta proposition. Le groupe est construit de manière sensée tout en restant assez restreint pour permettre une liberté que n'offrent plus des regroupements massifs comme the Haven ou the Remnant. Vous offrez des perspectives concrètes et, effectivement, je suis persuadé que mes talents y seront profitable. Ca ne me pose aucun problème d'endosser un rôle de négociateur, ."

Le sexagénaire lui adressa un clin d’œil complice avant de reporter son regard sur le combat qui avait débuté dans la piscine.

- "Mais je m'inquiète tout de même de certains détails." Il marqua une pause. "Cette mobilité a un coût élevé en ressources et l'essence n'est pas infinie, hélas. Comment comptez-vous... comptons-nous résoudre cette difficulté ? On ne peut pas se résoudre à siphonner tous les réservoirs de la ville, même cette solution ne serait que temporaire. Tu comptes transitionner vers des moteurs électriques ? En couplant tes talents à ceux de votre mécanicienne, je suppose que ce ne serait pas impossible. Mais sans ce genre de solution, on finira juste en rade au bord de la route, je le crains."

Il détourna son regard des corps transpirants occupés à se démolir le portrait pour le plonger dans celui de Ruby.

- "J'ai besoin de savoir à quel horizon se limite votre vision. Jusqu'où regardes-tu, Ruby ?"

Il me suffit d’un échange de regard avec Radcliff pour comprendre qu’Emily n’était pas seulement partie, elle était probablement morte. J’hochai lentement la tête sans faire le moindre commentaire. Est-ce que ça m’affectait d’une quelconque manière ? Pas vraiment. Je n’avais aucun attachement particulier à sa femme. Je n’éprouvais pas plus de culpabilité non plus à avoir joué un rôle, même mineur, dans cette affaire. Ca aurait fini par arriver, avec ou sans les informations que je lui avais confié. Radcliff était un homme intelligent, il aurait fini par comprendre par lui-même. « Aucun mensonge ne peut durer éternellement. » J’étais bien placée pour le savoir également. Sa façon de voir les choses était néanmoins… Intéressante ? J’avais été loin de me débarrasser de mon hypocrisie quand l’apocalypse était arrivée, bien au contraire. Il était cependant vrai que la plupart ne s’encombrant plus des règles.

Nous ne nous attardions pas plus longuement sur la question, ce n’était pas nécessaire. J’en apprenais chaque jour un peu plus sur quelle genre de personne était Radcliff et… C’était quelqu’un de dangereux. La fin justifiait les moyens pour lui. J’aimais ça, mais ça pouvait aussi poser problème dans le groupe… Surtout vis-à-vis de ceux qui s’accordaient encore quelques principes.

Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire quand Radcliff me souligna qu’on négociait rarement avec les rôdeurs. « Oh ça arrive… Mais la négociation tourne court bien souvent. » Je lui souris un peu. « Tu dénotes par une allure plus distinguée parmi les survivants de Seattle, mais c’est ce qui attire l’œil. » Les apparences étaient importantes, il avait raison. Je savais très exactement comment me vêtir pour éviter d’attirer l’attention ou… Pour la susciter. Dans l’immédiat, je préférais un entre-deux. J’avais abandonné les airs de gamines crasseuses sans être provocatrice pour autant. Enfin tant que je me déplaçais avec Joaquin, je pouvais un peu tout me permettre. Quant à Radcliff, il dégageait quelque chose qui ne donnait pas envie de lui chercher des problèmes, malgré son âge avancé.

On rentra rapidement dans le vif du sujet, laissant de côté les apparences ou le passé. J’aimais bien prendre mon temps pour jauger ceux avec qui j’allais travailler, mais il me fallait avant tout déterminer si cela lui conviendrait. « Toutes les bonnes volontés seront utiles pour remettre d’aplomb notre nouveau foyer. » Et puis… Cela démontrait également qu’il était prêt à aider à construire ce quelque chose ensemble. « C’est une première pierre à l’édifice… Disons que c’est important de la poser ensemble. » Je lui lançai de regard de biais, tandis qu’il listait les avantages qu’il y avait à intégrer notre petit groupe d’itinérants. Je souris un peu, à nouveau. « Pour mener à bien ton rôle, c’est important que tu connaisses les spécialités de chacun, mais aussi leur façon de travailler. Il y a des duos qui fonctionnent mieux que d’autres, par exemple. » Je marquai un silence, le détaillant plus longuement. « Le mot d’ordre reste la liberté et la discrétion. Ce ne sont pas les autres STARS qui viendront perturber tes petites affaires, mais il y a quelques règles d’or à respecter. On ne révèle pas nos emplacements, ni nos vrais effectifs, et les informations qui sont en notre possession se marchandent, mais tout en respectant le pacte de non-agression que nous avons signés avec les autres factions de Seattle. On est un rouage dans le système, pas un grain qui risque de faire dérailler la machine. » Si nos informations pouvaient servir à mener des guerres, il ne fallait pas que ce soit au sein même de cette alliance fragile que nous avions tissés, ou cela pourrait se retourner rapidement contre nous. Je me doutais que Radcliff le comprendrait. C’était quelqu’un de prudent et d’avisé, qui se débarrassait des éléments perturbateurs visiblement. Il n’aurait aucun mal à bien présenter et cacher sous le tapis ce qui avait besoin de l’être.

J’haussai un sourcil quand il commença à me faire part de ses doutes. Ils étaient plutôt légitimes, et bien plus terre-à-terre que je ne l’aurais cru. C’étaient surtout des questions d’ordre technique. J’eus un sourire en coin quand il songea aussitôt à l’électricité comme palliatif. Il essayait déjà de rentrer dans ma tête. « Nous avons une localisation de panneaux électriques. Ils serviront à notre planque et à notre remorque, même s’ils ne pourront pas couvrir toute notre dépense énergétique. Ils en couvriront une bonne partie. Le second point est… Le bio-éthanol. Certains de nos véhicules sont munis de kit, et nous aimerions que les autres le soient également. » Salem savait les poser, mais c’était compliqué de se passer de la distillerie sur ce point-là. Il faudrait bien qu’on règle la question, tôt ou tard. « L’idée des moteurs électriques n’est pas exclure. On pourrait se recharger sur nos différentes planques, ce qui nous ferait économiser de l’essence… C’est une bonne idée. J’étudierais la question avec Salem. » Ce n’était pas vraiment pas spécialité. Aucun avion ne tournait à l’électricité pure. Ca restait cependant une alternative accessible pour nous. Ca valait le coup d'étudier la question.

Je me penche un peu en avant, les mains croisées devant moi. « Je vais me charger des questions plus techniques, mais j’aimerais que tu te concentres sur la négociation de nouveaux contrats. » Je le fixai plus longuement, quand il me posa une question plus ouverte. Un sourire étira mes lèvres en réponse. Il me jaugeait à son tour. « Je veux que notre groupe soit comme un arbre aux racines profondes, qui s’étendront non pas dans tout Seattle, mais dans tout Washington. Que si on coupe une de ces racines, ce ne sera qu’un contretemps négligeable. C’est pour ça qu’on va fonctionner avec des points de chute et une grande mobilité. Et, bien entendu, si l’arbre a des racines profondes, il sera plus facile d’en récolter de bons fruits n’est-ce pas ? Plus on s’étend, plus on récolte de l’information, et plus on la distille… Plus on s’étend. » Il voulait quelque chose de plus concret, peut-être ? « Nous devons négocier des accords privilégiés avec des grands groupes présents aux environs de Seattle. S’ils sont satisfaits de nous, on aura une certaine renommée. On a déjà des informations intéressantes à leur troquer, maintenant… Le tout est d’attirer leur attention comme il faut. C’est là que tu rentres en jeu. Je voudrais également que tu travailles aux côtés de deux personnes en particulier : Salem et Joaquin. » Je marquai un silence. « Non pas parce que vous risqueriez de bien vous entendre… Mais l’inverse. Ils seront ceux avec qui tu risques d’avoir le plus de mal à travailler. Si ça fonctionne, le reste se passera sans encombre. » Salem était très certainement la personnalité la plus entière et intègre du groupe, à l’opposé du tempérament du sexagénaire. Quant à Joaquin ? Il se méfiait des beaux-parleurs. Qui plus est, il s’était inventé plein de beaux principes ces derniers temps qui avaient été mis à mal. J’espérais que Radcliff l’aiderait à en faire table rase une bonne fois pour toutes. Pour les autres, je me faisais moins de soucis. Donovan était facile à vivre, Tony aussi quand on lui foutait la paix. Tiago et Nova ? Ils étaient faits du même bois que lui. Le courant passerait forcément avec eux.